Chapitre 1
Dans les ruelles étroites de ma petite ville au sud de la Californie, ma mélodie ensorcelante flotte dans l'air fais de la fin d'après-midi. Les notes de mon violon dansent comme des feux follets, attirant l'attention de ceux qui passent à proximité de ma fenêtre.
Mes doigts courent sur l'instrument dont les cordes créer des cornes sur ma peau nue. Mes yeux se ferment et mon esprit se perd dans la mélodie entrainante qui résonne comme un écho dans mon âme. Lorsque je joue, j'ai l'impression d'être si forte qu'aucun tracas ne peut m'ébranler.
Je suis moi-même, loin des regards affamés qui me zieutent chaque soir ou de leurs mains perverses qui tentent de courir sur ma peau. Je m'échappe de ces lieux de perversions, de cette barre de pole et des portes de ce bar qui se referme sur moi comme une cage sans échappatoire.
Ce monde où les créatures surnaturelles vivent dans l'ombre des hommes et tire les ficelles du proxénétisme, des réseaux de drogues en tout genre et des coins malfamé de Sunhaven Beach.
Et j'ai le malheur de ne pas faire partie des ignorants.
Ainsi mes peines me quittent pour quelques instants confiés à mon public anonyme qui défile dans la rue attenante.
Un éclair zèbre le ciel, suivi d'un grondement lointain, à travers la fenêtre ouverte. Les nuages s'épaississent rapidement, obscurcissant le ciel et m'enveloppant dans une obscurité menaçante.
Je sursaute, sortant subitement de ma musique. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Je suis figée, incapable d'effectuer le moindre mouvement. Un frisson d'angoisse me parcourt l'échine alors que le bruit sourd de l'orage résonne dans mon esprit comme un écho.
Ma respiration s'accélère nerveusement, alors que mon regard ne peut se détacher des premières gouttes de pluie qui caresse la vitre d'un son régulier. J'ai l'impression que l'eau s'écoule le long de ma nuque et m'engloutit tout le corps. Les palpitations reprennent de plus belle alors que mes mains commencent à trembler.
La panique me saisit comme une vague déferlante dans un tourbillon infernal. L'eau a le don de faire monter dans mon être une blessure enfouit qui marque mon âme d'une empreinte indélébile.
Les souvenirs s'imposent à mon esprit : les corps de mes parents dérivant dans l'océan, leurs hurlements de détresse grondant dans mes tympans et l'odeur englobante du sel marin. Ils sont décédés d'une noyade en mer, il y a plus d'un an ; une perte dont je ne me suis jamais réellement relevée.
Maintenant, l'eau fait parti de mon cauchemar.
Les doigts tremblants, j'essaye de reprendre ma mélodie. La musique m'a toujours permise de m'évader et d'arrêter de penser au passé traumatisant où à la souffrance de mon présent.Mais les notes se brouillent dans le tumulte croissant de la tempête extérieur.
J'entends le vent sifflant comme s'il m'enlaçait. La partition se transforme en un chaos discordant. Le cri de ma propre panique se reflète et s'amplifie par l'instrument. Je n'arrive plus à lutter contre les eaux troubles qui hurle dans mon âme.
Je lâche mon instrument qui s'écrase par terre dans un bruit sourd et je ne retiens pas un hurlement de terreur qui fit écho dans toute la maison. J'entends les pas alertes de mon grand frère qui surgit en sursaut balayant la porte d'un coup de pieds. Puis, dans un élan complice, il m'enlace avec douceur.
-« Mon dieu Lys, tout va bien ? », s'inquiète t'il les traits tirés de panique en plaquant ses cheveux bruns en arrière.
Il ne tarde pas à comprendre en apercevant la fenêtre entrouverte, le violon abandonné gisant à mes pieds, et mes yeux rougis des larmes que je viens de sécher. Je prends une grande inspiration pour essayer de calmer mon angoisse déraisonnée et chasser les souvenirs de mon passé qui me reviennent.
Je déteste inquiéter mon frère et devenir le centre de l'attention. Il est le seul qui puisse me voir dans cet état, et encore, ces instants se font de plus en plus rare.
Depuis la mort de nos parents, je me suis renfermée, protégée derrière une carapace forte, c'était ma manière de faire mon deuil sans finir brisée en petit morceau. Pour Cassian, c'est tout le contraire. Cette perte lui a donné l'envie de s'ouvrir et l'occasion de discuter avec moi. Il voulait se rapprocher et partager notre douleur.
Mais ça n'a pas marché.
Je suis incapable de confier mes troubles et mes tourments, car cela ne ferait que les rendre plus réels.
-« Ne t'en fais pas Cassian, j'ai juste été surprise par la tempête », je lui mens avec un sourire faux éclairant mon visage.
-« Tu n'es pas seule, Lys », murmure Cassian, ses mots résonnant comme un baume apaisant « Je suis là. Je serais toujours là, petite sœur ».
