2.2 - Bide my time

Bite my tongue, bide my time
Wearing a warning sign
Wait 'til the world is mine

×××

Le soir venu, un médecin entra effectivement dans ma chambre en poussant un petit chariot à étages.
Mon estomac faillit hurler de soulagement lorsqu'une odeur de nourriture envahit la pièce, mais je ne bougeai pas, restant parfaitement immobile sur mon lit.

- On se lève, c'est l'heure de la toilette.

La toilette en question s'avéra déplaisante.
L'homme, qui devait avoir l'âge de mon père, m'observa tout du long, participant parfois, au rinçage et au shampooing notamment.
Dans mon malheur, j'appris tout de même que j'étais censé pouvoir me savonner et me déshabiller seul, puisqu'il m'avait demandé, assez sèchement, de le faire.

Il me fit également m'asseoir sur un pot de chambre qu'il avait amené avec lui, et faire pipi devant cet homme fut certainement l'une des choses les plus humiliantes auxquelles j'avais eu à faire face jusqu'à présent.

Je devais m'y habituer cela dit.
Docile était un mot assez clair, je devais obéir, sans hésitation.

Il me laissa ensuite m'habiller avec ce qu'il avait apporté pour moi.
C'était à peu près ma taille. Il s'agissait d'une blouse d'hôpital et d'un pantalon droit, tous deux blancs, sans poches, boutons ou étiquettes, les coutures réduites au maximum.

Enfin, il disposa un petit plateau sur la table et me fit asseoir sur la chaise.
Il me regarda manger, toujours à un rythme posé, malgré ma faim.
Je n'avais rien mangé depuis la Cage, ma bouche se mit à saliver à la première bouchée de riz.

Je sentais son regard rivé sur l'arrière de mon crâne et l'œil unique de la caméra enregistrait le moindre de mes mouvements.
C'était extrêmement désagréable, bien plus que ce que j'avais pu expérimenter sous la "protection" de Solar.
Quoique moins douloureux.

Je m'efforçai de ne penser à rien. De devenir réellement ce pantin sans réflexion qu'on espérait faire de moi.
J'obéis à la moindre injonction, me laissant ausculter une nouvelle fois, plus précisément cette fois-ci.

J'observai sans suivre les choses des yeux, enregistrant tout ce qui passait dans mon champ de vision.
Le pass accroché à un cordon pendant d'une poche de sa blouse, la marque de son stylo, l'étiquette encore collée sous la plaque qui lui servait de support pour écrire, un gros code barre à moitié effacé imprimé dessus.

J'avais des ébauches d'idées, mais encore rien qu'on puisse réellement appeler un plan. C'était trop tôt pour ça.

Je n'étais même pas certain de bien comprendre pourquoi j'étais toujours parfaitement éveillé.
J'avais une hypothèse, celle qui me semblait la plus plausible.
Si on la suivait, ma capacité de régénération n'en était pas tout à fait une. Il s'agissait plutôt d'une accélération générale de mon métabolisme, accélérant tous les processus d'assimilation et d'élimination de mon organisme.

Peut-être que cela n'agissait que contre des corps étrangers ou agressifs. Je n'avais pas remarqué de changement particulier dans ma vitesse de digestion par exemple. Or j'étais le seul à ne pas avoir été malade lorsque Solar nous avait fait livrer ces sashimis pas très frais à la Cage.

Seulement je ne pouvais pas être sûr et certain de ma résistance à leur injection avant d'avoir vu les autres.
Peut-être qu'il y avait eu un défaut dans cette série de seringues. C'était la deuxième option.
Peu probable, mais qui m'inquiétait tout de même.
Si elle se vérifiait, tout serait fini à la prochaine piqûre.

Le docteur finit par arrêter de griffonner sur sa feuille de service et releva les yeux vers moi une seconde.
Il s'approcha ensuite de son petit chariot et attrapa une boîte blanche qu'il ouvrit sans perte de temps une fois sa plaquette posée sur le dessus du meuble mobile.

Il l'ouvrit et la vue d'un tube rempli de liquide transparent alluma une violente panique au creux de mon estomac.

Pas de piqûre cette fois-ci. Le médecin ouvrit le type, le versa dans un petit verre et me fit avaler son contenu.
Je posai les yeux au creux de mon coude, là où une petite marque, d'à peine la taille d'un grain de sable, indiquait l'emplacement de la piqûre qu'on m'avait faite à mon arrivée.

