1.#Yoongi.Deleted.Scenes

Il était tard, mais Yoongi n'arrivait pas à dormir.
C'était particulièrement inhabituel pour le jeune garçon, qui accordait une importance toute particulière à son sommeil, et n'avait jamais eu de réelle difficulté à le trouver.

Il restait rarement éveillé aussi tard. Quelque chose n'allait pas.

Parfois, il le sentait.
Depuis que son don s'était éveillé, il pressentait certaines choses, comme un drôle d'instinct qui le prévenait avant qu'un accident ne se produise.
Il avait ainsi évité plusieurs chutes ou blessures, pour lui, mais aussi pour ses petites sœurs.

Son père lui avait raconté que certains animaux avaient ce genre de comportement.
Parfois, des chats semblaient pouvoir sentir que leurs propriétaires allaient partir, avant même qu'une valise ne soit préparée. Parfois, ils semblaient prévoir leur mort.

Yoongi n'était pas très à l'aise avec ces histoires, mais ses drôles d'impressions devenaient ainsi plus logiques.

Celle de ce soir était tenace, elle l'empêchait complètement de fermer l'œil.
Elle était si tenace qu'il se demandait s'il s'agissait vraiment d'un pressentiment.
Peut-être Yoongi était-il tout simplement stressé ?

Il y avait de quoi.
Dans la journée, sa mère avait enfin réussi à joindre un médecin travaillant dans un centre de contrôle.
C'était plutôt lui qui avait appelé, sur le téléphone de la maison. Il avait été contacté par le docteur que Yoongi avait vu à l'hôpital la semaine précédente avec ses parents.

Le médecin avait expliqué qu'il viendrait dès le lendemain matin pour vérifier que tout allait bien chez le petit garçon, et lui faire passer quelques examens.

La mère de Yoongi l'avait serré très fort dans ses bras, l'appelant son petit miracle.
L'enfant s'était senti fier, même s'il n'avait honnêtement pas fait grand chose.

Yoongi n'était juste pas devenu fou.

Lorsque sa mutation s'était déclarée, ses deux parents avaient décidé de ne rien dire à personne.
Ils ne voulaient pas qu'on risque de leur enlever leur enfant, et ils étaient sûrs de pouvoir le maîtriser en cas de problème.
Après tout, Yoongi pouvait seulement se changer en félin, de diverses races. Son âge le limitant à une forme de lionceau ou d'autres chatons, il n'était pas très dangereux.

Ils avaient désobéi. Yoongi et eux avaient vécu dans la peur pendant des mois.
Et puis le temps était passé, les mois étaient devenus un an, puis trois.

Cela faisait longtemps que la mère de Yoongi le qualifiait de miracle, mais elle n'avait osé contacté quelqu'un à ce sujet que très récemment.
Vivre caché avec Yoongi indéfiniment était tentant, mais cela ne pourrait plus durer après le passage du Test de plus en plus imminent et Yoongi voulait de tout son cœur aider les autres enfants.

Peut-être que la solution pour ne pas devenir fou était quelque part dans son corps ?
Son père en parlait parfois, il disait que quelqu'un arriverait peut-être à faire un vaccin.

Yoongi se demandait où était ce fameux vaccin. Dans son ventre ? Son cœur ? Lui faudrait-il faire une prise de sang ? Cracher dans un petit tube ?

Le garçon avait assez peur des aiguilles, et n'était pas très téméraire.
Là où ses sœurs grimpaient toujours partout sans se soucier des égratignures, Yoongi faisait toujours très attention à ne pas se faire mal.

Il était donc normal qu'il soit stressé par la rencontre du lendemain.

La bouche sèche à force de ressasser toutes ses pensées, il finit par se redresser dans son lit en soupirant.
Il en sortit, ses pieds nus touchant le carrelage frais dans un soupir de contentement.
Les nuits étaient chaudes en ce moment.

