- Sérieusement Hoseok, qu'est-ce que tu lui trouves à Jimin ?

Le jeune homme fronça légèrement les sourcils, agacé par les rires moqueurs de ses camarades.
Mais il se reprit rapidement, avant qu'on ne le remarque, avant que quelqu'un ne voit sous son masque souriant.

Souris toujours Seokie, même quand tu es en colère, s'énerver n'apporte jamais rien de bon.

- C'est mon ami, répondit-il simplement. Il est très cool quand on le connaît un peu hyung.

Pour connaître Jimin, il le connaissait.
Il ne savait pas tout à fait comment, mais le plus petit et lui étaient restés amis, depuis la maternelle.
Jimin avait toujours l'air de vouloir s'enfuir et couper les ponts, alors Hoseok s'était souvent dit que cela ne durerait pas. Mais il était resté à ses côtés, Jimin l'avait toujours soutenu, malgré sa timidité, et Hoseok avait fait de même.

Aujourd'hui ils étaient au collège, dans la même classe, et même si Jimin détestait toujours autant se retrouver au milieu d'un groupe et le fuyait un peu aux intercours, ils continuaient d'aller à l'école ensemble, de rentrer par le même bus, et ils se voyaient le week-end.

- Cool ? s'exclama un des autres élèves assis dans la salle de permanence. On parle du type qui s'est presque évanoui pendant son premier exposé et s'est mis à pleurer quand la prof lui a demandé d'arrêter ?

Encore des rires. Hoseok serra brièvement les doigts autour de son poignet sous la table.
Il voulait rester souriant, rester positif, comme sa sœur le lui répétait enfant, mais c'était difficile.

Plus c'était dur, plus Hoseok souriait fort. C'est donc avec un visage radieux qu'il répondit à son aîné.

- Jimin est cool. Lui au moins, il ne raconte pas de la merde sur d'autres élèves en pensant que ça le rend intéressant.

Les ricanements cessèrent, pas tous d'un coup, le temps que tout le monde comprenne que Hoseok, malgré son sourire, venait d'insulter le plus âgé de la bande, passant complètement sur les honorifiques.

Ce dernier se leva brusquement, faisant crisser sa chaise sur le sol carrelé.

- Tu te fous de moi Jung ?

Hoseok haussa les épaules, son sourire et son regard se faisant plus incisifs.

- Va savoir.

Ahh, ça y est, l'autre était en rogne et serrait les poings.
Il affichait clairement sa colère. Hoseok pensa un instant qu'il aurait mieux fait de sourire.
Il avait une sale tronche.

×

- Tu t'es encore battu ? demanda Jimin, l'air soucieux. Pourquoi... ?

Il leva la main vers le visage de Hoseok et ses petits doigts effleurèrent sa joue, en dessous de sa pommette bleuïe.
Hoseok sourit, comme à son habitude, mais ce n'était cette fois-ci pas pour cacher autre chose.
Il souriait vraiment avec Jimin, il n'avait ni colère ni ressentiment à cacher.

Il attrapa son ami, ignorant son couinement de surprise, et le serra fort dans ses bras en lui ébouriffant les cheveux.

- Pour tes beaux yeux Jiminie, quoi d'autre ?

L'autre se mit à râler pour que Hoseok le lâche, ce qu'il finit par faire, plus pour pouvoir voir ses joues écarlates que pour lui obéir.
Dans la rue, Jimin était toujours si coincé... Même quand elle était vide comme maintenant. Qu'il ait osé lever la main vers le visage de Hoseok relevait du miracle.

Ce dernier se demanda depuis combien de temps ce bleu sur sa joue l'inquiétait, depuis combien de temps Jimin attendait qu'ils se retrouvent seuls pour le confronter sur ce point.

La petite moue sur le visage du plus jeune lui arracha un nouveau sourire sincère.

- Arrête de dire des bêtises... grogna Jimin. Tu peux pas être sérieux deux minutes ? Ta mère va encore piquer une crise.

- Haha, sûrement...

La maison de Hoseok était à quelques pas d'ici. Pour le moment, les deux garçons étaient arrêtés devant celle de Jimin.
Hoseok n'y entrait jamais. La mère de son ami n'appréciait pas la sienne, et elle avait visiblement reporté son animosité sur lui.
Pourtant, Jimin attrapa la manche de son ami, l'air mi agacé, mi inquiet.

