Pâtisser me détend, compris bordel ?!
Le démon boude —encore—, ça devient une habitude chez lui, pourtant le but de sa mission était de faire en sorte de me trouver quelqu'un et de rompre notre lien. Chose qui a l'air d'être en bonne voie puisqu'il est prévu que je revoie Dario malgré le désastre de notre premier rendez-vous que mon démon personnel m'a fait subir. J'ai tenté d'appeler Caym a plusieurs reprises, lui demandant d'apparaître pour qu'on puisse discuter, mais rien n'y fait. Monsieur est peut-être trop occupé à torturer ses congénères.
Ça a le don de m'énerver, je n'arrive pas à le comprendre. Être connecté à un démon est suffisamment difficile à gérer comme ça, mais se rendre en plus de ça compte que le dit démon me fait de l'effet et me provoque des sentiments que je ne devrais absolument pas ressentir pour lui, ça, ça fou la merde totale. Surtout quand une partie de moi est persuadé que ses sentiments naissants sont réciproques, même si lui ne les comprends pas, ou pire ne les reconnait même pas puisqu'il n'a jamais dû les ressentir de sa vie... de sa mort, bref l'un ou l'autre je n'en sais rien. Merde, je ne sais toujours pas s'il a été en vie un jour ! Qu'est-ce qu'on dira au juste à nos enfants plus tard ? Votre papou est mort, mais n'a jamais réellement été en vie. Ou bien vous pensez qu'il est en vie, mais il est mort ! Comment traumatiser trois enfants en parfaite santé à vie ? La thérapie va nous coûter une fortune, on devrait peut-être se contenter d'un seul enfant, deux si le métier de démon peut nous aider à subvenir à nos besoins. Ou bien, je peux simplement arrêter de me faire des films sur un potentiel futur impossible avec un démon, ce serait vachement plus simple.
Je vais me concentrer sur Dario, c'est probablement avec lui que je devrais m'imaginer une vie de famille, ou du moins un futur à peu près normal — quand on me compte dans l'addition le futur ne peut pas être entièrement normal, c'est prouvé. Lui a l'air de m'apprécier après tout. Il ne s'est jamais amusé à me torturer, ne me fait pas bondir de peur dès qu'il en a l'occasion, ne me ridiculise pas en public — ça je dois bien avouer qu'avec ou sans Caym cela m'arriverait—, point super important également, Dario n'a jamais essayé de me tuer, c'est pas mal de le souligner, mais bon il a encore le temps pour ça...
Popol me regarde en fronçant ses sourcils de chat. Il me fixe depuis tout à l'heure et je suis sûr qu'il doit se demander à quoi je peux bien penser. Après tout ça doit bien faire vingt minutes que je suis dans la cuisine, devant un livre de recette dont je tourne les pages sans même en regarder le contenu. Et je pense bien que ça doit être le troisième ou bien quatrième fois que je recommence du début.
— Tu veux ma photo peut-être ? Je vais faire un gâteau, d'accord, ça va me détendre !
Je sens qu'il est sur le point d'ouvrir la gueule, sûrement pour émettre un miaulement condescendant qui ne va pas du tout me plaire, alors je lève mon doigt avant même qu'il puisse le faire et enchaîne :
— Si tu ne veux pas te retrouver avec une carotte pour le dîner tu ferais mieux de te taire ! Mieux encore, si tu veux parler, répond à la question que je me pose. Est-ce que vous avez été humain avant d'être des démons ?
Je m'apprête à le laisser répondre quand l'image de son sexe m'apparait soudainement en tête, je n'ai pas envie de voir ça maintenant alors que je m'apprête à faire un bon gâteau, j'essaie de me détendre j'ai dit !
— Ne te transforme pas !
Popol me regarde d'un air blasé, oui je sais, moi aussi je m'auto saoule, mais je ne peux rien y faire. Au moins lui peut partir à tout moment, de ma part je suis bloqué avec moi-même à perpétuité, merci la peine.
— Miaule une fois pour oui nous avons tous été humains un jour. Deux fois pour non, on ne l'a jamais été, c'est pour cela que nous sommes faibles avec nos sentiments et que nous torturons mentalement tout les être humains qui peuvent éprouver quoi que ce soit pour nous, parce que mon dieu, ou mon diable si tu préfères, ce que nous risquons de subir si tel était le cas.
Le silence me fait face. Je pense que ce chat serait tenté de fuir par la porte quitte à risquer se faire tuer par une bande de démons sans cœur, plutôt que de devoir faire face à son maître —esclave si on pense comme lui— qu'il doit prendre pour un fou.
— Tu sais quoi ? Tu ne m'es d'aucune utilité ! Va donc te lécher ailleurs si j'y suis !
Popol ne se fait pas prier pour se barrer à toute vitesse vers le salon. J'avoue que je suis peut-être un peu tendu. C'est pour ça que je vais pâtisser, pour me détendre.
