Ce que démon veut, démon obtient !
Cet abruti de démon m'a emmené dans ce bar stupide pour soi-disant m'apprendre à séduire et draguer des hommes, mais il est bien trop occupé à se faire séduire lui-même, par un tas de femmes et d'hommes différents, qui attendent clairement qu'il les emmène dans un coin sombre. J'en ai ras le bol de poireauter au bar à le regarder en coin se faire peloter sans qu'il ne dise quoi que ce soit pour les dégager. En ce moment c'est une rousse qui lui tourne autour. Elle se déhanche contre lui alors même qu'il ne danse pas. Ridicule ! Elle se frotte à lui autant qu'une éponge sur de la vaisselle sale...
Cela fait bien trop longtemps que ce petit jeu dure, alors pris d'une pulsion soudaine face à ce spectacle qui me fait grincer les dents, j'avale mon verre d'une traître sans réfléchir. Malheureusement pour moi, à part me brûler la gorge, me faire tousser et à moitié tout recracher sur le pauvre barman qui se trouve non loin de moi, l'alcool ne m'aide pas à me sentir mieux. Je m'excuse rapidement en attrapant un tas de serviette en papier pour essuyer au mieux ce que je peux. Le barman lui ne prends pas la peine de me répondre quand il attrape son torchon perché sur son épaule et s'essuie le bras en me dévisageant. Oh ça va, comme s'il n'avait jamais vu quelqu'un qui ne supporte pas l'alcool être assez bête pour ne pas s'en souvenir et tenter un shot lamentable.
Je m'éloigne du bar et me trouve une petite table haute inoccupé. Il faut que je reprenne mon calme pour pouvoir réussir à faire le tri dans tout ce bordel qui m'anime. Je ne comprends pas pourquoi voir toutes ses personnes tourner autour de Caym m'affecte autant. J'essaie de me dire que se sont ses sentiments à lui qui résonne en moi, que c'est lui qui est agacé de toutes ses sangsues qui viennent se coller à lui, pourtant je sais au fond de moi que ses sentiments m'appartiennent bel et bien.
Je souffle un bon coup comme pour me donner du courage et me dit que c'est simple ; Soit tout ce cirque m'affecte autant à cause de mon égo qui en prend un coup parce que monsieur venu des enfers attire comme des aimants toutes les attentions de ces personnes sans même lever le petit doigt alors que moi je suis seul, là, plantée comme un pot de fleur qu'on aurait posé près du comptoir pour servir de déco.
Soit, et là, dans ce cas ça n'augure rien de bon pour moi : le sale sentiment de la jalousie est en train de s'immiscer insidieusement en moi tout en grignotant mon petit cœur parce qu'au fond je crève d'envie d'être à la place de la rousse...
Il faut que je m'éloigne de lui, de cette vue qui m'énerve de plus en plus. Je fais signe en direction des toilettes à Caym quand ce dernier daigne enfin me jeter un regard et avance rapidement sans attendre de voir sa réaction. Stupide démon beau à crever qui m'attire !
Caym
Alors que la pulpeuse rousse devant moi continue de me draguer sans gêne, la chair de poule s'empare soudainement de mes bras, un frisson me court le long de la colonne et une tension prend place dans ma nuque. Ce sont les trois signes qui m'indiquent un imminent danger. Je les ai vécus assez souvent au cours de ces centaines dernières années pour les reconnaître sans me poser de questions.
Je tourne immédiatement la tête, ignorant l'agaçante aguicheuse qui cherche à récupérer mon attention. Je l'ignore et cherche autour de moi où est le problème. Mais je ne vois rien d'anormal. Une multitude de corps transpirant dansent lascivement au rythme de la musique, d'autres boivent et parlent.
Personne ne me prête la moindre attention.
Mais cette raideur dans la nuque de me quitte pas... Il faut que je récupère Eden et qu'on sorte d'ici. Je me rends compte qu'il n'est toujours pas revenu de son petit séjour aux toilettes. Putain de chieur de mec, ça fait une éternité qu'il est parti !
