Pourquoi ?
TW : mort, assassinat
Leandru était heureux de pouvoir apporter son aide aux civils blessés mais il avait le mal du pays. Cependant l'état de Robert l'empêchait de partir et de quitter le manoir de Georges Laugret. En effet, le père de Marius et Juliette s'était mis à boire et il passait presque tout son temps au café du village, délaissant un peu plus ses deux enfants.
Tous les soirs, Robert rentrait tard, complètement ivre et il passait plus d'une heure à vomir dans le jardin avant d'aller s'effondrer sur son lit.
Leandru avait alors décidé d'éloigner Marius et Juliette de leur père, le temps que Georges parvienne à le ramener à la raison. Edwige pouvait à présent marcher normalement : elle en profitait pour accompagner Leandru, Marius et Juliette qui faisaient de longues promenades dans le vaste parc qui entourait le manoir. La jeune fille n'était pas insensible au charme discret qui émanait du corse. Elle avait eu du mal à croire qu'il avait le même âge qu'elle tant son regard presque sévère et l'aura de force qu'il dégageait lui donnait l'apparence d'un homme de vingt-cinq ans au moins.
Mais la douceur dont il faisait preuve avec les deux enfants avait impressionné Edwige. Tandis qu'elle tenait la main de Juliette, elle observait en souriant Marius et Leandru faire la course. Bien entendu le petit garçon ne pouvait rivaliser avec le jeune homme et Edwige s'amusait des astuces qu'il trouvait pour laisser gagner l'enfant.
Depuis leur cuisine, Gisèle et Georges observaient la scène en souriant mais l'homme remarqua assez vite une certaine inquiétude sur le visage de son épouse :
- Que se passe t-il ?
- As-tu déjà remarqué la manière dont Edwige regarde Leandru ?
- Oui. Mais je crains pour cette petite qu'elle aille au-devant d'une immense déception.
Leandru veut rentrer chez lui. Je doute qu'il se lie avec une jeune fille enceinte d'un autre, même si je pense qu'il a beaucoup de respect pour elle.
- Il est peut-être engagé ailleurs ?
- C'est possible mais peu probable, il est encore jeune.
- Ou il y a en Corse une jeune fille dont il est amoureux. Ce qui expliquerait sa hâte de rentrer.
Dans le parc, Leandru, qui ne se doutait absolument pas que son hôte parlait de lui, s'était assis sur le banc où se trouvait Edwige. Essoufflé, il regardait Juliette et Marius courir partout et leur sourire lui fit chaud au cœur.
- Ils sont courageux ces deux enfants...
- Oui. Surtout que leur père les ignore totalement à présent.
- Que vas-tu faire à présent Leandru ?
- Les conduire chez le frère d'Alice, comme c'était prévu. Mais nous en sommes encore très loin.
- Où habite-t-il ?
- A Carpentras, dans le Sud.
Edwige posa alors brièvement sa main sur son ventre :
- Georges m'a parlé d'un couvent à cinquante kilomètres d'ici. Il m'a dit que je pourrais confier mon bébé aux sœurs et qu'elles l'élèveront.
- Quoi ? Tu...tu vas abandonner ton bébé ?
- L'homme que je croyais aimer n'a jamais existé. Et, dis-moi, qui voudrait d'une femme qui a déjà un enfant d'un autre ?
Leandru comprit que la jeune fille lui lançait implicitement un message. Il attendit un instant avant de parler, prenant bien soin de peser ses mots pour ne pas peiner Edwige.
- Tu devrais prendre le temps de réfléchir Edwige. Ne commet pas un acte que tu regretteras ensuite toute ta vie.
Et puis...je suis certain que tu te trompes, tu trouveras un homme qui saurait t'aimer à ta juste valeur.
Edwige se leva brusquement, elle se tourna vers le manoir mais avant de pouvoir faire un pas, Leandru lui prit doucement le bras :
- Dans quelques semaines je l'espère, je pourrais rentrer chez moi. Ce serait très malhonnête de ma part de...
