1.1 - Nightmare
I had a dream
And if I'm being honest
It might've been a nightmare
To anyone who might care
×××
Je me souvenais de certains cauchemars récurrents que je faisais lorsque j'étais enfant.
Ils étaient toujours différents, et pourtant identiques.
Je passais devant un miroir, et je découvrais quelque chose d'anormal chez moi. Cela pouvait être mes yeux luisant d'une drôle de couleur, ma peau devenue bleue, mes cheveux transformés en serpents... La mutation en elle-même n'avait pas d'importance, elle était là, et elle me paralysait.
Dans ces cauchemars, j'étais terrifié à l'idée que mes parents me voient et m'envoient loin d'eux. J'étais terrifié à l'idée de devenir quelqu'un d'autre. Quelque chose d'autre.
Les cauchemars avaient cessé lorsque j'avais finalement passé le Test à mes quinze ans.
Mon ADN était à priori d'une banalité réconfortante. Je n'avais plus à m'inquiéter. La lueur d'angoisse allumée en permanence au fond des yeux de mes parents avait fini par s'éteindre.
Mais mes cauchemars étaient finalement revenus ce matin. La différence aujourd'hui était que j'étais bien réveillé.
D'abord, c'était apparu sous la forme d'un violent mal de crâne, puis finalement d'une tâche de sang dans la paume de ma main.
J'étais passé devant un miroir, comme dans mes rêves, cherchant de quoi soulager la douleur.
Et le reflet m'avait à nouveau renvoyé une image singulière.
Il y avait des cornes qui poussaient sur ma tête.
×
J'essayais de réfléchir calmement depuis quelques heures.
Ce n'était un succès que depuis une poignée de minutes. J'avais principalement pleuré jusqu'ici, et espéré que cette fois encore, j'allais me réveiller.
J'avais attendu dans l'obscurité, ne pouvant me résoudre à ouvrir les volets. L'atmosphère était étouffante, je n'osais pas non plus ouvrir les fenêtres.
Ça ne s'était pas produit. Je ne m'étais pas réveillé.
J'étais parfaitement conscient, et mes allers retours jusqu'à la salle de bain m'avaient convaincu que je n'avais pas halluciné.
Mais... Les deux minuscules excroissances qui se trouvaient pour le moment sur mon crâne ne voulaient rien dire, n'est ce pas ?
J'avais passé le Test, on avait exploré mon ADN de fond en comble et on m'avait déclaré sain, il ne pouvait pas s'agir d'une mutation.
Je ne cessais de repenser au reportage de ce matin. Ils disaient que certains individus pouvaient développer leur mutation après les quinze années habituelles.
Mais j'en avais vingt révolus... Il devait forcément être trop tard.
Cela devait être une maladie qui m'était encore inconnue, ou bien il s'agissait... De bosses ?
Je m'arrêtai au beau milieu de la pièce principale de mon studio en m'apercevant que j'avais recommencé à la parcourir de long en large, comme un animal pris au piège, poussé par la peur et un vieil instinct primaire...
Je me forçai à prendre de longues inspirations pour ne pas céder encore une fois à la panique.
J'attendais avec angoisse le moment où je n'arriverais plus à penser correctement.
Pour l'instant j'allais bien, mais les mutants étaient connus pour finir par devenir violents et incontrôlables, comme de véritables animaux.
Cela mettait du temps à arriver, certains enfants avaient réussi à cacher leur différence pendant des mois, mais je ne devais pas non plus trop tarder avant de décider de ce que j'allais faire. Chez d'autres, le changement était presque instantané.
Il fallait que j'agisse avant de ne plus être moi-même, avant de devenir un danger pour les autres. Avant de ne plus pouvoir rien faire, de perdre mon libre arbitre.
J'avais l'impression qu'on venait de m'annoncer un cancer en phase terminale. Je devais me préparer à mourir, et me prendre en charge tout seul.
C'était trop à encaisser, beaucoup trop... Et je n'avais aucune idée du temps dont je disposais. Cette incertitude était le plus angoissant, le plus difficile à supporter.
C'était ce que j'étais en train de me dire quand on frappa bruyamment à ma porte.
Mon cœur manqua de s'arrêter, balayé par la vague de terreur qui me submergea entièrement en une petite seconde.
Avant de se retirer partiellement quand la voix nasillarde de mon voisin de pallier, Yugyeom, me parvint :
- Hey ! Park ? T'aurais pas des œufs à me dépanner ?
Je restais un instant interdit, les mains toujours légèrement au dessus de ma tête, en suspens. Je n'avais même pas remarqué que je les avais levées, par réflexe pour cacher ma monstruosité.
- Park, t'es là ? J'entends la télé !
Je l'avais laissée allumée depuis l'émission de ce matin, espérant qu'elle m'apporterait des réponses.
Mais une présentatrice était en train de vanter les mérites d'une toute nouvelle marque de ruban adhésif, version télé-achat.
