8.2

Munich, 8 août 1940.

La maisonnée n'était pas encore tout à fait réveillée lorsque le son répété des pas frappant le sol résonna dans les couloirs. Narcissa Malfoy se trouvait dans sa chambre, son mari ayant déserté le lit conjugal peu après l'aube.

L'aristocrate se parait pour la journée qui l'attendait, revêtant une robe sublime agrémentée de bijoux délicats. Ses cheveux blonds caressaient le creux de ses reins alors qu'elle jetait un brève œillade à son reflet. Même la fatigue ne parvenait pas à entacher sa beauté que les années avaient rendue toujours plus éblouissante. Une once de tristesse ornait son regard bien moins acéré que celui de son fils qui lui manquait tant.

Elle vivait, aussi improbable ce constat puisse-t-il être, les conséquences de cette guerre plus péniblement que l'on aurait pu l'imaginer. Séparée de son fils, abandonnée au sein d'un foyer où la solitude la rongeait, elle traversait de pénibles instants. Pire encore, elle savait que ces années n'étaient que les premières d'une longue ère. Peut-être ne connaîtrait plus jamais un monde tel que celui où elle avait grandi. Un monde sans terreur dans lequel les fils ne seraient plus arrachés à leurs mères.

Un sursaut lui échappa lorsque la porte s'ouvrit en fracas et laissa se dessiner la silhouette du serviteur qui se dessina dans l'embrassure. Celui-ci s'écria, avalant les mots et débitant précipitamment la raison de son irruption :

—Excusez-moi, madame Malfoy, il s'agit de votre fils !

Un regain d'intérêt s'invita sur les traits fins de la femme qui parvint tant bien que mal à canaliser les émotions interdites qui égayaient ses sens. Son fils ! D'un pas conquérant et sûr, elle s'avança vers l'autre qui observait sa tenue parfaite digne de son statut social. Il tendit devant lui le plateau en argent où le combiné était sagement posé.

— Bien, Dobby, donnez-le-moi.

Il obéit sans attendre, sans même songer à refuser. Narcissa se saisit de l'objet avant d'intimer au serviteur, d'un ton clair :

—Tu peux disposer.

Dobby quitta la pièce après avoir s'être incliné exagérément, laissant la maîtresse de maison seule. Le cœur battant, elle déposa le plateau sur le lit et s'assit juste à côté, le téléphone toujours en main. Elle souffla profondément, un trouble émotionnel dévorant son visage harmonieux. Se saisissant de l'opportunité, elle colla le combiné contre son oreille et la voix de Draco retentit, faisant disparaître tout le reste aux yeux de sa génitrice :

—Mère ?

—Oui ? Draco ?

Un court silence suivit, et Narcissa imagina sans peine le visage de son fils. Elle imagina l'inquiétude, la terreur même, imprégner ses traits et son angoisse reprit le dessus.

—Mon petit, dis-moi que tout va bien ?

—Je vais bien, mère, je vais bien, souffla Draco.

La voix du jeune homme n'était pas aussi assurée qu'à l'ordinaire et cela, seule sa mère pouvait le remarquer. Le mensonge perçait dans les paroles de son enfant et elle pressa le combiné contre son oreille tout en le serrant entres ses doigts pâles et fins.

—Est-ce que... Comment va Blaise ? s'enquit la voix à peine reconnaissable.

—Il se porte mieux. Un médecin s'occupe de lui et m'a promis qu'il survivrait.

—Est-il toujours inconscient ?

—Oui, il ne s'est pas encore réveillé. Essaie de ne pas trop t'inquiéter pour lui, d'accord ?

Le silence de Draco sembla suffisamment explicite, comme révélateur de sa pensée. Celui qui se trouvait à quelques centaines de kilomètres, tremblait d'une fièvre atroce, celle de la peur qui rongeait sa conscience petit à petit. Il espérait, se contentait d'illusions et s'accrochait à la moindre once d'espoirs. Cette fois, une esquisse de solution se dessinait face à lui, et il ne contentait pas laisser fuir sa chance. Méritait-il une telle opportunité ? Peu importait les conséquences ou le prix à payer, le blond vendrait son âme pour le salut de son meilleur ami.

