28.1

Munich, 9 octobre 1940.

Le repas tirait sur sa fin. Les enfants avaient quitté la longue table pour s'adonner à leurs jeux, lassés du sérieux qu'on leur avait imposé. Les adultes demeuraient attablés, certains fumaient, d'autres profitaient de la tiédeur de cette après-midi tranquille. Les conversations se faisaient de plus en plus rares, et les Malfoy pourraient bientôt profiter de leur manoir, débarrassés des invités du jour.

Lucius avait organisé ce rassemblement avec la rigueur qui le caractérisait. Narcissa y avait grandement contribué, s'attelant au dressage de la table, au choix des mets et de tous les détails qui couronneraient ce repas de réussite. Son bon goût avait plu et séduit les grands aristocrates allemands conviés en l'occasion de cet événement mondain.

Les Malfoy pouvaient se féliciter, chacun garderait en mémoire ce que cette famille richissime et puissance pouvait témoigner de meilleur dans ce jeu où l'hypocrisie était maîtresse. Narcissa se fondait à merveille dans ce décor factice, tenant compagnie à cette bourgeoisie bien pensante, leur faisait la conversation avec beaucoup d'esprit. Lucius connaissait suffisamment bien sa femme pour l'abandonner à ces charognards sans qu'elle ne se laisse dévorer. Derrière son allure délicate et le raffinement de sa posture se cachaient de la ruse et une habilité hors pair. L'aristocrate avait gagné, depuis bien longtemps déjà, sa place au sein de cet univers particulier où le soin des apparences était primordial, tout comme la vigilance constante. Un univers de femmes dans lequel elle excellait.

Narcissa observait, du coin de l'œil, les enfants s'amuser dans le jardin. Leurs rires la berçaient, lui rappelant l'époque révolue où Draco n'était qu'un môme. Moins espiègles que ceux qui jouaient à cette heure, alors que la guerre faisait rage partout ailleurs, plus réfléchi aussi. Un petit garçon qui manquait terriblement à son cœur de mère.

Elle but une gorgée de thé, rejetant d'un revers de main ces sombres pensées. À quelques mètres se tenait Pansy et une de ses amies. Les jeunes femmes murmuraient des cachotteries à l'oreille de l'autre et Narcissa ne sut estimer si ce comportement l'attendrissait ou l'agaçait prodigieusement. La fiancée de son fils tenait pourtant à faire bonne figure et s'était montrée exemplaire tout au long du repas.

Finalement, elle débarrassa quelques couverts sur la table au départ des autres convives. À contre cœur, bien-sûr, la femme pouvait se l'assurer d'un seul coup d'œil, Pansy n'était guère habituée à prêter main forte aux domestiques, elle s'y répugnait même. Une enfant gâtée et capricieuse qui, pendant longtemps, avait semblé si bien assortie au jeune Draco.

—Ce repas a-t-il été à votre goût ? finit par demander Narcissa, d'un air détaché.

—Absolument merveilleux, Madame Malfoy ! La réception était parfaite, je suis certaine que c'est la pensée de tout le monde.

—Ne soyez pas si flatteuse.

—Je suis sincère, assura la jeune bourgeoise. J'aimerais apprendre à organiser de tels événements. Ne pensez-vous pas que Draco en serait heureux ?

Un léger sourire fleurit aux lèvres de Narcissa. L'enjouement de Pansy se renouvelait et son aînée ne savait si elle devrait l'encourager, s'en sentir flattée, ou s'en exaspérer. Dans sa robe vert vif, la jeune femme attirait tous les regards et elle ne manquait jamais de s'en vanter. Un besoin viscéral de plaire, de séduire, qui avait de quoi irriter.

—C'est une qualité que Lucius apprécie, j'imagine qu'il en est de même pour son héritier, releva la belle quarantenaire.

—Accepteriez-vous de m'apprendre ce que vous savez ?

—Bien-sûr, Pansy.

Le désir, minuscule, d'écourter la conversation fut annihilé par l'enthousiasme de l'intéressée. Alors qu'elle s'installait à la même table où elle avait fait ses adieux à Draco près de deux mois auparavant, un flot de paroles tendait à s'échappait de sa bouche soigneusement maquillée de rose :

—J'ignore lorsqu'il reviendra au pays. Il ne m'appelle plus, et je n'ai aucune réponse aux lettres que je lui ai envoyées. Parfois, je crains qu'il ait une maîtresse, une femme qui lui interdirait de me répondre à moi, sa fiancée.