Pour ne réveiller personne, à peine sorti de sa chambre, il se transforma en un petit chat noir, puis se dirigea vers la salle de bain. Il n'avait pas envie d'aller chercher un verre d'eau jusqu'à la cuisine, alors il comptait boire dans le lavabo et retourner se coucher.
En plus là-bas, le mitigeur était facile à soulever avec une tête de chat, rien à voir avec les poignées du robinet de l'évier.

Il était presque arrivé devant la porte laissée entrouverte pour lui lorsqu'il entendit un bruit provenant de l'entrée.
Ses oreilles se tournèrent dans cette direction avant sa tête, puis il s'immobilisa complètement, tétanisé.

Le drôle de poids dans son ventre était de retour. Ses moustaches vibraient désagréablement.

Tout au bout du couloir, il vit la porte de l'appartement s'ouvrir, et il eut juste le temps de se plaquer contre un mur avant qu'une lampe torche ne pointe son faisceau vers lui, l'aveuglant momentanément.

Un groupe de trois hommes venait d'entrer discrètement dans la maison.

Complètement paniqué, Yoongi déglutit, le poil hérissé.
Il ne savait pas qui étaient ces gens, ni ce qu'il devait faire !

La lumière s'alluma dans la chambre de ses parents, il entendit des voix légèrement étouffées et se recroquevilla au coin de son mur.

Il vit son père sortir dans le couloir, le pied d'une vieille lampe à la main, son téléphone dans l'autre.
Yoongi se rassura légèrement. Son père était grand, fort et intelligent, il saurait faire partir ces intrus.

- Vous êtes... Des forces spéciales ? Vous venez pour mon fils ?

Oh ? Les agents des forces spéciales travaillaient avec les centres de contrôle.
Mais n'avaient-ils pas dit qu'ils viendraient le lendemain matin ? Pourquoi débarquer au beau milieu de la nuit... ?

Intrigué, Yoongi fit un pas en avant, posant sa petite patte sombre sur le parquet lisse du couloir en direction de son père et des agents du gouvernement.

Il s'arrêta à nouveau, net, lorsque son père tomba en arrière de tout son long, laissant s'écraser son téléphone, et la lampe.
Il ne bougeait plus.

Yoongi ouvrit la bouche sur un feulement instinctif et presque inaudible, puis une violente odeur de sang lui parvint et il se pétrifia totalement.

Pourquoi... ?

Les bottes des intrus claquèrent sur le sol. Il approchèrent du couloir au fond duquel se tenait Yoongi, et furent alors illuminés par la faible lumière provenant de la première chambre.
Ils étaient en tenue de combat. Leurs casques et leurs armes reflétèrent un peu de lumière qui alla imprimer l'image de ces dernières sur la rétine de Yoongi.

Il entendit sa mère pousser un cri en les voyant à sa porte, il l'entendit parler, la comprit à peine.
Dans la pièce d'à côté, les petites se mirent à pleurer.

- S'il vous plaît... Je vous en supplie, pas les enfants...

Ses supplications s'arrêtèrent net, et quelque chose tomba lourdement sur le sol.
Les jumelles se mirent à pleurer de plus belle quand un homme poussa la porte de leur chambre, enjambant le corps inerte du père de famille.

Non... Pas les filles... Elles ne savaient rien, ils avaient toujours fait attention à ne rien leur montrer...

Les pleurs cessèrent. Tour à tour. D'abord Jinsil, puis Jinha.

- Où est le gosse ? demanda un autre homme, resté en retrait.

Où est le gosse... Le gosse.
C'est moi le gosse, c'est moi qu'ils cherchent, c'est à cause de moi.

Yoongi ne s'était même pas rendu compte qu'il avait commencé à trembler comme une feuille. Il ne s'aperçut de rien lorsqu'il arrêta non plus.
Son petit esprit brisé s'était momentanément éteint, mis en veille, pour échapper à ce qui était en train de se produire. Pour échapper à l'horreur, à la peur, à la dévastation.

L'animal prit totalement le dessus, et fuit devant le groupe d'inconnus.

Aucun des trois soldats ne remarqua le jeune chat noir sautant sur le rebord de la fenêtre de la salle de bain.

