Chapitre 15

La maison de Lyssandra est silencieuse lorsque nous arrivons sur le perron. Les volets sont fermés à double tour et tout est plongé dans le noir absolu. Loin d'être aussi grande que celle de ma famille, la leur respire la bienveillance et l'amour familiale.

-« Rentre, fais pas attention à l'obscurité, Cassian a préféré s'absenter », me sourit Lyssandra en me faisant signe de passer d'abord.

Je fronce les sourcils et passe sous le porche, coloré et décoré avec goût. Accroché aux poutres en bois, un transat traine sur le devant, egayé d'oreiller et de plaid. La seule chose qui dénote avec l'ambiance douce et bohème serait les caméras de surveillance qui peine à trouver leur place. 

Je pénètre à l'intérieur de la maison, le souffle coupé, sentant l'obscurité happé mon cœur. Tout est silencieux, plongé dans les ténèbres. Je distingue à peine les formes que mes souvenirs font vivre dans un amas flou. 

Soudain, la lumière s'allume, brulant ma rétine et obligeant mes yeux à papillonner. Lorsque j'arrive enfin à discerner l'intérieur, je remarque une banderole joyeux anniversaire accroché aux poutres en bois. 

Des ballons décorés de rose pale et de doré scintillent dans la lumière. Et un gâteau à étage est déposé sur la table, confectionnée avec gout.

Lyssandra n'aurait clairement pas l'argent de me faire une telle fête.

-"Mademoiselle. Je ne pouvais rater cela pour rien au monde", j'entends une voix cachée dans l'obscurité.

Je me fige, restant bouche bée en remarque Molly, des confettis à la main. Elle vient me serrer dans ses bras et embrasser mes joues avec affection.

-"J'espère que ce que j'ai préparé vous plait. Mademoiselle Cooke a eu la bonté de m'inviter et de me laisser sa maison pour décorer... ", commence Molly en s'expliquant tant bien que mal.

-"Mais Molly, vous avez déjà tant fait. Vous devriez rentrer chez vous, vous reposer ! Votre travail est terminé !", je m'insurge.

-"Etes vous entrain d'affirmer que j'ai vieilli, jeune fille", fait semblant de s'emporter Molly, un grand sourire sur le visage.

Je me tourne vers Lyssandra qui se tient adossée à l'embassure de la porte. 

Il faudra que je la remercie comme il se doit. 

Je serre Molly dans mes bras et la remercie de tout mon cœur. Son regard s'adoucit encore lorsqu'elle voit que j'ai revêtue sa broche sur ma veste.

-« Les autres risquent d'arriver dans à peine quelques minutes », s'active Lyssandra en poussant les canapés.

-« Les autres ? », je lui demande incrédule en fronçant les sourcils.

Lyssandra sourit de toutes ses dents.

-« Tu pensais vraiment que ce serait une fête d'anniversaire si je ne conviais pas tous ceux que tu connais, de prêt ou de loin, le but est que tu puisses être mise à l'honneur », m'assure t'elle en me prenant à son tour dans ses bras.

Je la serre contre moi, un sourire flottant sur mes lèvres.

-« Je sais à quel point ton anniversaire est dur pour toi. Alors transformons tes souvenirs en quelques choses de plus joyeux », me chuchote Lyssandra.

J'écarquille les yeux mais la serre encore plus dans mes bras. On se détache en entendant les premiers bruits des arrivants sur le perron. Ils s'esclaffent et hurlent mon nom depuis l'extérieur. Ce sont des collègues de l'université et des connaissances mais ça me fait du bien de me sentir entourée et de pouvoir sociabiliser.

-« Je vais accueillir nos nouveaux venues en priant pour qu'il y ait de la place pour tout le monde et en attendant, je te confie à Molly », m'adresse Lyssandra avec un clin d'œil.

Molly attrape mon bras et me tire jusque dans l'ancien bureau du père de Lyssandra. Elle a tout réaménagé en karaoké géant. Un grand tissu blanc recouvre le mur, et notre projeteur a été installé pour éclairé. Les micros trainent des deux côtés et des poufs recouvrent tout le sol. 