—Vous n'avez rien à craindre, ma chère enfant, tempéra Narcissa, d'une voix suave.

—Je ne l'ai vu que quelques heures lors de sa dernière venue. Je suis sa fiancée, et j'aimerais un jour être sa femme !

Les geigneries de la capricieuse Pansy Parkinson. La Malfoy avait beau s'être construit une solide patience, elle ne supportait pas les exigences de son comportement. Elle brima pourtant le fond de sa pensée, assise à côté de sa future parente dans le fond du petit jardin. D'un ton plus dur que tantôt, elle rabroua l'impertinente :

—Vous y êtes destinée depuis votre tendre enfance. Cette guerre n'est ni le choix de Draco ni le mien. Ce n'est guère à moi de décider de l'instant où mon fils reviendra à Munich. Croyez-moi bien que, si c'était le cas, mon enfant ne serait jamais parti.

—Ne pouvez-vous pas intervenir auprès de votre mari ? Il vous écoutera si vous le lui demandez.

Narcissa s'octroya le privilège d'un soupir las. Si Draco ne la tenait que peu informée de ses activités, elle n'était pas sans savoir qu'il avait quitté l'Alsace, désormais terre allemande. Elle savait qu'il se trouvait à Belfort, aux côtés de Severus. Une information qui les compromettait tous trois et qui avait forcé la femme à brûler la missive sitôt lue. Un des énièmes désagréments qui s'imposait à l'aristocrate. Cela paraissait évidemment qu'elle ne compromettrait la position de son fils pour rien au monde, encore moins pour satisfaire les humeurs singulières de la fiancée.

—Mon mari prend les décisions seul, je ne suis pas en mesure de le contraindre à ce sujet, reprit-elle, dans un aperçu de sa contenance glaciale et de sa tenue irréprochable.

—Je pensais que...

—Je suis navrée, ma chère, mais je ne peux rien y faire. J'attends le retour de mon fils chaque jour comme une mère, c'est suffisant.

Pansy pinça les lèvres, abandonnant sa propre tasse de thé avec dépit. Sa motivation et sa volonté entravées, elle considéra celle qui serait bientôt sa belle-mère. Elle pouvait se montrer tout aussi déterminée que cette femme et contraindre le patriarche là où son épouse avait échoué.

—Je l'attends comme doit l'attendre sa fiancée, se contenta-t-elle de relever, d'une hypocrite politesse. J'espère apprendre son retour chaque jour qui passe. Je l'imagine me faire la surprise de sa venue, me cueillir à la gare et me demander ma main !

Narcissa hocha la tête, le visage impassible d'une noble qui excellait à ce jeu de masques. Pansy n'en possédait que les bases, cette poupée coquette avait encore tant à apprendre. Une jeune première avide d'un regard masculin sous lequel elle saura s'épanouir comme une fleur au soleil, voilà tout ce qu'elle était. La mère de son fiancé la soupçonnait de manquer cruellement d'esprit et de compenser de son mieux à grand coup de commérages. Ses charmes et la richesse de sa prestigieuse famille ne masqueront pas éternellement les déboires de son intellect.

—Mon fils sera ravi de l'entendre à son retour.

—Pensez-vous que l'on puisse organiser le mariage dès son retour ? sourit Pansy, son dépit envolé.

—Je l'ignore. Vous n'êtes pas sans savoir que les mariages sont des événements longs à organiser. L'union de nos familles sera...

—Le mariage sera mémorable ! Il sera somptueux, inoubliable !

Narcissa opina une nouvelle fois, avec une indulgence teintée de lassitude. Ce mariage ne l'enchantait guère, mais elle ne ferait rien pour s'y opposer. Elle pouvait servir de confidente à la future mariée avec toute la bienveillance attendue, écoutant les rêves de cette dernière, de la robe immaculée à la réception, en passant par son époux. La jeune femme semblait avoir tout prévu, disposé de tout pour que le hasard n'ait sa place nulle part. Elle acheva son discours plein d'entrain par cette annonce laissée en suspend, prenant l'apparence d'un ultime répit :

—J'irai proposer cette idée à votre mari dès qu'il reviendra, je suis certaine qu'il acceptera de nous marier au plus vite...

J'imagine qu'après un tel chapitre, vous ne portez plus Pansy dans votre coeur (déjà qu'elle n'était pas particulièrement appréciée, la pauvre !). Alors, mariage ou pas mariage d'après vous ? Je rappelle qu'on approche très rapidement de la fin de cette première grande partie :3

Belle première semaine de juin (et happy pride month) <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top