Le félin retomba sur un petit bout de toit environnant, et il disparut dans la nuit.
Caché à l'intérieur, replié dans un coin de son esprit, le jeune Yoongi pleurait.

×

Le contenu des poubelles n'était jamais bien fameux, mais il avait fini par s'y habituer.
D'une patte experte et agile, Yoongi éventra le sac qu'il avait récupéré, celui qui sentait le moins mauvais, et se mit à en gratter le contenu pour l'éparpiller sur le sol.

Il lui arrivait de trouver des choses comestibles, voire savoureuses, mais la plupart des ordures étaient viciées par le reste des déchets avec lesquels elles avaient macéré.

Les poubelles de restaurant étaient trop hautes et trop massives pour lui.
Elles sentaient bien meilleur que ces petits sacs de ville, mais Yoongi ne pouvait pas les ouvrir, et il ne voulait pas risquer de tomber dedans et d'y rester enfermé. De devoir se transformer.

Parfois, il traînait tout de même autour. Car s'il avait de la chance, un commis de cuisine pouvait lui donner un petit morceau de viande ou un os à ronger en passant dans l'arrière cour.

Il s'était fait à cette vie.
Se transformer en humain lui aurait sûrement permis de venir à bout de quelques obstacles, mais la peur d'être repéré en plein changement était sournoisement imprimée dans son esprit.
Il ne voulait pas attirer l'attention, il avait peur qu'on le retrouve. Le moindre policier le faisait frémir, et le moindre reflet lumineux la nuit pouvait le faire sursauter.

En plus, il avait perdu l'habitude de marcher sur deux pattes.
La dernière fois qu'il s'était transformé, c'était pour se sortir d'un trou dans lequel il était tombé, et il avait réalisé à quel point sa forme animale lui était devenue naturelle.

Au final, cette vie n'était pas si mal, et il ne voyait pas d'intérêt à redevenir humain.

Il mangeait à sa faim, même si la qualité n'était pas toujours au rendez-vous, et il pouvait dormir autant qu'il le voulait, confortable à peu près partout et par n'importe quel temps.
Yoongi était également plus intelligent que les autres félins qu'il croisait. Il n'avait donc en général pas trop de problèmes avec eux, même si ces dernières années il avait dû apprendre à se battre contre ces sauvages.

Certaines chattes du quartier étaient gentilles avec lui, et acceptaient de dormir à ses côtés lorsqu'il faisait un peu plus froid.
Il avait eu l'occasion de s'occuper de leurs chatons avec elles parfois, même si voir un mâle s'intéresser à leur progéniture ne leur avait pas forcément plu au départ.
Elles le reconnaissaient à présent.

Il lui arrivait donc de se faire suivre par toute une ribambelle de gamins.
Yoongi, qui restait quelque part un adolescent, aimait beaucoup ce genre de moments. Comme il appréciait parfois qu'une mamie qui passait par là lui gratte le dos, même s'il aimait moins l'avouer.

Oui, finalement, sa vie de chat avait été bien plus douce que celle qu'il avait menée en tant que mutant.
Elle avait également été plus longue.
Il perdait un peu la notion du temps sous cette forme, son quotidien se répétant inlassablement, mais il lui arrivait parfois de tomber sur la date.

Lorsqu'il avait fui l'appartement jonché des corps de sa famille massacrée, Yoongi avait douze ans.
Aujourd'hui, il en avait dix-neuf.

Il parcourait les rues de ce quartier de Séoul depuis sept ans.
Le temps passait vite quand on essayait d'oublier le passé.

Alors qu'il essayait de tirer le meilleur parti de sa découverte du jour, ses oreilles sensibles captèrent une voix familière.
La poubelle ayant été tirée en sûreté au fond d'une ruelle, Yoongi s'extirpa de celle-ci, le nez en l'air et les oreilles tendues, essayant de comprendre d'où pouvait venir le bruit.

Il s'agissait très clairement d'un cri de détresse.
Il le suivit entre les petites maisons du quartier résidentiel où il traînait depuis maintenant plusieurs années, marchant en équilibre sur des gouttières familières, jusqu'à s'approcher d'un endroit qu'il connaissait bien.

