1.2 - Don't worry
Told you not to worry
But maybe that's a lie
×××
Il avait commencé à pleuvoir quand j'étais monté dans le taxi, ma capuche rabattue sur mon bonnet.
Je n'étais pas un de ces romantiques qui aimaient particulièrement la pluie, mais sur le coup, je m'étais dit que c'était plutôt une bonne chose. Mon accoutrement ne détonerait pas.
Il avait continué de pleuvoir pendant tout le trajet, et j'avais regardé les gouttes s'écraser sur la vitre arrière avec une attention presque ridicule. Seulement, dès que mes yeux se posaient sur la moindre petite chose, je ne pouvais empêcher cette partie de moi, apeurée et vicieuse, de se demander si c'était la dernière fois que je la voyais.
Est-ce que j'allais pouvoir contempler à nouveau de la pluie sur une vitre après cette journée ? Est-ce que c'était ma dernière averse en tant qu'être humain conscient ? Ou bien la dernière de ma vie tout court ?
Est-ce que la pluie avait toujours été aussi régulière ? Je ne lui voyais toujours rien de poétique, mais le rythme qu'elle suivait en frappant le plexiglas formait presque comme une petite musique angoissée à mes oreilles.
C'était... Comme un tic-tac.
J'arrivai finalement à destination.
Et même si la musique de la pluie était oppressante dans ce petit habitacle, je ne voulais soudainement plus le quitter.
La porte blanche que je discernais au bout de la petite allée, derrière quelques barreaux de fer forgé sombre et les sillons flous de l'eau sur la portière, était si familière... Paradoxalement, je me sentais comme un étranger.
Le battant s'ouvrit, et un parapluie bleu marine se déploya immédiatement au loin. Je le vis cacher un visage et s'élancer vers le portail, protégeant le pas pressé de deux jambes glissées dans un pantalon à pinces, pressées par le froid, par la peur, et accompagnées par ce tic-tac.
Je pouvais imaginer le crissement des galets sous ses chaussures, j'entendis faiblement le grincement du portail, et soudain la fenêtre du taxi s'abaissa côté conducteur, laissant entrer tous les bruits de l'extérieur et le grondement du tonnerre.
- Merci beaucoup ! s'exclama immédiatement mon père en fourrant un billet dans la main de mon chauffeur.
Je ne voyais pas son visage. Il était masqué par le toit. Et celui du conducteur l'était par son siège.
Je me sentais mal, je me sentais comme un enfant trop petit pour apercevoir les grands, un gosse qui restait assis en attendant de voir ce qui allait se passer.
Ce qui se passa finalement fut très simple. Le chauffeur ferma sa fenêtre, et mon père ouvrit ma portière.
Un air froid me piqua les joues, mais je ne sentis pas de pluie. Elle s'écrasait au dessus de sa tête sur la toile bleu foncé.
Croiser son regard me fit mal au cœur. J'avais essayé de ne pas trop y penser, pour ne rien espérer, ou ne pas me faire de mal en imaginant le pire.
Seulement... Dans le fond, je savais.
Il y avait essentiellement de la peur dans ces yeux, une répulsion instinctive.
Mais, finalement, cette stupeur première se mua en une sorte de soulagement douloureux, et une violente envie de pleurer me pris à la gorge.
La main curieusement chaude de mon père attrapa la mienne et me tira en dehors de mon refuge.
Je me retrouvai à faire un pas dehors, puis je ne vis plus rien, la tête coincée contre son épaule, son bras en travers du dos et les miens déjà autour de lui, va savoir comment.
Je m'accrochai à lui comme si ma vie en dépendait, trop déshydraté pour réellement pleurer à présent, mais mon souffle devenant brusquement saccadé et irrégulier.
J'avais l'impression qu'il m'avait manqué. Pourtant, j'étais venu fêter l'anniversaire de ma tante avec lui la semaine dernière... Ça n'avait aucun sens.
J'entendis la portière claquer derrière moi, puis le taxi démarrer et ses pneus grincer sur la chaussée détrempée.
- Viens, Jimin...
Sa voix me donna une petite idée d'à quoi m'attendre, mais elle ne m'avait pas complètement préparé à faire face à ses larmes lorsqu'il me lâcha enfin.
Il avait l'air d'un homme qui avait perdu son fils.
- Ta mère t'attend, murmura-t-il sur un ton légèrement étranglé.
Je frissonnai à ces quelques mots.
Elle m'attendait.
×
La première fois que j'avais vu un mutant, j'étais avec elle. Ma mère.
Noël approchait, des décorations lumineuses avaient été accrochées un peu partout dans le centre ville et la nuit avait commencé à tomber très tôt au cours des derniers jours.
Elle m'avait emmené avec elle pour faire quelques courses pour le repas de fête qui allait se dérouler le week end à venir.
