48.2


— En revanche, je ne pensais pas que tu cherchais à accomplir le rêve de grandeur de ton défunt père.

Nott ricana. Ils étaient si proches qu'ils auraient pu se toucher. Un pas suffirait et, pourtant, sans trop savoir pourquoi, personne n'effectuait le moindre geste. Ils parlaient, tout simplement.

— Jusqu'à où serait allé ce manège ? Jusqu'à ce que ta poule aux œufs d'or est épuisée son stock et que tu n'es plus rien à espérer d'elle ?

— Précisément.

— Et maintenant, que comptes-tu faire ?

Le sourire qui couvrit les lèvres de Nott déplut immédiatement à Draco, comme s'il décelait déjà l'atrocité qu'il s'apprêtait à dire. Severus ne prononçait pas un mot plus haut que l'autre, calme, froid, presque aussi calculateur que son interlocuteur. Pourtant, il paraissait suspendu au creux de ses lèvres.

— Vous êtes misérables, vous deux !

Cette fois, et pour la première fois depuis de longues minutes, Nott s'adressait à Draco et à Severus. Il se gaussa grassement durant quelques secondes, comme pour extérioriser une part du rôle qu'il lui avait fallu jouer.

— Vous croyez que je n'ai pas compris votre petit jeu ? On n'est pas seulement là pour faire la causette. Vous, vous voulez juste me faire perdre mon temps et m'éloigner des festivités, mais moi... moi j'ai d'autres projets !

La respiration des deux hommes se suspendit lorsqu'ils virent apparaître un pistolet entre ses doigts. Un pistolet pointé dans leur direction.

Le temps se suspendit, Draco et Severus s'immobilisèrent. Chacun connaissait la menace d'une telle arme et, surtout, savait que Nott n'hésiterait pas un seul instant à s'en servir. Il ne s'agissait pas seulement d'une menace en l'air, d'un objet destiné à soumettre autrui à sa volonté. Si le jeune allemand le présentait ainsi à eux, c'était bel et bien pour en faire usage.

— Je ne pense pas que ce soit la solution, avança Severus, qui se trouvait déjà dans l'optique très pragmatique de gagner du temps.

— Ah oui ? Et qu'est-ce que vous en savez ? C'est la guerre, je vous rappelle, qui est-ce qui ira pleurer sur un mort de plus ou de moins ?

— Mon père ne pleurera peut-être pas sur ma dépouille, mais je peux t'assurer qu'il mettra tout en œuvre pour que son unique héritier soit vengé, articula Draco, d'un calme qui l'étonna lui-même.

— Pas s'il sait quels penchants immondes sont les tiens, persifla Nott, qui ne semblait pas prêt à en démordre.

La gueule du pistolet pointé dans leur direction, l'urgence primait sur tout le reste. Les cerveaux fonctionnaient à toute allure. Ils se devaient de sauver leurs peaux et si l'envie de fuir la menace de l'arme à feu grandissait à chaque instant, Draco avait cessé depuis longtemps d'incarner la victime qui se serait enfoui en larmoyant. La guerre l'avait endurci, impitoyablement, et il s'apprêtait à en donner la preuve.

— Qui viendra le lui prouver lorsque je serais mort ? Si je disparais, tu dis adieu aux privilèges que tu voulais me dérober, cette place que tu n'obtiendras jamais.

Le pistolet souffrit un tremblement.

— Encore votre petit jeu ! Si vous saviez à quel point vous êtes pathétiques à vouloir sauver vos vies à tout prix. Je pourrais vous descendre tous les deux, comme des lapins !

— Tu as l'occasion rêvée, consentit à admettre Severus. Qu'est-ce qui t'en empêche ?

Un nouveau sourire. De ces rictus glaçants que Draco avait appris à craindre, à haïr, à souhaiter annihiler. La nuit les enveloppait et il craignit de ne jamais s'en échapper. Il refusait pourtant de mourir ainsi, alors qu'il se trouvait si proche de retrouver Harry, de le sauver pour de bon. Nott ne pouvait pas lui refuser cette chance.

— Vous avez déjà tiré sur un animal ? C'est tellement plus grisant de viser la jambe et de le regarder se traîner, de le regarder souffrir avant de l'achever. Tout comme la traque est meilleure que le résultat. Là, c'est pareil.

Le cerveau de Draco fit le lien et il risqua un regard pour Severus afin d'avoir la certitude qu'il en était de même pour lui. Un bref instant, il quitta des yeux la gueule affamée du pistolet. Il se consuma de peur lorsqu'une balle fendit l'air dans un sifflement déchirant. Nott venait de tirer en l'air, rien que pour le plaisir de voir l'effroi le capturer, fendre ses prunelles que la nuit assombrissait et le soumettre.

— Allez, je vais vous donner une chance de vous en sortir.

