10.1

Strasbourg, 10 août 1940.

Draco Malfoy patientait silencieusement. La peur rongeait ses entrailles et il priait pour que l'on lui vienne en aide. Que quelqu'un le prenne en pitié.

Blaise Zabini était allongé sur le lit immense et confortable de son meilleur ami. Inconscient, ses traits durs mais harmonieux semblaient, eux aussi, souffrir du mal qui enflammait le métis. Les hématomes restaient bien visibles, parsemant l'épiderme de son visage jusqu'à disparaître sous la couverture qui se soulevait au rythme lent de sa respiration. De pénibles gouttes de sueur dévalaient le long de son front et de ses tempes. Signes physiques de cette terrible fièvre.

Draco ne parvenait pas à se maintenir immobile. Après avoir veillé de longues minutes au côté du blessé, il s'était remis à faire les cent pas le long de la pièce. Où pouvait bien s'attarder ce satané juif ? Son départ remontait à plus d'une demi-heure, lui promettant de trouver quelqu'un capable de sauver son ami. Il l'avait juré sur sa vie et, à présent, l'aristocrate s'accrochait à cette maigre lueur d'espoir qui ondulait à quelques mètres à peine de lui.

Un regard lancé à travers la vitre. Rien. Rien que l'ombre. L'ombre qui avait englouti les habitations aussi loin que sa vision le lui permettait. L'Allemand s'était réfugié dans une maison excentrée de sorte à ne pas éveiller les soupçons. Réduit à un anonymat éphémère mais auquel il n'était décidément habitué, sa situation avait tout pour lui déplaire. L'angoisse qui le submergeait vague après vague, à l'image de la marée montante léchant la falaise, arrivait à bout des dernières défenses du jeune homme. Des dernières onces de patience, de bon sens. Dans sa barbe et dans sa langue natale, il grommela :

—Mais qu'est-ce qu'il peut bien foutre, ce putain de juif ?

Une minute s'écoula, puis une deuxième. Défi insurmontable de l'existence lorsque celle de l'être le plus cher à ses yeux ne tenait qu'à rien. Une faible lueur de vie qui tremblotait dans la nuit glaciale. Presque éteinte. Presque morte.

La peur parlait pour lui, poussant d'affligeantes paroles à la frontière de ses lèvres. Draco aurait tout le loisir de culpabiliser plus tard, mais le temps n'était décidément pas à la demi-mesure. Il crut s'écrouler de soulagement à l'instant où la porte s'ouvrit en fracas, laissant sur son seuil deux silhouettes frigorifiées. Harry Potter, essoufflé par cette course folle et... une femme !

Avant que le blond n'ait eu le loisir de protester de quelque manière que ce soit, le Français s'expliqua, pénétrant dans la pièce chauffée :

—Je suis revenu le plus rapidement possible.

Le juif ne quêta pas la moindre réponse de la part de son homologue masculin. Il hâta de rejoindre la raison de sa venue, toujours allongée. Il passa une main sur son front moite, sans dégoût visible, vérifiant la température corporelle de son patient, toujours bien trop élevée.

Hermione retira le châle qui couvrait ses épaules avant de remonter les manches de son vêtement afin de profiter d'une meilleure liberté de mouvement. Draco suivit son geste, sans voix. Il se reprit bien vite, retrouva sa contenance et son assurance en un soupir. Il articula, froidement :

—Potter, il me semblait t'avoir demandé un médecin.

Quelque peu surpris par la soudaine remarque de l'Allemand, Harry suspendit tout mouvement. En parallèle, la jeune femme déposa son matériel sur la table basse sans prêter réelle attention aux propos déplacés tenus à son égard. Elle-même était étonnée par l'identité de son patient mais se refusait de laisser mourir cet homme sous un tel prétexte. Cela n'empêcha pas son ami de s'en insurger, virulemment :

—Vous me l'aviez demandé parce que je n'ai pas les compétences nécessaires et je vous ai amené quelqu'un de qualifié.

—Tu ne me feras pas avaler une chose pareille ! Tu ne penses tout de même pas que je vais laisser une femme toucher à mon meilleur ami ? Un des meilleurs médecins a essayé de le sauver et a échoué, alors ne vient pas me prétendre qu'une femme a les compétences requises.