Il s'agissait du même liquide transparent que l'injection que j'avais reçue alors. Si c'était bien le même produit et si la prise était destinée à être régulière, trop jouer de la seringue pouvait s'avérer problématique.

Transparent ne voulait pas dire grand chose, beaucoup de substances l'étaient. Mais c'était peut-être bien le moment de vérifier la théorie de la fournée défectueuse.

- Couche toi maintenant. On se retrouve demain.

Il n'en dit pas plus, se contentant d'attraper un coin du chariot et de sortir en le tirant derrière lui à bout de bras.
La porte s'ouvrit et se referma dans un léger vrombissement.
Quelques minutes plus tard, tout s'éteignit et j'essayai de m'endormir.
Terrifié à l'idée de ne plus jamais me réveiller.

Plus complètement en tout cas.

×

Le lendemain matin, ouvrir les yeux fut une délivrance. Je faillis verser une larme de soulagement lorsque le son discret de la porte de ma chambre me tira du sommeil.

Une infirmière entra et me fit prendre mon petit déjeuner. Elle supervisa également mon habillage et mon passage aux toilettes, mais son regard était bien moins scrutateur que celui du médecin de la veille, comme si elle essayait malgré tout de me donner une certaine intimité, ce qui me facilita un peu la tâche.
Je notai le nom affiché sur son badge. Oh Jian.

Elle portait un masque, comme tout le personnel du centre que j'avais aperçu jusqu'à présent. Elle avait l'air assez jeune, dans les yeux et la voix, nous devions avoir à peu de choses près le même âge.
Elle rangea les restes de mon déjeuner et tout ce qu'elle avait apporté et se dirigea vers la porte comme les autres.
Je m'attendais à ce qu'elle s'en aille, mais elle s'arrêta dans l'encadrement, se tournant vers moi.

- Viens.

Sa voix était douce, pourtant, elle mit tous mes sens en alerte.

Venir ? Venir où ?

Quelqu'un passa derrière elle, dans le couloir. Il s'agissait d'une autre infirmière, leur blouse aux bordures bleues facilement reconnaissables, et d'un patient, qui portait quant à lui les mêmes vêtements blancs que moi.
Il marchait derrière elle, d'un pas calme. Son visage disparut trop rapidement, mais il me laissa une drôle d'impression. Il m'était familier.

Je m'avançai alors vers mon infirmière, et sortit avec elle, plus pour ne pas laisser filer ce patient qu'autre chose.
C'était un homme, brun et plutôt grand. Namjoon... ?

Dès que je mis un pied à l'extérieur, je me renfrognai. Il y avait au moins cinq autres patients ici, tous bruns, et plus de la moitié me tournaient le dos. Je ne savais même plus qui avait capté mon attention avec certitude.

Alors je suivis le mouvement, le cœur battant.
Si on nous emmenait tous comme ça, c'était peut-être pour laisser le champ libre à des agents d'entretien ?

Nous avions fini par former un petit groupe de huit une fois arrivés devant une nouvelle porte blindée, et autant d'infirmières étaient là pour nous accompagner. Certaines avaient des chariots, comme la mienne, d'autres non.

Celle qui avait pris la tête de la procession fit bipper son badge sur la porte qui nous faisait face, et elle s'ouvrit rapidement, faisant entrer la lumière du soleil.

Le soleil m'avait tellement manqué... J'aurais pu en crier de joie.
Je n'avais pas vraiment pu en profiter à mon arrivée, les yeux à moitié fermés et la poitrine serrée par l'angoisse. Aujourd'hui, je passai presque la porte avec enthousiasme.

Les infirmières ne nous suivirent pas. Nous nous retrouvâmes debout dans une grande cour entièrement fermée et au ciel grillagé.
Ce n'était pas encore la liberté, mais ça s'en approchait.
Il n'y avait que des patients ici. Un arbre ou deux avaient été plantés à travers des ouvertures dans le bitume clair, et entre eux, se trouvaient quelques bancs, que la plupart des pensionnaires n'utilisaient pas, assis à même le sol, là où ils s'étaient trouvés fatigués.