- Viens, j'ai de la pommade à l'intérieur. Si tu arrives à cacher ta tête ce soir, elle ne verra rien, ça aura disparu demain.

- Ta mère à toi, elle dira rien ? demanda Hoseok en haussant un sourcil.

Jimin haussa les épaules, se dirigeant déjà vers le portail, son sac imposant sur les épaules.

- Elle travaille tard aujourd'hui, elle a pas besoin de le savoir.

Hoseok suivit alors son ami, le cœur léger.
Le père de Jimin, lui, était à la maison, sa voiture était garée dans l'allée, et Hoseok sourit à nouveau. Il l'aimait bien.
C'était toujours lui qui venait chercher Jimin lorsqu'il restait l'après-midi chez Hoseok, c'était aussi lui qui amenait les deux enfants au cinéma ou au parc, la mère de Hoseok ne conduisant pas.

S'il avait eu un papa, il aurait aimé qu'il ressemble à celui de Jimin.
Quoique... Il préférait que Jimin soit son ami plutôt que son frère.
Sourire aussi bêtement devant un frère, se sentir si léger juste à cause de deux mains liées...
Cela aurait sans doute été un peu bizarre.

×

Sa mère froissa la feuille dans son poing, la transformant en une petite boule compacte. Les jointures de ses doigts blanchirent d'un seul coup et Hoseok se sentit frissonner.
Il ne l'avait jamais vue comme ça, n'avait jamais croisé ce regard. Il n'osait même pas parler.
Le jeune garçon se contenta de rester assis sur sa chaise, bien droit, les mains liées et posées sur ses cuisses, son regard faisant des allers retours stressés entre le médecin derrière son bureau et sa mère.

Il venait de passer le Test, il avait conscience que ce qu'elle venait de froisser était le papier sur lequel étaient inscrits les résultats.
Il avait peur.

- Hoseok chéri, va attendre sur les fauteuils dehors s'il te plaît.

Il ne s'exécuta pas tout de suite. Ses jambes lui paraissaient peser deux tonnes chacune.
Sa mère posa finalement une main sur les siennes, ses lèvres se pinçant momentanément.

- Hoseokie... S'il te plaît.

Hoseok retint un sanglot traître et acquiesça avant de se lever, raide.
Il sortit, le dos brûlant sous le regard des deux adultes jusqu'à ce que la porte du bureau de consultation ne se referme.

Il attendit sur un fauteuil pendant de longues minutes. Il avait l'impression que tous les autres patients l'épiaient, pouvaient voir la sueur perler sur ses tempes.

Le Test était-il revenu positif ? Quelle autre raison aurait pu pousser sa mère à lui demander de sortir ? À lui lancer ce regard... ?

Ces yeux... Maintenant qu'il y réfléchissait, il les avait peut-être bien déjà vus.
Le souvenir était flou, il remontait à loin, et Hoseok avait eu sa propre douleur à gérer à ce moment-là, mais...

Oui, la dernière fois que Hoseok avait vu sa mère dans cette état, c'était peu après le test de Dawon, sa sœur aînée.
Avant qu'elle ne parte pour un centre. Avant qu'elle n'en revienne jamais, qu'une lettre ne leur parvienne un matin, leur annonçant que la mutation avait eu raison d'elle.

Hoseok ne se souvenait pas très bien, parce qu'il avait passé toute cette journée à pleurer. La seule qui était restée sereine ce jour-là, c'était Dawon, du moins en apparence. Elle avait continué de sourire, comme à son habitude, l'avait serré contre elle jusqu'à ce qu'on vienne la chercher.

Tu te souviens petit frère, pas vrai ? C'est quand c'est le plus dur qu'il faut sourire, c'est important.

Il se souvenait maintenant. Il se souvenait de ses yeux à elle, seuls témoins de sa panique sur un visage rayonnant.

Tu veux bien sourire pour moi ?

Dans la salle d'attente, Hoseok força le coin de ses lèvres à se redresser. Il était très probablement en train de grimacer, et il était maintenant certain que les autres patients le dévisageaient, mais il avait promis de sourire pour elle, surtout dans les moments difficiles.

