Pentagramme, regard sexy et Patrick Swayze

Je crois que les démons n'ont pas le même sens du temps que nous pauvres humains. Non pas que je m'en plaigne bien au contraire, mais quand Caym m'a dit qu'il allait revenir très vite, je l'ai cru et je l'ai attendu. Mais voilà, ça fait deux semaines que j'attends monsieur et toujours aucune trace de lui. Tant mieux pourrais-je dire, mais maintenant le moindre bruit me fait sursauter, la moindre ombre me fait peur et la moindre réaction de Popol me fait penser qu'il est là, invisible, à me regarder et attendre le bon moment pour surgir et me crier dessus.

J'aurai pu penser que le lien est rompu et qu'il n'a donc pas besoin de revenir, mais je sais que ce n'est pas le cas. Je continue à ressentir certaines émotions qui ne sont pas à moi. J'essaie tant bien que mal de les enterrer bien profondément et de ne pas y penser, mais c'est difficile quand je ne ressens que la colère et la douleur.

Noël tente de me soutenir comme il peut, me distraie pendant un moment, avant de toujours revenir à Caym. J'ai un meilleur ami génial, qui, pour m'aider à oublier qu'un démon veut ma peau à cause d'une voyante, me parle du dit démon à longueur de journée. Apparemment Caym est sexy, bandant et il le mettrait bien dans son lit s'il ne craignait pas de brûler ses draps en satin. De mon côté je craindrais plutôt qu'il me brûle tout court, mais pour Noël ce n'est qu'un détail. Je ne peux pas nier que Caym est bandant, mais le niveau psychopathe démon tueur l'emporte sur la sexy attitude qu'il dégage.

― Qu'est-ce que tu me veux !?

Le hurlement derrière moi me fait sursauter de peur, je suis en plein milieu de mon open space au boulot et je suis surpris de voir que ça n'a l'air de n'affecter personne d'autre, pourtant je sais bien que Caym est derrière moi et pas seulement dans ma tête. Tout le monde reste immobile alors que je me tourne lentement vers la voix derrière moi. Il est bien là. Je ne pensais pas le voir ici, ne pas le revoir du tout d'ailleurs, j'avais vraiment cet espoir que ce lien ne l'affecte plus.

Il fulmine et me regarde avec un air meurtrier, il me fou une peur bleue, mais j'essaie de ne pas lui montrer, ça le ferait bien trop jubiler. Je ne sais même pas ce que j'ai fait pour le mettre dans cet état, ça fait deux semaines qu'il n'est pas venu bon sang, ce n'est pas comme-ci j'avais pu faire une connerie. Clairement mes geignements ne m'ont pas empêché de vivre sa vie, ou non vie... un démon est-il vivant ? Faudrait que je pose la question à Noël pour avoir son avis. Il n'est pas venu me dire de me taire sous peine de torture et ne m'a pas crié dessus dans ma tête pour me prévenir qu'il m'entendait trop. Je me redresse et lui souris, un peu de séduction ça peut aider, non ? Je tente juste de ne pas faire de moue puisqu'il n'y est pas sensible, sa réflexion à la fête foraine m'a suffi !

― Comment ça, qu'est-ce que je te veux ?

C'est en demandant ça en chuchotant pour ne pas déranger les autres que je me rends compte d'une chose, il n'y a plus aucun mouvement nulle part, aucun bruit, j'ai l'impression qu'on vient de mettre pause dans un film, sauf qu'ici c'est la réalité. Je commence à paniquer quand je demande :

― Pourquoi est-ce que tout le monde est figé ?! Oh purée, tu as fait comme dans le magasin, c'est ça ?

― Je ne pouvais pas apparaître en laissant qui que ce soit me voir !

― Tu aurais pu ne pas apparaître du tout, ça aurait arrangé tout le monde.

― J'aurais pu en effet, mais tu n'as pas arrêté de m'appeler. Encore et encore... et encore !

Je fronce les sourcils et le fixe, il entend des voix je ne vois pas d'autre raison, j'ai pensé à lui, ok, mais c'est tout.

― Je ne t'ai pas appelé, tu es cinglé comme démon.

