12.2
Munich, 15 août 1940.
Lorsque Draco posa le pied sur le sol de son enfance, sa respiration se bloqua dans sa poitrine. Il suffoqua une seconde avant d'inspirer profondément, soulageant la brûlure de ses poumons. Ses sens pris d'assaut hurlaient leur mécontentement et il demeurait immobile à la sortie du train qui quittait déjà le quai.
Il marcha longuement dans les rues animées de Munich. Des drapeaux flottaient dans la légère brise, la croix gammée y trônait fièrement, comme l'emblème de la ville. Le symbole se dessinait à chaque coin de rue, comme si l'empreinte d'Hitler ne se faisait pas suffisamment concrète dans la ville où il avait exercé ses idéaux avant même les années 30. Il ne pressa en aucun cas le pas, flânant pensivement entre les corps anonymes et bruyants. Cette fois, le cœur n'y était pas. Même les bâtisses de son enfance ne parvenaient pas à égayer cette sombre journée. Les rires innocents des enfants et les paroles graves des adultes laissaient une saveur amère dans sa bouche.
Finalement et puisque fuir n'était plus envisageable, Draco abdiqua et se dirigea vers le lieu indiqué par son père. La raison de cette visite forcée. La seule chose qui le poussait à ne pas rebrousser chemin se résumait en l'espoir de passer quelques jours en compagnie de sa mère.
Bientôt, il se retrouva assis sur une chaise au milieu de plusieurs autres personnalités. Des amis proches de son père qu'il avait eu l'habitude de recevoir à dîner dès sa plus tendre enfance. Des meurtriers se cachant derrière de belles excuses, comme l'avait souvent murmuré Blaise, à peine plus haut qu'un silence de mort. Aujourd'hui, ces paroles spontanées lui revenaient à l'esprit, narguant les portes de sa conscience.
—Draco, le morigéna durement son père, alors que l'attention de son fils laissait visiblement à désirer.
—Veuillez m'excuser, père.
Le Führer avait quitté la pièce depuis une bonne heure et les généraux se chargeaient d'obéir aux ordres laissés à leur égard. Les sujets divergeaient et Draco y prêtait une oreille distraite. Hitler rechignait encore à attaquer l'Angleterre, envisageant la paix avec Churchill. L'idée ne manquait pas de faire débat, ennuyant profondément le jeune aristocrate qui persistait à croire que sa présence n'avait rien d'utile.
Il fut brièvement question de l'Alsace, ce qui amena le blond à se redresser sur son siège. Un homme grand et massif avança que les Alsaciens n'étaient pas suffisamment enthousiastes à devenir de bons Allemands. La formulation, pourtant révoltante, ne choqua personne. Des mesures seraient prises en plus de celles déjà en place pour expulser de la région ceux qui n'adhéreraient pas entièrement au régime. Des sanctions dures ajoutées à celles qui chassaient déjà les juifs de leur terre natale.
Draco se tendit bien malgré lui, muré dans un solide silence. Lorsqu'une voix le tira de sa léthargie, il manqua de sursauter :
—Des objections, Monsieur Malfoy ?
—Pas la moindre, répliqua Lucius, d'une voix traînante et soyeuse.
—Je n'en doute pas pour ce qui est de votre point de vue, reprit l'homme à l'autre bout de la pièce. Je m'adressais à votre fils.
L'intéressé s'humecta rapidement les lèvres, réfléchissant à toute allure sous près d'une vingtaine de regards scrutateurs. Il ne perdit cependant pas la face, articulant avec une aisance certaine :
—Aucune objection. Vous pouvez compter sur moi pour vérifier que les mesures seront bien prises. Un tel comportement de la part des Alsaciens n'est pas tolérable.
—Bien, tout rapport de votre part sera le bienvenu.
