Chapitre 5

Le détective Wayne se gara devant la maison de madame Miller. La porte s'ouvrit quelques secondes après qu'il ait sonné et il fut invité à entrer. L'enquêteur salua son hôte et l'observa rapidement. Il lui donnait 45 ans et la trouvait encore très belle malgré les marques laissées sur son visage par deux ans de tristesse.

Elle l'invita à s'asseoir et s'éclipsa dans la cuisine, avant de revenir les mains chargées d'un plateau. Puis elle prit la parole tout en servant le café :

— Donc, vous avez débuté votre enquête...

— Oui, j'ai passé la journée d'hier au commissariat afin d'y regrouper différents éléments.

— Et vous avez dû voir que les recherches étaient au point mort, le coupa-t-elle.

— En effet...

— Vous ne pouvez pas savoir ce que ça fait... Lorsque votre fille a disparu, que vous demandez des nouvelles de l'enquête et que vous avez l'impression qu'elle n'a plus d'importance pour les policiers.

— C'est ce qu'ils vous ont dit ? s'étonna Wayne.

— Pas explicitement. Disons que j'ai fortement ressenti leur manque d'implication au fur et à mesure des investigations. Et le plus difficile a été quand j'ai compris qu'ils acceptaient de ne plus rien trouver. Ils sont passés à autre chose, et m'ont simplement dit qu'ils resteraient attentifs si de nouveaux éléments venaient à être découverts.

— Je comprends...

— C'est pour cela que je vous ai engagé, monsieur Wayne. J'ai besoin de vous pour trouver ces nouveaux éléments ; je ne peux me résoudre à ce que la disparition de ma fille soit acceptée et mise au placard sans que toute la lumière ait été faite.

— Justement, madame Miller, je dois pour cela reprendre l'enquête à zéro, quitte à suivre les traces de la police de Laneford il y a deux ans, et ce, jusqu'à trouver le détail qui leur a échappé.

Elle le regarda, attendant la suite.

— À ce sujet, votre mari est parti il y a un an, c'est bien ça ?

— Oui, en effet. Enfin, ça a fait un an le mois dernier, exactement.

L'enquêteur but une gorgée et releva les yeux d'un air grave. Aborder les questions de couple était toujours quelque chose de déplaisant pour lui.

— Vous diriez que votre rupture est due à la disparition de votre fille ?

— Ça ne fait aucun doute, répondit-elle. Mon mari avait perdu l'espoir de la retrouver, il souhaitait que l'on reprenne notre vie en main.

Elle prononça ces derniers mots comme s'il s'agissait de l'idée d'un dégénéré.

— Et vous n'étiez pas de cet avis..., reprit l'enquêteur pour l'inviter à continuer.

— Bien sûr que non ! Notre vie s'est arrêtée à la disparition de Doria, comment vouliez-vous qu'elle reprenne alors qu'on ne l'avait pas retrouvée ?

La femme retint un sanglot avant de reprendre :

— Je ne supportais plus de le voir. Il n'y croyait plus, j'avais l'impression qu'il voulait l'oublier...

Des larmes coulaient le long de ses joues, mais l'enquêteur n'eût su dire s'il s'agissait de larmes de tristesse ou de colère.

— Toujours est-il que vous n'avez jamais soupçonné votre mari d'être en cause dans la disparition de Doria...

— Ah ça non, jamais ! Il adorait sa fille, c'est aussi pourquoi je ne comprends pas qu'il ait abandonné tout espoir si rapidement !

Elle reprit sa respiration tandis que l'enquêteur prenait son temps pour avaler sa gorgée de café, comme pour ne pas la brusquer.

— Mais les policiers m'ont plusieurs fois posé la question, vous l'avez peut-être vu dans les rapports. Avec mon mari, nous nous sommes demandé s'ils ne cherchaient pas à nous éloigner l'un de l'autre.

— Je comprends... Sachez que dans la plupart des cas de disparition, lorsqu'il ne s'agit pas de fugue, c'est très souvent l'œuvre d'un proche.

