2.2

Munich, 25 juin 1940.

La France avait capitulé trois jours plus tôt et la nouvelle avait fait le tour de l'Allemagne en à peine quelques heures. La fierté gonflait le cœur de tous et on la criait à pleins poumons afin que personne ne puisse ignorer la cuisante défaite de leur ennemi juré.

Malfoy, lui, faisait partie de ceux qui n'avaient jamais douté de la puissance armée de sa nation. Il haïssait l'ennemi de toute son âme d'ancien combattant et ne se privait pas pour l'affirmer. Partisan d'Hitler dès son arrivée au pouvoir, nazi de la première heure et même bien avant, il rêvait d'une revanche. Il souhaitait que l'humiliation ressentie soit la même pour la France et qu'elle paye le prix de la honte.

Draco Malfoy n'avait, sans aucun doute, rien souhaité de tout cela. Pantin des ambitions démesurées et meurtries de son père, il obéissait, purement et simplement. Dans l'ombre de cette figure paternelle omniprésente, il s'était forgé une opinion dure et sans appel. Il avait même oublié si sa pensée était véritablement la sienne ou seulement l'écho de ce que l'on lui avait maintes fois répété. Son entourage ne voyait en lui qu'un pâle reflet au regard hypnotique et glacial.

Pourtant, et à l'instant où le jeune aristocrate apprit la défaite française, son monde entier s'écroula. Il avait longuement appréhendé ce moment tout en sachant qu'il n'y échapperait pas éternellement. Le destin se présentait à lui comme pour lui réclamer une monnaie d'échange et n'accepterait plus de délais supplémentaires.

Draco était seul, enfermé dans la cuisine, lieu où il ne serait dérangé qu'en dernier recours. Son père le cherchait déjà certainement partout et cela suffit à instaurer l'urgence qui lui manquait. Sa gorge nouée le faisait souffrir et il cherchait en lui le courage et la force de quitter la maison de son enfance, de tourner le dos aux souvenirs comme au confort qui, ici, ne manquait pas. L'idée de mettre les pieds sur un territoire méconnu l'effrayait et il aurait donné n'importe quoi pour manquer à cette obligation.

D'un geste précipité, il se passa de l'eau fraîche sur le visage et accorda un regard au miroir qui lui faisait face. Qu'y voyait-il ? Un jeune homme terrassé par la lâcheté ? Non, Draco refusait d'y croire. Il inspira profondément avant d'expirer lentement, les muscles tremblants. Que dirait son père s'il le voyait ainsi ? Lui ferait fi de l'incroyable beauté de son fils pour le blâmer, irrévocablement, pour cette faiblesse.

Soudain, quelqu'un toqua fermement à la porte. Deux coups portés sur le bois massif et l'angoisse étouffa littéralement l'Allemand. Il passa frénétiquement sa main sur son visage encore humide comme pour effacer les sillons que la peur liquide avait jadis creusés. Personne ne devait être témoin des larmes de Draco Malfoy, elles devaient rester secrètes. Un bien terrible secret pour un soldat du Reich qui prônait l'insensibilité face à bien des horreurs humaines.

—Ouvre, Draco, ordonna Lucius, d'une voix ne laissant supposer aucune protestation.

—Oui, père, lâcha l'intéressé.

Et la porte s'ouvrit sur la silhouette longiligne et pâle du jeune homme. Celui-ci avait revêtu son masque de plâtre et ne laissait apercevoir aucune forme d'émotions. L'impassibilité même avait pris place sur ses traits fins et il ne cilla pas lorsque son géniteur le détailla avec minutie.

—Cela va faire dix minutes que j'arpente la maison à ta recherche. Tes affaires son prêtes, j'ose espérer que tu l'es tout autant.

—Elles sont déjà dans la voiture, père.

—Bien. Ton ami, Zabini, t'attend dehors. Ne tarde pas.

Draco opina rapidement alors que son père tournait déjà les talons. Il avait d'ores et déjà dit au revoir à Narcissa, sachant qu'elle pourrait très bien le dissuader de mettre un pied en dehors de la ville. Sa mère représentait sa plus grande faiblesse et l'attachement qu'il lui témoignait n'avait aucune limite. Ainsi, lorsque le jeune aristocrate passa le seuil de la porte, son absence lui tordit déjà l'estomac, telle une douleur vivace. Cela allait être pénible, très pénible.

Le jeune homme traversa le manoir à grandes enjambées, comme pour se convaincre que faire demi-tour n'était plus envisageable désormais. Le menton levé, il ne jeta pas un regard autour de lui et se contenta d'avancer, fièrement.

