La solution pose un problème

~ Caym ~

Cet humain signera ma perte. Je sens que je m'affaiblis depuis que cette foutue voyante s'est joué de moi avec sa satanée magie en liant mon destin à cet humain. Si je ne me méfie pas et qu'un autre de mon espèce s'en aperçoit il n'hésitera pas un instant avant de profiter de la situation et il en sera fini de moi. Ce sera soit ça, soit c'est moi qui céderais enfin à la tentation de tuer de mes propres mains cette petite chose qui me tape royalement sur les nerfs depuis que nos chemins se sont croisés. Encore une fois je serais perdant, car si cet imbécile meurt, il en sera de même pour moi.

Je n'ai aucune chance de retrouver cette voyante, je le sais. Elle a bien fait en sorte d'être introuvable, elle n'a laissé aucune trace et n'a laissé aucun souvenir particulier à ces deux humains qui me mèneraient à elle. Si je veux donc pouvoir me débarrasser de lui je n'ai qu'une seule solution : faire en sorte de réaliser son plus grand souhait. Et à ce que j'ai pu comprendre en l'entendant me parler de sa visite chez cette voyante, ce ne sera pas chose facile. Monsieur souhaite trouver l'amour —pathétique souhait de chaque humain— tant que ce ne sera pas fait je crains que cette maudite connexion ne soit pas prête de se briser. Je ne sais pas ce que cette folle a eu en tête en me liant à lui, mais je pense qu'elle m'en veut suffisamment pour me faire subir un tel supplice. Connaître les raisons de sa rancœur aurait pu restreindre les recherches sur celle qu'il a rencontré, or la liste des voyantes qui ont quelque chose contre moi s'est allongé au fil des décennies et s'étale probablement à quelques centaines de noms...

Comment est-ce que je suis censé trouver l'amour à un humain alors que ce sentiment est totalement inconnu pour nous démons ? Je n'étais pas suffisamment présent en surface ces dernières années pour savoir comment cette espèce procède désormais pour séduire celui ou celle qu'il convoite, mais je connais quelqu'un qui devrait pouvoir m'aider.

Baël s'entraîne au combat contre un petit démon qu'il est en train de réduire en bouilli. Sans préambule je m'approche, attrape celui qui ne ressemble plus à rien par le cou et le jette à quelques mètres de nous, prenant sa place en face de Baël. Celui-ci sourit, il sait qu'il va enfin avoir quelqu'un de son niveau. Il ne perd d'ailleurs pas de temps pour asséner son premier coup, je l'esquive et réplique. Ce petit jeu dure un long moment avant que je ne me décide à lui demander ce pour quoi je suis venu.

— Tu as été à la surface plus récemment et plus longtemps que moi. Comment font les humains pour se trouver un partenaire de nos jours ?

— Ils swipent à droite.

Je hausse un sourcil et le fixe en attendant d'en savoir plus n'ayant pas la moindre idée de ce à quoi il fait référence.

— Tinder, Grindr... choisis ta cible. D'un clic sur leur téléphone ils se trouvent quelqu'un et partent baiser. Rien de plus simple.

Je grogne et le frappe sans qu'il ne puisse esquiver mon coup, il tente de faire de même, mais je le bloque.

— Mais pour séduire ? Trouver un partenaire qui va durer une vie pas une nuit, comment ils font ?

Baël hausse les épaules avant de me répondre.

— Ils ne le font pas. Cette génération nous rend la vie simple en se torturant eux même, ils ne séduisent plus, ils veulent tout, tout de suite, la séduction c'est trop long, une perte de temps. Ils tentent d'avoir ce qu'ils veulent sur le champ et s'ils n'y arrivent pas, ils passent à autre chose.

Je sens la rage monter un peu plus, pour aider cet humain, on va devoir faire aux méthodes à l'ancienne. Je ne vais pas perdre mon temps à lui trouver des coups d'un soir en espérant que l'un d'entre eux se transformera en prince charmant pour lui. J'explique la situation à Baël qui ne se gêne pas pour en rire, si ce lien continue de m'affaiblir, il pourra bientôt me battre, il le sait et ça ne peut que le réjouir. En attendant je le mets à terre et le menace de n'en parler à personne avant de m'éloigner. Baël m'intercepte avant que je ne puisse disparaître :

— À quoi est-ce qu'il ressemble ?

— À un humain.

— Un humain baisable ?

Je ne sais pas pourquoi sa question me dérange et sans réfléchir je me retourne et lui fonce dessus, ma main autour de sa gorge le serre alors que son sourire reste accrocher à ses lèvres.

— Tu ne joueras pas avec lui, je dois m'en débarrasser au plus vite, je n'ai pas le temps pour tes petites envies d'humain. Si c'est toujours ton truc, tu n'as qu'à t'en trouver un autre. Lui est hors-jeu, pigé ?

Il hoche la tête avant que je ne le relâche. Il frotte sa peau et s'éloigne d'un pas avec un sourire accroché à ses lèvres qui ne me dit rien qui vaille, il réplique une dernière fois avant de disparaître :

— J'irais peut-être lui rendre une petite visite, juste afin de voir à qui tu as à faire.

