1.5 - Jail

I'm biting my nails
I'm too young to go to jail
It's kind of funny

×××

La Cage.
Ce terme avait pris tout son sens quand nous étions enfin arrivés au terme de l'enfilade de couloirs qui avait succédé au parking.

La Cage, c'était un autre nom pour une prison.

Je levai la tête, suivant des yeux des escaliers métalliques jusqu'à un promontoire étroit qui dominait toute la pièce rectangulaire et haute de plafond dans laquelle nous venions de pénétrer. Là-haut, il y avait une porte semblable à celle qui se trouvait derrière nous. Il s'agissait des deux seules issues, et elles avaient l'air de posséder le même système de verrouillage automatique. Il me semblait avoir vu Yongsun poser son doigt sur un petit cadran pour ouvrir la première.
Deux issues bien sécurisées, donc. En bas, le parking, en haut... Je n'en avais aucune idée, pour le moment.

Et tout autour de nous, d'autres portes en acier. Elles étaient épaisses à en croire la taille de la tranche là où elles laissaient passer un peu de lumière, par des barreaux courts et resserrés.

La grande pièce était cruellement vide, mais déjà plus chaude que les couloirs. Ici, il devait y avoir un minimum de chauffage.
Elle était vide à l'exception d'une silhouette qui se tenait debout, au centre.
Une silhouette qui commençait à m'être familière puisque je l'avais aperçue plusieurs fois sur le trajet menant jusqu'ici.

Cette fois-ci, elle nous faisait face, et elle nous fixait tous les trois avec un intérêt curieux.

Il s'agissait d'un homme à la carrure intimidante, mais au regard doux, presque enfantin dans un visage aux traits pourtant bien affirmés.
Des cheveux sombres tombaient un peu aléatoirement sur son front et ses tempes, et un col roulé noir montait haut sur son cou. Il avait de grosses lunettes qui lui donnait un air intelligent.
Avec son attitude observatrice, il avait presque l'air d'un visiteur dans un musée.

Drôle de musée, si vous vouliez mon avis.

Yongsun fit quelques pas dans la grande pièce et elle s'arrêta devant l'homme qui la dominait d'une tête ou deux, paraissant enfin reconnaître la présence de l'étrange ombre qui nous suivait depuis déjà quelques minutes.

- Tu as apprécié ta petite balade Namjoon ?

La silhouette hocha très légèrement la tête, puis releva les yeux vers moi, silencieux.
Était-il muet, ou refusait-il de lui répondre ?

- C'est votre nouveau colocataire. Joli, n'est-ce pas ?

Je mis une seconde à comprendre qu'elle parlait de moi et me raidis.
Jooheon dut le sentir car sa main se resserra légèrement sur mon bras, comme s'il s'assurait que je ne puisse pas partir en courant.

Le dénommé Namjoon avança, droit sur Yongsun, sans la regarder. Il ne regardait que moi.
J'ouvris la bouche quand la jeune femme leva un bras devant son visage comme pour se protéger de l'impact, mais mon exclamation s'étouffa dans ma gorge quand Yongsun disparut littéralement dans la poitrine de l'inconnu.

- Tu pourrais faire le tour ! s'exclama-t-elle et je remarquai ses pieds, ou plutôt ses immenses chaussures derrière l'homme qui continuait d'avancer.

Il ne l'avait pas aspirée, il lui était passé à travers... Comme s'il avait été fait de fumée.
Cette fois-ci, j'eus réellement un mouvement de recul. Namjoon avançait toujours vers moi et je n'avais aucune envie qu'il passe par moi.
Je n'arrivai même pas à être soulagé lorsqu'il s'arrêta à quelques pas, m'observant comme si j'étais une bête curieuse.

Joli n'est-ce pas ?

Je détestais ça. Être le centre de l'attention, être regardé comme un animal de foire, comme une marchandise.
Être réduit à mon physique, surtout.
Park Jimin la gueule d'ange, Park Jimin le minet premier de la classe... Je détestais ça.