Et, enfin, la réunion prit fin. Draco se leva sans plus attendre, étirant discrètement ses membres endormis avant de quitter la pièce. Lucius le héla alors que le plus jeune sortait déjà de l'imposante bâtisse :
—Draco !
—Oui, père ? Qu'y a-t-il ?
L'aristocrate le toisa avec la froideur qui l'avait toujours accompagné. Un homme qui ne laissait personne lui dicter sa conduite si ce n'était Hitler qu'il adulait sans tarir d'éloges.
—Ta mère doit t'attendre, ne traîne pas en chemin, énonça-t-il, avec raideur.
Draco se contenta d'opiner, n'ayant ni l'envie ni la patience de formuler une réponse digne des attentes de son géniteur. Ce dernier jetait des regards furtifs autour de lui, visiblement très tendu malgré le masque d'impassibilité qui lui seyait si bien. Le même que celui de son fils. Il ajouta, baissant considérablement le ton mais de manière presque menaçante :
—Et tu tâcheras de mieux te tenir, à l'avenir.
—Bien, père, répondit le jeune adulte, aussi poliment que possible.
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Draco ressentit un profond soulagement à l'instant où il franchit les portes de son ancien domicile. La maison de son enfance.
Une délicieuse flagrance l'accueillit, accompagnée d'une sourde nostalgie. Les lilas en fleur bordaient la petite allée, soigneusement entretenue par le jardiner de la famille. L'imposante bâtisse n'impressionna nullement le jeune aristocrate qui pénétra à l'intérieur avec franchise.
Tout était absolument impeccable. Le luxueux mobilier s'offrait à son regard et son ensemble semblait scintiller à la lumière dorée du Soleil. La journée touchait lentement à sa fin et les lueurs chaudes tirant sur le rouge vermeille jouaient de ses nuances sur les meubles en bois de chêne finement sculptés.
Du coin de l'œil, Draco aperçut son vieux piano, inutilisé depuis son départ. Sa mère avait l'habitude d'en jouer avant sa naissance et lui avait appris à manier l'instrument. Le souvenir de ses doigts dansant sur les touches s'imposa à son fils qui s'imaginait sa génitrice quelques années auparavant. Le goût délicat de l'innocence le saisit. Alors, il s'imagina jouer dans la cour, riant à gorge déployée jusque dans le salon où son père le réprimandait. Narcissa ne manquait jamais de le défendre, observant d'un tendre regard son fils bien-aimé détaler dehors.
Sa silhouette blonde s'ajoutait bien souvent à une autre, diamétralement opposée. Un garçon souriant mais d'une redoutable maturité pour son âge, à la peau sombre et au regard profond. Blaise Zabini.
—Draco, l'interpella une voix féminine, tirant Draco de sa mélancolie.
—Mère.
Narcissa Malfoy traversa la vaste pièce avec une retenue digne de son rang avant d'envelopper le jeune homme dans une étreinte maternelle. Elle le serra dans ses bras plus longtemps que la convention l'aurait obligé mais qu'importe, le soldat ne trouva pas la force de protester. Lorsqu'elle l'écarta, son beau visage troublé par une joie tenace et sincère, elle s'exclama :
—Mon petit, tu es là. Tu vas bien ? Dis-moi que tu vas bien ?
—Je vais bien, mère.
Elle dévisagea longuement la chair de sa chair, détaillant chacun de ses traits comme s'ils avaient été séparés des années durant. Deux mois venaient de s'écouler. Deux mois seulement
—Et vous ? Père ne vous ...
—Non, tout va bien. Je m'inquiète seulement pour toi.
—Vous ne devriez pas, mère.
Sa main vint replacer une mèche de cheveux défaite de son chignon sophistiqué et pourtant impeccable. Elle était superbe, exposée ainsi aux couleurs vives des premières minutes du crépuscule. D'un mouvement souple, presque artistique, elle entraîna son fils dans le petit salon où elle l'installa. D'une voix parfaitement maîtrisée, elle héla le serviteur qui s'égarait par ici :
—Un thé pour mon fils et moi-même, Dobby.
