Oublier les vieilles querelles
Deux jours plus tard, Leandru essaya à nouveau de convaincre sa grand-mère de le soutenir lorsqu'il devrait révéler à ses parents qu'il aimait Elisabetta Casaleccia.
- Ecoute-moi bien Leandru, je...
- Non, toi écoute-moi grand-mère. Je comprends bien que tu as de la rancœur pour Alba Casaleccia mais c'était il y a plus de cinquante ans ! Quel est le résultat à présent ? Vous êtes veuves toutes les deux.
- Il faut que je sache : pourquoi un tel empressement ? Elisabetta est-elle enceinte ?
- N...non !
Les rougeurs qui apparurent sur le visage de Leandru n'échappèrent pas à Rose Venazzi.
- Tu m'as dit que tu n'avais pas compromis sa pureté. Est-ce toujours le cas ? Non, ne dit rien, tes yeux parlent pour toi. Mais, j'espère que tu réalises que si tu te retrouves en plus avec un enfant né hors mariage...
- Elisabetta n'est pas enceinte ! Elle...nous...
- Ton grand-oncle se retournerait dans sa tombe s'il savait que tu as commis le péché de chair.
- Grand-mère !
- Le nies-tu ?
Le jeune homme fut incapable de soutenir le regard perçant de son aïeule et surtout, il se sentit incapable de lui mentir.
- Déshonorer une jeune fille, une Casaleccia qui plus est ! Mais que t'est-il donc passé par la tête ?
- Non, je ne l'ai pas déshonoré ! Nous...Tu nous as condamnés grand-mère ! En refusant de nous aider, en refusant de parler pour nous à nos deux familles, nous savons parfaitement que nous ne pourrons jamais être heureux ensemble.
Je n'ai pas commis de péché. Elisabetta est la seule femme qui compte pour moi, je me suis engagé auprès d'elle, j'ai juré de la protéger et de l'aimer.
Et je ne laisserai plus Martin Giacobi poser ses mains sur elle.
Rose Venazzi finit par ne plus pouvoir supporter la détresse qui se lisait sur le visage de Leandru. Très raide, elle s'avança vers son petit-fils :
- Je ne tiens pas à organiser ton enterrement Leandru. J'aurais aimé que tu fasses d'autres choix mais ce qui est fait est fait. Et si en plus un enfant nait de tes amours avec la jeune Casaleccia, je ne veux pas qu'il se retrouve privé de son père dès sa naissance.
Il me semble qu'Alba passe l'après-midi à l'atelier de tissage ?
Leandru regarda sa grand-mère avec stupéfaction et, de peur qu'elle ne change d'avis, il s'empressa de lui donner le bras afin de rejoindre rapidement l'atelier des Casaleccia situé entre Convento et Stretta.
Leandru se demandait comment il allait bien pouvoir faire pour y entrer lorsqu'il aperçut Alba à l'arrière de la demeure.
Le jeune homme lui fit un signe discret de la main lorsqu'elle l'aperçut et la vieille femme lui fit comprendre qu'il pouvait entrer par la porte arrière qui donnait sur une réserve.
Leandru suivit la grand-mère d'Elisabetta avec une certaine appréhension : étant donné le conflit qui opposait les deux femmes, il craignait que cette rencontre pas vraiment désirée ne tourne à la catastrophe.
Rose Venazzi fut la dernière à pénétrer dans la petite pièce qui servait à entreposer la laine. Alba Casaleccia leur demanda de l'attendre un instant puis la vieille femme partit chercher Elisabetta qui se trouvait dans l'atelier.
Le visage crispé de sa grand-mère fit comprendre à la jeune fille qu'il se passait quelque chose de grave et quand elle se trouva dans le petit couloir qui menait à la réserve, elle s'en inquiéta auprès de son aïeule.
- Que se passe-t-il grand-mère ?
- Chut. Suis-moi.
Elisabetta étouffa un cri de surprise lorsqu'elle se retrouva face à Leandru et Rose Venazzi. Sans se préoccuper de cette dernière, le jeune homme s'approcha de celle qu'il aimait et avec un petit sourire forcé il lui prit les mains. Il résista à son envie de l'embrasser et se contenta de déposer un baiser léger sur son front. Puis il l'emmena un peu à l'écart et il chuchota à l'oreille d'Elisabetta :
- Elle a accepté de parler à ta grand-mère. Elle...hum...elle sait que...elle pense que tu es enceinte.
- Quoi ? Mais...
- Peu importe si cela arrive ou non Lisa. Et si c'est le cas, j'en serais très heureux. Tu es celle que je veux dans ma vie et ça, ma grand-mère l'a enfin compris.
Je me demande...tu crois que si nous avons une fille elle aura ton caractère ?
- Leandru !
Elisabetta dévisagea le jeune homme à la fois outrée et amusée. Ce dernier l'enlaça tendrement puis ils se tournèrent lentement vers Alba et Rose qui ne s'étaient pas encore adressé la parole.