Je ne prends pas le temps de le choper ni même de le rechercher pour lui faire regretter sa petite provocation, ce serait peine perdue. Cependant, je préfère assurer mes arrières en allant plus tôt que prévu voir Eden afin de m'assurer que Baël ne foute pas plus le merdier dans cette histoire qui est en train de me rendre complètement dingue ! Je le connais, je sais bien qu'il ne lui fera pas de mal, mais avec ses fantasmes qu'il nourrit depuis toujours pour les humains je risque gros moi... Fais chier !

~ Eden ~

Caym apparaît alors que les démons du film emportent le vilain de l'histoire. Parle d'un bon timing.

— Tu es seul ?

Il n'attend pas de réponse et part faire le tour de toutes les pièces de la maison, je prends tout de même la peine de répondre étant presque certain qu'il m'entendra.

— À mon plus grand regret, oui. Depuis bien trop longtemps, ma seule compagnie est un meilleur ami qui s'est barré dans un bar pour draguer tout ce qui bouge, un chat qui doit se cacher sous mon lit maintenant que le grand démon des enfers vient d'arriver et une tortue sûrement en train de bouffer je ne sais quoi dans son terrarium. Merci d'avoir demandé, Caym.

Ce dernier revient finalement dans le salon où je me trouve toujours. Vu sa tête je ne crois pas qu'il apprécie vraiment mon trait d'humour, mais il ne fait pas de commentaire.

— Personne d'inconnu ne t'a rendu visite ?

— Ma vie n'est pas aussi passionnante, non.

Enfin ce n'est pas totalement vrai depuis quelques semaines maintenant grâce à cette maudite Irma, mais outre le fait qu'un démon m'en veut pour un truc que je n'ai pas fait, ma vie est toujours aussi banale. Caym soupire et s'installe à l'autre bout du canapé. Il a autant envie d'être là que je me réjouis de sa présence, ça se voit, pourtant il a l'air décidé à rester.

— Il faut que tu trouves un mec. Tu es gay n'est-ce pas ? Je ne sais même pas pourquoi je pose la question, évidemment que tu es gay.

J'ouvre la bouche pour répondre, j'ai bien l'intention de me défendre, je pourrais très bien être hyper hétéro ! Si on fait extractions des seins qui gigotent dans tous les sens qui me dégoutent et du fait que je ne peux même pas penser aux vagins sans avoir envie de vomir, on pourrait dire que oui, je pourrais être un parfait petit hétéro sortie tout droit d'un joli conte de fée. Non, mais sans blague ! C'est quoi ces jugements aussi hâtifs ! Caym ne me laisse pas prendre la parole et continue à parler comme si je n'étais pas là.

— Putain, pourquoi ce n'est pas plutôt tomber sur son pote Noël, ça aurait été tellement plus facile avec ce canon. En quelques minutes j'aurais pu en finir et l'histoire aurait été bouclée. Mais avec lui ? Il faut le voir pour comprendre le problème.

— Je suis à côté de toi. Littéralement à quelques centimètres, je t'entends parfaitement !

Caym sourit avant de répondre :

— Je sais.

— Tu ne peux pas dire ce genre de chose dans ta tête ?

— Non.

— Évidemment.

Il n'ajoute rien d'autre, j'attends encore quelques secondes en réfléchissant à ce qu'il vient de dire. Que je sois banal à côté de Noël ce n'est pas faux, je ne suis pas aussi stupide pour ne pas m'en être rendu compte, mais c'est ce qu'il a dit avant même de me demander si je suis gay qui me fait enfin réagir.

— Comment ça je dois me trouver un mec ? C'est quoi le rapport avec notre lien ?

— La raison pour laquelle tu es allé voir cette voyante est que tu es désespéré de trouver l'amour. Elle m'en veut alors elle me punit en m'obligeant à faire quelque chose qui me répugne. Tu dois trouver quelqu'un pour rompre ce lien et clairement tu ne sais pas t'y prendre seul, personne ne veut de toi.

Ma bouche s'ouvre et se ferme, je fronce les sourcils, j'essaie de me demander sur quelles insultes je dois réagir en premier. Caym se lève et se tourne vers moi, il m'observe de la tête aux pieds puis en sens inverse, avant de soupirer et de secouer la tête. Je prends ça aussi pour une insulte.

— Je ne suis pas désespéré de trouver l'amour ! Noël m'a traîné chez cette voyante, je ne voulais pas. Je pourrais très bien me trouver quelqu'un seul et rapidement qui plus est.

Un sourcil parfaitement sculpté se relève et un regard sombre me fixe, ok j'ai peut-être un peu exagéré et le démon en face de moi lit clair en moi. D'ailleurs la question fatidique, celle qui va me mettre à jour s'échappe de ses lèvres :

— Depuis combien de temps tu es célibataire ? Je parle d'une vraie relation, pas un plan cul, pas de plan d'un soir avec un inconnu.

— Je n'ai pas de plan d'un soir.

Caym grogne et se frotte le visage d'une main, j'ai l'impression d'avoir donné la mauvaise réponse, pour changer.