Entre deux bâtiments, il y avait un petit passage, à peine assez grand pour laisser passer un homme. Il menait au jardin d'un vieillard aigri, qui devait en avoir eu assez de voir des chats traîner dans le coin.
Depuis quelques mois, le passage était truffé de fils de fer barbelé et de pièges à colle.
Les cris, de plus en plus ténus, venaient de l'un d'eux.

Yoongi s'avança avec précaution, sachant très bien que s'il posait une patte sur un piège, il ne la retirerait pas si facilement. Il s'égratigna la peau sur quelques pointes de barbelé et arriva finalement devant une scène qui lui fendit le cœur.

De tous les chatons de cette année, ces deux-là étaient ses préférés.
Ils jouaient souvent autour de lui, et venait se mettre sous son ventre lorsqu'il pleuvait, essayant rapidement de chasser sa queue, oubliant l'averse et se trempant finalement le poil.
Il avait connu leur mère au même âge, alors elle faisait partie de celles qui laissaient volontiers ses chatons sous sa surveillance.

Il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable.
Il observa les deux petits, collés l'un contre l'autre, leur poil autrefois clair terni par une substance gluante.
Ils avaient dû lutter un moment, mais il ne les avait pas entendu. Il ne leur avait pas montré le passage, ne leur avait pas fait comprendre qu'il ne fallait pas s'approcher.

Quand l'un des deux chatons releva des yeux fatigués vers lui et se mit à miauler misérablement, il sentit ses yeux s'humidifier.
Il avait découvert depuis longtemps que les chats pouvaient pleurer.

Peu importe la forme qu'il prenait ou le monde dans lequel il vivait, les humains étaient toujours aussi cruels.
Un chat pouvait se battre pour son territoire, pour de la nourriture, mais il n'était pas capable de telles horreurs.

Il essaya de dégager le petit qui l'avait remarqué. L'autre ne bougeait déjà plus, la fatigue ayant eu raison de lui. À moins qu'il n'ait fini par avaler trop de colle, se noyant peu à peu.

Ses pattes félines ne pouvaient pas faire grand chose, alors, en désespoir de cause, il se transforma dans la petite allée.
Son corps humain se tassa sur lui-même, s'écorchant contre le barbelé qui n'avait pas prévu de s'écarter pour laisser de la place au volume qu'il venait de prendre.

Il ignora la douleur dans son dos et essaya doucement de décoller le chaton.
Il faisait chaud aujourd'hui, la colle était encore gluante, et il put le prendre dans ses mains, l'observant miauler mollement.
Il cherchait son frère des yeux, alors Yoongi se détourna pour le lui cacher, se dégageant comme il le put au milieu des fils de fer.

Il essaya de redresser le jeune chat sur ses pattes, de le faire avancer. Que pouvait-il faire d'autre ?
Il n'avait aucune idée de comment l'aider par lui-même. Ses membres se collaient continuellement entre eux et il respirait de plus en plus difficilement.
Quant à demander de l'aide...

Un jeune homme nu et blessé, recherché pour le meurtre de toute sa famille. Voilà qui il était.
Qui l'aiderait ?

- Je suis désolé... Je ne sais pas quoi faire...

Il se transforma à nouveau, écœuré par sa forme bipède, et il s'enroula autour du chaton, ignorant la saleté de son poil.

Ce n'était pas la première fois qu'il voyait mourir un autre chat. Ce n'était évidemment pas la première fois qu'il assistait à la mort de quelqu'un à qui il tenait.
De quelqu'un qu'il considérait comme un membre de sa famille.

Et comme à chaque fois, Yoongi se sentait parfaitement impuissant.

×

- Lâche-moi !

Yoongi ouvrit un œil. La voix de cette femme venait de le réveiller.
Pourtant, il s'était placé dans un endroit reculé, pensant ne pas être dérangé.

Il referma d'abord les yeux, déterminé à reprendre sa sieste, mais la voix laissa échapper un cri qui le tira définitivement du sommeil.

Quelqu'un était en train de se faire agresser dans sa ruelle, en contrebas.