Une bonne demi-heure plus tard, sa mère sortit du bureau et vint l'attraper par la main. Les gens de la salle d'attente la regardèrent de travers, agacés d'avoir dû attendre aussi longtemps.

Hoseok n'osa pas la regarder dans les yeux avant d'être dehors.
Elle n'avait plus l'air désespérée. Son visage était fermé, décidé. Le collégien cligna des yeux.

- Hoseok ?

- O... Oui maman ?

Elle se tourna vers lui et le prit une seconde dans ses bras, si fort et si brusquement que l'adolescent en perdit le souffle.
Quand elle s'écarta de lui, elle souriait à son tour, les yeux plein de détermination, et le garçon s'autorisa à espérer.

- On rentre. Tu vas faire ta valise, on va chez ta tante.

×

Combien cela faisait...? Quatre ans ?
Il n'avait pas revu sa mère très souvent depuis son arrivée à Gwangju. Il n'avait pas revu Jimin du tout.

Il peinait à se faire de nouveaux amis. Étonnant pour Jung Hoseok, d'être en marge, mais changer de collège, puis entrer au lycée, l'avait progressivement éloigné des gens de son âge.

Comment sympathiser lorsqu'on savait qu'on vivait avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ?
Comment avoir la tête à rire quand on savait que sa mère travaillait comme une esclave pour rembourser le prix de sa liberté ?

Ça, on ne lui avait pas dit, mais il avait entendu sa tante au téléphone. Il n'était pas fier de l'avoir épiée, mais il avait enfin compris pourquoi sa mère n'avait pas déménagé à Gwangju avec lui ce jour-là.
Elle avait dit qu'elle le ferait, au début, mais cela faisait un moment qu'elle ne promettait plus. Elle avait du mal à rembourser.

Elle avait payé leur médecin pour modifier l'issue du Test. Elle avait payé en vendant leur maison.
Hoseok ne pouvait plus qu'imaginer ce qu'était la vie de sa mère à présent. Où vivait-elle ? Quel travail avait-elle ? Son petit salaire à la caisse d'une boulangerie n'avait probablement pas suffit, et la pension que l'état lui versait depuis la mort de son mari au combat ne devait pas remplir ses dettes non plus.
Sinon elle serait venue avec lui, n'est-ce pas ?

Ou peut-être avait-elle peur de retrouver son fils changé, différent. Monstrueux.
Sa voix était de plus en plus lointaine au téléphone, ses appels de plus en plus espacés.

Mais Hoseok continuait de sourire tous les jours. C'était un vrai boute-en-train à en croire le voisinage, un rayon de soleil, d'après les amies de sa tante.
Si elles savaient comme il était froid et triste à l'intérieur.

Il aurait aimé pouvoir contacter Jimin. Mais ses lettres étaient restées sans réponse. Il aurait pu essayer de l'appeler, mais à l'époque du départ, ils étaient trop jeunes pour avoir pu échanger leurs numéros, ils n'avaient pas eu l'occasion d'échanger ceux de leurs parents non plus, ou même de se dire au revoir de toute façon.
Et puis, Park Jimin n'étant pas quelqu'un de très sociable, Hoseok avait fini par abandonner l'idée de le retrouver sur internet.

Allait-il l'oublier ? Cette seule idée lui brisait le cœur.
Mais sa mère avait été formelle et sa tante veillait au grain. Pas de visite à Séoul.
Il avait même dû feindre d'être malade le jour d'une sortie de fin d'année à Itaewon.

Gwangju ressemblait un peu à une prison, à force. Ironique pour quelqu'un dont le don était si fondamentalement associable à la liberté.
Hoseok l'avait découvert peu après son arrivée. Il n'avait pas compris tout de suite comment l'utiliser, ni même ce qui lui arrivait, mais il avait fini par s'habituer à son nouveau pouvoir. Au Blue Side.

Il n'en avait parlé à personne à part sa mère au téléphone, vaguement. Il sentait que ça la mettait mal à l'aise.
C'était un peu son secret. Un autre monde, caché dans le leur, auquel lui seul avait accès. Le Blue Side. C'était un autre plan, superposé à celui de la réalité, dans lequel il pouvait basculer et sur lequel le temps n'avait aucune emprise.