— Je le sais, répondit-elle dans un sanglot. Si vous saviez le nombre de personnes qui nous ont tourné le dos après que notre fille ait disparu... Comme si nos amis nous soupçonnaient !

Le détective tourna la page de son calepin pour en entamer une nouvelle.

— Monsieur Wayne ?

Il releva la tête, s'attendant à une confidence.

— Oui ?

— Puis-je savoir par quoi vous allez commencer ?

— Oui, bien sûr, répondit-il. J'allais justement y venir. Je me dois d'interroger ceux qui étaient proches de votre fille, c'est pourquoi j'ai besoin que vous me disiez qui étaient ses amis.

Madame Miller sembla embêtée par la question.

— C'est que..., balbutia-t-elle. Il me semble que ses camarades de classe ont déjà été interrogés par la police, il y a deux ans.

— Oui, je le sais bien, cependant il n'est pas rare que les réponses aux mêmes questions soient différentes quelques années plus tard. Que ce soit pour un souvenir ressurgi ou la crainte de parler au moment du drame...

— D'accord.

Wayne observa madame Miller dans l'attente de ces informations, mais elle le regarda de manière confuse.

— Ses amis ? rappelle le détective.

— Oui ! C'est que je ne sais pas vraiment si elle en avait... Doria ne me parlait jamais de ses camarades de classe.

— Vous ne savez pas si elle avait une meilleure amie ?

— Je ne crois pas.

— Personne qu'elle invitait chez vous ?

— Non.

— Un petit ami ?

— Je ne pense pas.

L'enquêteur ne cacha pas sa déception et il s'apprêtait à insister, lorsque madame Miller reprit :

— Il y avait tout de même Cassandra.

— Cassandra ?

— Sa cousine, la fille de ma sœur. Elles avaient le même âge toutes les deux et s'entendaient comme les deux doigts de la main.

— Et elles étaient souvent en contact ?

— Elles passaient leur temps à discuter au téléphone ou sur Internet.

— OK, cela ne me dit rien... Cassandra a été interrogée par la police ?

— Non, pourquoi ? Vous la pensez mêlée à cela ?

— Non, pas du tout, mais peut-être était-elle au courant de quelque chose.

— Elle me l'aurait dit.

— Comment ça ? demanda l'enquêteur.

— J'ai revu Cassandra depuis... Même si je vois moins ma sœur depuis la disparition de Doria, les quelques fois où j'ai vu Cassandra, elle ne m'a rien dit.

— Mais c'est une adolescente, madame Miller. Elle est dans une période où l'on cache beaucoup de choses aux adultes.

— Doria pouvait tout me dire.

— Elle le pouvait peut-être, mais il y a bien des choses que les jeunes filles préfèrent garder pour elles, ou ne les partager qu'avec leurs amies, ou leur cousine.

Madame Miller ne répondit rien, mais parut contrariée à l'idée qu'une tierce personne puisse connaître des secrets de sa fille qu'elle ne connaîtrait pas elle-même.

— Où puis-je trouver Cassandra ? reprit Wayne.

— Elle vit chez ma sœur, à Washington.

— D'accord, vous avez ses coordonnées ?

La femme se releva et ouvrit un tiroir d'une commode placée dans l'entrée. Elle en sortit un carnet noir et revint s'installer face au détective. Elle l'ouvrit à la page recherchée, puis le tendit à Wayne, qui retranscrit l'adresse ainsi que le numéro de téléphone qui y étaient notés.

— J'aurais également besoin de m'entretenir avec votre mari ; j'ai cru voir dans les rapports qu'il se trouvait dans l'État voisin de Washington.

— Oui, en effet, il se trouve dans le Maryland, à Baltimore. Il y avait une opportunité professionnelle, il l'a donc saisie pour s'éloigner de tous ces problèmes.

— D'accord.

— Vous pourrez me transmettre ce qu'il vous aura dit ?

— Ça va de soi, madame Miller, je travaille pour vous.


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