Je cherchai les caméras des yeux, mais n'en trouvai aucune.
Je pensai d'abord qu'elles devaient être cachées, puis remarquai une grande vitre sur l'un des murs qui bordait le petit espace.
Le soleil se reflétait dessus, m'empêchant pour le moment de voir ce qui se trouvait derrière.

Je m'approchai alors, commençant à errer comme les autres. Lorsque je me retrouvai en face, je remarquai la lumière ténue de plusieurs dizaines d'écrans derrière le verre. Et le visage d'un homme qui observait notre petite sortie.
Un poste de surveillance.

Ils avaient vue sur tous les recoins de la cour, considérant la taille de leur vitre, et ils devaient également avoir un œil sur bien d'autres parties du centre par les écrans qui remplissaient la pièce. Sûrement des retours de caméras de surveillance.

C'était une bonne nouvelle.
J'ignorais s'ils s'étaient passés de poser des caméras dans la cour par soucis de budget ou s'ils pensaient la chose inutile, mais j'avais enfin trouvé un angle mort.

Après un tour des lieux dans une lenteur insupportable pour vérifier minutieusement qu'aucun objectif n'avait pu être caché dans les environs, je me plaçai donc dos à la vitre et m'autorisai à soupirer longuement.
Je laissai mon visage constamment sous contrôle se détendre, et paradoxalement, adopter une expression stressée.

Pendant quelques minutes, je pouvais me permettre d'avoir peur pour moi et pour les autres.

Les autres...
Taehyung n'était visiblement pas ici, ses ailes auraient immédiatement attiré mon attention, mais je me mis à chercher le reste de notre petit groupe.

Les trouver me fit mal.
Namjoon et Moonbyul marchaient sans but, le regard vide. Le premier finit par s'arrêter devant un arbre et resta là un moment, la voyante avait quant à elle tous les yeux ouverts, ce qui était un spectacle assez perturbant.
Je ne savais pas si elle pouvait utiliser ses dons dans cet état. Pas consciemment en tout cas, mais peut-être cela fonctionnait-il toujours...?

Est-ce que cela avait un jour fonctionné de toute manière ?
Avait-elle vu venir le centre dans une des possibilités qui s'offraient à nous ? Sûrement pas, elle nous aurait prévenus des risques, mais comment avait-elle pu se tromper à ce point ?
Quelqu'un avait-il fait quelque chose d'inattendu ? Mais qui... ? Qui avait chamboulé l'avenir ?
J'avais extrêmement peur d'être le coupable. Après tout, le soir de notre capture, les autres n'avaient pas fait grand chose.
J'avais peur d'avoir fait subir tout cela à mes amis et de devoir contempler mon erreur, condamné à rester éveillé sans pouvoir les aider.
Ce serait là le pire destin possible.

Un visage attira à nouveau mon attention. Celui d'un grand brun, encore une fois de profil.
Il s'agissait de celui du couloir, j'en étais quasiment certain, j'avais cette même impression de déjà-vu. Lorsqu'il se tourna complètement dans ma direction, je fronçai les sourcils.
Ce n'était pas la première fois qu'il me surprenait en se retrouvant là où je ne l'attendais pas.

Encore toi, Hoseok.

La Cage n'avait visiblement pas été la seule salle à tomber. Tout le réseau n'avait peut-être pas été démantelé, mais Le Cube, au moins, avait subi un raid.
S'il s'était échappé, avec son pouvoir, Hoseok n'aurait jamais fini ici.

Il avait l'air hagard, comme tous les autres, et il se tenait à présent immobile à l'autre bout de la cour, face à la vitre du poste de surveillance.
Contrairement à Namjoon, Moonbyul et moi, il portait un bracelet noir autour du poignet.
Un rapide coup d'œil sur le reste des patients m'apprit qu'il n'était pas le seul.
Tout le monde en portait un, le modèle était toujours le même.

La porte par laquelle j'étais entré s'ouvrit à nouveau et deux patients supplémentaires entrèrent.
Aucun n'avait d'ailes, mais je ne perdais pas espoir. Taehyung était forcément quelque part dans ce bâtiment, puisque les autres étaient là, eux.

J'étais presque heureux d'être le seul éveillé pour cette raison. J'étais heureux de savoir que Taehyung n'assistait pas consciemment à tout cela. Pour lui, se retrouver ici aurait été une véritable torture, revoir ces blouses blanches l'aurait peut-être bien rendu fou...

