39.2

— Es-tu certaine qu'il ne t'a rien dit d'autre.

— Non. Non, je t'assure ! Il m'a ordonné de rester immobile et il est parti. Il était déjà loin au moment où je me suis retournée.

Draco faisait les cent pas dans le salon au point de raviver l'angoisse d'Hermione. Il était revenu des heures après le retour de la jeune femme dans la bâtisse cruellement vide et il ne se défaisait pas de cette rage froide et dominatrice. La médecin le lisait à travers la vitre imperméable de ses yeux, elle lisait l'orage qui dévastait ses prunelles grises et ne pouvait qu'en frémir. Elle ne saurait endiguer une pareille colère.

— Qu'est-ce que tu comptes faire ? Tu ignores de qui il s'agit.

— Je ne vais certainement pas faire de mal à Harry et Blaise, gronda le blond. Merde, mais comment cela a-t-il pu se produire ?

— C'est un accident, tu n'y peux rien et moi non plus. Quelqu'un souhaite te voir souffrir et s'il est capable de mettre la main sur deux personnes pour ce faire, c'est que...

— C'est que cette enflure est capable de tout, persifla Draco, d'une voix rauque, ses yeux courant sur les murs, sur les meubles, sur cette absence omniprésente.

— Nous n'en savons rien, protesta Hermione, qui s'acharnait à calmer la fureur de son homologue allemand.

— Il t'a menacé avec un revolver, cela ne te semble pas assez clair ?

— Il n'avait peut-être pas l'intention de s'en servir.

— Celui qui porte une arme sur la tempe d'une femme désarmée est forcément prêt à s'en servir !

Hermione pinça les lèvres. Peut-être tentait-elle d'ignorer la réalité, peut-être se préservait-elle inconsciemment d'une peine trop grande pour être encaissée. Draco ne lui accordait aucun répit et il paraissait sans pitié ainsi, dressé au beau milieu du salon avec tant de gravité.

— Nous n'avons aucun moyen de savoir de qui il s'agisse.

— Décris-le-moi. Il doit s'agir d'un homme qui travaille à mes côtés puisqu'il savait pour Blaise et qu'il a pu briser, part par part, tout le plan que nous avions établi.

— Je ne comprends pas pourquoi il m'a épargné. Il a enlevé Harry et Blaise, mais il m'a laissé repartir, murmura Hermione, songeuse.

— Ce n'est certainement pas par pitié.

— Je suis une femme, peut-être que cet homme se répugnait de faire subir un tel traitement à une femme, suggéra-t-elle, un éclat de dégoût perlant dans sa voix face à une dissociation aussi révoltante.

— Je ne pense pas, il n'a pas hésité à te menacer, il n'aurait eu aucun scrupule à te séquestrer aussi. Or, il avait besoin de quelqu'un.

— De quelqu'un qui jouerait le rôle de messager.

Ils se jaugèrent en silence. La nuit commençait à tomber, le crépuscule laissant place à une nuit d'encre. La journée avait été interminable et semblait s'étaler sur des semaines. Hermione était épuisée, sa dernière vraie nuit de sommeil parut remonter à des mois entiers. Elle étouffa un bâillement dans le creux de sa main. Moralement et physiquement, l'épuisement la gagnait, mais comment pourrait-elle fermer l'œil alors que la situation ne pourrait être pire ?

— Tu ne peux pas te jeter dans la gueule du loup, désapprouva-t-elle, avant même que son interlocuteur n'en ait formulé le souhait.

— Je refuse de rester ici en attendant que les choses se passent. Je refuse de n'avoir aucune emprise sur les événements ! rugit Draco, toujours hors de lui, le temps ne semblant pas apaiser son courroux.

— Tu fais exactement ce qu'il attendait de toi. Il voulait que tu réagisses de cette façon, il...

— Que veux-tu que j'y fasse ? Je sais qu'il n'attend que cela et que je prends un risque énorme en me jetant au-devant du danger. Il n'y a rien d'autre à faire. Qui sait ce qu'il peut bien leur faire pendant que nous discutons tranquillement ici !

Hermione eut un mouvement de recul. Draco pouvait se montrer effrayant dans ses accès de rage et elle n'était pas certaine d'être de tête à contester, pas aujourd'hui du moins. La fatigue la rendait moins combattive et elle sentait encore le canon froid de l'arme posée sur son crâne. Elle imaginait sans peine les dégâts ignobles qu'une balle aurait pu faire si son agresseur avait été tenté de presser la détente. Des morceaux de cerveau et d'os calcinés qui auraient souillé le pavé, elle en avait la nausée.