J'eus un instant envie de tous les défier du regard, de leur montrer que j'étais là et qu'ils ne pouvaient pas parler de moi comme si je n'avais pas mot à dire au chapitre.
Mais Namjoon disparut. Comme ça.
Il s'évapora, comme si on avait appuyé sur un bouton off quelque part.

- Ce n'est pas un fantôme, expliqua calmement Jooheon sur ma gauche, comme s'il avait lu dans mes pensées. Namjoon est comme toi.

Comme moi ? Un mutant ?
Un mutant capable de se rendre intangible et invisible ?
Quel était l'intérêt de le mettre en prison alors ?
Il se baladait dehors sans aucune entrave, et pourtant, Yongsun avait parlé de nouveau colocataire...

On me fit de nouveau avancer, vers une porte que la jeune femme était déjà en train de déverrouiller.
Je jetai un œil sur l'énorme cadenas et sur le trousseau de clés qu'elle avait sorti de l'intérieur de sa veste.
Avec les tous petits barreaux sur le haut de la porte, ce n'était même pas la peine d'essayer de l'ouvrir de l'intérieur.

Elle jeta un œil par la petite ouverture puis ouvrit le battant, mobilisant visiblement pas mal d'efforts pour y arriver.
La porte était large et lourde. La casser n'était pas non plus une option.

J'ignorais pourquoi je cherchais immédiatement à trouver une faille dans le système, un moyen de sortir.
Même si je sortais de cette cellule, qu'est-ce que je pouvais faire ?

Je ne savais même pas si nous étions revenus à Séoul, je n'étais pas certain de pouvoir retrouver le parking, et de là-bas, dieu seul savait comment accéder à la sortie.

Cette porte et ce cadenas étaient en réalité le cadet de mes soucis...

Yongsun me poussa elle-même à l'intérieur. Pas violemment, mais d'une petite main ferme dans le dos.

- Allez mon joli, ne sois pas si stressé, les autres enfants ne mordent pas.

Je m'attendais à ce qu'ils entrent avec moi, peut-être pour m'attacher quelque part à l'intérieur, comme dans le camion.
Après tout, nous étions censés être dangereux, deux protections n'étaient pas de trop.

Mais la porte se referma derrière moi et je relevai brusquement la tête, quittant mes pieds des yeux pour me figer face à une scène étrange.

- Enfin, tant que tu es gentil avec eux, bien sûr, ajouta Yongsun avant de refermer fermement le cadenas si mes oreilles ne se trompaient pas.

L'endroit dans lequel je me trouvais n'était pas étroit et sombre comme je l'avais imaginé. Il n'y avait pas de rats dans les coins, de toiles d'araignée ou même de vieux néons comme dans le reste du complexe.

La cellule avait été aménagée presque comme un appartement, ce qui expliquait un peu mieux le grand espacement entre les portes à l'extérieur.

Le sol était toujours en béton, mais un grand tapis carré et d'un gris plus foncé le recouvrait partiellement. Il y avait un canapé en cuir brun vieilli au centre et quelques fauteuils, une petite table basse, une ou deux étagères avec des livres, une grande armoire sur la droite et une lampe halogène en plus du plafonnier.

C'était déconcertant.
Mais plus étrange encore, et m'empêchant de détailler un peu plus mon nouveau "chez moi", trois personnes se tenaient là.

Je reconnus immédiatement Namjoon. Il était exactement le même qu'une minute plus tôt.
Il était assis sur le canapé, ses longues jambes croisées en tailleur, et il m'observait comme tout à l'heure à travers ses lunettes.

L'autre garçon était debout derrière lui et avait le regard beaucoup plus méfiant.
Il était plus petit et possédait des traits plus fins, il avait presque l'air d'un enfant sauvage avec ses yeux brillants et ses sourcils froncés sous ses cheveux en bataille.
Sa peau pâle tranchait vivement avec sa chevelure et ses yeux très sombres, elle faisait également ressortir ce qui aurait pu être de légères cernes sous ses yeux, et la couleur rosée de ses lèvres.

