Chapitre 8
À la fin du cours, je me lève et suis le troupeau jusqu'à la porte quand madame Forrester, qui attendait à la sortie, m'interpelle :
— Alice, on a cours ensemble après la pause, mais peux-tu venir me voir dès maintenant, s'il te plaît ?
Je trouve étrange qu'elle vienne me chercher à la sortie de mon cours de sciences, je la suis néanmoins sans lui poser de question. Elle me fait entrer dans la salle de mathématiques et referme la porte derrière moi avant de s'installer à son bureau et de m'inviter d'un signe à me rapprocher.
— En tant que professeure principale, je tenais à m'entretenir avec toi, Alice.
— D'accord.
— Je voudrais savoir comment tu vas, connaître tes premières impressions, m'assurer que ça se passe bien avec tes nouveaux camarades.
— Oui, tout va bien, madame Forrester.
Je me sens un peu gênée par la situation et pense à ce qu'Alex doit me montrer au sujet de Doria Miller, alors je jette un regard vers la sortie, espérant lui faire comprendre mon désir de profiter de ma pause.
— Tu t'es fait des amis ? J'ai l'impression que tu es assez solitaire, non ?
— Euh non. Je discute avec... avec Alex ! On s'entend bien tous les deux.
Qu'est-ce qu'il ne faut pas raconter comme connerie...
— Ah, Alex... Tu me diras, ça ne lui fera pas de mal de se sociabiliser un peu.
Je souris et commence à reculer de quelques pas vers la porte.
— Et ton père ? On parle beaucoup de lui à Laneford...
— Euh... Excusez-moi madame Forrester, mais je dois vraiment aller aux toilettes, là.
— Ah d'accord... Je voulais juste que tu saches que je suis là si tu as besoin de parler, je suis tout à fait consciente que cette situation peut être difficile à gérer pour une jeune fille de seize ans.
— Le fait de ressembler à une fille disparue, vous voulez dire ? demandé-je.
— Euh... oui, répond-elle gênée, et le fait de te retrouver dans un nouveau lycée, une nouvelle région...
— Ne vous inquiétez pas, tout va bien. Et vous savez, ce n'est pas la première fois que je change de ville et d'établissement, je commence presque à avoir l'habitude.
Elle acquiesce en souriant.
— À tout à l'heure, dis-je en rejoignant la porte.
— À tout à l'heure.
J'avance dans les couloirs en repensant aux inquiétudes de madame Forrester.
— Hep, Alice !
Face à son casier, Alex me fait signe.
— Viens, ajoute-t-il.
Je m'approche de lui, curieuse de voir ce qu'il a à me montrer, tout en prenant soin de garder une expression de visage aussi froide que possible. Il n'est pas question qu'il s'imagine que j'ai oublié le coup de la voiture.
— Si c'est encore une de tes blagues, commencé-je, je peux t'assurer que je ne suis vraiment pas d'humeur.
— Qu'est-ce que t'as ?
— Tu te fous de moi ?
— Je t'ai dit que j'étais désolé.
— Et tu crois peut-être que ça suffit ?
Il ne dit rien.
— Bon alors ? Qu'est-ce que tu as à me montrer ?
Il se retourne vers l'intérieur de son casier et en ressort une feuille pliée.
— C'est une lettre, me dit-il.
— Oui, je vois ça, et alors ?
— Elle est de Doria.
— De Doria Miller ?
— Avant de te la montrer, peux-tu me promettre de garder ça pour toi ?
J'ouvre de grands yeux, ça sent la blague potache à plein nez ! Je commence à regretter de m'être arrêtée.
— Promets-le-moi, Alice.
J'hésite, je n'ai franchement pas envie qu'il en rajoute une couche. Je sens que je suis à fleur de peau après le coup de la voiture, alors si c'est encore une connerie de sa part... Mais trop curieuse, je prends le risque.
— Allez montre, je ne dirai rien !
Il déplie la lettre. À première vue il s'agit bien d'une écriture féminine, et je distingue « Doria » en signature.
Je me saisis de cette dernière et commence à la lire :
« Peter,
Depuis vendredi je ne cesse de penser à toi, de penser à nous.
Je regrette ce que je t'ai demandé, restons cachés ce n'est pas grave. Je préfère accepter cela plutôt que de voir se finir notre relation. Ces trois jours sans nouvelles de toi ont été bien plus difficiles que je ne l'aurais cru, s'il te plaît pardonne-moi.
Reviens. Que tout redevienne comme avant, vivons notre relation comme tu l'entends, je suis prête à patienter.
Sans toi je n'ai plus de raison d'être.
Doria »
Je regarde autour de nous, m'assure que personne ne nous observe.
— Où est-ce que tu as trouvé ça ?
— Dans la chambre de mon frère, au fond d'un tiroir de sa table de nuit.
— Et ce... Peter ?
— C'est mon frère.
La sonnerie retentit, les élèves commencent à regagner le couloir. Alex me prend la lettre des mains et la replace dans son casier, qu'il referme en vitesse.
— N'oublie pas, me dit-il, ça reste entre nous.
J'entre en classe et cherche le regard d'Alex en allant m'asseoir, mais il ne lève pas les yeux de son bureau.
Le cours commence et je n'arrive pas à ôter ces phrases de mes pensées, surtout la dernière. Elle me revient en tête et cogne dans mon esprit.
— Alex... chuchoté-je. Alex...
— S'il te plaît, Alice ! s'exclame madame Forrester, je te signale que le cours a débuté, je te prierai donc de respecter le silence.
Alex tourne légèrement la tête, juste ce qu'il faut pour que nos regards se croisent.
Je saisis alors un coin de mon cahier que je déchire et j'y inscris :
« Sans toi je n'ai plus de raison d'être. »
Est-ce que tu penses comme moi ?
Je plie le morceau de papier et lui envoie par-dessus son épaule. À ma droite un type me regarde faire en souriant, je lui jette un regard suffisamment froid pour le faire retourner à ses affaires.
Je vois à ses mouvements d'épaules qu'Alex est en train de me répondre. Il se retourne rapidement et me tend le même morceau de papier, au dos duquel il a écrit :
« On se connaît à peine, tu vas un peu vite je trouve. »
Je ne comprends pas sa réponse... Puis je relis ce que j'ai écrit sur l'autre face.
Quel connard !
Je déchire à nouveau un morceau de papier. À ce rythme, mon cahier ne va pas me faire la semaine.
Je vois que monsieur fait de l'humour... Sois sérieux !
La dernière phrase de la lettre : « Sans toi je n'ai plus de raison d'être », venant d'une fille aujourd'hui disparue...
Ça pue le suicide !
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