Chapitre 16
Tout le monde s'est endormie. Bien trop occupé à décuver, ils s'étalent de tout leur long, avachi sur le canapé dans des positions abracadabrantesques. Un sourire aurait du effleurer mon visage tandis que je leur dessinais une moustache sous le nez, mais je n'ai pas les pensées sereines.
Ses yeux d'un rouge rubis ne veulent pas quitter mon esprit, comme gravé au fer rouge. Alors même que je ne les discerne plus, c'est comme si elle continuait de m'observer.
Pour en avoir le cœur net, je sors de la maison, passant devant les caméras du porche, allant jusqu'à l'arrière du jardin. Je m'avance tranquillement sous le soleil de l'aurore, à pas de loup, sentant mon cœur tambouriner dans ma poitrine.
Mes mains sont moites et je dois me mordre les joues pour ne pas céder à la panique. Mon instinct veut me pousser à m'éloigner des buissons de la forêt de Grimhill. Le vent effleure mes cheveux blonds, les envoyant valser à l'arrière de mon crâne.
Les feuilles bougent dans des bruissements duveteux, mais à part elles, je n'entends pas le moindre son. Mes yeux se plissent et mon nez se fronce.
Je n'ai pas besoin de le voir ni même de l'entendre pour savoir qu'il est caché ici. Parfois c'est le plus grand détail que l'on voit le moins.
-"Sortez de là avant que j'appelle la police", j'assène en direction des bosquets, d'une voix forte et sure de moi, masquant mes tremblements.
Seul le silence me répond.
-"Je sais bien que vous êtes là. Le dernier mouvement remonte à peine quelques minutes", je lui assure en pointant mon téléphone.
Les notifications se succèdent, tous rangées par ordre et intitulées : « Caméra 1 Lyssandra ». Jamais ma meilleure amie n'aurait pu avoir un tel dispositif. Alors je lui ai proposé mon aide. Les Shaffer lui ont acheté et j'ai fais en sorte de garder un accès.
Grasser la pâte de technicien dans une ville où les plus grandes familles sont corrompus est chose aisées.
Il était hors de question que je ne puisse pas la protéger. Je voulais être sure qu'après le décès de ses parents, tout se passerait bien pour elle.
Ma mère ne le comprenait pas, mais il faut être prêt à TOUT pour ceux qu'on aime.
Je suis une Shaffer et je protège toujours ses arrières.
Un mouvement se fait entendre dans les bosquets, régulier, incapable d'être produit par un simple coup de vent. Ma respiration s'accélère et je peine à garder mon calme car j'ignore réellement de quoi il est capable.
Il surgit de derrière les buissons, agile et s'avance pour apparaitre entièrement dans la lumière. Ses cheveux longs noirs sont attachés en une fausse queue. Sa mâchoire carrée est masculine et creusé. Il porte un costume trois pièces noirs parfaitement ajusté.
Sa cravate est parsemé d'enluminure ou un « B » est brodé tel un blason. Quelques gouttes de rosées du matin se sont déposés sur ses chaussures parfaitement cirée. Sa silhouette élancée et sa démarche assurée dévoilent une confiance innée, accentuée par son charme irrésistible et son visage d'une beauté troublante.
Ses yeux, d'un éclat envoûtant, semblent capables de sonder l'âme de ceux qu'ils rencontrent, laissant entrevoir une profondeur mystérieuse et insaisissable.
Vu la manière dont il se tient, il n'a pas peur des représailles de ses actes.
Et il sait que lorsqu'il sourit, c'est comme si le monde entier s'illuminait autour de lui, ensorcelant tous ceux qui captive son regard. Son charisme naturel transpire à travers chaque geste, chaque parole, captivant son audience avec une facilité déconcertante.
Il est au courant de ce qu'il dégage et il l'utilise.
Il a une allure détendue et nonchalante comme si tout ce qui se jouait été pour lui d'un ennui morbide. Son visage est fermé, l'air ennuyé. Ses chaussures pleines de terres et d'un mélange rouge ocre, sente l'odeur du sang à plein nez.
Ses mains sont cachés dans ses poches si bien qu'une faible trace est perceptible sur son pantalon. Son beau costume essaye de faire de lui un homme élégant et droit, mais l'éclair fugace que je perçois dans ses yeux est celle d'un monstre.
La même était présente dans ceux de ma mère. A présent, j'en suis bien sur, c'est lui qui rodait autour de la maison et il est dangereux.
Il incarne à lui seul le paradoxe de la fascination et de la crainte et il semble parfaitement le savoir.
-"Mademoiselle Shaffer, je ne vous aurais jamais soupçonnée d'être assez rusée pour faire surveiller la maison de votre meilleure amie?", demande une voix sensuelle et suave mais d'un ton détaché et courtois.