— Tu es la pire espèce d'humain possible. Combien de temps ?

Je ne commente pas l'insulte de plus et réfléchis un petit instant, comptant discrètement sur mes doigts.

— Deux ans...

Caym jure et s'apprête à parler alors que je continue :

— Et dix mois.

— Je te jure que si je pouvais te tuer...

— Tu l'aurais déjà fait, oui, je sais. Donc... le plan pour te débarrasser de notre lien est de me trouver l'amour ?

Il acquiesce en soupirant, ouais bah si l'idée ne le réjouit pas qu'est-ce que je devrais dire ? Je me demande comment je pourrais attirer qui que ce soit si Monsieur super hot démon des enfers est près de moi. Ce qui me fait d'ailleurs penser à quelque chose.

— Tu as une autre tête ?

— Comment ça ?

— Bah, une autre tête ... Tu sais, une tête de démon censé faire peur ? Parce que là tu as plutôt une tête à faire bander.

— Et toi, tu as une tête à faire bander ? Parce que là, tu as une tête à faire peur.

Caym n'a même pas pris une seconde pour me répondre et enterrer un peu plus mon estime de moi. Je n'ai aucune répartie à lui lancer, j'aimerais bien l'insulter, mais j'ai peur des tortures qu'il serait capable d'inventer pour me le faire regretter. Je me contente juste de lui lancer un regard noir, profitant de notre lien pour tenter de lui envoyer toutes mes mauvaises pensées en espérant qu'au moins l'une d'elles l'atteignent et l'emmerde.

— Tu as l'air constipé, poupée. On va vraiment devoir travailler que tes expressions si tu veux réussir à séduire qui que ce soit !

Il me jette un dernier regard avant de se diriger vers le couloir. Je le suis rapidement quand je l'entends se diriger plus loin dans la maison, il va vers ma chambre et je crains le pire. Il fouille déjà dans certains de mes tiroirs quand je le rejoins. J'essaie d'intervenir, mais mes jambes se retrouvent bloquées sur place. Cela faisait longtemps tiens !

— Sérieusement, Caym ? Tu es obligé de faire ça maintenant ?

— Si tu ne bouges pas on ira plus vite. Et si tu continues à me les briser en l'ouvrant... je te laisse deviner ce qu'il peut encore t'arriver.

— Je peux au moins connaître le but de ta mission qui nécessite... Hé ! Ce sont mes sous-vêtements là ! Bas les pattes, sale démon !

Caym sort un boxer du bout de l'index et me fixe, le dégout se lit sur son visage. Ok, mes sous-vêtements ne sont pas des plus jeunes, je dois les avoir depuis quelques années, mais je n'ai pas le temps de faire les boutiques pour ça.

— Comment tu comptes séduire avec ça ?

— Je ne baisse pas mon froc pour draguer ! Ma personnalité suffit à les faire craquer.

Un rire railleur s'échappe de Caym, je ne vais même pas demander pourquoi, je risquerais de regretter en entendant sa réponse. Il s'apprête à continuer de fouiller quand une pensée me fait soudainement frissonner. Il est pressé de rompre ce lien, moi aussi, mais quelque chose m'angoisse.

— Caym ?

Il tourne la tête et lève un sourcil attendant que je continue.

— Si tu réussis ta soi-disant mission, qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas me tuer à la seconde ou le lien sera rompu ?

Il a l'air de réfléchir un instant à ma question, pour une fois qu'il ne répond pas rapidement je me dis qu'il n'y avait peut-être pas réfléchi et que je lui ai probablement donné la meilleure idée du monde.

— Je ne le ferais pas, pour la simple raison que je ne veux pas risquer que ça m'atteigne. Même si le lien se rompt, rien ne me dit que cette folle ne nous a pas lié plus profondément et que cela me tuerait aussi. J'effacerais tes souvenirs en revanche.

— Tu peux faire ça ?

— Moi directement, non. Mais ce sera fait.

— Est-ce que ...

Je me racle la gorge, baisse la tête en fixant mes pieds avant de le regarder à nouveau et d'ancrer mon regard au sien. Ce que je vais lui demander ne me garantira rien, je le sais, mais j'ai besoin d'une toute petite assurance.

— Est-ce que tu me le promets ?

Mes jambes me répondent enfin et je pars en avant sans pouvoir me contrôler, j'arrive pile en face de Caym, son corps à quelques centimètres du mien, sa chaleur m'enveloppe aussitôt, mais ne me brûle pas. Une lueur passe dans ses yeux avant qu'elle ne disparaisse rapidement quand il me répond.

— Croix de bois, croix de fer. Si je mens je vais en Enfer.

J'essaie de déceler s'il dit la vérité avant de finalement réagir, je m'éloigne d'un bond en le fusillant du regard.

— Tu te fous de moi ?! Tu vis déjà en Enfer !

Il rit et me fait un clin d'œil avant d'à nouveau me bloquer sur place et de repartir à la découverte du contenu de mes tiroirs. Je sais qu'il s'est bien foutu de moi en me répondant, pourtant avec ce moment étrange proche de lui, je suis presque persuadé qu'il dit la vérité : il ne me tuera pas.

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