Je n'avais pas grand chose à faire de ce qu'elle allait cuisiner, j'étais fasciné par l'imposant sapin qui se dressait sur la place où nous étions arrêtés.
Je devais déjà avoir une dizaine d'années, et c'était pourtant la première fois que j'en voyais un si grand. Séoul faisait décidément dans la démesure, et j'étais heureux que nous nous y soyions installés. Juste pour ça, pour un sapin.
J'étais persuadé que je ne pourrais jamais compter les petites ampoules qui clignotaient autour de ses branches, qu'il n'y avait pas de nombre assez grand pour cela. À côté de moi qui était si petit, il paraissait vraiment immense, et certaines décorations illuminées, les plus proches de la cime, se confondaient avec les étoiles.
Et puis il avait débarqué.
D'abord, il n'avait pas attiré l'attention générale, marchant simplement au milieu des passants.
Son pas était légèrement claudiquant, c'était ce qui avait fait dévier mon regard et celui de quelques autres personnes sur la place.
Et puis j'avais vu ses pieds et ses mollets nus sous son long manteau. Ses orteils étaient bleuis par le froid.
J'avais serré plus fort la main de ma mère et elle l'avait remarqué, arrêtant de discuter avec une amie retrouvée par hasard sous le sapin géant.
Peut être qu'elle avait tourné la tête vers moi, qu'elle m'avait demandé si tout allait bien, mais je ne me souvenais pas de ces détails...
Les seules choses à ce moment-là qui s'étaient gravées de façon indélébiles dans ma mémoire étaient le grand sapin, et cet homme.
Amaigri, les cheveux en bataille, les mains serrées autour de son ventre, il avait posé son regard bleu glacial sur moi, comme un animal affamé, et j'avais serré les doigts de ma mère plus fort encore.
Je me souvenais que, même enveloppé dans une veste épaisse, j'avais soudainement eu très froid. Je m'étais senti complètement paralysé.
Puis l'épaule d'un passant pressé avait heurté la créature qui se trouvait à une dizaine de mètres de moi. Son attention avait été détournée de mon visage et il avait poussé l'homme contre le sol avec violence, n'attendant même pas qu'il s'excuse.
Ses mains s'étaient écartées de son corps maigre et tous les regards attirés par l'altercation avaient découvert avec effroi de longs doigts effilés et osseux, comme d'immenses griffes noires et luisantes, un peu recourbées et menaçantes.
Des gens avaient hurlé, s'étaient mis à courir tout autour du sapin et de ses cadeaux démesurés.
On m'avait soulevé de terre.
Ce n'était pas ma mère qui m'avait attrapé, mais son amie.
Ma mère, elle, s'était élancée en avant, tout droit vers le monstre qui allait hanter mes cauchemars des années durant, criant quelque chose que je n'avais pas compris dans un petit appareil sombre.
Avec le recul, j'avais saisi que c'était à ce moment qu'elle avait appelé des renforts.
On avait essayé de m'emmener loin moi aussi, comme tous les passants, on m'avait couvert les yeux.
Mais j'avais eu le temps de voir.
Un peu de sang coulant le long de longues griffes noires, et puis une main, plus humaine, gisant au pied du sapin, toute seule, curieusement illuminée par toutes les petites ampoules colorées qui continuaient de clignoter joyeusement au dessus d'elle.
Je ne me souvenais de rien d'autre de ce soir-là. Je savais juste ce qu'on m'avait raconté ensuite.
On m'avait dit que ma mère avait été héroïque, que la jeune policière fraîchement mutée à Séoul qu'elle était avait bravement abattu la chose et qu'on avait pu sauver le pauvre homme qui avait perdu la main.
On m'avait dit que la chose n'était pas un monstre. Que c'était un infecté, un mutant, une victime lui aussi.
Mais déjà à l'époque, je savais que ceux qui m'avaient repris et fait ce sermon n'étaient pas sincères.
Les mutants étaient des monstres, en tout cas c'était comme cela que tout le monde les décrivait, même ceux qui évitaient soigneusement le terme.
Ma mère, elle, ne m'avait jamais contredit. Elle avait laissé le soin à mon père de m'expliquer que les monstres n'existaient pas.
Dans ses moments-là, je n'avais jamais bien su comment interpréter son regard, son silence.
Et aujourd'hui, je ne savais toujours pas.
Elle me regardait sans dire un mot, une tasse de café à la main.
Mon père avait quitté la pièce sur sa demande après avoir pleuré quelques minutes et m'avoir tenu dans ses bras en me disant que tout allait bien se passer.
J'avais aussi les joues humides. Mais je savais que tout n'allait pas bien se passer.
Ma mère le savait aussi, et elle ne le dirait pas, même pour me rassurer. Elle n'avait jamais été de ce genre de mère qui embellit la réalité.
