Cry to me


Petite musique d'ambiance




Je respire un grand coup avant de trouver le courage de frapper à cette porte. Mon père vient de me laisser derrière lui, posant sur moi un regard que je ne lui avais jamais vu. Sa déception se lisait sur chacun de ses traits. Je ne veux pas y penser, encore moins m'appesantir sur le chagrin que cela m'apporte, je suis venue ici pour... Pour réparer une injustice. Du moins, c'est ce que je m'autorise à penser, car si j'écoute au fond de moi la vraie raison, je...

Le bruit de ses pas derrière la porte m'apprend qu'il se dirige vers moi. Le battant de bois de ce vieux chalet de bois sur pilotis s'ouvre. Il le tient d'une main et son visage ne montre aucune surprise de me trouver devant chez lui à cette heure tardive de la nuit. Il porte un pantalon noir tenu par une ceinture de cuir, mais son torse est nu.

- Entre, me dit-il.

Je passe devant lui et un effluve de son odeur me parvient. Je connais exactement le parfum de son corps, sa transpiration musquée, la texture de sa peau de par nos nombreuses répétitions de danse. Il semble ignorer à quel point la sensualité se dégage de lui. Le spectacle de ce soir au Théâtre Shelter me semble loin à présent, notre représentation, ce que j'ai ressenti à son contact. Entre temps, il y a eu Penny, que nous avions laissé ici pour son avortement raté, mon appel au secours à mon père médecin pour qu'il tente de la sauver, heureusement avec succès. Mon père n'a rien compris... Il pense que Johnny est le père du bébé de Penny, et qu'il l'a laissé entre les mains d'un boucher pendant qu'il me séduisait.

J'observe la chambre aux murs de bois bruts autour de moi, la décoration est dépouillée, juste le nombre de meubles réduit au strict nécessaire. La pièce est en désordre, avec des vêtements trainants au sol, ça et là, des bouteilles de bière vides que j'aperçois dans un coin. Johnny se rend compte de mon silence et tente de se justifier :

- J'imagine que ce n'est pas une belle chambre, comme la tienne.

Là où il a tort c'est que je trouve cette chambre géniale, tout ici me fait penser à lui, le tourne disque avec une musique soul en fond sonore, la veste de cuir que j'aime tant qu'il porte est négligemment posée sur un fauteuil à bascule en rotin, et plus que tout, cette chambre a un parfum de liberté que je n'aurai jamais.

- Non, je l'adore !

Il sort soudain les mains de ses poches et s'empresse de débarrasser une vieille chaise de ses vêtements, qu'il balance à même le sol un peu plus loin, je m'assois alors qu'il fait mine d'éteindre la musique:

- Non, laisse la, dis-je.

Il interrompt son geste, puis continue de ramasser quelques affaires encore éparpillées avant de s'assoir en face de moi.

- Je suis désolée, commencé-je, de la façon dont mon père t'a traité, ce n'était pas juste.

- Non, ne dis rien, ton père a été grandiose, la manière dont il a sauvé Penny...

- Je veux dire, son attitude envers toi. C'est en partie à cause de moi...

Il semble vouloir ajouter quelque chose mais se ravise et finit par baisser la tête. Je suis bien incapable de déchiffrer ses sentiments à cet instant.

- Jamais je ne pourrais faire ça, dit-il. La manière dont il l'a sauvée... C'était impressionnant. La raison pour laquelle il me voit comme un moins que rien, c'est parce que c'est ce que je suis.

Cela me fend le cœur qu'il puisse se sentir coupable et incapable de voir la belle personne qu'il est. Je ne peux pas le laisser penser une telle chose.

- Ce n'est pas vrai ! Tu es... tu es incroyable...

Il lève la tête vers moi et pour un moment, il semble contrarié, excédé.

- Tu ne comprends pas la vie telle qu'elle est, pour moi. Tu crois que c'est facile ? Le mois dernier, je galérais à joindre les deux bouts, obligé de me nourrir de fruits pour survivre et aujourd'hui, me voilà avec des femmes qui mettraient des diamants dans mes poches ! Je suis sans arrêt en équilibre, instable, tout peut se casser la gueule à chaque instant.