Le silence qui accueillit ses propos ne parut pas combler les attentes de Nott qui poursuivit malgré tout, de bonne foi :

— Si l'héritier Malfoy s'agenouille devant moi, je consens à vous laisser repartir et... et nous reprendrons notre petit arrangement.

— Jamais !

— Draco... gronda Severus.

— Arrête de te foutre de nous, cingla l'interpellé. Tu n'as pas l'intention de nous laisser nous en tirer.

Nott prit un air peiné qui révulsa Draco, une moue affligée qui n'avait rien de naturelle, encore moins de sincère. Dans l'ombre de cette ruelle, de ce monde endormi qui restait cloîtré chez soi même lorsque le coup de feu avait déchiré le silence placide de la nuit. Munich était en guerre, elle aussi, et sa population avait appris l'indifférence. Personne ne se risquerait à mettre le nez dehors à une heure pareille de la nuit et Nott le savait aussi bien que Draco.

— Quelle vision affligeante tu as de moi...

— Tu n'auras jamais la place que tu convoites. Ces places sont comptées et même si je consentais à t'offrir mon aide, elle ne serait pas suffisante.

— Si tu consentais ? C'est un acte de rébellion que je vois là ? Prends garde, j'ai toujours de quoi te faire chanter...

La mâchoire de Draco se contracta alors qu'il retenait la vérité de toutes ses forces. Severus l'observait du coin de l'œil, réfléchissant manifestement à une solution. Il aurait pu tenter de désarmer le garçon, mais il craignait qu'il se révèle plus habile qu'il ne le laissait paraître. Un coup de feu pourrait bien le cueillir avant qu'il ne mène son projet à bien. Enveloppé dans son vêtement large et sombre, il ruminait un plan, construisait une idée avant de la défaire.

— À moins que ça ne soit plus le cas... souffla Nott, guettant avec une certaine délectation les réactions qu'il tirait à ses deux interlocuteurs.

Draco mit en œuvre toutes ses leçons pour demeurer parfaitement impassible. Une ombre furtive se glissa sur les traits, mais s'envola avant d'être interceptée. Nott s'apprêtait à poser le doigt sur la vérité, une vérité qui les condamnerait. Son regard oscillait entre le visage du blond et celui de son aîné. Il secoua la tête.

— Bien sûr que ce n'est plus le cas, sinon vous n'auriez pas pris un tel risque. Votre but, qu'est-ce que c'était ? Me descendre histoire de veiller sur son silence ?

— C'est également ce que tu as l'intention de faire, remarqua Severus.

— Ouais, dommage pour vous.

— Lâche ton arme, siffla Draco. Lâche ton arme et on pourra discuter de notre arrangement.

— Oh non... Non, non, non. C'est trop tard pour notre arrangement. C'est trop tard pour vous.

Draco avait toujours imaginé que Nott tirerait sur lui en premier, qu'il descendrait en premier lieu son ennemi par simple esprit de vengeance. Pourtant, lorsque le déclic retentit, aucune douleur ne cueillit le blond, aucun écrin de souffrance. Rien. Rien à l'exception de ce silence assourdissant qui emplit ses oreilles et l'odeur de poudre qui parut l'asphyxier.

À défaut de cela, le corps de Nott accusa un recul conséquent et s'effondra au sol, sa chute ralentit sous le regard interloqué de Draco. Dans son ombre, et avant que le garçon n'appuie sur la détente, Severus avait sorti son arme et avait tiré un coup de feu. Un unique coup de feu qui avait déchiré l'épiderme en pleine poitrine. Un coup de chance, une seconde d'avance qui venait de les sauver. Ce fut du moins la pensée de Draco avant qu'un second tir ne parte, du pistolet de Nott cette fois.

Une ultime vengeance qui s'apprêta à les surprendre, à leur dérober ce qu'ils leur restaient : la vie.


Encore une fois, une transition très sommaire entre les deux parties. J'ai écrit le chapitre d'une traite alors, forcément, la séparation n'est pas des plus soignée, raison pour laquelle je publie les deux parties ce soir. 

Cette fin est, elle aussi, assez cruelle, même si elle vous donne déjà un élément de réponse. Nott a reçu une balle, mais qu'en est-il de la seconde, celle qu'il a tirée ? Est-ce qu'elle épargnera Draco et Severus ? Qu'en pensez-vous ?

Pour ma part, je réfléchis activement, et ce depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à un nouveau Drarry. Le troisième écrit de ma main. Le projet se concrétise et si je ne souhaite trop vous en dire, sachez que l'histoire sera radicalement différente de ce que je vous ai proposé avec les deux premières fanfictions. Je compte commencer l'écriture très prochainement et, si tout se passe pour le mieux, la publication débutera à la suite de Cueillir les étoiles :))

Sur ce, je vous souhaite un bon lundi et une agréable semaine. Prenez soin de vous !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top