La dernière personne qui se trouvait dans la cellule était la plus déconcertante.
Ses cheveux d'une pâle couleur pêche ne recouvraient que très partiellement son visage.
Et ce dernier me fit frissonner.
Une grande paire d'yeux sombres me fixait, comme pour les deux autres, mais ce que j'identifiai comme beaucoup d'autres après une seconde de confusion demeuraient fermées ici et là sur son visage.
Des paupières et de longs cils striaient tout le haut de son visage, partout. On aurait dit qu'il y avait une dizaine d'yeux fermés au dessus et en dessous des seuls qu'elle aurait dû posséder.

Elle me sourit, probablement pour me rassurer devinai-je, mais cela n'eut pas trop d'effet.
Une autre paire d'yeux s'ouvrit en dessous des premiers, et si j'avais pu, je me serais bien enfui.

Il se refermèrent rapidement, et son sourire s'agrandit.

- Bienvenue Jimin, viens t'asseoir.

Sans façon.
C'était ce que je voulais dire, mais mes lèvres ne bougèrent pas d'un millimètre.
La jeune femme, assise à même le tapis, plia les siennes dans une petite moue attristée.

- Moonbyul, je crois que tu lui fais peur, expliqua Namjoon.

La jeune femme soupira mais ne daigna pas le regarder.

- Tu viens de faire ton numéro du fantôme, Nam. Yoongi le fixe comme s'il allait lui sauter à la gorge et Solar a dû ne rien lui expliquer avant de l'enfermer ici, comme d'habitude. Je ne suis clairement pas la seule à lui faire peur...

Elle avait plutôt bien résumé la situation. Et le fait qu'elle comprenne que toutes ces choses étaient effrayantes pour moi me détendit très légèrement. D'un cheveu.
Jusqu'ici tout le monde, en particulier Yongsun ou... Solar, avait eu l'air de trouver tout ce qui se produisait très normal.

Un homme apparaissait et disparaissait à volonté après vous être passé à travers ? Normal.
On vous enlevait, faisant brûler un fourgon au passage et vous emmenait dans un souterrain glauque pour vous coffrer dans une cellule ? Normal.
On vous enlevait vos menottes alors que vous étiez censé représenter une menace pour l'humanité ? Normal.

Ceci dit, elle m'avait appelé par mon prénom, ce qui ajoutait encore un fait étrange à la pile de ce que j'avais vécu aujourd'hui.
À ce stade, j'étais certain de pouvoir appeler ce jour le pire de ma vie.
Et d'un autre côté, une part de moi savait que cela pouvait être encore pire, bien pire vu tout ce qui venait d'arriver. Vu l'endroit où j'étais.

- Tu n'as pas à avoir peur, reprit Namjoon. C'est normal d'être déconcerté, mais en tout cas avec nous, pas la peine d'avoir peur. Personne ne te fera de mal dans cette pièce, même pas Yoongi.

Je quittai enfin la jeune femme et ses multiples yeux du regard pour aviser ledit Yoongi.
Il était toujours debout et sur le qui-vive, mais il paraissait un peu moins agressif.

- Moonbyul, grogna-t-il finalement en se détournant, presque gêné, il saigne.

La jeune femme plissa sa paire d'yeux encore ouverte, puis ces derniers s'écarquillèrent en se posant sur mon front.
J'y portai immédiatement une main, par réflexe.

- C'est rien... balbutiai-je. C'est juste... Les cornes...

- Il y a une douche et des toilettes de ce côté, déclara Namjoon en désignant une petite porte que je n'avais pas vue jusqu'ici, dans le fond de la pièce. Tu peux aller te nettoyer la tête, voire carrément te laver si tu veux.

Je fixai un instant la porte derrière eux puis mon regard se posa à nouveau sur mes colocataires forcés.

C'était presque trop normal, inapproprié.
Nous étions en prison, nous étions des mutants, pas des internes partageant une chambre étudiante.
Mes bras se serrèrent contre mon ventre.

Si j'allais dans cette pièce, peu importe combien la promesse d'une douche était séduisante, je devrais les quitter des yeux. Et ça ne me mettait pas du tout à l'aise.

- Vous êtes tous des mutants ?

Je visais tout particulièrement Yoongi avec ma question. Les autres ne semblaient définitivement pas humains.

