5.1
Strasbourg, 5 juillet 1940.
La nuit fut des plus pénibles pour Harry. Les heures s'éternisaient et l'obscurité grignotait toute part d'humanité tandis que le jeune juif grelottait de froid. Allongé sur une couche inconfortable, il avait à peine fermé l'œil. L'angoisse dévorait ses entrailles, le menant aux portes d'interrogations sombres et sans nom.
Dans les méandres de cet infini, l'homme avait laissé une larme couler le long de sa joue. Une larme silencieuse et solitaire qui s'écrasa sur le sol. Le noir s'infiltrait dans chaque part de son être, investissant l'espoir qui bravait bravement tout cet acharnement.
Que faisait-il là au juste ? Où se trouvait la justice ? N'existait-elle donc pas en temps de guerre ? Harry apprendrait bien plus tard que plus rien n'avait de sens dans un tel conflit, même l'humain tendait à perdre ce qu'il lui restait de conscience. Qu'allait-il lui arriver après cette courte nuit aux mains de l'ennemi ? Y survivrait-il ? L'enfer existait bien et si le Français ne s'y trouvait pas encore, il avait l'affreux sentiment que le sentier emprunté l'y menait tout droit.
L'âme douloureusement prise en otage par d'obscurs desseins, Harry geignait au cœur du silence devenu assourdissant. Il suppliait ses défunts parents de lui laisser la vie sauve, implorait des dieux dont il ne connaissait ni le nom ni l'existence de ne pas le dérober aussi vite. Le calme entrecoupé des gémissements des prisonniers rendait l'air si dur que même respirer s'avérait complexe.
Finalement, le jour arriva. Bien sûr, l'homme n'en eut jamais la certitude puisque le sous-sol était éternellement baigné d'ombre même s'il le comprit à l'agitation qui gagnait les autres détenus. Il se redressa doucement, ignorant la protestation de ses muscles endoloris. Son estomac vide hurlait de faim alors que son esprit grouillait d'interrogations toujours plus vivaces. Et maintenant ? Quel sort lui était destiné ?
Harry dut attendre une ou deux heures supplémentaires -il avait définitivement perdu toute notion du temps- avant que quelqu'un ne se manifeste pour lui. Quelque part, il aurait certainement souhaité que cet instant ne se présente jamais, mais il fut forcé de se résigner à cette bien triste réalité lorsque le colosse de la veille s'invita dans son champ de vision.
Sans prononcer la moindre parole, le dénommé Goyle déverrouilla la serrure dans le son caractéristique des clés s'entrechoquant contre le métal. Le ventre noué, l'autre se leva au ralenti. Il savait qu'il n'y échapperait pas alors pourquoi se débattre inutilement ? Plus tard et s'il le fallait, Harry n'hésiterait pas à puiser dans une bravoure occasionnelle, mais solide.
—Est-ce que...
—Tais-toi ! rétorqua le soldat, en allemand.
L'intéressé obéit et se laissa guider, traînant les pieds tout en suivant de mauvaise grâce l'allure imposée par autrui. Ils gravirent dans un silence de marbre les marches et les couloirs du grand bâtiment. Le stress montait, agaçant les nerfs sensibles d'Harry.
Goyle s'arrêta devant une porte close, toqua fermement sans même adresser un regard au juif qu'il tenait fermement par le poignet. Une voix se fit entendre, puissante et forte, à peine étouffée par le mur qui les sépare :
—Entrez !
Ce fut au tour de l'Allemand d'obéir, invitant de manière très persuasive le plus jeune à pénétrer dans la petite pièce. Cette dernière était en tout point identique à celle de la veille, mais, à la grande surprise d'Harry, un autre homme se tenait assis devant le bureau. Avoisinant la cinquantaine, il arborait un regard sévère et un visage entièrement fermé. Ses cheveux grisonnants se faisaient rares sur le haut de son front et ses mains noueuses étaient calmement posées devant lui.
Le juif s'invitait dans les locaux de la gendarmerie réinvestie par la Gestapo et la SS allemande. Il entrevoyait, à travers ce béton armé froid et insensible, toute la perversion nazie. Les croix gammées couvraient chaque mur et lui procurait un dégoût singulier jusqu'à provoquer la nausée.
—Harry Potter, dit-il, relisant les notes laissées par Draco la veille.
L'intéressé ne réagit même pas, son cœur battant à toute allure dans sa poitrine. Il se sentait prisonnier de cette pièce dont les murs nus le dérangeaient particulièrement. Le regard, d'un brun opaque, de son aîné le lorgnait sans relâche avant qu'il ne s'enquiert, plus pressement :
—C'est bien ça ? Tu es bien Harry Potter ?
—Oui, répondit celui-ci, dans un souffle.