Son front se ride traduisant toute l'inquiétude et l'envie de retrouver notre complicité. Mais il est hors de question que je lui confie mes peines et mes douleurs alors qu'il a déjà tant à la charge. Cassian s'apprête à m'enlacer de nouveau mais je me recule, attrapant le violon et le rangeant dans son étui.
Ses yeux bleus océan se posent sur moi avec une douceur triste, scrutant mes mouvements, les bras ballants en quête de réponses qui ne viennent pas. Il se mord la lèvre, l'air soucieux et les traits ridés par l'appréhension.
-« Lys, je pense que tu devrais aller voir quelqu'un. Depuis la mort de nos parents, tu t'enfermes dans un mutisme qui t'empêches d'avancer. Tu n'arrives plus à te confier et tu ne fais que jouer le rôle de la petite sœur modèle. Mais chaque jour, les tâches les plus simples deviennent des défis insurmontables. Prendre une douche, affronter la pluie, contempler la mer... Tout semble devenir une épreuve écrasante qui te submerge. La peur constante n'est pas une vie, c'est une prison sans barreaux », essaye de me raisonner Cassian en s'asseyant en face de moi avec un regard empreint de préoccupation.
Je serre les poings et les dents. En tant que grand frère il a toujours eu tendance à porter le rôle du donneur de leçon. Et je ne suis jamais arriver à saisir cette main tendue. Nous faisons notre deuil différemment, et moi je préfère faire ce chemin seul.
-« Merci de t'inquiéter mais je vais bien. J'ai juste besoin de plus de temps. On fait chacun son deuil à sa manière et la mienne n'est pas dans la démonstration. Alors je te demande juste d'être patient », je le rassure en lui donnant un maigre sourire.
-« Et ce moment se sera quand ? Tu as eu tout le temps pour balayer la culpabilité et la tristesse qui te ronge, Lys ! C'était un accident, il y a plus d'un an et tu es la seule à te tenir responsable », tente de me convaincre mon grand frère.
Je le fusille du regard en me mordant la joue pour m'empêcher de répliquer trop violemment. Mes poings se crispent et mon ventre se noue dans une colère croissante. La tension dans la pièce est palpable alors je reste assise sur son lit, les dents serrées essayant de calmer la colère qui gronde dans mon corps.
-« Ce sera lorsque je serais prête et que j'aurais fini mon propre parcours de deuil, ce qui à mon sens, est un chemin à faire seule », je réplique plus durement que je ne l'aurais voulu.
La gorge de Cassian se serre, son propre chagrin remontant à la surface. Je suis la seule famille qui lui reste et qu'il me chérit bien plus que la prunelle de ses yeux. Mais il a du mal parfois à se fixer des limites. Il se mord la lèvre en poussant un soupire.
-«En tout cas, sache que tu ne seras jamais un fardeau pour moi, Lys. Jamais. Je serais toujours là pour toi, quoi qu'il arrive. Et j'aimerais vraiment qu'un jour, tu décides de me laisser t'aider», se plaint Cassian un regard attristé avant de quitter la pièce.
La pluie maintenant passée, j'ouvre la fenêtre pour m'attabler sur le rebord. Je sors de ma poche un paquet de cigarette pour en tirer une. Habillement de mon autre main, j'allume mon zippo pour la faire flamber. Je la porte à ma bouche dans un soupir d'aise et d'extase.
L'odeur vint m'envahir les narines et la nicotine ne tarde pas à enfler dans mes poumons, chassant mon angoisse et mon stress. Prise entre mes deux doigts, j'expire la fumée soulagée, avant de tirer une autre bouffée.
Un bruit aigu retentit et je reconnais immédiatement la sonnerie écœurante de notre porte d'entrée. Je n'ai pas besoin de descendre pour prévoir qui se tient de l'autre côté, il n'y a qu'une seule personne sur cette terre qui serait assez folle pour me déranger pendant ma pause cigarette.
Evelyn. Une amie chère qui a la fâcheuse tendance à être hors norme et excentrique.
-« Ne bouge pas Cassian, je vais ouvrir », je lui hurle en écrasant ma cigarette dans le cendrier.
Je descends à toute allure les escaliers et ouvre la porte avec enthousiasme. Immédiatement, ma meilleure amie me prend dans ses bras comme si elle avait attendue toute l'après midi derrière de pieds fermes.
Elle a été mon plus grand soutient après ce drame tragique. Elle comprend que je ne veux pas en parler mais s'efforce de me changer les idées avec son style bien particulier. Evelyn est connue pour son excentricité qui ne laisse personne indifférent.
Ses vêtements sont d'une féminité éblouissante, tantôt des corsets osés que des robes bustiers. Bien qu'elle ait une préférence pour la dentelle et les tissus luxueux, elle a le don d'assortir chacune de ses tenues à la perfection avec ses courbes lui conférant l'élégance et grâce.