- Oui. Tout comme t... commença Moonbyul.

- Depuis combien de temps ?

Ils parurent tous assez surpris, pas seulement par le fait que je vienne de couper la parole à la jeune femme, mais aussi par ma voix étranglée.

- Un bon moment, souffla Namjoon dans un soupir.

Je secouai la tête par automatisme, presque sans m'en rendre compte.

- Combien...?

J'avais besoin de savoir exactement. Sa réponse évasive ne faisait que monter la pression qui grandissait déjà très bien toute seule dans ma poitrine.

- Je suis née comme ça, trancha Moonbyul. Mais je n'ai pu ouvrir mes autres yeux que plus tard. Je suis une mutante depuis toujours Jimin.

Je restai silencieux, ne sachant pas quoi lui dire.
J'avais envie de la traiter de menteuse, mais pourquoi mentirait-elle ?

Ici, ce n'est pas le paradis.
Mais au moins, on ne te mentira plus.

Non... Non...
J'avais vu ce mutant attaquer des innocents, je me souvenais de son corps décharné et de son regard fou, je le revoyais encore couper la main de cet homme...
Ma mère l'avait tué. Elle en avait tué beaucoup d'autres.

- C'est impossible... Comment tu peux être...?

Je reculai d'un petit pas et mon dos heurta la porte, me faisant sursauter. Je n'avais pas réalisé que j'étais déjà à l'extrême limite de la pièce.
Elle me parut soudain trop petite, beaucoup trop. Ma cage thoracique aussi, comme si elle n'arrivait tout à coup plus à se remplir d'assez d'air.
Je me mis à paniquer, ne sachant que faire de mes mains qui se mirent à serrer mon sweat comme si ma vie en dépendait.

- Normale ? finit Moonbyul.

Son œil droit s'agrandit légèrement, comme si elle haussait un sourcil, mais elle n'en possédait pas. Elle haussa seulement l'œil du dessus...

Je n'aurais clairement pas utilisé le mot normale, mais elle avait compris ce qui me perturbait.

- Parce que je suis née différente, je n'ai pas vraiment vécu dans la même société que toi, poursuivit la jeune femme. Je ne sais pas exactement en quoi consiste tout ce que le gouvernement la télévision et vos parents vous ont raconté. Seulement, Namjoon et Yoongi m'ont un peu expliqué.

Elle se releva doucement et mes genoux me lachèrent, me condamnant à glisser lamentablement le long de la porte.
Le bout de mes cornes racla le métal, produisant un grincement qui me fit fermer les yeux une seconde.

Quand je les rouvris, presque tout ceux de Moonbyul me fixaient. De différentes couleurs, différentes tailles.
Seul celui du milieu, celui qui ne formait pas de paire, était resté fermé.

- On ne devient pas fous Jimin, on ne se change pas en monstres. Certains d'entre nous sont en effet monstrueux, mais pas plus que pourrait l'être un humain.

- Tu mens...

Ses yeux se fermèrent, et elle réussit à donner une expression désolée à son visage.

- J'aimerais. J'ai conscience que ça remet en question beaucoup de choses.

Beaucoup de choses ?
Mon futur avait volé en éclats ce matin.
Le moment présent semblait tiré de mes pires cauchemars.
Il ne me restait que mon passé, mes précieux souvenirs, et elle essayait de me convaincre qu'ils étaient recouvert d'un voile de mensonge, que certains n'étaient pas sincères, que ma propre mère...

- Tu mens... répétai-je d'une voix presque éteinte, éraillée et tremblante.

Moonbyul mentait forcément.
Parce qu'elle... Elle ne pouvait pas m'avoir menti tout ce temps.
Elle ne mentait jamais.

×××

Je suis vraiment navrée pour le retard de ce chapitre ;^;

J'avais juste besoin de le mettre en page, mais je suis un peu malade depuis quelques jours, voire carrément malade en fait...

Vous en faites pas, tout ira bien, le prochain chapitre arrivera à l'heure :3

Quelques révélations pour celui de cette semaine ^^

Des bisous !
💜

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