Etrangement, il choisit ses mots avec soin et il semble avoir une vrai capacité à s'exprimer. Il parle avec une élégance et une assurance indéniable. Sa voix, d'une tonalité profonde et envoûtante, glisse avec fluidité à travers l'air, capturant l'attention de son interlocuteur dès les premières syllabes.
Il parle avec une cadence mesurée, ponctuant ses phrases de pauses calculées qui ajoutent à son mystère. Chaque expression est accompagnée d'un regard intense, d'un sourire énigmatique, qui amplifie l'impact de ses paroles et renforce son charme magnétique.
Mais surtout, il connait mon nom et ce ton qu'il emploi est si apathique, qu'il semble que rien ne puisse le toucher.
-"Oui Monsieur Nikolay Blackwood", je réponds en plongeant mon regard dans le sien, le transperçant pour que chaque mot le transperce comme une lame.
Ce dernier cligne des yeux, surpris, sa posture change pour prendre une teinte plus amusée. Il me scrute, plissant des yeux avant que son sourire vienne éclairer son visage.
-"Vous êtes imprévisible Mademoiselle. Comment connaissez vous mon prénom ?", demande Nikolay en raboutonnant ses boutons de manchette.
Quoi de plus facile ?
Son costume trois pièces, c'est un Tom Ford comme ceux de mon père. Les premiers prix sont autours du 3 000 dollars et la montre rolex qu'il aborde à son poignet et tout aussi prestigieuse.
Cet homme ne gagne pas un salaire médiocre comme les habitants de Sunhaven Beach. Il doit appartenir à une des trois familles les plus côtés.
Les Shaffers, les Maxwells et les Blackwoods.
Le « B » brodé sur sa cravate est le symbole des Blackwood, une famille autrefois aussi influente que les Shaffer ou les Maxwell. Et contrairement à ses derniers, il ne s'interdisait même pas de divulgué que leur argent provenait du trafique d'armes.
Une moue de dégout passe sur mon visage, alors que j'avale ma salive avec amertume. Toute cette société mondaine est pourri jusqu'à la moelle.
-"Le B sur votre cravate et vos affaires de marque... Il est très dur de se faire passer pour n'importe qui dans une telle tenue", je riposte sur mes gardes.
Ce dernier arque un sourcil ravie de mon constat.
-"Il est bien vrai, mais cela ne vous donne toujours pas mon prénom", continu Nikolay, d'une voix assurée.
-"Certes, mais me pensiez vous suffisamment idiote pour installer des caméras dans la maison de Lyssandra mais pas dans la voiture de son frère ?", je lui demande, acerbe et sur mes gardes.
Le fameux accident dont Lyssandra n'a rien voulu me dire...
Je sais qu'elle me cache des secrets terrifiants et bien enfouie, mais lorsque mes yeux ont regardé la rediffusion, j'étais tétanisée. Jamais je n'aurais pu croire qu'elle courrait un si grand danger.
Cet homme était horrifiant, il attendait à côté de la voiture que Lyssandra et Cassian fuit car il se délectait de les chasser comme des proies. Alors il avait tiré son téléphone et avait appelé celui qu'il avait désigné comme "son maitre", un certain "Nikolay Blackwood".
Celui qui se tient actuellement devant moi a osé envoyé un homme provoquer un accident pour attenter à la vie de mon ami. Et maintenant, il vient de lui même surveiller sa maison.
Dans quel pétrin elle s'est encore fourrée ?
-"Vous êtes vraiment impressionnante et intelligente. Comment aurais je pu en douter ? Les Shaffer ont toujours eu des crocs acérés", continu Nikolay, ne bougeant pas d'un pouce, amusé.
-"Je ne sais pas ce que vous cherchez auprès de Lyssandra mais je vous conseille grandement de ne pas vous mettre une Shaffer à dos", je le menace d'une voix froide et calculée.
Je fais valser mes cheveux blonds, une expression satisfaite sur le visage. Contrairement à ce que j'imaginais, Nikolay s'approche, pas le moins du monde apeuré. Il arbore une expression confiante. Main dans les poches, sourire sur le visage, ainsi découpé dans le levé du soleil, il est magnifique.
-" Vous pensiez sincèrement que je ne saurais pas que vous aviez installé des caméras absolument partout ? Et vous me pensez suffisamment bête pour ne pas connaitre exactement le trajet que vous prenez lorsque vous allez voir votre mère au parloir ? Qui de nous deux sous estime l'intelligence de l'autre Mademoiselle Shaffer ?", demande Nikolay sous forme de question rhétorique.
-"Je...", je commence perplexe.
Il lâche un petit sourire entre ses dents.
-"Et vous m'avez impressionné, un vrai coup de maitre le petit tour que vous lui avez joué", me félicite t'il.
Ma respiration se coupe et mon cœur rate un battement. Je reste figée comme emprisonnée dans la glace, ses mots résonnant dans mon esprit. Il est doué, même impressionnant. Jamais je n'avais rencontré quelqu'un comme lui avant, capable de prévoir et de calculer à sa guise.