Mais ce n'était pas son problème.
Si ses quatorze ans de vie dans les rues lui avaient bien appris quelque chose, c'était qu'il valait mieux fermer les yeux dans ce monde de merde.
S'impliquer dans ce genre de problème ne servait qu'à se faire du mal. S'inquiéter pour les autres finissait toujours par faire souffrir.

Il allait changer de coin pour poursuivre sa sieste du soir lorsqu'une voix masculine couvrit les appels à l'aide de la jeune femme.

- Qu'est-ce que tu vas faire...? Tu es pathétique, laisse toi juste faire.

Fragile et impuissante, la jeune femme ne pouvait rien faire.
Personne ne pouvait rien contre la cruauté humaine.
Mais entendre un humain le dire alluma quelque chose en Yoongi.

Qu'est-ce que tu vas faire...? La sauver ?
Et pourquoi pas ?
Pourquoi, pour une fois, tu n'y arriverais pas ?

Yoongi jeta juste un coup d'œil depuis son promontoire.
Une jeune femme aux cheveux noirs était plaquée contre un mur, tenue fermement par les deux poignets.
Son manteau long à moitié ouvert laissait le champ libre à la bouche d'un vieux porc qui la mordait plus qu'il ne l'embrassait vu ses cris de douleur.

Yoongi pouvait-il réellement faire quelque chose ?

Le grand chat noir se leva complètement et se concentra.
Il aurait pu tomber directement sur la tête du sale type et le taillader méchamment sous cette forme. La jeune femme aurait très certainement eu le temps de s'enfuir. Mais s'il devait se transformer en humain pour se sortir à son tour d'un situation délicate, il prenait un risque.

Personne ne devait savoir, pour le chat. Personne ne devait se mettre en tête de chercher un chat noir transformiste dans les rues de Séoul.
S'il avait survécu jusqu'à présent, c'était parce que sa mère n'avait jamais parlé de la nature exacte de sa mutation à qui que ce soit. Ses parents étaient morts en emportant ce secret dans leur tombe.
Il fallait absolument qu'il garde cette couverture, cet atout dans sa manche.

Mais il avait d'autres formes.

Dans la nuit, un cri sinistre s'éleva, plus fort et plus grave que ceux de la jeune femme.
Un énorme jaguar venait de tomber du toit et d'écraser un homme bedonnant, ses griffes se plantant dans la peau de son dos avec sauvagerie.

Yoongi ne s'aperçut qu'il avait mordu l'agresseur qu'au moment où un fort goût de sang envahit son palais.
Il avait laissé l'animal parler. L'animal frustré de rester impuissant, d'observer sans jamais rien faire.

L'homme ne bougeait plus. La femme non plus, observant la scène, une éclaboussure écarlate sous l'œil gauche.
Elle avait l'air terrifiée et ses deux mains étaient tendues vers Yoongi comme pour lui signifier de ne pas approcher.

Il commit alors l'erreur de montrer son visage humain.
Il se transforma, pour la rassurer, pour lui dire quelques mots peut-être, avant de disparaître dans la nuit.

Puis il vit quelque chose changer dans le regard de la jeune femme.
Elle se redressa, le regard soudain calme et concentré, sa chaussure piétinant insensiblement une flaque de sang.

Sa main tendue attrapa le poignet de Yoongi.

- Merci infiniment, souffla-t-elle.

Mais avant que Yoongi ne puisse répondre et s'enfuir, une violente douleur s'abattit sur lui. Et il perdit connaissance.

×

- Celui-là ? tenta Yoongi en fronçant légèrement les sourcils.

Namjoon hocha vivement la tête avant de ramener la feuille de papier de son côté. Un grand sourire fier illuminait son visage.
Yoongi aimait ça, même s'il ne le disait pas.

Ils étaient seuls cet après-midi, ce qui arrivait assez rarement. Leur amie Moonbyul avait un entretien vision avec la patronne.
Namjoon en profitait pour réapprendre à Yoongi.

