10. Rapprochements

Point de vue de Geoffrey

L'odeur de pizza s'est répandue dans tout l'habitacle. Comme convenu avec Olivier, je suis passé en chercher avant d'arriver chez eux. J'ai vraiment passé l'âge de ces bêtises mais le cas d'Anthony est plus important que mes états d'âmes. J'y vais quand même avec des pieds de plomb en pensant au fauteuil qui m'attend gentiment chez moi et à la possibilité d'avoir une lettre de Curiosity.

- Courage, soupirais-je, le retour au bercail n'est pas pour tout de suite!

Arrivé devant l'appartement, j'attends que l'un des deux vienne m'ouvrir. Mes mains, d'habitude glacées, sont réchauffées par les boîtes chaudes du repas. Comme quoi, il n'y a pas que des inconvénients à cette petite soirée improvisée.

- Ah les pizzas! cria Jack.

- Ravi de te voir aussi!

- Oh je plaisante Geo! Je suis content que tu sois là. Et les gars, v'là le livreur!

Visiblement, ils passent un bon moment. Ça ne peut être que bénéfique pour le plus jeune. Olivier et Anthony sont affalés dans le canapé, chacun une manette dans les mains. Leurs doigts bougent à une telle vitesse que je ne suis pas tous leurs déplacements. Je ne comprendrai jamais rien à cette génération je crois!

- Notre sauveur! On commençait à avoir faim! Comment vas-tu? m'interpella Oli.

- Me poses-tu vraiment la question ou essaies-tu simplement de me soudoyer pour avoir un morceau?

- Voyons! Tu me connais assez pour savoir que c'est pour avoir la pizza, rigola-t-il.

- C'est bien ce qu'il me semblait! Tu vois ce qu'ils me font subir Anthony? Aucun respect, c'est désolant!

L'adolescent nous regarde comme s'il suivait un match de tennis. Ses yeux sont grands ouverts et son air prouve qu'il ne sait pas comment réagir. Je n'ai toujours pas entendu le son de sa voix mais sa tête de poisson hors de l'eau me fait éclater de rire.

- Ne fais pas attention. Ils sont toujours comme ça, expliqua Jack. Tu en as pris assez pour tout le monde au moins?

- Tu vois? Pas un pour rattraper l'autre!

Tandis que nous ouvrons les cartons et qu'Oli sort les assiettes, j'observe le gamin du coin de l'œil. Il n'est visiblement pas très à l'aise avec mon arrivée et essaie de se faire le plus petit possible dans le coin du fauteuil. Il est recroquevillé dans son coin, les genoux remontés près de sa poitrine, ses bras entourant ses derniers.

- Et si nous faisions un pique-nique? proposais-je. On s'installe dans le salon avec nos assiettes tout en bavardant.

- Excellente idée! Je suis pour et toi Antho?

Vu la facilité avec laquelle ils sont rentrés dans mon jeu, ils feraient de sacrés bons parents! Je me ferais d'ailleurs un malin plaisir de jouer les papys gâteau si un jour ils m'en donnaient l'occasion. J'ai déjà commencé avec Sylvie et Sophia, mais ici, nous parlons d'Olivier.

Nous mangeons tout en discutant de choses et d'autres. L'adolescent se détendant à vue d'œil, sa posture est beaucoup moins crispée. S'il ne prend pas part à la conversation, au moins rit-il à nos blagues.

Malgré l'ambiance bon enfant, je ne peux empêcher mon esprit de me ramener sans arrêt à Curiosity. Que penserait-elle de la situation? Ferait-elle quelque chose pour ce jeune? Je ne la connais pas encore assez pour pouvoir l'affirmer mais je suis sûr qu'elle ne le laisserait pas avec ses problèmes sur le dos.

- Hey Geo! s'écria Oli. Où es-tu parti cette fois?

- Arrête! Je suis certain qu'il est déjà en train de penser à son fauteuil!

- Avec sa belle couverture, rajouta mon fils de cœur en riant.

- Quand vous aurez fini de vous moquer de moi, vous me faites signe les gars!

Ils partent dans un fou-rire qui ne donne qu'un sourire à Anthony. Une idée un peu folle me passe par la tête mais qui ne tente rien n'a rien!

- Ça te dirait d'aller te balader? lui demandais-je tout à coup. J'ai bien envie de les laisser se débrouiller pour ranger.