Je regrette aussitôt mon « cinglé » quand ses yeux deviennent noirs, merde, je vais me faire figer, brûler, me faire arracher la langue avant de devoir la bouffer devant lui. Il se penche vers moi jusqu'à me faire reculer sur ma chaise, ça y est c'est la fin. Pourtant il me surprend en ne faisant rien d'autre que de poser un doigt sur la feuille devant moi.

― Ça, dit-il en tapant le doigt dessus, c'est comme ça que tu m'appelles.

Je lâche son visage des yeux pour me concentrer sur ma feuille. Je suis encore une fois surpris. Je dessinais au hasard sans me rendre compte de ce que je faisais. Mais maintenant que je regarde, je vois une dizaine de pentagramme identique se répartir sur la feuille. J'essaie de me justifier en posant à nouveau mon regard sur lui, ses yeux sont redevenus normaux, chocolat avec des touches d'or, quand je vais dire ça à Noël... Je me racle la gorge en voyant où mes pensées m'entraînent avant de répondre.

― Je ne le savais pas.

― Oh, moi je suis certain que ton subconscient le savait et tu devais avoir drôlement envie de me voir, petit humain.

― Tu rêves, je me demandais juste quand tu allais venir c'est tout. Chez nous quand quelqu'un te dit qu'il revient très vite ça ne veut pas dire deux semaines. Surtout quand on te demande de te souvenir de chose et qu'on te menace si tu ne te rappelles pas les détails !

Il sourit et se recule finalement, je respire un peu mieux maintenant et je souffle de soulagement.

— Je te manque, poupée ?

— Que... quoi ?! Pas du tout ! Ça ne va pas ou quoi ? Je veux juste en finir moi aussi. Tu peux dégager maintenant, je suis au boulot je n'ai pas le temps.

― Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi, je pars quand bon me semble.

Je me relève brusquement et bruyamment de ma chaise alors que je suis certain d'avoir senti quelque chose me piquer les fesses. Je me retrouve face à lui qui sourit machiavéliquement, pas besoin de me demander ce qu'il vient de se passer, monsieur le démon s'amuse avec moi. Quel abruti, je m'approche de lui déterminer à ce qu'il me laisse tranquille pour le moment, il ne manquait plus que je me fasse remarquer au boulot. Je lui crie de dégager en le poussant, mais je titube en avant quand je pousse de l'air, il est parti avant que je ne le touche. Quand je réalise que je suis à nouveau seul, je me rends vite compte d'une chose : le bruit. Tout le monde est revenu à la vie et... me dévisage. Quel connard ! Je l'entends se foutre de moi, cela résonne dans ma tête comme à chaque fois et quand il ajoute « Je viens ce soir », je sais que je ne vais penser qu'à ça jusqu'à ce que je rentre chez moi.

***

— Au boulot ! Il est apparu au boulot ! Il a figé tout le monde comme des statues et il est venu pour me gueuler dessus. Comme-ci c'était de ma faute à moi ci j'ai décidé de dessiner des dizaines de pentagrammes que je n'avais jamais vu de ma vie auparavant. En plus il m'a refait le coup du regard noir ! Le truc flippant bien proche de moi, tu imagines si je m'étais pissé dessus !? Et attends ce n'est pas le pire, non, le pire c'est qu'après il est redevenu normal et tu sais quoi ? Ce putain de démon a des yeux magnifiques, du genre sexy chocolat avec reflet doré, tu trouves ça juste toi ? Bah non ça ne l'est pas. Enfin, quand j'y pense le pire c'est peut-être quand je me suis tapé la honte devant tous mes collègues qu'il a décidé de défiger quand je lui ai crié dessus au moment où il disparaissait.

Je m'affale sur le canapé et pose mes jambes sur Noël qui n'a pas dit un mot depuis que j'ai passé la porte d'entrée. Je ne lui ai pas vraiment laissé le temps de dire quoi que ce soit de toute façon. Il me fixe avec la bouche ouverte puis la referme avant de soudainement se redresser.

— La voyante vous a connecté !

— Oui Noël, ça on l'avait déjà compris. Tu as écouté ce que je viens de te dire ?

Il secoue la tête et m'ordonne de me taire. Il se lève et se plante devant moi en souriant.