Rose Venazzi cependant, songea en observant son petit-fils, qu'il avait le même côté protecteur que son père avec sa mère. Elisabetta portait peut-être son enfant et elle réalisa, en le voyant la prendre dans ses bras, que Leandru ne changerait pas d'avis, qu'il était profondément amoureux de la jeune fille et qu'il était sans doute capable de tout pour faire accepter son choix.
- Je crois qu'il est temps pour nous d'oublier nos vieilles querelles.
Alba Casaleccia se tourna vers Rose tout en se tordant les mains nerveusement.
La grand-mère de Leandru fit un petit signe de tête puis elle désigna son petit-fils en soupirant :
- Il est têtu comme une mule et...il serait bien capable de faire une grosse bêtise si je ne le surveille pas un peu. Mais il sait comment s'y prendre avec moi ce garçon...
Je crois que nous aurons bien besoin de deux ans pour préparer leurs parents et leurs frères respectifs à une nouvelle qui ne va pas leur plaire.
Alba Casaleccia regarda ensuite Elisabetta et cette dernière prit doucement Leandru par la main pour l'amener à l'étage de la maison. Les deux jeunes gens savaient que la discussion que leurs grand-mères devaient avoir ne les concernait pas et ils ne demandaient pas mieux que de pouvoir bénéficier d'un moment d'intimité.
Elisabetta ouvrit la porte d'une ancienne chambre qui avait été transformée en bureau et, à peine la porte de la pièce refermée, Leandru la poussa contre le mur pour l'embrasser et la serrer tout contre lui.
A bout de souffle, la jeune fille regarda ensuite son compagnon :
- Ta grand-mère pense vraiment que...que je...
- Elle ne comprend pas pourquoi du jour au lendemain j'ai décidé de faire de toi ma femme. Je lui ai expliqué que tout ce que j'ai vécu sur le continent m'avait beaucoup fait réfléchir et...je lui ai dit que tu n'étais pas enceinte.
- Mais je le suis peut-être !
- Oui, et ?
- Nous ne sommes pas mariés. Et je serais considérée comme...comme...
- Nous le voulions tous les deux Lisa. Je t'aime et je me suis engagé auprès de toi. A mes yeux, nous sommes déjà unis, tu n'as rien fait de mal.
Et...je serai très fier de fonder une famille avec toi. Tu sais, Emilia est née alors que Charles venait seulement d'avoir vingt ans.
N'y pense plus. Et...si tu préfères que nous...que je ne te touche plus alors je...je respecterai ton choix.
Elisabetta posa lentement ses mains sur le torse de Leandru puis elle dévisagea ce dernier d'un air peiné :
- Je ne me sens pas prête à...non, je...
- Chut...tu n'as pas à te justifier.
Afin de lui changer les idées, Leandru demanda à la jeune fille de lui parler de Niolu et immédiatement le sourire revint sur son visage. Elisabetta adorait le petit chien même s'il n'écoutait pas beaucoup les ordres de sa maîtresse.
Les deux jeunes gens se mirent ensuite d'accord pour se revoir en cachette dans la bergerie de Sampieru Casaleccia le lendemain puis ils rejoignirent Alba et Rose qui discutaient toujours dans la réserve. Les deux femmes avaient les yeux rougis mais elles se forcèrent à sourire lorsqu'elles virent apparaître Leandru et Elisabetta.
Rose s'approcha de la jeune fille et l'observa un instant :
- Mon petit-fils t'a choisie et je ne souhaite que son bonheur. Alors,...si je veux éviter de le perdre, je dois accepter son choix. Il t'a vraiment offert un cursinu pour ton anniversaire ? Dire qu'il y a un an il ne cessait de t'insulter...
Oh ne fait pas cette tête-là Leandru. D'ailleurs, je ne suis pas certaine qu'Elisabetta serait ravie d'apprendre que tu...
- Grand-mère s'il te plait !
Leandru fixait à présent Rose d'un air apeuré. Mais c'est Alba Casaleccia qui intervint alors :
- Lisa n'a sans doute rien à lui envier je pense...
Les deux jeunes gens se regardèrent alors très ennuyés puis ils se sourirent : ils se doutaient bien, connaissant le caractère de l'autre et les différents qui les avaient opposés, qu'ils n'avaient pas été tendres l'un envers l'autre.
Leandru quitta ensuite l'atelier avec sa grand-mère tandis qu'Elisabetta regagna sa maison. La jeune fille se sentait soulagée de pouvoir compter sur le soutien de Rose Venazzi mais elle se demandait comment elle allait pouvoir patienter deux ans avant de révéler son secret à sa famille.
Tant de choses pouvaient arriver en deux longues années.
Et puis il y avait la guerre. Elisabetta savait que Leandru serait, comme tous les hommes des deux clans, rappelé dans l'armée si les Alliés tentaient de renverser l'occupant allemand.
La jeune fille avait vécu des semaines horribles à se demander s'il n'était pas arrivé malheur à Gabriel, Jean ou François, elle ne voulait plus revivre cela.
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