Il suffisait de visualiser un point d'entrée et un point de sortie, puis de basculer. Le monde devenait alors entièrement bleu, tout était figé autour de lui. Hoseok pouvait se déplacer là-bas, de manière un peu spéciale, comme si la gravité n'était plus tout à fait la même, et lorsqu'il ressortait, absolument rien n'avait bougé dans la réalité. En somme, il se téléportait.

Il l'utilisait parfois pour aller au lycée sans se presser. Il devait toujours marcher tout le trajet, mais cela ne prenait que quelques minutes du point de vue du reste du monde, en passant de points d'entrée en points de sortie.

Il aurait pu s'en servir pour s'enfuir et partir à Séoul. Au moins pour voir sa mère, et Jimin. Mais à chaque fois qu'il se sentait prêt à le faire, il se dégonflait.
Il avait toujours obéi scrupuleusement, il savait que sa mère ne donnait pas d'ordre au hasard ou à la légère, qu'elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour le protéger.
En ce moment, elle donnait tout ce qu'elle avait pour le mettre en sécurité.

Elle sacrifiait tout pour lui, il ne pouvait pas bafouer sa seule et unique volonté.

×

Il reconnut d'abord son écriture, puis le papier des enveloppes.
Des enveloppes qu'il avait refermées avec soin au début, puis avec de plus en plus de frustration à mesure que ses lettres restaient sans réponse.

Elles arboraient toutes le même nom.
Park Jimin. Park Jimin. Park Jimin.

L'une d'elle était brûlée de moitié, comme si sa tante avait voulu s'en débarrasser, puis avait été rattrapée par la culpabilité.
Pourquoi ne les avoir jamais envoyées... ? Si c'était pour regretter ensuite, pourquoi ?

Hoseok comprit au moment où il se posa la question.
Sa mère. C'était une autre demande de sa mère.

Il attrapa les lettres restées fermées du bout des doigts.
Il cherchait un papier important pour sa tante qui l'avait appelé tout à l'heure depuis son bureau. Il ne l'avait pas trouvé. À la place, dans un tiroir qu'il avait mis une éternité à ouvrir, il était tombé sur ce triste spectacle.

Il éparpilla les enveloppes, le cœur lourd. Sa poitrine se serra encore un peu en découvrant une lettre qui n'était pas signée de sa main.
Une fois... Une fois ou deux Hoseok était allé poster les lettres lui-même, trop impatient pour attendre que sa tante s'en charge.

Il l'ouvrit, constatant qu'elle avait déjà été déchirée par quelqu'un d'autre. Il la parcourut rapidement du regard, cette relique datant de plusieurs années maintenant.

"Hoseokie,

Je commençais à m'inquiéter, vous êtes partis tellement brusquement, et un couple a emménagé tout de suite... Une voisine nous a dit que tu avais déménagé, moi je croyais que tu étais mort.

Les lettres ont dû se perdre, je n'ai pas reçues celles dont tu parles.
J'ai un téléphone maintenant, je te laisse mon numéro derrière.

Tu me manques !"

Une goutte d'eau salée tâcha le papier, un peu en dessous de son prénom.
Jiminie.

Le Jimin qu'il connaissait n'avouait pas que quelqu'un lui manquait, pas même lorsque Hoseok partait un mois en vacances à Gwangju à l'époque, pas même quand Jimin partait à son tour à Busan le mois suivant et qu'ils ne se voyaient pas de tout l'été.
Il ne l'avait jamais fait... Avant ce jour, près de quatre ans plus tôt.

Hoseok s'essuya le visage.
Il se sentait trahi, il se sentait mal pour Jimin, qui avait dû se penser abandonné autant que lui s'était senti arraché à tout son petit monde. Il avait envie de hurler.
Son sourire n'était plus qu'un rictus à présent.

×

Mesdames et messieurs, ce train arrivera dans quelques instants à son terminus, Gare de Séoul. Veuillez veiller à ne rien oublier dans ce train. Pour votre sécurité, faites attention à l'espace entre le marchepied et la bordure du quai lors de votre descente.

