Mia fixe le test de toutes des forces. Son pied bat au rythme des battements effrénés de son cœur. Son genou se soulève. La nausée persistante qui noue son estomac la fait grimacer tandis que sa gorge nouée la fait souffrir. Les larmes aux bords de ses yeux ne coulent pas. Elles restent bloquées dans cet entre-deux terribles, interdisant à la jeune femme d'extérioriser son émotion.

*toudou*

Mia se redresse, détournant le regard de ce test qui l'obsède.

À deux jours... Si seulement j'avais agi avant... Deux p*tains de jours...

Une notification sur l'écran de son téléphone la distrait un instant. Lorsqu'elle l'ouvre, elle le regrette immédiatement.

[ Avery : 15h16
Tu as vu ça ? ]

[ Joshua : 15h05
T'es où p*tain ? ]

La capture d'écran jointe au premier message fait déborder le vase des émotions de Mia. Elle renverse cette équilibre précaire. Les larmes de la jeune femme s'écoulent chaudement sur ses joues tandis qu'elle s'effondre contre le mur des toilettes. Recroquevillée au sol, son corps est secoué de spasmes. Elle pleure à chaudes larmes. Sa haine, sa peine, son désespoir et sa douleur sont enfin libres. Elles s'échappent de son corps, avec chaque larme qui roule sur ses joues.

Mia ramène ses genoux contre elle. Ses larmes ne tarissent pas lorsqu'elle jette de nouveau un oeil à son téléphone.

[ Avery : 15h17
T'es où ? ]

Les mots écrits sur la pancarte de la capture d'écran se gravent dans sa mémoire.

« Les fœtus aussi ont des droits. »

La violence de cette allégation la dévaste. Mais ce n'est pas le pire pour elle, loin de là. Le visage souriant qui tient cette pancarte appartient à un homme. Pas n'importe quel homme. Son homme. Enfin, celui qu'elle croyait être son homme. Celui avec qui elle prévoyait de construire sa vie. Celui pour lequel elle était prête à faire des compromis. Celui qu'elle aimait.

Cette révélation coupe brutalement le lien qui les unissait. Comme si elle avait besoin de le voir de ses propres yeux pour le reconnaître, elle accepte enfin la vérité. Ça n'en est pas moins douloureux, mais c'est qu'il est.

Instinctivement, elle n'avait pas parlé à Joshua de ses doutes. Elle ne l'a pas impliqué dans sa recherche de test de grossesse. Elle n'en a parlé à personne.

Avery, sa meilleure amie, soupçonne quelque chose depuis plusieurs jours déjà. Elle a observé la façon dont Mia se ferme à chaque fois que le sujet de l'avortement est abordé. Elle a senti sa crainte lorsque l'annonce a été officielle. Elle l'a vu se retirer du débat politique, pour lequel elle était pourtant si dévoué.

Mia tape maladroitement une réponse.

[ Mia : 15h21
Dans les toilettes du campus. ]

Elle a décidé de faire ce test seule, dans ces toilettes publiques. Elle ne s'est jamais sentie aussi isolée qu'aujourd'hui, avec ce test entre les doigts. Ce test qui détient un pouvoir important sur elle. C'est lui qui décidera de son futur, dans un pays où le droit à l'avortement a été révoqué par une Cours Suprême. Le résultat pourra lui rendre sa liberté, ou la contraindre à voyager au Canada.

Mia a encore son futur devant elle. La jeune femme commence ses études de médecines dans quelques semaines. Elle ne peut pas – ne veut pas – avoir un enfant.

Joshua a été insistant. Il ne voulait pas mettre de préservatif car d'après ses dires, cela le fait débander et il a moins de sensations. Mia a dû se battre avec lui pour qu'il accepte de le porter. Pourtant, sans le lui dire, il l'a retiré avant leur rapport sexuel.

Si ce n'était pas suffisant pour que Mia rompe avec lui, la story d'aujourd'hui l'est. Cet homme ne l'a jamais respecté. Il a toujours insinué que la contraception était le devoir des femmes. Malgré tout, Mia a consenti à prendre la pilule. Mais elle souhaitait bénéficier d'une double protection. Après tout, la contraception est aussi l'affaire des hommes.

— Mia ?

La voix d'Avery s'élève dans les toilettes, faisant sursauter Mia.

La jeune femme a été tellement absorbé par ses émotions qu'elle avait oublié le bâtonnet de plastique coincé entre des doigts. Elle lève le regard, anxieusement, vers le résultat. Ce qu'elle y lit fait céder la dernière digue, celle qui retenait encore les émotions qu'elle avait enfouit au plus profond de son cœur. La force de ses larmes redoublent.

Mia hoquette, gémit. Tout ce qu'elle avait retenu à l'intérieur d'elle-même s'exprime brutalement. Elle ne lutte pas contre ce déferlement d'émotions qui la ravage, la cloue au sol. D'une main tremblante, elle déverrouille la porte des toilettes.

Avery l'intercepte dans une étreinte forte, la pressant contre son corps chaud. Mia se laisse faire, laissant ses émotions se disperser tandis qu'elle pleure contre l'épaule de son amie.

— Qu'est-ce qui se passe ? chuchote Avery. Tu vas bien ?
— Oui, répond Mia.

La jeune femme redresse son visage humide vers son amie, un sourire perçant doucement aux coins de ses lèvres.

— Je ne suis pas enceinte.

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28 juin 2022

Je souhaite, moi aussi, réagir à l'actualité politique.

Tu n'es pas sans savoir que la Cours Suprême des Etats-Unis a révoqué le droit à l'avortement. Cela signifie que chaque état pourra interdire l'avortement à sa guise. Si des états avaient déjà attenté gravement à ce droit fondamental (je pense par exemple au Texas qui avait limité le temps d'avortement à 5 semaines), ils peuvent désormais l'interdire, purement et simplement.

Cette nouvelle, comme pour beaucoup d'autres personnes, me révolte. C'est pour cela que j'ai souhaité donné la voix à Mia, une jeune étudiante qui craint d'être enceinte dans un état où l'avortement a aussitôt été interdit (l'Arkansas).

Je lui ai donné une voix car, la réalité derrière cette décision, ce sera cela. Ce sera des centaines voire des milliers de personnes qui n'auront plus le choix de mettre fin à un début de grossesse. Ce sera des vies brisées, des vies perdues.

L'interdiction à l'avortement ne supprime pas les avortements, simplement le fait de pouvoir les réaliser dans de bonnes conditions sanitaires et en sécurité.

Supprimer le droit à l'avortement, c'est mettre en danger la vie des personnes qui ont utérus.

~ Liv