10/10 pour le cul par terre !
« Votre colis a été déposé dans votre boîte aux lettres. »
Je relis le message que je viens de recevoir, affalé sur mon canapé, en me demandant si affronter le froid et la neige vaut vraiment la peine d'aller voir ce que j'ai pu recevoir. Je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai pu commander. En même temps grâce à Monsieur le démon qui m'a effacé toute une soirée de ma mémoire il y a bientôt une semaine, ça ne m'étonne pas. Démon qui n'a pas daigné montrer sa tête depuis ce soir là d'ailleurs. Non pas que j'ai envie de le voir, loin de là, je serais vraiment sado si j'avais envie de voir le démon qui peut me faire souffrir quand bon lui semble avec plaisir, démon avec qui j'ai apparemment passé une bonne soirée et qui a décidé d'effacer une partie de ma mémoire à cause de ça, un démon que je suis assez fou pour apprécier malgré tout. Mon dieu je suis encore plus déséquilibré que je ne le pensais !
Je décide de me lever pour éviter de cogiter un peu plus longtemps sur Caym. S'il décide de ne pas revenir, très bien, après tout la connexion n'a plus l'air d'être aussi forte qu'elle ne l'était au début, ça ne le dérange peut-être plus. Et moi ? Eh bien je m'y ferais, ce n'est pas comme-ci j'avais envie de revoir son regard ténébreux, sa silhouette musclée et sentir sa chaleur contre moi. Jamais de la vie.
Vêtue de ma combinaison pilou-pilou, des plus grosses chaussettes arc en ciel que je possède et de chaussures absolument pas faite pour le temps qui règne en ce moment, je sors de la maison et me dirige prudemment vers la boîte aux lettres. Je n'ai qu'une vingtaine de mètres à faire, la mission ne devrait pas être trop périlleuse, si ce n'est connaître ma chance légendaire ! Je suis à peine à la moitié du chemin qu'une plaque de verglas, que je n'avais même pas vu, me prend au dépourvu. Je n'ai pas le temps de réagir que je commence déjà à glisser. Je pourrais faire plutôt simple et m'étaler par terre comme une merde, comme quiconque le ferait. Mais non ! Bien sûr il faut que je sois différent pour tout, donc quand mon pied se met à glisser, au lieu de rejoindre le sol, le cul le premier, mon deuxième pied se pose dessus et commence une danse endiablée entre le verglas et moi-même. J'utilise tous les stratagèmes pour ne pas tomber, glissant d'un côté puis de l'autre, tentant par tous les moyens de m'équilibrer avec mes bras qui bougent dans tous les sens. Je pense m'en sortir plutôt bien jusqu'à ce que j'entendes ce que je redoute le plus : un rire. Pendant un dixième de seconde j'ai espoir qu'un gentil piéton passe par là et soit juste en train de se moquer, mais je reconnais ce rire grave très rapidement. Caym m'observe. Je tourne la tête en direction du son et le voit adosser près de ma porte, un pied contre le mur, les bras repliés sur son torse. Il ne porte qu'un simple tee-shirt noir moulant malgré ce froid, bon sang ce qu'il est sexy !
Je regrette aussitôt d'avoir pensé ça et d'avoir cherché à le voir quand je l'ai entendu, car je suis tout de suite déconcentré et un mauvais mouvement me fais tomber à terre. Mon cul rencontre le sol en premier, comme c'était prévu depuis le début malgré les quelques secondes gagné à rester debout. Je lance un regard noir à Caym, juste pour la forme, ce n'est pas comme ci cela allait l'atteindre de quelconque façon, lui a plutôt l'air de s'être régalé du spectacle. Je me relève et tente d'enlever toute trace de neige en me décalant un maximum de cette maudite plaque de verglas qui... qui a disparu ?!
Je me retourne vers Caym qui n'a pas bougé d'un poil et qui me regarde avec son fameux sourire en coin.
— Tu étais là depuis le début ?
— Depuis le début de ton petit numéro de patinage artistique ? Oh oui, poupée !
— Donc tu aurais pu me rattraper avant que je ne m'étale ?
— J'aurais pu, mais ça aurait été beaucoup moins drôle pour moi. Et puis quel aurait été l'intérêt à ce que je mette ça ici, si c'était pour ne pas en profiter pour te voir tomber ?
J'ouvre grand la bouche, prêt à gueuler, mais me retiens. J'ai beau trouver ce mec de plus en plus attirant, je n'en oublie pas que c'est un démon qui vient encore une fois de s'amuser à mes dépend. Je me contente d'un « connard » à peine soufflé, mais que je suis certain lui parvient parfaitement. Je pars ensuite vers ma boîte aux lettres et termine la mission qui m'a, à l'origine, fait bouger de mon canapé. Tout ça pour découvrir celle-ci vide. Il n'y a rien, pas de colis, pas de lettres, pas même le moindre prospectus ou pub ennuyante qui ne sert à rien. C'est vide. Et c'est quand je me retourne à nouveau vers le démon qui sourit plus grandement cette fois que je comprends.
— Tu m'as envoyé ce fichu SMS !