Il atteignit rapidement la porte d'entrée qu'il ouvrit en fracas. Dans la cour, Blaise patientait sagement, une cigarette coincée entre les lèvres, adossé à la porte de la voiture dont le modèle venait tout juste de voir le jour. Il arqua un sourcil à la vue de son ami d'enfance qui marchait en sa direction tout en vérifiant qu'ils étaient bien seuls.

—Draco, le salua le métis.

Pour toute réponse, le susnommé le gratifia d'une accolade, le cœur lourd. Son meilleur ami comprit d'un regard ce qui torturait l'aristocrate et lui rendit sa brève étreinte.

—Tu pars bientôt ?

—La voiture doit arriver d'une minute à l'autre.

Blaise acquiesça presque faiblement, touché par la détresse de son aîné. Ce dernier pouvait masquer son ressenti à n'importe qui, mais rien ne saurait échapper au regard azur et pénétrant de son plus proche confident, le seul pouvant se vanter de connaître Draco Malfoy.

—Je ne pensais pas que ça arriverait si tôt, avoua-t-il, contrôlant chaque intonation de sa voix pour en éliminer les trémolos.

—Les Français n'auront pas tenu bien longtemps, remarqua Blaise. Quelques mois seulement.

—Nous étions prêts et eux non. Il faut croire qu'ils ne la voulaient pas, cette victoire, cracha presque le plus âgé. Ils n'avaient pas connu la défaite depuis trop longtemps.

—La vengeance est un bon facteur de destruction.

Draco soupira. Décidément, la bonne volonté de son ami ne parvenait plus à lui tirer ne serait-ce qu'un sourire. Il calqua son regard gris à celui de Blaise et tira une bouffée de sa cigarette déjà moitié consumée. Le calme qui s'émanait de son être n'avait rien de réel et constituait l'homme que son père s'était donné tant de mal à forger. Un être que rien ne parvenait à toucher, à émouvoir et qui n'hésiterait pas à tuer si on lui en donnait l'ordre.

—Qu'est-ce que tu vas devenir ? s'enquit finalement le blond, de son éternelle voix traînante.

—Je trouverai bien ma place quelque part. Les camps de concentration ouvrent partout dans le pays, on m'y acceptera bien ici ou là. Cela ne m'enchante pas, mais je dois trouver un emploi quelque part.

—Tu pourras compter sur l'appui de mon père. Je suis certain que tu pourras même me rejoindre en Alsace. Des années qu'ils sont à nouveau français, il y a fort à parier que les dégâts seront considérables !

Blaise leva les yeux au ciel devant l'accès d'optimisme de son homologue. La couleur de sa peau avait souvent été un obstacle et le racisme auquel il avait été confronté durant toute sa vie le suivait comme son ombre. Une chose que Draco n'avait jamais su supporter.

—Je verrai bien, admit-il, finalement. Promets-moi de me donner des nouvelles rapidement et de contacter ta mère, elle va se faire un sang d'encre. Et Pansy aussi, tu lui manqueras.

L'aristocrate sourit presque légèrement avant de se rembrunir presque aussitôt. Il ne parvenait pas à prononcer les paroles qui battaient contre ses tempes avec force et qui hurlaient leur importance sans discontinuer. Sa gorge nouée ne lui permettait rien de tout cela.

—Tu ne peux plus refuser, tenta Blaise sans même y croire lui-même.

—Non, souffla Draco, d'une voix éteinte. Nous marchons déjà sur le sol alsacien et le Führer a prévu de s'y rendre aussi, je dois les rejoindre.

Le regard de celui-ci se voila alors qu'il trouvait une nouvelle fois celui de Blaise. Les mots ne suffisaient pas, semblant inopportuns en cet instant où la douleur était trop aiguë pour être mentionnée. Le blond parvint à articuler, au prix d'un effort immense :

—Désormais, je n'ai plus le choix.

Et, comme pour sonner le gong et mettre fin à toutes rêveries inutiles, la voiture fit irruption dans la cour dans un crissement de pneus, attisant une douleur significative comme la plus terrible des impuissances. 


 Si quelqu'un vous demande, je n'ai absolument pas (failli) oublié de poster cette deuxième partie de chapitre !

Un focus sur Draco et sur sa situation à ce stade de l'intrigue. On se retrouve à Munich, un lieu célèbre pour avoir accueilli bon nombre de rassemblements de nazis dont Hitler. 

Cette partie clôture le deuxième chapitre. Etes-vous prêts à voir les grands esprits se rencontrer ?

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