Le danger est imminent, je le sens. Je me dépêche d'aller en direction des chiottes pour homme, bousculant sans ménagement tous les corps qui se trouveraient sur mon passage. J'arrive dans un couloir plus sombre et je le vois enfin. Mon sang bouillonne quand je vois un mec penché sur lui, ses deux bras qui l'emprisonnent contre le mur. Je l'entends tout de suite, sa voix plaintive, presque brisée.
― Laissez-moi, s'il vous plaît.
― Mais non mon joli, on va bien s'amuser !
La main de ce mec commence à se déplacer vers la cuisse d'Eden, mais il n'a pas le temps de le toucher, d'un bond je suis près de lui, ses doigts broyés entre ma main, son cri de douleur résonne dans le couloir vide et me procure une joie sans nom. Mon poing libre s'écrase contre la mâchoire de ce connard, ses os craquent sous le coup et ce bruit me fait sourire de toutes mes dents. Il s'écrase au sol et gémit de douleur, mais je suis loin d'en avoir fini avec lui. Mon pied est prêt à partir à la rencontre de ses côtes quand une voix m'immobilise :
― Caym, arrête !
Je me tourne abasourdie par Eden qui ose m'interrompre. Mais quand je vois la peur panique qui se lit sur son visage mon sourire retombe et mes poings se desserrent. La tension qui m'habitait s'envole et j'en oublie le moins que rien à terre qui geint.
― On rentre !
C'est un ordre que je donne à Eden en lui attrapant le bras et en l'éloignant déjà. Ma fureur se transforme rapidement contre autre chose que ce connard quand je comprends que lui et moi sommes liés d'une façon encore plus forte que je ne l'avais cru : le danger que j'ai senti n'était pas le mien, mais le sien.
Eden
J'essaie de rassurer Caym sur le fait que ce mec n'a rien eu le temps de faire depuis qu'il m'a traîné hors du bar, mais rien ne le calme. Sa fureur irradie de son corps et se plonge dans le mien. Mais elle est tellement forte que j'ai de plus en plus de mal à la supporter. Je ne suis pas énervé, en colère ou quoi que ce soit. Je me sens simplement épuisé, j'ai l'impression que toutes mes forces me quittent à mesure que les sentiments de Caym s'empirent. J'essaie tant bien que mal de lui expliquer, mais je crois qu'il ne m'entend pas, sa main qui tienne fermement mon bras ne me lâche pas et me traîne à travers les rues pour retrouver la voiture qu'il a garé non loin.
On n'a pas le temps de l'atteindre que mes jambes perdent le peu de force qu'il me reste, je sens que je vais bientôt rencontrer le sol quand je commence à m'écrouler, mais ce n'est sans compter sur la vitesse de réaction de Caym qui me rattrape de justesse.
— Putain poupée, qu'est-ce que tu fous ?
Je n'arrive pas à lui répondre. Caym me porte sans mal et me dépose sur un banc à une dizaine de mètre de nous. Je sens enfin que je recommence à récupérer mes forces, visiblement mon démon a enfin vu que quelque chose n'allait pas, ce qui aide clairement à apaiser sa fureur.
— Il se passe que tu vas me tuer si tu continues ! Et je te rappelle que si tu me tues, je meurs !
Caym hausse un sourcil et se pince les lèvres, il a envie de se foutre de moi, mais pour je ne sais quelle raison il se retient cette fois.
— Réfléchis un peu, Oh grand démon, si je meurs, tu meurs aussi ! Alors mollo sur la furie qui t'envahit, clairement mon corps n'est pas fait pour ça. Maintenant, si tu veux bien, on va oublier ce qu'il s'est passé de cette soirée désastreuse, tu vas m'emmener bouffée du sucre et ensuite tu vas me ramener chez moi et me laisser dormir. Compris ?
Bon apparemment la furie de Caym est encore un peu présente en moi vue la façon dont j'ose lui parler. Pourtant il ne bronche pas un mot et n'essaie même pas de me le faire payer en me clouant le bec ou même en disparaissant sur le champ, me laissant à ma merci. Non, à la place ce qu'il fait me fait encore plus peur que n'importe quel châtiment : il me tend sa main. Et il attend clairement que je la prenne !