—Bien, Madame Malfoy.
Et il disparut, abandonnant la mère et son fils à leurs retrouvailles. L'émotion les saisissait à la gorge, rendant les paroles futiles voire impossibles à prononcer. Narcissa parvint à lutter contre cela, reprenant la conversation là ils l'avaient laissée plus tôt :
—Et Blaise ? Comment va-t-il ?
Devant la mine grave de son fils et l'ombre gagnant la peau diaphane de son visage, elle renchérit, d'une voix rendue aiguë par une soudaine angoisse :
—Non, je t'en prie. Dis-moi qu'il est en vie !
—Il a survécu, répondit Draco, d'une voix éteinte. Mais j'ai cru... j'ai réellement pensé, qu'il allait mourir.
—Je n'ai cessé de penser à lui. Je me suis répétée qu'il ne méritait pas de mourir si jeune. Lui, un innocent !
—Il n'est pas innocent aux yeux de tous, mère ! Voyez ce qui lui est arrivé, sa couleur est un crime pour certains, répliqua-t-il, avec véhémence.
Narcissa considéra son enfant avec indulgence. Sa main couvrit affectueusement celle qui tremblait nerveusement sur la vitre de la table basse. Un orage parcourut les orbes du jeune aristocrate, les éclairs ravagèrent tout sur leur passage mais la pluie, elle, refusa de tomber. La quarantenaire conserva un silence respectueux et pensif, sans oser le contredire ou soutenir ses propos. Il ajouta alors, bien plus bas, se faisant l'écho d'une triste vérité :
—Et les innocents meurent aussi.
—Tu as raison, souffla la belle femme, entrevoyant le trouble de son fils.
Draco réfléchit à toute allure, les paroles se pressant à ses lèvres si fort qu'il avait toutes les peines du monde à les contenir. L'insensibilité aurait sans doute été préférable, moins pénible. L'inhumanité pouvait-elle constituer le meilleur choix dans une telle situation ? Il plongea son regard gris dans celui de sa mère avant de l'éviter, débitant le flot de dires qui l'incombait :
—Si Blaise a survécu, c'est uniquement grâce à deux... personnes, deux Alsaciens. Une femme, un médecin.
Il guetta une réaction de la part de son interlocutrice, un quelconque rejet de ses propos. Mais rien ne vint jamais, alors il se poussa à poursuivre, à demi-mot :
—Et aussi celle d'un homme, Harry Potter.
—Remercie-les de ma part, ils méritent ton respect, releva Narcissa, surprenant son fils.
—Ce Potter, il est juif, mère, avoua-t-il, alors, d'une voix étranglée.
Elle réagit à peine à cette révélation. Son enfant avait côtoyé ce qui répugnait le plus le régime, un juif. Une abomination, un sous-homme, un véritable fléau pour le peuple allemand. Voilà les termes de son mari, ceux qui lui vinrent à l'esprit mais qu'elle rejeta avec la force de son jugement.
Draco attendait péniblement une réponse. N'importe quoi s'y apparentant, même une gifle si seulement il le fallait. C'était ce que Lucius n'aurait jamais manqué de faire, tout le contraire de sa douce Narcissa qui répondit, un sourire triste flottant à ses lèvres :
—Cela ne change rien à ce qu'il a fait, Draco. Cela ne doit simplement jamais parvenir aux oreilles de ton père.
Un bon conseil maternel, que demander de mieux ? Surtout lorsqu'il est aussi avisé que celui de Narcissa.
Ce chapitre présente les deux parents de Draco et deux aspects totalement opposés de sa vie à Munich.
Dans le prochain chapitre, un personnage dont vous avez déjà entendu parlé se présentera. Un indice ? Le personnage en question est proche de Draco :3
Je vous souhaite une belle semaine de vacances <3
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