Lèche la sauce avant de croquer le bout !
— Eden, je ne sais pas ce qui m'empêche de te tuer !
Après un silence de plomb dans la voiture où j'ai conduit pour emmener Caym dans ce merveilleux lieu, ce dernier ouvre enfin la bouche. Je savais qu'il adorerait l'endroit. Je n'y ai encore jamais mis les pieds moi-même, mais mon meilleur ami ne m'en a dit que du bien. Je dois avouer que la devanture avec son logo de bout de phallus dans un cœur ne donne pas beaucoup de place à l'imagination, on sait tout de suite pour quoi est-ce qu'on vient. Enfin presque. Je ne pense pas que Caym s'imagine venir manger un pénis. Ou bien une foufoune, c'est son choix après tout.
— Ta propre mort. Voilà ce qui t'en empêche. Tu veux que je rencontre du monde, non ? Ici il y a des gays à foisons, Noël m'en parle depuis des semaines alors c'est le moment ou jamais.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre quoi que ce soit que je me précipite vers la porte qu'un homme est en train d'ouvrir pour entrer dans ce petit snack. Je repère rapidement une table libre pour deux personnes et m'installe avant d'attraper le menu posé devant moi. Je me demande un instant si Caym va me rejoindre puisqu'il est toujours sur le trottoir en train de me regarder à travers la vitrine. Je le fixe un instant, pensant à ce qu'on aurait pu échanger sur le perron de ma porte tout à l'heure, puis baisse rapidement les yeux pour me concentrer sur ce que je vais commander. Pas besoin de continuer d'imaginer une chose qui ne se passera jamais. Caym, démon des enfers, n'est pas là par envie. Il est ici à cause d'une voyante complètement folle qui nous a connecté et il veut rompre ce lien qui l'affaiblit. Même s'il ne veut pas m'en parler, je suis certain que les marques sur son visage sont présente parce qu'il est encore lié à moi. J'ai eu beau moins ressentir notre connexion ces derniers jours, clairement c'était le contraire pour lui, il la ressent bien plus que moi.
— Tu m'expliques ce qu'on fou ici ?
Je sursaute quand j'entends la voix de Caym et que je l'aperçois assis en face de moi.
— Tu t'es téléporté ici alors qu'il y a plein de monde ?! Tu n'avais que quelques pas à faire pour me rejoindre ! Les démons sont si feignants que ça ? Tu sais ce n'est pas parce que tu as un corps de dieu grec qu'il ne faut pas l'entretenir...
Caym grogne et je me tais dans la seconde.
— Si tu n'étais pas trop occupé à penser à moi, poupée, tu aurais remarqué que j'ai marché jusqu'ici, que j'ai attrapé la chaise d'une main pour la reculer, comme un gentil petit humain normal le ferait. Et pour ce qui est du commentaire me comparant à une odiosité, tu éviteras si tu ne veux pas te retrouver sans langue. Maintenant, répond à ma question : qu'est-ce qu'on fou ici ?
Je beugue un instant et fronce les sourcils ne comprenant pas de qu'elle odiosité il peut parler, jusqu'à ce que je me rappelle l'avoir comparé à un dieu. C'est quand même super susceptible un démon ! Je pensais que ce serait un compliment.
— On vient manger des pancakes !
Caym hausse un sourcil, regarde le menu et ses photos qui ne laissent pas de doutes sur les fameux pancakes puis me regarde à nouveau. Il n'a pas besoin de dire un seul mot pour que je comprenne qu'il veut en savoir davantage.
— Ce sont des pancakes un peu spéciaux tu vois bien. Tu as le choix entre des pancakes pénis ou bien foufounes. Personnellement tu te doutes bien de ce que je vais prendre. Ici c'est simple, si tu vois des hommes commander des foufounes c'est qu'ils ne sont pas intéressés par les hommes, si en revanche tu les vois un pénis en bouche... et bien ça donne un peu plus de chance qu'ils soient gays. Enfin, c'est Noël qui m'a dit tout ça. Il a déjà eu quelques numéros comme ça, alors pourquoi pas essayer ? Maintenant je te laisse choisir ce que tu veux, je ne te jugerais pas si tu prends une foufoune bien sûr, mais ça risque quand même de me donner des haut le cœur.
Je n'ajoute rien de plus, je n'ose même pas regarde le démon qui pourtant, je le sais, ne me lâche pas du regard. Il doit vraiment être en train de réfléchir à comment mettre fin à mes jours le plus vite possible sans que ça ne l'atteigne. Ce n'est pas possible qu'il arrive à supporter plus longtemps que ça de trainer avec moi.
— Il faut commander au comptoir, tu as choisi ?
Caym me sort son petit sourire qui n'augure rien de bon puis se penche au-dessus de la table pour s'approcher de moi et chuchoter :
— Prend la quéquettes expérience.
Je manque de m'étouffer avec mon propre air avant de regarder de nouveau le menu, je n'ai vu ça nulle part. Quand je tombe dessus mon regard retourne aussitôt sur Caym qui n'a pas bougé d'un poil.
— Il y en a quand même six !
— Et alors, poupée, tu ne te sens pas d'attaque à... avaler autant de pénis ? Je pensais pourtant que tu ne renonçais jamais à une petite gâterie sucrée.
Je me lève d'un bond quand il finit sa phrase, non pas que je sois pressé, non bien au contraire je pense que je préfèrerais rester assis en face de lui des heures à l'avoir aussi proche à me fixer comme ça. Non, si je me lève si vite c'est que je viens de me faire brûler le cul, littéralement ! Monsieur le démon a dû penser que j'irais plus vite avec un peu d'aide. Je ne fais pas de commentaire sur sa façon d'agir, son sourire moqueur en dit suffisamment long. Je me contente donc d'aller faire la queue et observe les hommes autour de moi. Mon gaydar est en route et repère rapidement l'homme qui marche puis vient se poster derrière moi dans la file.