Passer quatorze ans sous forme féline n'avait pas arrangé le jeune mutant.
Il s'était très vite rendu compte que parler était devenu difficile, que se tenir debout ne lui était plus naturel, qu'il avait tendance à faire sa toilette avec sa langue plutôt qu'avec le pommeau de douche...

Yoongi réapprenait pas à pas avec Namjoon.
Il avait fait d'énormes progrès en presque une année, surtout au niveau de son comportement.
Il avait encore quelques tics félins, mais rien de bien méchant. Il lui arrivait juste de s'étirer le dos ou de montrer un peu les dents, habitudes qu'il avait fini par acquérir par mimétisme dans la rue.

En ce moment, Namjoon lui réapprenait à lire et écrire.
Cela ne servirait sans doute pas beaucoup là où ils étaient, mais le jeune homme aimait enseigner, et Yoongi adorait l'écouter.
Il aurait pu poursuivre avec des principes de physique quantique, le jeune mutant l'aurait suivi.

Il y avait quelque chose de rassurant chez Namjoon, quelque chose qui donnait envie à Yoongi de se transformer en chat et de se rouler en boule sur ses genoux.
Namjoon était grand, il était fort, mais il était tranquille. Namjoon le protégeait dans la Cage, il était un point stable dont Yoongi avait tellement manqué jusqu'à présent.

Namjoon était fort et pouvait se débrouiller par lui-même. Yoongi ne vivait pas dans la peur de le voir disparaître, alors...
Alors il avait fini par s'autoriser à s'y attacher.
Cela s'était fait doucement, très. Mais il s'était laissé apprivoiser, petit à petit.

Et voilà qu'il apprenait sagement à lire.

- Une baleine ? demanda Namjoon en lui montrant à nouveau la feuille, sur laquelle il avait griffonné trois nouveaux mots.

Yoongi désigna celui de droite et le sourire du plus grand s'élargit, le faisant presque ronronner de contentement.
S'il avait eu une queue à l'heure actuelle, elle se serait doucement balancée fièrement.

- Ces exercices deviennent trop faciles, on va pouvoir commencer à te faire lire de petits textes. J'ai quelques livres, mais ce sont des ouvrages assez lourds, j'en demanderai d'autres à Yongsun.

Yoongi plissa un peu le nez en entendant le nom de la jeune femme, mais il hocha tout de même la tête.

Il y avait autre chose qu'il aimait, à propos de Namjoon.
Ils étaient là pour la même raison. Ils avaient essayé d'aider quelqu'un, et cela s'était retourné contre eux.

Alors qu'à son arrivée Yoongi se promettait nuit et jour de ne plus jamais faire quoi que ce soit pour quelqu'un, Namjoon avait toujours été aussi enclin à donner aux autres.
Cela avait surpris le mutant félin de prime abord. Comment Namjoon pouvait-il garder foi en autrui ?
Puis il l'avait aidé lui. Namjoon l'avait compris, lui avait parlé, l'avait reconstruit, un peu.

Yoongi aimait Namjoon.

- On arrête là ?

Le plus petit hocha la tête.

- Qu'est-ce que tu veux faire en attendant que Moonbyul revienne ?

Même sous forme humaine, il arrivait à Yoongi de se laisser guider purement par ses instincts. Encore un de ces comportements dont il avait du mal à se débarrasser.
Aujourd'hui, l'animal en lui pris le dessus une seconde.
Quand il reprit conscience de ses actes, ses lèvres étaient déjà plaquées contre celles de Namjoon.
Son ventre se tordit violemment, secoué de mille émotions contraires, mais lorsque l'autre mutant répondit avec un entrain non dissimulé, Yoongi ferma les yeux et se laissa aller.

Yoongi aimait Namjoon. Plus que tout ce qu'il avait pu croiser depuis la mort de ses parents, depuis que le monde était devenu abject à ses yeux.
Et il semblait que Namjoon aimait Yoongi, ou du moins l'embrasser, pour le moment.

Alors ce monde, si laid et cruel, était finalement un peu plus supportable.

×××

Un peu de fluff pour adoucir votre mercredi :3

I love you
💜

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