Mon regard se pose sur les fenêtres qui sont remplis de décorations rose pale et doré. Au travers, on aperçoit la forêt de Grimhill. 

Un frisson me parcourt instantanément. Dans le jardin, entre les buissons, une ombre se tient, une silhouette obscur avec deux yeux rubis. Ma respiration s'accélère, mon cœur rate un battement alors que je fais volte face vers Molly.

-« Est-ce que tu as vu quelques choses ? », je lui demande en pointant du doigt le jardin, tremblante.

Elle secoue la tête, un air triste sur le visage. Molly se mord la lèvre et remet ses lunettes sur son nez.

-« Mademoiselle. Je pense que cette journée vous ramène à des souvenirs qui vous font imaginé des choses qui n'existent pas », me confie Molly attristé.

-« Tu dois surement avoir raison », je lui réponds avec un soupir.

Mais mon regard aiguisé se plonge de nouveau dans le décors. Etrangement, il n'y a plus rien, comme si la silhouette n'avait été qu'un mirage. 

Mon téléphone sonne et je jette un coup d'œil rapide. Mes yeux se froncent, et je le mets en veille en entendant les autres arrivants pénétrés dans la salle de karaoké.

-« Cette fête est digne des Shaffer », s'extasie une jeune femme que j'ai rapidement rencontré à Blisscrystal.

-« Les cocktails sont succulents », renchérit une voix masculine.

Le monde se fait de plus en plus dense. Les gens viennent tous me saluer. Certains chantent et se mettent en petit groupe pour discuter, tandis que d'autres dansent sur la piste prévu par Molly. 

Les basses des Shaffer résonnent dans toute la maison de Lyssandra. L'alcool et le buffet est grandiose. Je discute, danse, flirt, tout ce que j'adore et je sens que ma meilleure amie est fière du petit effet qu'elle vient de procurer. 

Pour au moins cette anniversaire, je me sens accompagnée et entourée. 

Puis épuisée par tout ce monde, je finis par prendre l'air sur le porche. Le vent frais me caresse les cheveux, et le bruissement des feuilles émets un bruit de fond calme et apaisant. Je retrouve Lyssandra, une cigarette dans la bouche, ses yeux fixant l'immensité de la forêt de Grimhill en bordure de sa maisonnée. 

-"Oh tu es là, tu profites pas de la fête ?", s'inquiète t'elle, soucieuse. 

Je me mords la lèvre, je sais bien que ma meilleure amie ne va pas bien et j'ai du mal à l'aider malgré tous mes efforts. J'essaye de tout cœur mais je ne peux que culpabiliser de m'amuser et de la laisser de côté. 

-"Je voulais te remercier sincèrement, ce que tu as fais compte beaucoup pour moi", j'entame la discussion avec elle, reconnaissante.

Un sourire malicieux s'esquisse sur ses lèvres alors qu'une bouffée de fumée s'échappe dans l'air. 

-"C'est ce qu'aurait fait n'importe quelle amie", m'assure Lyssandra en plongeant son regard dans le mien. 

J'avais presque l'impression qu'elle me transperçait tant elle avait le don de sonder mon âme. Je m'avance vers elle, m'accoudant contre la rambarde du perron, mon regard fixé au loin vers la forêt. Mes bras ainsi déposés, ma cicatrice est durement visible, rappelle constant de ce que j'ai perdu.

Sans un mot, elle pose doucement sa main sur mon bras, comme pour apaiser la douleur qui y est attachée. Son geste, plein de compassion, fait remonter en moi des souvenirs enfouis, des moments que j'ai tenté d'oublier

-"Tu as toujours respecté mon choix de ne jamais parlé de ma mère malgré que ça ait fait le tour des journaux. La célèbre Keira Shaffer arrêté par la police pour violence sur mineur", je me mords la lèvre, sarcastique.

Lyssandra caresse mon dos avec douceur. 