Mieux valait qu'il reste en sommeil.
Jusqu'à ce que je le fasse sortir d'ici.

Au final, peu importait qui avait causé notre arrivée au centre.
Que je sois responsable ou non, le simple fait d'être conscient me donnait un but. Non, une mission.
C'était à moi de tous les sauver, je ne pouvais pas m'appitoyer sur notre sort indéfiniment.

Mes yeux se posèrent à nouveau sur Hoseok et je sentis une vague de détermination monter en moi, d'une force qui me fit frissonner et m'envoya une drôle de sensation de picotement le long de la colonne vertébrale.
C'était inhabituel pour moi, mais il fallait croire que j'en avais assez de rester paralysé par l'incertitude, d'attendre de voir, qu'on fasse le gros du travail pour moi.

Et j'étais en colère, tellement en colère...
Contre ces hommes qui parlaient de nous comme d'objets encombrants, dont il valait mieux se débarrasser. Contre le gouvernement, qui avait soutenu tellement de violence et de souffrance ces quinze dernières années. Contre les forces spéciales, qui tiraient à vue, comme si nos vies n'avait plus aucune valeur.

J'étais en colère, et j'avais déjà affronté pire qu'eux. Dans des arènes, dans ma cellule. La Démone, Solar, Yoongi...

Nos tortionnaires et nos geôliers étaient humains, nous étions des mutants. Pas des monstres, non, mais ils ne faisaient pas le poids.

Je laissai cette certitude m'envahir, je laissai cette flamme d'espoir dans ma poitrine être attisée par ma colère.
Pour réussir, je devais me convaincre que j'allais y arriver.

Que j'allais faire voler cet endroit en éclats.

×

Cinq cent quatre.
J'avais glané beaucoup d'informations aujourd'hui, mais celle-ci serait probablement la dernière.

Je savais que Moonbyul, Namjoon et Hoseok se trouvaient dans cette partie du centre. Je savais que Taehyung ne s'était pas montré dans la cour aujourd'hui.
Je savais que les sorties seraient probablement régulières et qu'elles servaient effectivement à laisser la place aux équipes de nettoyage, vu l'odeur.

Je savais désormais que ma chambre était la numéro cinq cent quatre, et que c'était également ce qui allait servir à m'identifier, si j'en croyais le bracelet qu'on venait de fixer à mon poignet.

Finalement, j'en avais reçu un aussi. Pas de risque que je l'enlève, à moins d'avoir la clé, il ne quitterait pas mon bras. Il était noir, en plastique très épais et un petit boîtier sur le dessus arborait le numéro de ma chambre.

Quand le médecin qui s'occupait de mon repas et de ma toilette sortit ce soir-là, il ne m'avait pas fait avaler de produit. Celui-ci vint plus tard, quand je me mis à espérer qu'il ne se montrerait pas.

Oh Jian entra dans ma chambre en poussant un de ses éternels chariots.
De légers tintements, presque mélodieux, s'échappaient d'une multitude de petits tubes rangés debout dans un bac compartimenté.
Elle me lança un sourire et attrapa un tube.

Cinq cent quatre, disait l'étiquette collée sur ce dernier.
De ce que j'en voyais, elle en avait un peu moins d'une centaine avec elle, dont certains étaient déjà vides.

Elle nettoya un petit verre avec une lingette à l'odeur étrange et le remplit avec le contenu du tube avant de me le faire boire, une main posée à l'arrière de ma tête.

Mes yeux se posèrent sur une étiquette. Cinq cent cinq.
Qui était le patient cinq cent cinq ? Qui venait de recevoir cette dose ?

Tous les tubes au dessus de mon numéro de chambre étaient vides, les autres contenaient encore ce liquide transparent et inodore.
Elle remontait donc le couloir.

Je baissai les yeux vers le numéro sur mon bracelet.
Mes amis en avaient sûrement reçus aussi désormais.

Je relevai les yeux, visualisant ce que je devais faire ensuite.
J'avais trouvé de quoi était constituée l'étape suivante.
Il fallait que je mémorise tous ces chiffres.

×××

Je vois un peu cet arc comme un crescendo hehe
Il va être court, mais je vais essayer de faire en sorte que chaque chapitre gagne en intensité
Jusqu'à ce que (peut-être ?) le centre vole effectivement en éclats ? :)

On verra ^^

Des bisous et à bientôt !
💜

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top