Ses cheveux blonds coulés comme l'or et son maquillage est toujours en accord avec ses yeux d'un vert émeraude profond.
-« Lyssandra, ce visage ne passe pas du tout. Tu comptes sortir dans cet état ? Il en est hors de question ! », grommèle Evelyn en faisant la moue.
Elle est ma bouée de sauvetage pour cacher à Cassian mon métier de la nuit. Chaque soir, elle m'aide à m'enfermer un peu plus dans un monde où flotte la douce odeur de sexe et de drogue. Et j'ai beau haïr cet endroit, elle sait tout comme moi, que pour subvenir à nos besoins, c'est le seul moyen.
Depuis la mort de nos parents, le métier de sauveteur en mer de mon frère, ne suffit plus et les fins de mois sont rudes. La douleur que je ressens dans les yeux de mon frère lorsqu'il cherche un euros pour acheté le pain m'a convaincue.
-« Tu ne pouvais pas tomber mieux avec cette idée brillante », je souris avec un rictus malicieux.
-« Cassian mon cher mixologue, prépare nous un apéritif digne des dieux pour notre pré-soirée ? Oh, et attention, gratuit de préférence, nous ne sommes pas à Vegas !», coordonne Evelyn, d'un ton théâtral, en posant un court regard dans sa direction.
Cassian lève les yeux au ciel, excédé, retenant dans sa barbe le prochain soupir qui veut passer la barrière de ses lèvres. Ses sourcils se froncent et sa mâchoire se serre comme un étau près à se refermer mais il n'ajoute rien sûrement par respect pour moi.
Je sais qu'il n'a jamais réussi à apprécier Evelyn.Il ne fait que me rabâcher sa mauvaise influence et qu'elle n'a aucun savoir vivre. A son goût, elle ne donne que des ordres et porte une franchise qui n'a d'égal que son impudence.
-«Et tu sais quoi ? Il parait qu'il y aura plein de beaux mecs à draguer. Qu'est-ce que tu en dis ? Cette soirée va te permettre de t'éloigner et potentiellement oublier ton connard d'ex qui t'a trompée avec cette pouffiasse de Sarah», ajoute ironiquement Evelyn toute heureuse en me tirant par le bras pour aller à la salle de bain.
Elle m'installe avec un sourire d'euphorie et d'extase, pour faire croire à Cassian que c'est juste une soirée entre filles amusante et exaltante. Puis, elle me remonte le menton pour commencer à étaler le fond de teint.
-« Tenez les filles », fit Cassian en posant les verres dans la salle de bain. « Et Lys, tu m'appelles quand tu veux rentrer, je viendrais te chercher ».
-« Oui, maman on y pensera », raille Evelyn en levant les yeux au ciel.
Cassian lève les yeux au ciel avant d'ajouter :
-« Lys c'est une très mauvaise idée cette soirée. Depuis la mort de nos parents, tu y vas tous les soirs dans ce bar. En plus d'être au bord de l'eau, c'est un repère de brutes, de drogués et d'addicte au sexe. Qu'est-ce que ça peut bien t'apporter ?», proteste Cassian, soucieux.
Son front est plissé et ridé d'une veine saillante d'inquiétude. Ses mains se croisent et se décroisent nerveusement et ses sourcils se froncent. Je me rends vite compte à quel point il est inquiet pour moi.
-« Arrête de t'inquiéter, tout se passera bien. Disons que ça me permet simplement de penser à autre chose», je rétorque durement.
Je suis un peu abrupte avec lui mais c'est le seul moyen pour qu'il ne fourre pas son nez dans mes affaires...
Je jette un coup d'œil à l'horloge et manque de m'étouffer. Si nous partons pas maintenant, je vais être en retard.-« Je ne veux pas vous couper mais il est l'heure d'y aller maintenant si on ne veut pas être en retard, allons faire sensation, ma chère », finit Evelyn d'un air théâtrale.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine alors que nous nous dirigeons vers le bar. Je sais que ce soir, je vais devoir jouer un rôle, dissimuler ma véritable identité derrière un masque de séduction et de frivolité.
C'est le prix que je dois payer pour garder mes secrets enfouis, et assurer notre sécurité contre les créatures de l'ombre, même si cela signifie trahir la confiance de mon frère.
La nuit s'étend devant moi, pleine de promesses et de périls. Et alors que je m'engouffre dans les ténèbres, je me prépare à affronter l'abîme de désespoir qui m'attend.
Car dans ce monde de mensonges et de trahisons, il n'y a qu'une règle : survivre à tout prix.
*****
Bonjour à tous, me revoilà déjà.
Voici les premiers chapitres concernant le personnage de Lyssandra.
J'espère qu'il vous a plu !
Sur ceux, je vous laisse découvrir la suite...
Lunaerae.
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