-"Je voulais que tu attendes le moment où tu serais prête pour en parler. Et s'il ne venait jamais c'est n'est pas grave. Je n'ai pas besoin d'être au courant de tout pour te rendre heureuse", me sourit t'elle en crachant quelques bouffées de fumées. 

Une larme unique roule le long de ma joue. 

-"Mais toi et Molly vous avez été d'une aide inestimable dans les moments difficiles. Je suis désolée d'être aussi nostalgique, revoir ma mère a été comme une décharge au cœur, et je crois qu'on se débarrasse pas de ça aussi facilement", je lui assure doucement. 

Lyssandra m'adresse un soupire compatissant. Elle n'a jamais été doué pour réconforter ou donner des conseils mais parfois avoir juste une oreille qui puisse écouter et le plus beau don que l'on peut offrir. 

-"Ma mère ne m'a jamais fais de cadeau d'anniversaire, ni de fête. Elle se contentait de boire et de cracher son venin dès qu'elle pouvait...", dis je, mes mots mourant dans ma gorge. 

A cette simple évocation, les souvenirs affluent, brûlants et intenses. Je revois ma mère, impeccablement dressée dans le grand hall, ses talons claquant sur le marbre, ses yeux froids et calculateurs posés sur moi.

-"Evelyn, viens ma chérie", hurle ma mère du bas des escaliers. 

Surprise je fronce les sourcils mais descend les marches avec entrain. La journée contrairement au soir, elle est parfaite pour les apparitions. 

Ainsi dans la lumière, elle ressemble à une poupée de porcelaine. Une peau si blanche et un air si froid, qu'elle ressemble à une poupée de porcelaine. 

-"J'ai un cadeau pour toi aujourd'hui. Je n'ai pas oublié ton anniversaire. C'est tes seize ans après tout", m'assure t'elle avec un grand sourire. 

Je reste un instant abasourdi, puis un immense sourire illumine mon visage. Mon cœur semble sur le point d'exploser tant ses battements sont intenses. Ma respiration s'accélère et s'emballe avec une rapidité fulgurante. 

C'est la première fois que ma mère me fait un cadeau d'anniversaire, et cette surprise me remplit de joie. Alors elle me tire par le bras, ses doigts se plantant dans ma chair avec avidité, perforant ma peau de ses longs ongles. Les chaleurs de sa peau contraste avec la violence de son acte.

Elle me traîne jusqu'au salon et me tend le cadeau. La boîte est joliment emballée, mais je peine à ignorer la douleur et le malaise provoqués par ses doigts. Mon cœur bat toujours aussi fort, partagé entre l'excitation de ce premier cadeau et la douleur de sa poigne.

Je prends le paquet avec des mains tremblantes, chaque pulsation de douleur rappelant la complexité de ce moment. Elle me traine jusqu'au salon et me tend le cadeau. 

C'était un morceau d'acier, taillé et retravaillé pour formé un K. 

Je fronce les yeux surprises, mais laisse un sourire éclairer mon visage.  

-"Que c'est beau !", je m'exclame. 

C'était l'espoir et le contentement qui m'avait fait parlé, enfin ma mère m'avait offert quelques choses même si son cadeau était étrange. Elle aurait pu ne rien faire et simplement le souhaiter que j'en aurais été heureuse. 

Mais c'était sans compter cette expression malsaine et mauvaise qui orne son visage. Celle que je connais si bien. 

-"Aujourd'hui tu vas être marquée ma chérie", hurle t'elle euphorique en plongeant le morceau de fer dans le feu de la cheminée. 

Je la supplie encore, mon sourire sur mes lèvres, empêchant mes larmes de couler, mais elle ne veut rien entendre. 

Rien n'est mieux que l'extase qu'elle ressent à savoir qu'elle me fait souffrir et que je lui appartiens. 

D'un geste vif, elle plaque le métal chauffé sur ma peau. Je ne peux empêcher le hurlement de douleur de s'échapper de mes lèvres. Une vague de feu déferle dans tout mon corps, comme si je me consumais de l'intérieur. 