Il a l'air étonné par ma proposition mais ne refuse pas pour autant, sans doute trop content d'échapper aux corvées. L'air s'est rafraîchi par rapport à cet après-midi et ma veste n'est pas de trop. Arrivés au parc qui se situe non loin de l'appartement, nous nous asseyons sur un banc. Personne ne dit mot mais le silence n'est pas pesant. Il s'agit plus d'un moment de contemplation et de repos.

- Vous n'êtes pas son père, affirme-t-il me prenant par surprise.

- Effectivement mais c'est tout comme. Ce n'est pas à moi de te raconter son histoire mais sache qu'il n'a pas eu la vie facile. Il a grandi sans figure paternelle et sans le vouloir, j'ai pris ce rôle quand nous nous sommes rencontrés.

- Vous tenez beaucoup à lui, murmura-t-il.

- Comme à la prunelle de mes yeux. Lui et son frère sont les enfants que je n'aurai jamais.

- Comment ça jamais?

Si je veux qu'il me confie son histoire, je dois y mettre du mien. Après quelques minutes de réflexion, je me décide à lui confier un petit bout de la mienne.

- Ils ont découvert une tumeur lors d'un examen, débutais-je. Ils ont pu l'enlever mais j'ai dû faire de la chimio et prendre un traitement pendant plusieurs mois. Je suis en rémission mais...

- Mais vous ne pouvez plus avoir d'enfants, comprit-il.

- Non. Un effet secondaire paraît-il. Et ça me crève le cœur... J'ai toujours rêvé de voir mon fils ou ma fille rire à gorge déployée ou même avoir son diplôme. Je pense souvent à tous ces moments que nous aurions pu partager et qui n'auront jamais lieu.

- Mais vous avez Olivier maintenant.

- Et Tonio et les autres, riais-je. Ils sont ma vie, ne te méprends pas sur mes paroles mais même si je les aime, ce ne sera jamais pareil.

- Vous formez un groupe assez étrange.

- Et encore, tu n'as pas rencontré tout le monde, souriais-je. Au départ, il n'y avait que nous deux et puis les autres sont venus se greffer au fur et à mesure. Maintenant nous sommes une vraie famille. Mais tu connais la différence entre la nôtre et les autres?

- Non, répondit-il.

- Nous nous sommes choisis. Nous n'avons pas besoin des liens du sang pour nous aimer.

Je le laisse cogiter un peu sur ces dernières paroles. Il est tard et le parc se vide de plus en plus de tous ses occupants. Seuls restent les oiseaux et autres animaux qui récupèrent leur territoire pour quelques heures.

Le silence perdure mais n'est pas gênant. C'est apaisant de pouvoir partager ce moment hors du temps avec ce gamin. La nuit est à présent bien tombée et nous recouvre de son manteau noir. Les lampadaires sont l'unique source de lumière. Ils nous font une haie le long du chemin nous invitant à le suivre.

Sans nous concerter, nous nous levons et rentrons en direction de l'appartement des garçons. Arrivés à mi-chemin, mon compagnon de route reprend la parole.

- Pourquoi faites-vous ça pour moi? Je ne suis personne pour vous.

- Je ne peux pas te laisser comme ça, lui expliquais-je après quelques secondes de réflexion. Je ne sais pas ce qu'il se passe entre ton oncle et toi. Mais mon instinct me crie haut et fort de faire quelque chose. Et il ne m'a jamais induit en erreur jusqu'à maintenant.

- Il ne se passe rien, murmura-t-il.

- Écoute, je sais que ce genre de situation est compliquée. Je respecte ton silence. Peu importe la raison de ce dernier. Tu crois agir pour un mieux en te taisant. J'aurais probablement agi comme toi, soufflais-je enfin. Mais ce n'est pas à toi de protéger ton oncle. C'est lui l'adulte, pas toi.

- ...

- Je veux seulement que tu saches que nous sommes là pour t'écouter et te protéger. N'aies pas peur de ce qu'il pourrait se passer. Tu n'es plus seul.

Il ne reprend pas la parole, perdu dans son univers. Il n'est pas encore prêt à se confier. Après tout, nous ne sommes que des inconnus pour lui. Le pas n'est pas facile à franchir. Surtout quand le problème vient de la seule personne qu'il nous reste. J'espère cependant avoir pu lui donner matière à réflexion.

Je ne lui ai pas menti. Nous serons là, quoi qu'il arrive. Mais nous n'interviendrons pas sans qu'il ne soit consentant. À moins que la situation ne dérape franchement et qu'il ne soit en danger immédiat.

Nos pas nous ont guidés vers l'appartement. Nous entendons Olivier râler à travers la porte ce qui nous donne automatiquement le sourire. Je sors les clés prêtées par ce dernier et nous rentrons complètement ahuris par le spectacle qui se joue sous nos yeux.