- N'en dit pas plus. Je suis vraiment ridicule.
- Tu as vécu des moments difficiles c'est normal que tu te sentes un peu perdue.
- Tu es fiancé ?
- Non. Mais ce n'est pas pour cela que je vais profiter de toi. J'ai beaucoup de sympathie pour toi Edwige et je suis vraiment désolé par ce qui t'es arrivé mais je...
Des cris perçants interrompirent la conversation : Leandru chercha rapidement des yeux Marius et Juliette et il les découvrit non loin d'un arbre. Le petit garçon était tombé et il se tenait la jambe en pleurant à chaudes larmes. Le jeune homme se précipita vers lui et le pris dans ses bras pour le consoler : heureusement il n'avait qu'une vilaine égratignure mais il fallut à Leandru de longues minutes pour le calmer et le rassurer. Edwige prit Juliette par la main et ils rentrèrent tous les quatre au manoir.
Le lendemain, la jeune fille se montra un peu plus distante avec Leandru et ce dernier la laissa tranquille, bien conscient qu'elle devait digérer sa déception. Cependant son regard triste fut remarqué par Georges.
- Elles sont compliquées les femmes petit...
Le jeune homme, qui s'apprêtait à sortir avec Marius se tourna vers son hôte :
- Hum...que voulez-vous dire ?
- Je crois savoir ce qui se passe avec Edwige. Mais tu verras, elle comprendra vite qu'elle devait te laisser partir. Et crois-moi mon garçon lorsque tu rencontreras celle qui t'es destiné, tu le sauras !
Leandru dévisagea Georges avec un sourire gêné et ce dernier lui conta son histoire :
- Gisèle...c'était un sacré numéro et quel fichu caractère ! Mon père a failli avoir une attaque lorsque je lui ai annoncé que je voulais l'épouser. Elle m'avait repoussé je ne sais combien de fois, elle disait qu'elle me détestait mais finalement...nous sommes mariés depuis trente ans.
Tu sais petit, Edwige n'est pas une fille pour toi. Il te faut une demoiselle comme ma Gisèle, indomptable, têtue, tenace, qui t'en fera voir de toutes les couleurs mais à l'honnêteté et la loyauté inébranlables. il te faut une femme qui t'aimera de manière indéfectible toute sa vie et qui sera prête à tout pour toi. Je suis certain que, chez toi, il doit y avoir quelques jeunes filles qui répondent à cette description. Peut-être bien qu'au fond de toi, tu sais déjà qui est celle qui peut faire battre ton cœur et c'est pour cela que l'attitude d'Edwige t'a troublé.
Leandru ne répondit pas et il suivit d'un pas rapide Marius dans le jardin. Il connaissait en effet une jeune fille qui répondait trait pour trait aux caractéristiques énoncées par Georges mais cette fille...oh non, il n'y avait aucune chance qu'elle lui vole son cœur.
Les paroles de son hôte firent cependant réfléchir Leandru. S'il avait hâte de revoir Merusaglia, il était déjà fatigué rien qu'en songeant aux conflits qui ne manqueraient pas de reprendre avec les Csaleccia.
Tout cela lui semblait à présent bien futile face aux horreurs de la guerre. Il se doutait que ce serait peine perdue mais il allait tenter de raisonner Elisabetta à son retour. Il ne voulait plus de disputes, plus de rumeurs, il voulait juste vivre en paix. Et il allait surtout devoir...lui présenter des excuses pour avoir si lâchement abattu son chien.
Les civils que George hébergeait étaient repartis depuis quelques jours. Seule Edwige, n'ayant plus aucune famille était restée sur demande du couple Laugret. Ils terminaient leur repas dans la cuisine lorsqu'un bruit sourd leur parvint aux oreilles. Gisèle prit Marius et Juliette par la main et elle les emmena au sous-sol où George avait aménagé deux caves.
Leandru insista pour qu'Edwige les rejoigne mais la jeune fille refusa. Avec une certaine angoisse le corse vit à travers la fenêtre, deux énormes blindés et deux camions allemands pénétrer dans la propriété.