Il n'avait même pas eu à utiliser le Blue Side pour fausser compagnie à sa tante.
Il avait posé les lettres sur la table de la cuisine, et elle l'avait laissé partir après l'avoir noyé sous des excuses larmoyantes.

Séoul. Ça faisait longtemps.
Les transports ne lui étaient plus très familiers, mais il arriva à peu près à se repérer jusqu'à sa destination.

D'abord, il fallait qu'il aille voir sa mère, pour la confronter, peut-être même réussir à lui faire lâcher prise, à la ramener à Gwangju ou à la convaincre de le laisser revenir à Séoul définitivement avec elle.
Il était diplômé du lycée maintenant, il n'avait plus besoin qu'elle sacrifie sa vie pour lui, il était prêt à l'aider.

Sa tante lui avait donné une adresse. C'était un bar qui faisait boîte de nuit. Le Cube.
Ce n'était pas le seul endroit où sa mère travaillait, mais sa tante ne connaissait que celui-là.

Il arriva devant le soir venu, prêt à en finir.
Après ça, après avoir tout arrangé avec elle, il irait voir Jimin, peu importe l'heure.

Il entra avec détermination, peu perturbé par les lumières bleutées. Il n'avait pas l'habitude des boîtes de nuit, il était tout juste majeur, mais le bleu avait tendance à l'apaiser.
Il avança directement jusqu'au bar. Quelques clients y étaient assis, profitant de leur début de soirée. Deux hommes se trouvaient derrière le comptoir. L'un servait, l'autre était plus en retrait, les bras croisés. Il avait l'air louche, voire un peu tordu, mais Hoseok n'avait pas vraiment le choix.

- Bonsoir.

L'homme ne se retourna pas dans sa direction, mais la musique n'était pas très forte, et son expression changea légèrement. Il l'ignorait volontairement.

- Je suis le fils de Ahn Sejin, poursuivit Hoseok après s'être éclairci la gorge. Est-ce qu'elle est là ?

L'homme, qui n'avait jusqu'ici pas daigné se tourner vers lui, le jaugea du regard lorsqu'il entendit la fin de sa question.
Quelque chose brilla au fond de ses yeux et Hoseok frissonna de dégoût.

- Le fils de Sejin hein...?

Il ricana légèrement.

- Elle est derrière. Suis moi petit.

×

Un pouvoir symbolisant la liberté. Tu parles...
Hoseok avait été enfermé depuis le jour où il avait reçu ce fichu don.

Gwangju d'abord, puis Séoul.
Le Cube, rebaptisé le Blue Cube, en son honneur d'après Habu, était devenu sa nouvelle cellule.

Sa mère avait arrêté de travailler ici des mois plus tôt mais n'en avait pas informé sa tante. La langue déliée par l'alcool, elle s'était parfois confiée à Habu sur ses problèmes d'argent, sur leur origine. Sur son fils et sa mutation. Il ne savait pas quel genre de relation ce pourri et sa mère avait entretenu pour qu'elle lui fasse de si lourdes confidences. Il ne voulait pas savoir.
Quand le propriétaire de la boîte l'avait vu débarquer, quand il avait entendu le nom de Ahn Sejin, il avait su précisément à qui, et à quoi, il avait à faire.
Hoseok s'était retrouvé enfermé dans une cellule au sous-sol.

Il avait fini par avouer la nature exacte de son pouvoir sous la pression, livrant tous les détails que cherchait son nouveau propriétaire. Habu le tenait de la même façon qu'il tenait sa mère et sa tante à l'extérieur. Si l'état apprenait ce que leur famille avait fait, s'il apprenait pour les résultats falsifiés... Il finirait dans un centre de contrôle, peut-être bien celui qui avait tué sa sœur, et les deux femmes iraient en prison.

Habu avait aussi su être persuasif par d'autres moyens. Les premiers jours, Hoseok avait très clairement cru que son corps ne tiendrait pas le choc. Il avait essayé de ne rien dire, de tenir. Mais les hématomes et les coupures s'étaient accumulées, les menaces aussi, et il avait fini par céder.
Par vendre son âme au serpent.

Aujourd'hui il se battait pour cette brute, contre des créatures plus violentes que lui encore. Parfois dans des combats à mort.