Yugyeom frappa quelques coups supplémentaires contre ma porte, qui me firent l'effet d'un petit électrochoc et je me repris, papillonnant des yeux et m'éclaircissant la gorge avant de parler.
- Ou... Ouais, attends ! J'arrive !
Je me levai, toujours en panique, et jetai un coup d'œil angoissé à mon appartement, à l'affût du moindre détail suspect.
J'avais nettoyé les tâches de sang, à priori tout était clean s'il décidait de s'inviter à l'intérieur.
N'y avait-il rien que j'avais oublié ? Les volets seraient suspects, mais je pourrais faire avec.
Je me précipitai vers la porte, attrapant au passage l'un des bonnets de mon importante collection, puis me figeai derrière la battant le temps de prendre une lourde inspiration.
Pas de connerie, pas de connerie.
C'était important d'agir le plus normalement possible, d'ouvrir cette porte et d'avoir l'air dans mon état normal, pour ne pas éveiller de soupçons.
Yugyeom me demandait toujours de le dépanner, et j'étais toujours là pour jouer les bonnes poires. Si je changeais brutalement mes habitudes aujourd'hui... Et bien peut-être que ça n'aurait pas de conséquences, après tout mon monde était bien en train de s'écrouler, mais une part de moi gardait espoir. C'était plus fort que moi.
J'enfonçai le bonnet épais et noir sur ma tête, pas complètement pour qu'il ne risque pas de mouler les deux bosses qui se trouvaient sur le dessus de mon crâne.
Puis je tournai la clé et abaissai ma poignée d'une main, l'autre se glissant derrière mon dos pour serrer fortement la manche tombante de mon vieux sweat du dimanche. Le bleu ciel, avec une étoile jaune et blanche à moitié effacée dans le dos.
J'ouvris le battant et le visage éternellement souriant de Yugyeom apparut, l'air soulagé de me voir.
- Salut mec ! Ça va ?
Comment parler ? Comment fallait-il faire déjà ?
J'ouvris une première fois la bouche sans succès, me forçai à prendre une seconde pour rassembler mes pensées, puis recommençai :
- Ça va... Petit mal de tête...
- Oh ? T'étais de sortie hier soir ?
- De révisions, mais ça a à peu près le même effet qu'une cuite parfois.
Mes mots semblaient s'ordonner plus facilement, mes pensées aussi. Je m'autorisai à être soulagé sur ce point.
Yugyeom hocha la tête comme s'il comprenait.
Je ne savais pas s'il faisait encore des études. En tout cas, il travaillait dans la boutique d'instruments de musique qui se trouvait au coin de la rue.
Il ne me semblait pas l'avoir déjà vu un sac sur le dos ou allant en cours, il devait être complètement dans le domaine musical, ou carrément jouer dans un groupe à côté de son boulot. Oui, je le voyais bien dans un groupe de rock.
En tout cas, lui était parfaitement au courant que j'étais surbooké avec mes études de médecine.
Nous nous étions rencontrés pour la première fois quand j'étais venu lui demander de baisser le volume à une fête qu'il organisait chez lui une veille de partiels.
Yugyeom, c'était un voisin un peu bruyant, et qui demandait pas mal de "dépannages".
Mais c'était aussi le type qui retrouvait le chat de la vieille du premier ou qui venait bricoler votre disjoncteur quand vous aviez fait sauter celui-ci avec votre tout nouveau four électrique. Toujours avec le sourire. C'était celui qui disait toujours bonjour quand il vous croisait dans les couloirs, qui vous retenait l'ascenseur, et qui vous tutoyait un peu trop vite mais en vous donnant l'impression de faire un peu partie de la famille.
Alors on lui pardonnait facilement ses quelques soirées bruyantes, et on lui donnait parfois des œufs, ou de la sauce soja.
Des capotes aussi... D'ailleurs il avait fini par récupérer tout mon stock.
Et je n'avais jamais eu l'utilité de le renouveler.
Triste vie d'étudiant... Je me demandais presque pourquoi j'étais aussi accablé de la voir partir en vrilles.
- Courage mon vieux, tu vas gérer j'en suis sûr.
Il me fixa quelques secondes pendant lesquelles je ne me sentis pas du tout à l'aise.
J'avais l'impression qu'il avait deviné quelque chose, qu'il pouvait sentir ce qui se passait, ou savoir sur quoi mes pensées s'étaient égarées... Et puis je me souvins de ce qu'il attendait.
- Oh... Les œufs, oui attends, j'en ai une boîte. Il t'en faut combien ?
- Tu me sauves la vie ! C'est l'anniversaire de Jae aujourd'hui et elle m'a demandé un gâteau maison, j'avais complètement oublié ! Je dirais... Quatre ?
Je m'éloignai vers ma cuisine, enjambant le tas de draps que j'avais fait dans un coin de mon salon slash chambre. Même si je n'avais trouvé du sang que sur ma taie d'oreiller, j'avais voulu en profiter pour tout changer, parce que ça ne ferait pas de mal.