Au même moment, Robert fit son apparition en provenance du village, totalement soûl.
Les soldats allemands l'observèrent d'un air narquois mais ensuite, Leandru vit que leur regard amusé disparu et ils le menacèrent de leur arme. Comprenant que Robert avait sans doute eut des mots déplacés en raison de son état d'ivresse, le jeune homme voulut sortir pour empêcher un nouveau drame. Mais George le retient par le bras.
Leandru eut du mal à se contenir lorsqu'il vit les Allemands rouer de coups le père de Marius et de Juliette. Mais il n'eut pas le temps de réagir car les soldats se présentèrent à la porte d'entrée et frappèrent dessus violemment.
Georges leur ouvrit en essayant de dissimuler sa peur.
Dans un mauvais français les allemands demandèrent de la nourriture puis ils se mirent à fouiller le salon, le bureau, la bibliothèque et la cuisine à la recherche d'argent.
Ils emportèrent dans un sac des bibelots et le petit coffret à bijoux que Gisèle laissait dans un tiroir du bureau. Puis ils revinrent dans le hall d'entrée et l'un des officiers détailla Edwige des pieds à la tête. Avec un petit rictus mauvais, il l'empoigna et la força à le suivre à l'extérieur. Ce fut trop pour Leandru qui tenta de s'interposer mais il reçut un violent coup à la tête et il s'écroula sur le sol.
Quand il revint à lui, il vit que les allemands essayaient de faire grimper Edwige dans l'un des camions : la jeune fille se débattait comme elle pouvait tout en essayant d'éviter les coups que lui donnaient les allemands. Leandru ne put en supporter davantage : il ramassa une grosse branche dans la pelouse et il se précipita vers les camions.
Robert, malgré son état d'ébriété se releva au même moment et il essaya de faire reculer les soldats.
Leandru en profita pour assommer deux allemands mais cela ne fut pas suffisant. Il reçut un coup de pied dans le dos et il tomba par terre. Il ne put qu'assister impuissant à l'atroce scène qui se déroula ensuite sous ses yeux. Un officier sortit une arme et il la pointa sur Edwige : il fit feu à trois reprises et la jeune fille s'écroula sur le sol en se tenant le ventre.
L 'homme se tourna ensuite vers Robert et il lui tira deux balles dans la tête. Un autre lui demanda de partir et c'est presque à regret qu'il détournà l'arme de Leandru.
Les allemands sautèrent ensuite dans leurs véhicules et ils repartirent aussi vite qu'ils étaient venus.
Leandru se traîna vers Edwige qui respirait difficilement : le jeune corse savait que ses blessures étaient trop graves pour être soignées.
Il la prit doucement dans ses bras et il sanglota en la regardant :
- Je suis désolé, je suis tellement désolé...
La jeune fille avait du mal à parler mais elle se redressa comme elle put pour plonger ses yeux dans ceux de Leandru :
- J'aurais aimé te rendre heureux. Promets-moi...promets-moi que...
- Chut....ne parle pas, il ne faut pas...
- Leandru, tu es...courageux et j'espère...que tu trouveras....celle qui...comme toi...
Les yeux d'Edwige semblèrent alors se figer sur le visage du jeune homme et elle cessa de parler. Puis, tandis que le corse l'étreignait un peu plus contre lui, elle rendit son dernier soupir.
Leandru tourna alors la tête en entendant un gémissement non loin de lui : il déposa avec précaution Edwige sur le sol et il avança lentement vers Robert qui, touché mortellement lui-aussi, vivait ses derniers instants.
Ses derniers mots furent pour son épouse disparue :
- J'arrive Alice. Attends-moi.
Leandru tomba à genoux à côté du corps sans vie en murmurant :
- Pourquoi ? Pourquoi ?
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Je suis horrible, je sais je suis horrible....Mais voilà c'était prévu dans ma trame, je voulais vraiment que Leandru soit confronté aux horreurs de la guerre pour qu'il devienne un autre homme à son retour chez lui.
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