— La voyante vous a connecté, lui un démon donc sûrement mort et toi un humain. Imagine comme c'est romantique... Bon avec un côté glauque parce que c'est quand même un démon que tu nous as chopé à défaut du fantôme de l'homme que tu as toujours aimé... Mais quand même c'est génial !

Je me lève à mon tour et le fixe, je mets un instant avant de comprendre de quoi il parle puis ça me saute aux yeux.

— Non, mais attends ! Tu n'es pas en train de comparer le bordel de ma vie à un remake du film Ghost quand même ?!

Noël hoche la tête tout excitée. Je veux changer de meilleur ami, celui-ci est clairement périmé je ne peux plus rien faire avec lui. Je n'ai même pas le temps de lui dire qu'il est temps qu'il déménage que Caym apparait derrière lui, manquait plus que ça, mon ami est toujours dans son délire, je ne veux même pas savoir ce qu'il va faire. Je prends mon ami par les épaules et m'approche de lui, gentiment je lui chuchote à l'oreille.

— Ferme-la.

Puis je le tourne pour lui faire comprendre que Caym est présent. Les mains de mon ami partent couvrir sa bouche avant qu'il ne les enlève aussi vite pour crier :

— Patrick !

Caym fronce les sourcils tandis que mon ami ne dit rien de plus et se dirige vers sa chambre, dès qu'il tourne le dos je l'entends chanter :

— Oh my love, my darling...

J'essaie de faire semblant de ne pas l'entendre, même quand il monte dans les aigues et qu'il gueule. Caym lui ne comprend toujours rien et j'espère qu'il ne va pas me demander d'explica...

— Tu m'expliques ?

Merde. Je m'assieds sur le canapé et tente de jauger son humeur, voir s'il est suffisamment enclin à ce que je lui raconte les délires de Noël. Il a l'air plutôt détendu pour une fois donc je tente le coup.

— Tu connais le film Ghost ? Tu connais bien la Reine des neiges alors j'espère que oui, sinon je me poserais vraiment des questions.

Caym lève un sourcil et me fixe sans rien dire.

— Je ne dis pas qu'il y a quelque chose de mal à connaitre la Reine des neiges attention ! Aucune honte, même pour un démon des enfers, chacun ses goûts et tout et tout...

— Tu as déjà écouté libéré, délivré en boucle pendant des semaines entières, poupée ?

Je secoue la tête et attends de voir où il veut en venir.

— C'est de la pure torture. Je suis un démon, je m'y connais, voilà comment je connais la Reine des neiges. Maintenant pour en revenir à Ghost, non je ne connais pas. Je peux savoir le rapport ?

Je lui explique l'histoire du film et le remake que Noël se fait dans sa tête en mettant Caym à la place du fantôme, d'où le Patrick par rapport à l'acteur. Je me sens tellement bête quand je raconte ça à un démon qui me fixe comme s'il voulait m'écraser comme un insecte. J'essaie de changer de sujet avant que la menace que je vois dans ses yeux ne se transforme en réalité et je lui parle de tous les détails dont j'ai pu me souvenir avec Noël chez madame Irma. Clairement, quand je lui avoue qu'aucun de nous ne se rappelle le nom de la voyante Caym est furieux, ça ne va pas l'aider à la retrouver, mais comme il me l'a demandé je lui raconte tout ce qu'elle m'a dit.

— Je vais la tuer !

La soudaine explosion de Caym me surprend. Ce n'est pas la première fois qu'il menace de la tuer, il m'a menacé de me faire la même chose plus d'une fois, mais cette fois c'est différent. Je me racle la gorge et me lève pour lui faire face.

— Tu... tu as compris quelque chose ?

Il me regarde, mais ne répond pas, il se contente de s'éloigner de moi me montrant ses yeux noirs. Je me recule instinctivement à mon tour. Ok, le méchant démon n'est pas content, je vais éviter de l'énerver. Il a l'air d'hésiter à me dire quelque chose, mais je comprends qu'il ne dira rien. Il se tourne et disparait sans un mot.

— Bon, ça s'est fait.

Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il vient de se passer, mais le point positif est qu'il est parti et que je n'ai plus à me demander à quel moment il décidera qu'il a envie de me torturer juste pour le plaisir. En plus de cela Noël m'a donné envie de regarder Ghost ! Je vais pouvoir être tranquille pour le faire dès maintenant.

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