—Je vous en prie, ne me mentez pas. Sa situation est plus préoccupante que vous le prétendez, mère, n'est-ce pas ?

—Draco...

—Est-ce que père est là ? coupa l'interpellé, d'une voix plus pressante.

—Non, il est parti tôt ce matin.

Un soupir parfaitement audible combla le court silence. Représentation infime de son profond désarroi. Narcissa, crispée au milieu de son lit immense, attendant que la nouvelle tombe, pendue aux lèvres de son fils et au combiné qu'elle ne lâchait plus. Le cœur au bord des lèvres, sa respiration se suspendit d'impatience mesurée.

—J'ai besoin de vous. Je sais que ma demande va vous paraître... incongru et que vous n'allez sans doute pas en comprendre les raisons mais...

—Dis-moi, Draco. Je ne veux pas de mensonges, explique-moi ce qu'il se passe.

—Je voudrais le transférer ici, mère.

—Pardon ?

Narcissa put presque l'entendre déglutir. Imaginer les expressions qui habitaient le visage de l'aristocrate n'avait rien de complexe. Face à sa génitrice, les émotions qu'il masquait si aisément refaisaient surface. Comme une vague longtemps retenue et qui déferlerait sur le rivage toute la puissance contenue. Prête à tout ravager sur son passage.

—Blaise, j'aimerais pouvoir le transférer ici, à Strasbourg. Il y sera en sécurité.

—Mais Draco, je ne pense pas qu'un médecin là-bas acceptera de le prendre en charge, contra Narcissa, un brin de pitié teintant sa voix claire.

—J'en fais mon affaire, rétorqua immédiatement sa progéniture.

—Ton père et moi avons eu de grandes difficultés à ce que Blaise soit pris en charge par un médecin.

—Je sais, mère.

Draco soupira, en proie aux interrogations qui ne l'avaient plus quitté depuis sa rencontre nocturne. D'où pouvait bien sortir une telle idée ? Était-il bien prudent pour la sécurité et la santé du métis de l'amener jusqu'ici ? L'abandonner aux soins d'un homme dont il ne connaissait rien et juif de surcroît ne risquait-il pas de les mettre en danger ?

Pourtant et malgré tout cela, sa conscience lui murmurait que cette solution était la bonne. Que Blaise serait bien mieux soigné par un jeune médecin alsacien qu'ici, par un spécialiste grassement payé par ses géniteurs. Que c'était bel et bien ce que son meilleur ami aurait choisi s'il en avait eu le pouvoir. Son visage souriant s'imposa soudain à son esprit, sa peau chocolat et ses prunelles brillantes de vivacité et d'enthousiasme. Il ne pouvait pas abandonner son existence à un être qui se fichait certainement bien de la valeur de sa vie. Non, il n'en avait pas le droit !

—Un médecin l'attend déjà à Strasbourg, mère. Faites-moi confiance, je vous en prie.

—Draco, es-tu certain que...

—Oui, j'en suis certain. J'ai seulement besoin de votre aide, que vous m'aidiez à le faire venir jusque Strasbourg sans que père n'en sache rien.

Narcissa réfléchit à toute allure. Lucius serait fortement mécontent que son fils intervienne ainsi dans ses affaires mais pouvait-il réellement résister à sa délicieuse femme ? Cette dernière était loin de l'image de la beauté sans cervelle que l'on pouvait se faire d'elle. Bien au contraire et celle qui se complaisait en silence dans l'ombre richissime de son mari ferait n'importe quoi pour venir en aide à son fils unique.

—Bien.

Merci, mère, souffla Draco, enfin soulagé du poids qui écrasait son corps.


Apparition du personnage de Narcissa.  Que pensez-vous d'elle après ce petit aperçu ? 

Une solution se dessine, si elle promet d'être complexe, elle pourrait bien sauver la vie de Blaise (et rapprocher deux personnages qui ne semblaient avoir rien en commun jusqu'à présent). 

C'est tout pour cette semaine, profitez bien de vos derniers jours de vacances <3

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