— Foufounes ou quéquettes ?
Les yeux de l'inconnu s'arrondissent avant qu'il n'éclate de rire. Quand il reprend son calme, un sourire charmeur vient prendre place sur ses lèvres avant qu'il ne me réponde.
— C'est bien la première fois que je me fais aborder comme ça, c'est plutôt inhabituel.
— S'il y a bien un endroit où je peux poser ce genre de questions sans passer pour un fou c'est ici, non ?
L'inconnu sourit un peu plus et dévoile ses dents, il fait un pas de plus pour s'approcher de moi et tend sa main.
— Pas faux. Quéquette, pour répondre à votre question. Dario, enchanté.
J'attrape sa main que je serre et un sentiment étrange s'empare de moi. Sentiment qui ne vient pas de moi, mais de Caym, que je ne prends pas la peine de regarder. Il se foutrait de moi sur ma façon d'aborder cet homme c'est sûr. Je préfère donc l'ignorer et me concentre sur l'homme en face de moi.
— Quéquette, enchan... enfin non ! Je ne m'appelle pas quéquette ! Je veux des qué... Je viens pour des quéque... Oh merde, putain je suis désespérant.
Je lâche la main de l'homme et me cache le visage en soupirant. Comment réduire à néant toute chance de faire connaissance avec quelqu'un ? Il suffit d'être moi, à tous les coups vous vous retrouverez seul. Pourtant Dario, est toujours devant moi, n'a pas encore trouvé d'excuses pour s'échapper et me sourit de nouveau.
— Donc vous venez pour des quéquettes, d'accord, plutôt bon à savoir si je peux l'avouer. Cela aurait été moins simple de vous dire que je vous trouve attirant si vous préférez les foufounes.
Waouh, qu'est-ce qui se passe là ? Est-ce que je suis en train de me faire draguer ? Moi, pauvre Eden qui n'est pas capable d'aligner deux phrases normales ? Je sens mes joues rougir, ma bouche s'ouvre pour émettre le moindre son, mais ne trouve rien à dire et se referme aussi vite. Voilà maintenant que je me mets à faire le poisson devant un mec charmant qui me drague, ma vie est idyllique, non vraiment je suis cool.
— J'ai le droit d'avoir votre nom aussi ? Ou bien l'homme avec qui vous êtes risque de se lever à tout moment pour venir me remettre à ma place ?
— Caym. Non, lui c'est Caym pas moi. Je vous jure que je peux être normal ! Laissez-moi une seconde.
Sans attendre de réponse je me tourne vers le comptoir, il reste encore deux personnes devant moi, j'ai le temps de me reprendre et d'avoir une conversation normale avec l'homme derrière moi, même si je sens peu à peu la rage de Caym m'envahir. Ce dernier doit être sur les nerfs que je gâche la seule chance que j'aurais sûrement de rencontrer quelqu'un pour rompre notre lien, mais je m'occuperais de lui plus tard. Je prends une longue inspiration et me tourne de nouveau en espérant que Dario soit toujours là. Par chance, il n'a pas bougé !
— Je m'appelle Eden, enchanté. Lui, c'est Caym, on n'est pas ensemble dans le sens en couple, il est là avec moi, mais on n'a rien en commun. Enfin on n'est même pas amis, c'est un coach, voila c'est ça un coach en séduction, qui doit se mordre les doigts de vouloir m'aider. Donc pour vous répondre il ne vous remettra pas à votre place, il doit plutôt avoir envie de me tuer pour être aussi nul. Bref, je vais me taire maintenant. C'est mieux.
Je me tourne à nouveau, cette fois c'est à mon tour de commander, ça me fera une bonne excuse pour ne pas me ridiculiser davantage. Une des serveuses m'encaisse et me demande de patienter sur le côté, Dario s'avance à son tour et commande avant de venir se poser devant moi. Il sort son téléphone de sa poche et tape quelque chose dessus avant de me le tendre. Quand je l'attrape une fiche contact est en cours de création, « Eden quéquette » est inscrit comme nom et il ne manque que le numéro à entrer. Je lève un regard surpris vers le propriétaire du portable. Je ne devrais pas avoir de doute sur ce qu'il veut, pourtant je n'arrive pas vraiment à me faire à l'idée que ce soit réel.
— Mon numéro ?
— Vous êtes le seul Eden que j'ai rencontré ces cinq dernières minutes. Vous pourriez peut-être économiser votre argent en virant votre coach, à la place vous payerez les places de cinéma et je paierai les confiseries ?
Je n'arrive à rien faire d'autre que d'acquiescer de la tête et à annoter mon numéro dans son téléphone que je lui retends aussitôt. Il ne se contente pas de le ranger dans sa poche, il m'appelle. Mon téléphone se met à sonner dans ma poche. Barbie girl se met à résonner tandis que je souhaite disparaitre quand j'entends ma sonnerie. Et merde ! Dario rit et mets fin à mon supplice en raccrochant.
— Vous avez mon numéro aussi maintenant. À bientôt Eden.
Il me sourit une dernière fois avant de récupérer sa commande et de sortir de la boutique. Est-ce que je rêve ou je viens bien de rencontrer quelqu'un pour de vrai ? Mais en vrai de vrai, pas sur une appli remplie de pervers narcissique qui me ghosteraient après quelques jours ?
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