***
Je sursaute quand Caym apparaît, encore une fois sans prévenir, devant moi. Mon cœur se met à battre à un rythme effréné sous la surprise et la pâte à gâteau que je mélange dans le bol éclabousse la table et mes habits. Je vais le tuer avec mon fouet. Même s'il est déjà mort, et qu'il retournera simplement d'où il vient, je me ferais un plaisir de le faire pour lui faire payer toutes ses apparitions soudaines, et j'en suis sûr préméditée.
— Tu ne peux pas apparaître devant ma porte et frapper comme un être civilisé !?
— Non. Qu'est-ce que tu fais ?
Il se contrefiche totalement de ce que je lui dis, il m'exaspère et je suis bien tenté de l'ignorer, mais je sais qu'il trouvera le moyen de me faire flancher. Alors je lui réponds quand il se penche au-dessus du grand bol.
— Un gâteau.
— Pourquoi ?
— Parce que j'en ai envie.
— Va-t'en acheter un, ça ira plus vite et ce sera sûrement meilleur, vu la tête que ça a déjà maintenant...
— Mais je n'ai pas envie d'en acheter un, merde ! Ça me détend de pâtisser, ok !?
— C'est vrai que tu as l'air super détendu là, se moque-t-il avec son sourire en coin.
Connard. J'étais parfaitement détendu avant qu'il n'arrive... Ou presque. Il fait le tour de la table et viens se poster à côté de moi sans laisser d'espace entre nous. Mes mouvements se font plus saccader et j'ai dû mal à me concentrer sur la simple tâche que j'ai à effectuer : mélanger.
— Je connais une bonne façon de te détendre.
Ses mots sont presque chuchotés, ce qui ne lui ressemble pas vraiment. Je suis troublé et j'ai l'impression que ce sentiment ne vient pas réellement de moi. Pour une fois je n'ose pas lui dire ce dont j'ai envie et lui sort la première chose qui me vient.
— Si tu veux encore me sortir dans un de tes endroits pourris, remplis de gonzesses et de mecs qui te sauteront au cou, je ne suis pas intéressé.
— Jaloux ?
Je ris avant d'arrêter tout mouvement et de poser mon fouet. Je me tourne vers lui, son regard sombre me fixe, avec sérieux. J'en oublie ce que je voulais lui répondre quand mon regard plonge dans le sien. Pourtant j'aurais aimé lui dire que celui qui a fait preuve de plus de jalousie jusqu'à présent c'est lui, mais je n'ai pas besoin d'ouvrir la bouche parce que je sais qu'il connait mes pensées à ce moment précis, tout comme j'arrive à ressentir les siens qui me troublent beaucoup trop. Ça devient de plus en plus difficile de ne pas me rendre compte de l'attraction qu'il émet sur moi. De l'envie que j'ai de me jeter sur lui dès qu'il est dans les parages.
— Je ne pensais pas à sortir, poupée.
Je me fige quand sa main attrape mon poignet, mon regard se baisse aussitôt en direction de sa peau qui touche la mienne et qui me brûle. Je ne suis pas sûr cette fois s'il le fait exprès ou bien si tout un tas d'autres émotions sont en cause... J'avale difficilement ma salive quand il soulève ma main près de son visage. Je l'observe attentivement alors qu'il ne me regarde pas en face. Sa langue vient lécher sa lèvre inférieure avant qu'il ne se la morde. Ses yeux viennent rencontrer juste un instant les miens avant qu'il ne se concentre à nouveau sur ma main. C'est quand j'observe à mon tour celle-ci que je vois vers quoi son regard se dirige. Et là je me rends compte qu'apparemment il n'y a pas que mes vêtements qui ont été éclaboussé quand j'ai sursauté.
— Caym...
J'essaie de le prévenir alors que son visage se penche lentement vers ma main. Le prévenir de quoi, je n'en sais rien. Qu'il arrête et oublie l'idée qu'il a en tête ? Ou bien qu'il ne s'arrête surtout pas et qu'il se dépêche de poser ses lèvres sur ma peau ? Aucune idée. Je n'ai plus le temps d'y penser quand sa langue vient lécher le bas de mon pouce. Mes yeux se ferment un instant sous cette délicieuse caresse puis s'ouvrent aussitôt pour ne pas louper une seconde du spectacle. Sur son visage je remarque que toutes traces d'amusement ont disparues. Caym ne cesse de me fixer et à travers ses yeux je lis à présent seulement du désir. J'ai du mal à croire que c'est ce qu'il puisse réellement ressentir pour moi, mais ses lèvres qui se referment autour de mon doigt et qui le suce lentement avant de me faire gémir ne me méprend pas sur son envie. Quand il relâche ma main, attrape ma taille et me pousse contre le mur avant d'approcher son visage du mien pour ne laisser qu'un espace minime entre nos lèvres, je n'ai plus aucun doute.
― Putain Eden, qu'est-ce que tu me fais !?
Je n'ai pas le temps de répondre, de lui demander de quoi il parle, que ses lèvres s'écrasent férocement contre les miennes.
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