La brûlure du métal s'imprime sur ma chair, marquant cette lettre à jamais. Mon regard est fixé avec horreur sur les cloques rougeâtres qui apparaissent, chaque pore se plissant sous la chaleur intense.

L'odeur est insoutenable, pire que tout. Elle évoque celle d'un cochon rôti à la broche. Mes hurlements déchirent l'air, des cris de souffrance pure, tandis que je prie pour une délivrance qui ne vient pas.

J'attend, désespérée un sourire sur mes lèvres que quelqu'un vienne me sauver. Mais encore une fois, personne n'est venu. 

Et malgré mes cris d'effrois qui résonne, mes larmes de douleurs arrachées à mes yeux, je continue de sourire car je ne peux lui en vouloir...

Pour une fois elle m'avait offert un cadeau d'anniversaire.

Je suis sortie de mes pensées en sentant les bras de Lyssandra m'envelopper. Elle me serre doucement contre elle, mon esprit bercé par les battements de son cœur. 

-"Tu sais, si tu ne veux pas en parler, tu n'y ais pas obligé. Je suis avec toi et ceux pour toujours et c'est tout ce qui compte", m'assure t'elle un sourire aux lèvres. 

Je lui rends son étreinte sereine, la chaleur de son amitié apaisant légèrement ma douleur. Mais malgré ce sentiment de bonheur qui comble mon cœur, un frisson passe sur ma nuque. Mon regard se perd à l'extérieur, et soudain, j'ai l'impression de voir ces deux même pupilles rougeoyantes me fixer à travers les arbres.

Je fronce les sourcils, tentant de discerner cette étrange présence, mais la pénombre et la distance rendent l'observation presque impossible. Le malaise grandit en moi, une tension invisible qui serre ma poitrine.

Je me tourne légèrement vers Lyssandra, hésitante.

-"Lyssandra, tu vois quelque chose là-bas ? Près des arbres ?", je lui demande.

Elle suit mon regard, plisse les yeux, puis secoue lentement la tête.

-"Non, je ne vois rien. Tu es sûre que ça va ?", me demande t'elle.

Je lui souris, essayant de me convaincre moi-même.

-"Oui, ne t'inquiète pas."

Mais mon cœur bat plus fort. J'ai cette sensation horrifiante et persistante d'être observée, comme si des yeux invisibles scrutaient chaque mouvement. Un frisson glacé me parcourt l'échine. 

Je regarde de nouveau vers les arbres, mais les deux pupilles ont disparu. Un silence lourd pèse sur l'air, et je sens une tension que je n'arrive pas à expliquer.

Au fil de la soirée, je reçois plusieurs notification sur mon téléphone que je zieute à chaque fois d'un air perplexe. Je me sens comme une marionnette sur la scène, mes mouvements scrutés, analysés par un regard que je ne parviens pas à identifier. 

À chaque fois que je tourne la tête, je sens cette présence, cette ombre qui semble me suivre partout, me fixer avec une intensité troublante. Mes mains tremblent, mon cœur bat la chamade, et une boule d'angoisse se forme dans ma gorge.

Je me force à sourire, à rire avec mes amis, mais à l'intérieur, je suis en ébullition. À plusieurs reprises, je tente de repérer cet inconnu dehors, mais il semble toujours se fondre dans l'ombre, insaisissable, inaccessible. 

Mes amis ne remarquent rien, absorbés par leurs conversations et leurs rires, et je me sens seule, isolée dans cette lutte silencieuse contre l'inconnu qui m'obsède. Chaque fois que je croise son regard, une étrange vague d'incompréhension me submerge. 

Qui est-il ? Pourquoi me fixe-t-il ainsi ? Et surtout, que veut-il de moi ? 

Des questions tourbillonnent dans mon esprit, sans réponse, alimentant ma confusion grandissante.

Mais il est hors de question que je ne réussisse pas à découvrir qui est cet inconnu.

*******************
Bonjour à tous,
Je vous présente un nouveau chapitre sur Evelyn. 
Merci beaucoup à vous. 
Lunarae. 

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