— Décris-moi cet homme.

— Je ne l'ai pas vu.

— Celui du commissariat, à quoi ressemblait-il ?

— Il était... brun, plutôt grand, un regard sombre et... et inquiétant. Je crois que c'est son regard qui m'a poussé à fuir, son regard était troublant. Il n'a rien dit, il n'a pas ouvert la bouche, mais j'ai senti qu'il venait pour moi. J'ai obéi à ton conseil et à mon instinct, j'ai fui. Je n'ai pas eu le temps de le détailler davantage.

— Penses-tu qu'il s'agit du même homme.

Hermione pinça les lèvres, adossée contre la cuisinière éteinte. Elle réfléchit quelques brefs instants avant de déclarer :

— Je pense que c'est plausible.

— Quel âge avait-il environ ?

— Il devait avoir ton âge, peut-être un peu plus âgé, difficile d'être exacte.

La mâchoire de Draco se contracta à cette précision. Il y avait bien peu d'hommes aussi jeunes que lui au commissariat, ou alors il s'agissait de simples et vulgaires stagiaires. Personne qui ne méritait que l'héritier Malfoy ne leur prête son attention. L'auteur de ces actes abominables ne pouvait être que lui...

— Tu as une idée du coupable ?

— Oui, mais je n'en suis pas entièrement sûr. Il n'y a qu'un seul moyen d'en avoir le cœur net !

— Tu ne vas pas y aller maintenant, protesta encore Hermione. Ce serait idiot, le commissariat est vide.

— Justement, qu'as-tu fait de ton brillant cerveau ? cingla le blond, plus sèchement qu'il ne l'aurait dû.

L'Alsacienne se rembrunit. Son intelligence était certainement le point à ne pas attaquer, elle détestait qu'on s'en prenne à ses capacités et encore plus d'une telle manière. Elle rétorqua, froidement :

— C'est un piège, pauvre inconscient ! Qui que soit celui qui se cache derrière tout ceci, il profitera du fait que vous soyez seul pour agir et il aura tous les moyens de le faire.

— Nous n'avons pas la possibilité de le faire arrêter de toute manière, que ce soit pour enlèvement ou pour...

— Il m'a menacée, ce n'est donc pas un motif suffisant ?

— Le risque est trop grand pour que nous le prenions ! Harry a déjà fait un séjour à Schirmeck, veux-tu qu'il soit envoyé dans un endroit pire que celui-ci ? Tu sais aussi bien que moi à quel point il en a souffert, comment survivra-t-il dans un enfer tel que celui du Struthof ? Si nous attirons l'intention sur nous, l'enquête l'atteindra, tôt ou tard, tu le sais aussi bien que moi, Hermione.

Pour avoir côtoyé l'homme défait à la sortie du camp de redressement nazi, la jeune femme n'ignorait pas de quoi parlait son aîné. Cet homme qui avait tenté, lui aussi et à sa manière, de panser les blessures de l'âme. Trop tard bien sûr, mais il se rappelait des cauchemars d'Harry, ses rêves peuplés de chimères et d'hommes morts. Les deux jeunes gens, eux qui ne parvenaient guère à s'entendre dans un pareil moment, se comprirent en un regard.

— Qu'est-ce que je dois faire si tu ne reviens pas ? articula-t-elle, péniblement.

Draco conserva un silence éloquent. Il n'avait pas songé à cela, trop occupé à se préoccuper de ce qui lui semblait être essentiel.

— Je vais écrire une lettre.

— À quoi cela nous servirait ?

— Je vais écrire une lettre à Ron, poursuivit Hermione, que cette idée apparaissait comme une issue miracle.

Draco secoua la tête. La manœuvre lui semblait inutile, idiote même. Pourquoi perdre du temps à écrire une missive qui n'atteindrait pas son destinataire avant des jours ? Pourtant, il ne tenta pas de contrer l'idée lumineuse du médecin.

— Fais ce qu'il te plaira.

— Si tu disparais, il y aura au moins quelqu'un qui le saura, insista Hermione, qui se précipita sans attendre sur le tiroir à l'entrée de la pièce.