L'Allemand opina sèchement. Son Français était très incertain et il cherchait visiblement ses mots tout en conservant une contenance presque dérangeante.
—La fiche à ton nom n'est pas complète, mon collègue n'a sans doute pas eu le temps de finir.
Les deux langues se mélangeaient dans la bouche d'un homme qui parvenait malgré tout à se faire comprendre. C'était l'essentiel et les mots percutaient durement le jeune Potter.
—Quel âge ? Réponds !
—Vingt-un ans.
Après cela, les questions s'enchaînèrent. Harry songea un instant à ne pas répondre, à se rebeller comme la veille. Pourtant, la présence menaçante de Goyle à sa droite et le pistolet reposant sur le bureau l'incitèrent à parler sans discontinuer. Il répondait sans réfléchir, sans qu'il n'existe la moindre différence entre ses pensées et ses paroles.
Cela s'éternisa durant de longues minutes avant qu'une interrogation n'attira l'attention du Français :
—Une religion ?
Il fronça les sourcils sans comprendre l'intérêt de répondre. Hermione lui avait maintes fois parlé du caractère antisémite du régime nazi et de la manière dont personne, ou presque, ne s'en insurgeait. Les violences réservées aux juifs de l'autre côté de la frontière firent écho à ses réflexions. Son cœur manqua un battement alors qu'il hésitait sous l'insistance douloureuse de l'Allemand :
—Alors ?
Il inspira profondément avant de retenir sa respiration plusieurs secondes d'affilée. Il débita, bien trop rapidement pour que son angoisse ne soit pas parfaitement victime :
—Ma mère était juive.
Tout fit souffrir Harry. Le fait d'avoir parlé au passé de la femme qui l'avait mise au monde et le « juif » inscrit sur la feuille, noir sur blanc. Une caractéristique absurde pour un garçon dont la vie n'était en aucun cas rythmée par la religion. Il se sentait humilié et ce n'était pourtant que le début. Le plus âgé posa alors la question crainte et silencieusement appréhendée, articulant exagérément :
—Qu'est-ce que tu faisais dehors après le couvre-feu ?
—Votre collègue m'a déjà posé la question hier, rétorqua le juif, acerbe.
—Réponds !
Harry pinça fortement les lèvres. La veille, il ne s'était pas montré parfaitement sincère et la vérité menaçait de s'échapper à tout moment. Il luttait de son mieux contre son honnêteté naturelle. Il ne pouvait simplement pas parler, ce serait bien trop dangereux pour lui et pour toutes les personnes qu'il impliquerait dans sa trahison. Non, il garderait ce secret pour lui, quitte à laisser le mensonge se propager autour de lui.
L'homme se leva souplement. Il décrocha une petite matraque de sa ceinture et s'approcha de son vis-à-vis tout en tapant l'arme contre le plat de sa main. La menace était claire et le plus jeune ne se risqua pas à la sous-estimer. Son rythme cardiaque s'emballa nettement et il retint de justesse les mots qui se pressaient contre ses lèvres.
Soudain, l'objet s'abattit sur le visage d'Harry. Ce dernier n'eut même pas le temps de réagir et encaissa le choc au sol, là où la force du coup l'avait mené. La matraque l'avait atteint entre la joue et la naissance de ses cheveux, juste au-dessus de l'oreille. La douleur était cuisante et, surtout, le jeune adulte sentit le décor autour de lui vaciller dangereusement. Le sol lui sembla instable alors qu'il étouffait un gémissement de souffrance.
—Goyle, articula l'aîné, invitant son subalterne à relever le Français.
L'interpellé obéit sans sourciller et attrapa le plus petit sous les aisselles pour le planter à nouveau sur ses pieds. Instable, Harry tituba avant de retrouver un semblant d'équilibre.
—Ta réponse ? s'enquit encore l'Allemand, un ton plus haut.
Le silence, suffisamment explicite pour se passer de paroles, lui répondit. L'instant d'après, la matraque rencontrait une nouvelle fois le corps d'Harry. La douleur se propagea dans tout son crâne et il se retrouva à terre. Goyle s'apprêtait à réitérer son geste, mais son supérieur l'en empêcha. Un coup de pied cloua le juif au sol et fut rapidement suivi d'un deuxième, puis d'un troisième.
—J'étais... chez... un patient... souffla-t-il, entre deux coups.
—Menteur ! siffla l'autre, dans sa langue maternelle.
Et une première partie est en ligne !
J'avais prévenu que Harry risquait de ne pas passer un très bon moment, non ? Il aurait mieux fait de rester tranquillement chez lui, malheureusement.
La deuxième partie sera dans la continuité de celle-ci, pas des plus réjouissantes pour Harry mais avec l'intervention, cette fois, de Draco. Bon ou mauvais présage ?
Bonne semaine de vacances ~
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