Mon fils gonfle, ou plutôt essaie de gonfler un matelas pneumatique... sur lequel Jack est assis. Le coach est mort de rire tandis que son vis-à-vis est aussi rouge qu'une tomate.

- Non mais vous y croyez vous? nous interpela le seul garçon debout. Je me tue à remplir ce truc et il ne trouve rien de mieux que de s'asseoir dessus!

Le regard d'Anthony croise le mien un millième de seconde mais ça suffit à nous faire éclater de rire. Ils sont vraiment irrécupérables ces deux-là.

Après nous être calmés, nous nous décidâmes quand même à donner un coup de main pour l'installation du matériel. Cette soirée promettait d'être épique!

Une demi-heure plus tard, j'ai laissé les jeunes entre eux. Pas qu'ils m'aient mis dehors, au contraire. J'ai juste passé l'âge de dormir dans un salon, à regarder des films en mangeant du popcorn!

Les mains sur le volant, je ne peux m'empêcher de bailler. La journée a été longue pour tout le monde. Je veux juste retrouver mon lit et dormir jusqu'à demain matin! Ma place favorite près de la porte d'entrée est miraculeusement vide. J'en profite donc pour me garer.

Je me dirige alors vers mon immeuble quand mon visiteur quotidien vient me dire bonjour. Ce chat n'a visiblement personne pour s'occuper de lui! Il est câlin au possible et bien décidé à se frotter dans mes jambes. Est-ce la soirée avec Anthony ou autre chose? Je ne sais pas mais pris d'une inspiration subite, je le prends dans mes bras et caresse sa fourrure. Elle est vraiment douce sous mes doigts. Il a l'air d'apprécier puisqu'il se met à ronronner, me donnant des petits frissons.

- Tu peux venir avec moi mais juste pour ce soir, lui dis-je en le regardant dans les yeux.

Comme s'il pouvait comprendre mes paroles, il se mit à ronronner de plus bel.

- Allons bon! Moi aussi je t'aime bien! riais-je.

La boule de poils dans les bras, je pris mon courrier et remontai chez moi. Enfin! Une fois le tas déposé sur la table, je déposai délicatement mon compagnon à quatre pattes avant d'enlever ma veste et de la pendre au porte-manteaux. Mes chaussures allant prendre leur place attitrée sous le banc de l'entrée.

Première chose à faire: lui donner à boire et lui dégotter quelque chose à grignoter! Une fois fait, je le laisse manger à sa faim avant de le prendre direction la salle de bain.

- Tu as beau être un invité, il faut être propre le chat, lui expliquais-je les yeux dans les yeux. Je vais te donner un petit bain pour débarbouiller tout ça.

Je ne suis absolument pas sûr de moi sur ce coup! D'après mes connaissances les félins n'aiment pas l'eau mais je ne peux pas le laisser comme ça. Au pire, je devrai laver le sol...

Contre toute attente, il s'amuse dans l'eau et a l'air de plutôt bien apprécier le moment. Je tente ma chance avec un gant de toilette pour le nettoyer entièrement et lui redonner une figure plus ou moins convenable. L'eau claire ne tarde pas à devenir noire sous la crasse du pauvre animal. Ce n'était vraiment pas du luxe! Armé d'une serviette toute douce, je l'essuie à sa sortie de l'évier, transformé provisoirement en baignoire.

- Maintenant que tu es tout propre, c'est mon tour! dis-je au félin qui me répondit en miaulant.

Je fis rapidement ma toilette et enfilai mon pyjama, complètement éreinté. Arrivé dans le salon, mon fauteuil me tend les bras et je m'y installe avec un soupir de bien-être.

À peine ai-je le temps de fermer les yeux que le chat sautait et s'installait en boule sur mes genoux. Ma main vint automatiquement caresser son pelage, pour le plus grand plaisir de mon nouvel ami.

Cette plénitude hors du temps me fit partir dans les bras de Morphée, sans même avoir eu le temps de regarder si une lettre m'attendait...

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Enfin la suite! Il ne se passe pas grand chose mais Anthony commence à faire partie intégrante de l'histoire et ces moments sont importants pour la suite.

Mon but est de m'améliorer à chaque avancée de nos amis.  Le défi... tenter de faire plus de descriptions donc je vais essayer promis.

Bon après-midi les loupiots. J'espère que le prochain chapitre viendra plus vite.

Bisouilles les p'tits loups

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