Mais malgré tout, je n'ai pas peur car il n'est pas ELLE.
Je plonge ma main dans la poche de ma veste, serrant mon téléphone et les petites puces qui y trainent. S'il pense avoir réussi, il se fourre le doigts dans l'œil.
-"Vous n'avez point démérité. Si j'en sais autant c'est que vous avez réussi à susciter mon intérêt et c'est loin d'être aisé. Vous savez cela fait vraiment très longtemps que je ne me suis pas amusée. Plus rien n'a d'intérêt car quand on vit aussi longtemps que moi car tout finit par s'effondrer. Alors pourquoi je devrais me soucier de quoi que se soit ? Mais vous êtes arrivée à me faire oublier cette philosophie même si c'est pour un instant", déclare Nikolay reconnaissant.
Longtemps ? Il a l'air à peine plus vieux que moi. Est ce qu'il commence à délirer ?
-"Ne pensez pas que je n'ai aucun tour dans ma manche", je déclare un sourire aux lèvre et les yeux pétillants.
Nikolay me jette un regard désolé, puis il s'avance, ses pas flottant presque sur le sol tant il est agile et gracieux. Il est lent, insinuant une douce tension, sachant exactement quand s'avancer et s'arrêter pour accentuer la peur de son adversaire.
Par ses grands airs confiants, il fait preuve d'une démonstration de force. Il veut m'acculer pour qu'avant même que j'ai placé mes pions je décide d'abandonner. C'est malin la manière avec laquelle il a déroulé les informations qu'il possède, sous entendant qu'il en a bien d'autres.
Il est si proche que je peux sentir son parfum aux aromes de bergamote m'effleurer les narines. La chaleur qui se dégage de lui est comme le froid brulant d'un glacier.
-"C'est pour cela, que pour cette fois, par reconnaissance, je vous laisse la vie sauve mais vivez là en sachant que je vous l'ai accordé. Je ne tolérais plus que vous me détourniez de mon objectif. Il est la seule chose qui m'anime. Alors même si ça serait à contre cœur, ne me forcez pas à vous considérer comme un obstacle entre moi et ce que je désire", me menace Nikolay en se rapprochant encore plus.
Un doux parfum se dégage de son costume, une odeur au note de bergamote, d'orange et patchouli. Il me rappelle un coucher de soleil sur une plage tropicale avec ses notes fraîches et vivifiantes.
Un appel suave à la tentation qui me rend autant curieuse que surprise.
Son souffle effleure le haut de mon front. Penché ainsi en avant, à travers sa chemise, je peux sentir ses muscles bandés combler le vide entre nous.
-"Ne me sous estimez pas non plus", je le provoque en plongeant mon regard dans le sien.
Il est confiant. Bien trop. C'est ce qui cause la perte des hommes tel que lui. Je sais qu'il ne résistera pas à tenter de susciter cette peur qu'il attend de voir briller dans mes yeux.
Et je vais lui donner ce qu'il veut. Je vais feindre une terreur tel qu'il pensera être débarrassée de moi.
Je veux qu'il reparte en pensant avoir remporter la victoire, alors que je la lui offre pour mieux remporter la guerre. Nikolay sourit et approche une main douce de la pointe de ses cheveux. Mon regard brille d'une lueur paniqué.
Je fais mine de vouloir me reculer mais il me rattrape. Mon corps tremble comme une feuille et ma respiration désordonnée parvient à son oreille. Il pose un regard sur moi comme pour vérifier que je ne sois pas contre cet acte et notre proximité.
Il analyse chacune de ses respirations avec une prévoyance presque surréaliste. Je sors ma main de ma poche et attrape son poignet, faisant mine de le chasser, agrippant sa montre entre mes doigts.
Il s'approche alors de son oreille pour y chuchoter :
-"Restez loin de mes projets Mademoiselle Shaffer, mais sur ceux, je vais devoir prendre congé de vous. Sachez que vous étiez magnifiques ce soir", finit t'il dans un souffle.
Le temps que je ne réponde, il s'était déjà enfuit dans la nuit noir sans plus ample explication. Mon sourire s'agrandit alors que je fixe mon téléphone. Mon regard se plisse, froid et satisfait. Une expression de contentement s'imprime sur mon visage. Je pianote sur mon téléphone en ricanant.
-"Voyons maintenant quel sera ton prochain mouvement et à quel point tu apprécieras le petit cadeau que j'ai glissé dans ta montre Nikolay Blackwood", je siffle entre mes dents.
Je jette un dernier coup d'œil à l'application qui indique un poing rouge pas loin de Grimhill. Un sourire s'éclaire sur mon visage alors que le slogan apparait « Trouvez ce qui compte », du logiciel de tracking sur mon téléphone.
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Bonjour,
Merci beaucoup pour cette lecture.
On comprend enfin qui est derrière tout ça !
Que pensez vous de lui ?
Merci pour vos retours.
Lunarae.
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