Ils étaient restés en boule sur le tapis quand j'avais réalisé que je pouvais faire une croix sur mon lit désormais.
J'y avais très probablement passé ma dernière nuit.
Je revins avec ma boîte d'œufs complète. Je l'avais achetée la veille, je n'avais pas encore eu le temps de l'entamer.
- Prends tout, tu me ramèneras le reste si il y a.
Je savais que je ne reverrais pas l'ombre d'un œuf, mais Yugyeom hocha vivement la tête, faisant tinter l'armada de boucles et de chaînettes qui pendait à ses oreilles.
Il s'inclina même un peu en avant, toujours aussi démonstratif.
- Merci beaucoup, je te garderai même une part du gâteau si tu veux.
Ma bouche se fendit d'un sourire triste.
Je n'étais pas sûr d'où je serais, ou dans quel état, quand sa pâtisserie serait prête.
En temps normal, j'aurais peut être refusé par doute en ses talents culinaires, mais aujourd'hui, je me devais de la faire pour l'empêcher de repasser par ici.
- Ça va aller, profite de ta soirée avec Jaein, je vais sûrement... Aller manger chez mes parents.
- Okay, bon week end alors.
Il leva la main et je me fis violence pour taper dedans sans trembler.
J'avais encore le cœur au bord des lèvres, et ça ne s'arrangea pas lorsqu'il pointa son index directement sur le dessus de ma tête.
- Sympa le bonnet, lança-t-il.
- C'est parce que j'ai les cheveux sales, m'empressai-je de balbutier, sortant la première justification qui me vint à l'esprit.
Justification qui s'avérait non nécessaire vu la tête qu'il tirait à présent.
Apparemment il n'était pas ironique.
- Détend toi un peu Park, c'est le week end, assume tes cheveux gras et ta soirée Netflix.
- Oh... Oui... Démasqué...
Il laissa échapper un petit rire auquel je tentai de répondre avec un sourire. Mon gloussement nerveux s'étrangla dans ma gorge.
Il dut cependant lui paraître convaincant car il finit par me saluer et s'éloigner avec ma boîte d'œufs. Il s'enfouffra par la porte de son appartement qui était restée entrouverte, et celle-ci se ferma finalement devant moi, me laissant debout à la limite du couloir désormais vide et presque silencieux.
Presque car une vague musique s'éleva d'à travers le battant, j'entendais seulement quelques basses.
D'une certaine manière, ma réputation de voisin coincé n'était pas une si mauvaise chose. Même si j'avais été tendu au possible, Yugyeom n'avait pas tiqué. Ou en tout cas, il n'en avait pas du tout donné l'impression.
Je refermai ma propre porte, de nouveau légèrement hagard. J'avais évité une catastrophe, mais je n'étais pas plus avancé.
Je n'avais aucune idée de ce que j'allais faire, mais il fallait que je le fasse rapidement.
Je m'adossai à la porte et sortis mon téléphone de ma poche arrière, les mains à nouveaux tremblantes.
Il fallait que je le fasse, avant de perdre le contrôle.
Je me laissai glisser contre le battant et finis par m'assoir sur le plancher grinçant, réalisant à quel point mes jambes étaient fatiguées. J'étais resté debout des heures...
Je me forçai à respirer lentement en sentant mes yeux se mettre à brûler comme tout à l'heure. J'avais perdu bien de trop de temps à pleurer sur mon sort, je ne pouvais pas me permettre de recommencer.
Je penserais à ma vie foutue en l'air plus tard...
Je tapai sur un contact familier, rangé dans les favoris, et plaquai l'écran froid sur mon oreille brûlante.
J'avais le cœur au bord des lèvres et les mains moites, ma tête me faisait un mal de chien, je n'arrivais même pas à réfléchir à ce que j'allais lui dire...
Les tonalités sourdes du téléphone s'arrêtèrent en même temps que ma respiration.
- Allô ? Jimin ?
Je n'avais pas entendu sa voix depuis longtemps. Elle réveillait en moi de nombreuses émotions, dont une pointe de culpabilité.
Je forçai mes poumons à reprendre leur activité et un souffle tremblant s'engouffra dans le micro du portable, résonnant un dixième de seconde plus tard à mon oreille, en écho.
- Jimin ? redemanda-t-elle. Tout va bien...?
Non, tout n'allait pas bien. Pas bien du tout.
- Maman...
Et mes larmes coulèrent à nouveau, abondantes et instoppables. Ma voix se brisa et je retrouvai les sanglots angoissés qui m'avaient tenus compagnie toute la matinée.
- J'ai besoin que tu m'aides...
×××
Ça faisait un petit moment que Jimin n'avait pas été mon narrateur :3
On retourne aux bases de Summer Lie *^*
J'espère que cette entrée en la matière vous aura rendu curieux de la suite, je pense pouvoir poster un chapitre tous les mercredis, si je me débrouille bien :3
Vous avez du le remarquer mais le format des chapitres est assez court ^^
À la semaine prochaine, donc !
💜
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