Il se contente d'un simple clin d'œil pour réponse. Je grogne et refais le chemin inverse, bien décidé à rentrer chez moi en l'ignorant, même si je me doute qu'il doit être ici pour une raison et qu'une porte claquée au nez ne l'arrêtera pas pour rentrer. Je m'avance donc encore plus prudemment cette fois, guettant chaque pas que je fais, parfois que monsieur déciderait être d'humeur pour assister à une nouvelle chorégraphie sur glace. Quand je suis en sécurité à un mètre de ma porte je me décide à regarder Caym qui ne dit plus un mot et j'aperçois quelque chose que je ne voyais pas de loin. Sa peau est couverte de contusion et de lacération. Ma bouche s'ouvre de stupeur et je m'approche de lui sans retenue, ma main se pose sur sa joue sans même réfléchir, même la chaleur suffocante qui irradie de lui ne m'arrête pas dans mon inspection de son visage. Il a un bleu sur la mâchoire, une coupure à l'arcade et sur le coin de la lèvre et des traces sur le cou. Mes doigts bougent à mon insu sur la peau râpeuse de sa joue où le plus gros bleu se fait voir. Je pensais qu'il était invincible ou je ne sais quoi, comment est-ce qu'il peut se retrouver dans cet état ? J'ose enfin ouvrir la bouche après ce qui me semble une éternité à l'observer sans un mot. Ma main est toujours au même endroit quand je demande :
— Qu'est-ce qui t'es arrivé ?
— Rien du tout.
Sa voix est dure, ça ne prête pas à confusion de savoir qu'il ne veut pas en parler, pourtant aussi suicidaire que je suis, j'insiste.
— Tu es un démon supérieur, non ? Tu ne peux pas être blessé. C'est ce que j'avais compris.
— Eden.
Mon nom est soufflé comme une menace. En gros si je ne me tais pas, je risque de le regretter amèrement, mais mon cerveau insiste à vouloir des réponses dans l'immédiat.
— C'est pour ça que je ne t'ai pas vu depuis une semaine ? Tu t'affaiblis avec la connexion, n'est-ce pas ?
— Eden !
Cette fois Caym grogne mon nom et ses yeux sont devenus noir, il attrape mon poignet fermement pour l'éloigner de son visage. Sa main brûle ma peau, mais je ne fais aucune remarque. Je me contente de fixer mon regard au sien. Ce regard qui m'avait fait flipper comme un gosse et qui me donnait envie de me pisser dessus il y a peu, ne me fait plus le même effet aujourd'hui.
— C'est parce qu'on a passé une bonne soirée, c'est ça ? Tu as même effacé ma mémoire. Popol me l'a dit... merde, ça je n'aurais pas dû te le dire. Ne dépèce pas mon chat, même si c'est un démon pervers, je l'apprécie quand même, il est spécial, mais je tiens à lui. Et puis c'est ma faute je l'ai presque supplié pour qu'il me raconte, il m'a fait du chantage pour ça tu sais !
Alors que je radote comme j'en ai l'habitude, la brûlure sur ma peau s'estompe et commence même à être soulagé. Sa poigne se desserre sans pour autant qu'il me lâche et ses yeux redeviennent de leur couleur naturelle. On continue à se fixer sans plus qu'aucun son ne sorte de mes lèvres. Je devrais me sentir effrayé de cette proximité avec Caym, cela n'a jamais rien amené de bon par le passé, pourtant c'est tout le contraire qui se produit, je me sens bien, je me sens même en sécurité. Cette sensation me pousse même à faire un dernier pas vers lui, ne laissant plus que quelques centimètres entre nous. Ma main libre part se poser sur la joue qui n'a pas de lésion et il ne m'en empêche pas. Son regard n'a plus rien à voir avec le démon plein de rage qu'il essaie toujours de faire paraître, il s'adoucit. Sa bouche s'entrouvre même, me laissant sentir son souffle contre ma peau. C'est à ce moment là que l'idée complètement dingue de l'embrasser me vient en tête, une envie soudainement folle et pourtant tellement désiré, je me demande un instant si cette envie ne vient que de moi ou si les sentiments de Caym m'envahissent aussi par vague.
Pourtant quand je me décide et que j'approche finalement mon visage du sien, tout change. Caym me lâche et se recule pour ne plus que je le touche. Un « non » sévère résonne dans ma tête avant que le mot ne sorte de ses lèvres.
— Non.
Je m'éloigne comme frappé. Je m'apprête à m'excuser, à dire n'importe quoi pour justifier la débilité de mon agissement, mais pas un son ne sort. Ce n'est pas Caym qui m'en empêche cette fois, mais je n'ai réellement rien à dire. J'en avais envie, même si l'idée peut paraitre insensé, j'en avais vraiment envie et je suis presque persuadé que lui aussi. Mais je ne pourrais jamais lui dire ça. Je lui tourne donc le dos sans un mot et ouvre la porte pour rentrer chez moi.
— Il faut qu'on brise ce lien.
Sa voix rompt le silence pesant qui c'était installé entre nous. Je sais ce qu'il entend par briser le lien, me trouver un homme. J'aurais presque envie de lui dire que je l'ai déjà trouvé, mais je change vite le cours de mes pensées pour éviter qu'il ne ressente ce que je pense, si ce n'est pas déjà fait. Je prends une grande inspiration, me tourne de nouveau vers lui et place un sourire sadique sur mes lèvres.
— Je connais l'endroit parfait pour ça !
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