—Si ça ne vous convient pas, nous pouvons toujours vous laisser vous débrouiller par vos propres moyens. Je suis certain que des dizaines de médecins se presseront à votre porte pour le soigner !

Draco se renfrogna grandement, dévisageant celui qui osait lui tenir tête avec hauteur. Les préjugés qu'il entretenait si durement n'étaient pas seulement connus de lui. Beaucoup auraient refusé qu'une femme touche à des instruments médicaux. Fermement campé sur ses positions, il demeurait néanmoins conscient de l'urgence vitale de la situation.

—Harry, j'aurais besoin de serviettes propres et sèches et de deux bassines. Une d'eau froide et l'autre d'eau chaude.

—Mais, Hermione...

—Pas le temps de discuter, il est encore temps de le sauver.

Hésitant, Harry défia son vis-à-vis de toute remarque désobligeante une ultime fois. Son aîné lui montra d'un mouvement contraint du poignet, la direction de la cuisine. L'autre disparut sans attendre, sachant pertinemment que son amie saurait formuler les réponses les plus justes face au sexisme de l'Allemand.

Quelques secondes de silence s'installèrent durant lesquelles Hermione s'attela à ausculter son patient. Nullement répugnée par la couleur de sa peau, elle découvrit sans un mot la violence dont il avait été victime. Elle passa une main légère sur la peau brûlante, repoussant la couverture jusqu'aux hanches du blessé. Sur le ventre, même schéma. Les hématomes se multipliaient, recouvrant l'épiderme de nuances violacées. Une de ces tâches s'étalait sur plusieurs centimètres et se montrait particulièrement préoccupante.

Finalement, elle se décida à s'exprimer, sans lâcher l'objet de son attention du regard :

—Je suis réellement médecin. Si c'est de quoi vous doutiez.

—Je doute du simple fait qu'une femme puisse être médecin, répondit Draco, sur le même ton.

—Tout comme vous doutez qu'une femme puisse être aussi efficace qu'un homme dans tout autre domaine.

Le plus âgé resta sans voix, étonné par la répartie de la jeune femme. Elle devait compter au moins deux ans de moins que lui, peut-être même trois. Quelques centimètres supplémentaires auraient été nécessaires pour qu'elle atteigne véritablement la taille de son interlocuteur. Une supériorité évidente aux yeux du blond mais qui n'empêcha guère Hermione de rétorquer :

—Si vous voulez savoir, j'aurai préféré profiter de ma soirée et de ne pas avoir à risquer ma vie pour quelqu'un qui n'hésiterait pas un seul instant à mettre un terme à la mienne. Alors si vous le voulez bien, je vais faire ce pourquoi je suis venue.

—Et si je refuse votre aide ?

—Harry a raison, personne n'acceptera de le prendre en charge. Je suis certainement la seule personne à pouvoir sauver votre ami. Si vous refusez mon aide sous prétexte que je ne suis pas bien née, alors vous aurez sa mort sur la conscience. Retenez bien ça, à vous de faire le bon choix !

Draco hésitait. Un principe inculqué depuis le plus jeune âge l'empêchait de raisonner logiquement. La solution était pourtant évidente, mais il se refusait à l'accepter par simple fierté. Son orgueil de Malfoy s'affirmait avec violence jusqu'à ce qu'il y renonce. Qu'il abandonne cette lutte puérile et vaine. Il dit, très bas :

—Très bien, tu as gagné.

C'était bien peu, un aveu lâché du bout des lèvres et mu d'une mauvaise foi évidente. La fierté prenait le dessus sur la raison, obstruant le jugement mais pas les émotions qui le terrassaient, à vif. Pourtant, cela suffit aux yeux d'Hermione qui opina bien avant que l'aristocrate n'ajoute, presque douloureusement :

—Sauve-le. Il ne doit pas mourir.

—Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le sauver, assura-t-elle, solennellement. 


Est-ce que l'attitude de Draco en a surpris quelques uns ? Il est ouvertement sexiste oui, mais comme la plupart  des hommes à cette époque. Une femme n'avait pas sa place dans un hôpital, mais à la maison pour y élever ses enfants. Hermione ne l'entend évidemment pas de cette manière !

Draco finit par accepter de laisser la vie de son meilleur ami entre les mains d'une femme, à contre coeur évidemment. La suite du chapitre sera dans la continuité de cette première partie !

Des koeurs sur vos jolies petites têtes <3

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top