Mais ce n'était pas le pire. Hoseok aimait presque l'arène, il aimait presque se retrouver dans cette boîte noire à devoir lutter pour sa vie sous les cris d'une foule qui avait définitivement perdu l'esprit.

Habu était un businessman plutôt intelligent, ou du moins, il savait capitaliser tout ce qu'il possédait au maximum.
Hoseok faisait partie de ses mutants les moins dangereux physiquement parlant.
La téléportation lui permettait d'être quasiment intouchable et d'en mettre plein les yeux au public, alors c'était un peu une star dans le milieu, mais en un contre un face à un homme plus fort que lui, il n'était pas si efficace que ça.

Il faisait partie des mutants que Habu louait.
Pour autant d'heures qu'ils le souhaitaient, du moment qu'ils y mettaient le prix, des spectateurs VIP pouvaient entrer dans la cellule des vedettes du Blue Cube pour des combats personnalisés.
Hoseok et les autres avaient ordre formel de ne blesser personne. Ces clients se défoulaient juste sur eux, dans les limites de ce qui leur était autorisé.
Du moment que le mutant pouvait toujours combattre quelques jours plus tard, plus ou moins tous les coups étaient permis.

Hoseok en avait vu passer des détraqués, des psychopathes et des pervers. Souvent ils aimaient marquer sa peau avec de petites lames, comme pour se dire qu'ils avaient accompli quelque chose. Une sorte d'exploit peut-être.
Ils donnaient envie de vomir au jeune mutant. Les cicatrices sur sa peau aussi.

Mais il avait amèrement regretté la seule fois où il avait levé la main sur l'un d'eux. Alors il se contentait de serrer les dents et d'attendre.
D'attendre qu'un jour, quelqu'un oublie de fermer une porte, laisse une fenêtre ouverte, qu'un jour il ait accès à un trou de serrure bien placé.
Le Blue Side était presque instantané, personne ne pourrait l'arrêter ou le retenir.

Il ne lui manquait pas grand chose, juste une petite ouverture, même minuscule...
En attendant, il passait des heures, parfois ce qui lui semblait des jours dans son monde bleu, hors du temps.
Ces pauses l'aidaient à garder sa santé mentale. Dans le Blue Side il était en sécurité, personne ne pouvait l'y suivre s'il ne l'avait pas décidé.
Ce n'était pas confortable d'y rester longtemps, mais c'était toujours préférable à son quotidien.

Hoseok ne souriait plus. Mais parfois, pour s'évader, il essayait de s'imaginer ce qu'était devenu Jimin. Parfois, il l'imaginait père de famille et chef d'entreprise, parfois il avait viré artiste, malgré son manque cruel de talent au collège. On n'était jamais à l'abri d'une révélation tardive, non ? Ou peut-être qu'il était devenu médecin. Jimin avait toujours pris soin de lui et de ses bleus si naturellement, comme si quelque part, il était né pour s'occuper des autres, et s'oublier au passage.
Hoseok y songeait et y resongeait. Il avait cruellement besoin de ce genre de pensées positives, et il n'avait pas trouvé beaucoup d'autres sujets.

Alors quand il arriva dans la boîte noire ce soir-là, se préparant à faire face au célèbre DevilKing, quand les projecteurs se braquèrent sur ses deux adversaires, sur ceux qu'il devait tenter de tuer, il se brisa un peu.

Il passa dans le Blue Side à la première occasion mais n'osa pas en ressortir. Il resta à genoux longtemps face à ce visage familier et immobile, observant les cornes qui étaient venues le surmonter.

Ce scénario-là... C'était le pire de tous.
Pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu que lui, que Park Jimin, finisse comme ça ?
Comme lui.

Ce soir-là, Hoseok hurla dans son monde monochrome. Mais personne ne l'entendit.

×××

Salut les amis, ça faisait un moment pas vrai ? :3
J'aime bien Hoseok, et j'espère que vous l'aimez bien aussi ! Et que grâce à ce bonus vous le cernez peut-être un peu mieux ^^

Je ne promets pas de nouveaux updates réguliers pour le moment, mais vous aurez des chapitres de temps en temps, c'est promis, cette fiction n'est pas abandonnée, et ne le sera pas :)

Passez un bon week end  !
💜