Oui, c'est de ta faute si le hamster est mort. Si j'accepte d'en prendre un nouveau, tu arrêteras de lui donner ton goûter en cachette, même s'il a l'air d'aimer ça.
Non, mamie ne s'en sortira pas mon cœur, profite du peu de temps qu'il vous reste ensemble.
Petit, cela avait tendance à me perturber, parce que mon père me disait souvent le contraire, mais plus grand, j'avais fini par réussir à éprouver de la gratitude envers ma mère.
Grâce à elle, je me voilais moins la face que la plupart des gens que je connaissais, j'étais plus pragmatique, plus terre à terre.
Ces qualités étaient souvent vantées par mes professeurs, et c'était exactement ce qu'il me fallait pour devenir un bon médecin.
Du moins, c'était ce qu'il m'aurait fallu. Ma carrière était désormais fortement compromise.
- Tu ne dis rien...? finis-je par souffler, la gorge serrée.
- Tu voudrais que je dise quelque chose ?
- Que tu es triste...?
Elle reposa son café sur le dessous de tasse, pinçant les lèvres une seconde.
- Jimin, tu sais très bien que je le suis. Que je suis bien plus que triste.
Je m'en doutais, oui, mais encore une fois, son silence et son impassibilité ne rendaient pas les choses faciles à interpréter.
Elle leva les yeux juste une seconde vers le haut de mon crâne.
J'eus envie de cacher mes cornes, de les empêcher de pousser encore plus... Pas à cause de la douleur, mais par honte.
- Tu as une idée, de combien de temps...?
Elle secoua la tête, faisant légèrement bouger son chignon instable. Elle avait dû le faire à la va-vite en sortant du lit ce matin, comme bien souvent le dimanche matin.
- Cela varie trop, nous n'avons pas assez d'informations, ni de connaissances, pour savoir à partir de quand tu...
Pour la première fois depuis mon arrivée, son masque se fissura légèrement. Elle ne parvint pas à finir et je la vis déglutir pour essayer de se redonner une contenance.
Ses petits yeux en amande se plissèrent légèrement et ses sourcils fins prirent un pli contrarié, sa mâchoire volontaire se tendit visiblement.
- Maman, je ne veux pas vous faire de mal... Je ne veux faire de mal à personne...
- Je sais mon cœur. Ça n'arrivera pas, je te le promets.
Cela me rassura légèrement.
Mais d'un autre côté, je savais que ma mère ne faisait jamais de promesses qu'elle n'était pas certaine de pouvoir tenir.
Je me demandais où était son arme de service, si elle avait mis à l'intérieur des cartouches tranquilisantes ou des balles réelles, en combien de secondes elle avait estimé pouvoir l'attraper et me tirer dessus.
Parce qu'elle y avait pensé. Elle y avait forcément pensé si elle se permettait de promettre.
Je pariais sur la poche de son grand peignoir sombre, juste à côté de sa main gauche.
- Ton père... Il voudrait qu'on te cache ici.
Ça ne m'étonnait pas, c'était typiquement le genre de réaction qu'il pouvait avoir.
Il écoutait souvent ses émotions, pas sa tête. Ma mère était très différente.
- J'espère que tu comprends que ce n'est pas possible.
- Oui...
- Alors il faudra que tu lui expliques très clairement que c'est également ta décision, si on veut éviter une scène.
J'acquiesçai légèrement et baissai la tête, la gorge serrée.
Je savais très bien que mon père allait s'y opposer, allait me supplier de rester au moins jusqu'à ce que ma mutation ait raison de mon esprit.
Il ne verrait pas les risques, il ne verrait que son amour pour son fils.
- Nous t'aimons tous les deux de tout notre cœur Jimin... J'espère que tu pourras t'en souvenir.
Je relevai les yeux et me figeai devant les larmes de la quadragénaire devant moi. Une main pâle se plaqua sur le bas de son visage pour étouffer un sanglot et ma poitrine se compressa violemment.
Je n'avais pas souvent vu ma mère pleurer...
Décidant de mettre au moins quelques instants la raison de côté, je me levai et parcourus les quelques mètres qu'elle avait mis entre nous.
Ma démarche était hésitante, mais elle ne m'arrêta pas. Elle me laissa me mettre à genoux devant sa chaise et la prendre dans mes bras, pleurer avec elle.
- Je t'aime aussi maman.
Un "Ça ira" me brûla la langue, mais je le retins d'un pincement de lèvres.
On ne se mentait pas, elle et moi.
Alors je n'allais pas commencer aujourd'hui.
×××
Bonjour les amis :3
J'espère que vous passez une bonne journée ^^
Une meilleure journée que Jimin en tout cas :')
Prêts à rentrer dans la période pré comeback ? Prêts pour ledit comeback ? L' annonce du tour ?
Ahah.
Pas moi.
Des bisous !
💜
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