- Ce n'a pas nécessairement à être comme ça, je l'interromps.

Mais il secoue la tête.

- Je n'ai jamais rencontré quelqu'un comme toi. Tu penses que tu peux sauver le monde, tout réparer... Si quelqu'un est perdu, tu penses pouvoir l'aider à trouver son chemin, si quelqu'un est malade, le soigner... Tu n'as peur de rien, affirme-t-il, tu...

- Moi ? je le coupe. J'ai peur de tout ! J'ai peur de ce que je vois, de ce que je fais, de ce que je suis...

- Il fallait pourtant une sacré dose de courage pour aller chercher ton père, comme tu l'as fait ce soir.

Je sens mon cœur qui s'emballe, tout ce que j'ai retenu en venant ici, la raison qui me pousse à vouloir le meilleur pour lui, mes pensées s'emmêlent, j'en perds mon souffle.

- Et le pire de tout... J'ai peur de sortir de cette chambre ce soir et ne plus jamais ressentir ce que je ressens lorsque je suis avec toi.

Johnny s'est levé à mes mots, il me fixe, les mains dans les poches de son pantalon. Soudain timide, mes yeux se baissent vers le sol. Derrière nous, un autre disque s'enclenche sur le phonographe et une nouvelle musique lascive s'élève, emplissant la petite chambre. Johnny soupire, je ne sais quoi penser, je sais juste que mon cœur bat à tout rompre et que je si je ne fais pas quelque chose, un mouvement, n'importe quoi, je vais imploser. Je me lève de ce petit fauteuil de rotin où je m'étais assise en arrivant et m'approche de lui, ses yeux sont toujours rivées au sol.

- Danse avec moi, dis-je

- Quoi ? ici ?

Il a enfin levé son regard vers moi, surpris par ma demande. Je franchis le dernier mètre qui me sépare de lui pour poser la main sur son flanc. Sa peau est chaude. Nos regards se croisent brièvement et je remonte ma main le long de son bras, puis son épaule. Comme lors de nos répétitions de danse, le danseur en lui reprend vie et dans un lent mouvement, il m'entraine sur la musique. Nos deux corps se meuvent sur le rythme de soul et blues, à la différence que nos visages sont bien plus proches que d'habitude. Ma paume se glisse derrière sa nuque et j'accroche mes yeux dans les siens.

Sa main s'est placée dans le bas de mon dos, il imprime un mouvement de vague qui me fait basculer en arrière. Il me maintient fermement, je sens la tension de son corps contre le mien. Il me dirige dans sa danse et je me laisse aller contre lui, à sa merci. Il resserre ensuite son étreinte, mes bras le serrent encore plus fort. Ce n'est plus vraiment de la danse, nous vivons le rythme de la musique, le balancement, mon cœur en oublie de battre. Dans ses bras, je suis à lui, il peut faire ce qu'il veut de moi. Son bassin se presse contre le mien, une chaleur m'envahit et je commence à poser mes lèvres, partout, sur son torse, dans le creux de son cou.

Il attrape une de mes jambes pour me basculer vers l'arrière, je ressens la sensualité du mouvement jusque dans le creux de mes reins. L'intensité dans son regard se charge un peu plus alors qu'il me remonte vers lui, nos lèvres s'effleurent. Je fais le tour de son corps, laissant aller mes mains sur son torse, les muscles de son dos et, plus bas, sur le galbe de sa fesse. Un moment, il m'observe en silence, puis il attrape mes poignets pour les positionner au-dessus de ma tête, comme lors de notre chorégraphie, sauf que c'est plus, bien plus, toujours plus. Ses mains redescendent, caressant mes bras puis remontent le long de mes côtes, soulevant le tissu de mon tee-shirt. Il le fait passer par-dessus ma tête, le balançant un peu plus loin.

Je ne sais combien de temps nous dansons, ses lèvres se posant sur mon corps, ma bouche, mes seins, avant de basculer sur le lit. Ce n'est plus de la danse, juste deux corps qui s'unissent au son de la musique, deux âmes qui se rejoignent, le temps d'une étreinte.








Je sens que vous allez me tuer, de vous laisser sur votre faim ;) Ceux qui me connaissent savent que je n'écris pas de scènes osées... A votre imagination...

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