Ce même tiroir de l'armoire qui exposait fièrement une vaisselle de porcelaine. Elle en tira une feuille vierge, une plume et un encrier. Elle s'installa à table, les mots démangeant son esprit et requérant un support où s'étaler. Avant qu'elle n'ait pu ajouter la moindre phrase, trop empêtrée dans l'affaire qu'elle estimait urgente, la porte de l'entrée avait claqué. La jeune femme soupira face à ce constat. Elle n'avait pas été de taille à raisonner Draco et les méandres de sa solitude le lui prouvaient.

Draco progressait dans la pénombre. Le crépuscule disparaissait et, d'ici quelques minutes, la nuit serait unanime. Les étoiles brillaient de tous leurs éclats et le blond ne put s'empêcher de ressentir un brutal pincement au cœur. Harry était l'une d'elles, un de ces astres qui brûlaient à quelques milliards de kilomètres. Une étoile, comme l'étoile juive, l'étoile honnie des Allemands, l'étoile qui menaçait de s'éteindre.

Draco salua quelques patrouilles, des hommes qu'il connaissait à peine et qui l'indifférait profondément. Il tâcha de retarder l'échéance de ses réflexions. Penser, c'était se condamner à douter, à perdre le peu de courage qui dictait ses actes. Il ne pouvait pas se le permettre, pas que les existences de son amant et de son meilleur ami étaient en danger. Il avait peur, il était tétanisé de peur, mais refusait de perdre encore une fois Harry et de laisser la vie de Blaise lui échapper. Il refusait que de telles choses se reproduisent.

Il arriva enfin au commissariat. Les rues étaient désertes, le couvre-feu étant déjà dépassé de plus d'une heure, et le trajet lui avait paru étonnamment court. Le cœur battant à toute allure dans sa poitrine, il passa le pas de la porte. Goyle guettait toute venue non-prévue et le dévisagea tel un chien de garde bien dressé.

— Je dois récupérer un document, il doit être rempli pour demain. Je n'en ai pas pour longtemps, garantit Draco, sans ralentir, l'œil déjà fixé sur son objectif.

Goyle hocha la tête sans répondre et le laissa passer sans rechigner. Ces justifications étaient dérisoires, personne ne s'avisait de refuser la volonté de l'héritier Malfoy. Celui-ci traversa le couloir d'un pas vif, comme si chaque instant comptait. Il n'y avait qu'un seul endroit où son homme pouvait se trouver.

Cela ne faisait plus l'ombre d'un doute à l'instant où il ouvrit la porte de son bureau. À la place qu'il occupait se tenait nonchalamment un autre homme, les pieds déliés sur la pile de documents. Draco sentit son sang se glacer dans ses veines, la colère côtoyant la peur comme deux vieilles amies.

— Toi...

La silhouette menaçante et familière se fendit d'un fin sourire, un sourire nouveau et terrifiant :

— Malfoy, j'ai failli attendre. Si tu veux bien refermer la porte derrière toi que nous puissions commencer.


Eh oui, deux parties et un chapitre entier ce soir ! Mais en quel honneur ? Eh bien, il y a plusieurs raisons à cette petite surprise et j'espère qu'elle vous aura fait plaisir !

Déjà, j'ai écrit hier, lors d'un rush écriture, le dernier chapitre de CLE. Il me reste l'épilogue pour fin de semaine (maximum début de semaine prochaine) et le point final sera mis à cette loongue fanfiction ! 

Autre chose : aujourd'hui, le 30 novembre, je sors mon premier roman ! Eh oui, un vrai roman avec des vraies pages et des personnages à moi ! Near the sky est disponible partout, sur toutes les plateformes (Amazon, Cultura, la Fnac, Koko, Babelio et vous pouvez même le commander directement chez votre libraire !) en format numérique (ebook) et papier (broché). Vous pouvez d'ores et déjà, et si le coeur vous en dit, vous le procurer ! Si ça, ce n'est pas une surprise !

Voilà, un peu de joie, ça ne fait de mal à personne, n'est-ce pas ? (surtout que je suis plutôt déprimée en ce moment, alors j'expose un peu une des seules bonnes nouvelles du moment). N'hésitez pas à me donner votre avis sur l'avancée de la fic, j'ai grand besoin de votre soutien, surtout dans une période aussi compliquée que celle que nous vivons !

Je vous embrasse et, comme toujours, prenez soin de vous ainsi que de vos proches <3

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