J'hésite un instant. Après tout qui serait assez fou pour accepter la main tendue d'un démon ? Puis quand je commence à sentir son agacement je l'attrape finalement. Donc apparemment je suis le fou qui accepte la main tendue d'un démon, qui l'aurait cru. Il m'aide à me relever et à ma plus grande surprise garde ma main dans la sienne quand il recommence à avancer, bien plus lentement cette fois. Je comprends vite qu'il m'a écouté quand on ne se dirige plus vers la voiture, mais vers un restaurant. J'essaie de protester quand je vois l'heure qu'il est. L'établissement va forcément fermer à cette heure-ci, si ce n'est pas déjà fait, mais Caym m'ignore et continue son chemin.
Il ouvre à peine la porte qu'un serveur arrive précipitamment vers nous en s'excusant, nous apprenant qu'ils sont fermés et que la porte était censée être verrouillée. J'ai bien un doute sur le fait qu'elle était vraiment fermée et que ça n'a pas empêché monsieur le démon d'entrer quand même.
— Je veux chaque dessert de votre carte.
— Monsieur...
Le pauvre serveur n'a pas le temps d'en placer une que je sens déjà Caym changer d'humeur. Je ne sais absolument pas ce qu'il fait, ou bien même s'il dit quelque chose, car je suis derrière lui, mais l'homme devant nous change soudainement de comportement et nous dirige vers une table vide avant de s'éloigner aussitôt vers les cuisines. Je fixe Caym qui fait de même, j'ai des questions, la première serait de savoir ce qu'il vient de se passer, mais je ne suis pas encore totalement remis de ma perte d'énergie soudaine, alors pour cette fois je préfère me taire.
— Sage décision, déclare Caym.
Je répliquerais bien, mais la vision du serveur qui arrive avec un plateau rempli de desserts me coupe toute envie de dire quoi que ce soit. J'en ai l'eau à la bouche.
— Ce sont les seuls desserts qui nous restent ce soir Monsieur, les cuisines sont fermées.
Je réponds avant que Caym n'est le temps de le faire, ou décide de traumatiser ce pauvre homme en lui faisant je ne sais quoi pour se venger.
— C'est parfait, merci.
Le serveur s'éloigne alors le plus vite possible, non sans avoir jeté un coup d'œil appuyé sur Caym, mais celui-ci l'ignore totalement et se contente de me fixer. Il attrape une cuillère et me la tends. Je ne me fais pas prier pour l'attraper et m'attaquer à tout ce que je trouve devant moi.
Ce n'est qu'après avoir avalé plusieurs bouchées d'une tarte aux pommes, d'une mousse au chocolat et d'un tiramisu que je constate qu'il ne touche à rien. Il y a pourtant deux cuillères, il pourrait se faire plaisir aussi.
— Pourquoi tu ne manges pas ?
— Je n'en ai pas besoin.
Sa réponse est simple et ennuyante au possible.
— Ce n'est pas nécessaire d'en avoir besoin pour se faire plaisir. Personne n'a besoin de dessert pour survivre, mais clairement la vie est plus belle avec ! Goûte au moins, qu'est-ce qui pourrait bien arriver de mal ? Que tu finisses en Enfer pour t'être fait plaisir... Oh mais attends, tu vis déjà là-bas, donc aucune crainte !
Caym fronce les sourcils un instant, je me dis que j'ai encore poussé ma chance et que ce sera le moment où il va disparaître en me laissant seul ici, à devoir expliquer à des policiers, qui arriveront sûrement à un moment quand le serveur ne sera plus sous le charme du démon, que ce n'est pas moi qui aie forcé la porte du restaurant et ait obligé le pauvre serveur à nous servir alors qu'il n'était plus censé travailler. Pourtant Caym me surprend en attrapant le deuxième ustensile et en commençant à manger. Je suis presque certain d'entendre un grognement de plaisir rugir dans sa gorge, mais quand je m'apprête à ouvrir la bouche pour lui en faire part, ce dernier lève la tête et me fixe avec ses yeux noirs. J'ai compris, Eden ferme la, ne pousse pas ta chance pour ce soir !
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