Chapitre 6

Manon dort encore, hier soir, j'étais tellement fatiguée, que même lorsque je me suis réveillée, je me suis rendormie peu de temps après. Je sors du lit, attrape un long gilet, histoire de me couvrir un peu et descends dans la cuisine, rejoindre ceux qui sont déjà réveillés.

-Salut. Lançais-je à Léo, Aaron et Connor en attrapant dans le frigo une bouteille de lait d'amende.

Ils me saluèrent à leur tour.

-On a réfléchi à un programme pour cette journée. Commença Léo.

-Je vous écoute. Essayais-je d'articuler en mangeant un Petit-beure imbibé de lait.

-On s'est dit que ça serait pas mal d'aller au centre-ville ce matin faire quelque magasin, puis on mangerait tous ensemble dans un restaurant et on irait à la plage l'après-midi.

-Hum, alors c'était sérieux cette histoire de magasins ?

-Apparemment ouais. Lança Connor en rigolant.

-C'est pas mal en termes d'organisation, mais je pense qu'il serait plus judicieux de demander l'avis à tout le monde avant de programmer quoique ce soit. Rétorquais-je.

A ce même moment Perryne et Lucas apparurent dans le séjour.

-Bien dormi ? Leur demandais-je.

-Ah c'était merveilleux, le lit de l'oncle à Clément est idéal pour le Kamasutra. Affirma Lucas de bon matin.

Je secouai la tête en rigolant, ce qu'il peut être con.

-On a bien dormi. Reprit Perryne comme pour me rassurer.

Je finis d'engloutir mon verre de lait et attrapai une pomme.

-Lucas a remarqué qu'il y a une sorte de salle de musique. Nous expliqua Perryne.

J'interrogeai Lucas du regard.

-Ouais, disons que ça ressemble plus à un patio qu'une pièce close. Rectifia ce dernier.

-Ou l'avez-vous trouvé ? Demandais-je, curieuse.

-A l'étage, après notre chambre à droite, d'ailleurs c'est pas mal car il y a plusieurs guitares.

Lucas joue de la guitare depuis plusieurs années.

-Et si tu veux savoir, il y a aussi un piano. Me précisa-t-il, ayant connaissance que je joue de cet instrument.

J'hochai la tête. En règle générale, je n'aime pas jouer du piano devant des gens, car la majorité du temps, ils trouvent que le rendu est beau ; or ce n'est pas la vérité. Je ne pense pas être un as du piano car je fais des erreurs. Lorsque mes potentiels « spectateurs » sont de total inconnu, je ne joue pas, car je me doute bien que le jugement arrive bien plus rapidement lorsqu'on ne connait pas la personne que l'on a en face de soi. En l'occurrence, il y a matière à juger. A l'inverse, lorsque je connais les personnes et que je peux les qualifier « d'amis », je suis plus détendue, et il m'arrive de jouer en leurs présence. Mais lorsque je viens à bien trop connaitre ces personnes, qu'elles deviennent essentielles, primordiale, que je les aime plus que tout au monde, je ne joue pas. Je n'y arrive pas, par peur de les décevoir.

-Faustine.

Je relevai les yeux en direction de la voix qui m'appelait.

-Tu nous as entendu, ou tu étais dans la lune ? Me demande Perryne.

-Je vous écoute. Affirmai-je.

-On s'est dit que ça serrait sympa de faire une soirée musique ce soir, toi au piano, Grâce au violon, Lucas à la guitare.

-Et vous tous ? Demandais-je.

-On vous écoute, on propose des musiques, on note vos prestations.

Je rigolai, ça peut être sympas, en effet.

-Si vous voulez. Répondis-je.

Manon, Grâce, Chloé et Clément arrivèrent enfin.

-Merci de m'avoir quitté au réveil. Lança Chloé à Aaron.

-Roh, ça va, tu n'es plus une enfant qui a besoin de quelqu'un pour se lever.

-Non, mais j'aime bien me réveiller et voir la tête de mon homme le matin.

Oh par pitié sortez-moi de là.

-Bon, voilà le programme de la journée. Les coupa Léo, ce pourquoi je le remercie mentalement.


J'avoue qu'avoir passé la matinée à faire les magasins n'a pas été une partie de plaisir, disons que je pense qu'on aurait bien eu mieux à faire que de parcourir toutes ces boutiques relativement similaires. En revanche, cela a plu à Chloé et Manon qui se sont bien amusées.

Je me déshabille et entre dans la douche. Du sable coule de mes cheveux, et leur épaisseur ne me facilité pas la tâche. Cette première journée était, comment dire, à la fois ennuyeuse et intéressante. L'eau de la mer était claire et sa température était bonne, mais je déteste cette sensation de peau collante qu'il nous reste dessus une fois sortit de l'eau. « Vois les choses du bon côté, le restaurant était pas mal » pensais-je.

Je sortis de la douche et me dépêchai de rejoindre mes amis qui devaient déjà être passé à table.

-On mange quoi ce soir ? Demandai-je en les voyant tous attablés.

-Salade de riz, poisson. Répondit Aaron.

C'est simple, mais efficace ; et un peu plus diététique que des pizzas au passage. Je m'assois entre Grâce et Perryne et rejoins le repas déjà entamé.

Lorsque nous eûmes finis, j'aide Chloé et Connor à débarrasser.

-Tous en haut ! Cria Perryne du haut de l'escalier. Et prenez des coussins !

J'en déduit qu'elle n'a pas dû oublier sa soirée musique. Nous la suivons tous. Perryne me montra le piano auquel elle m'invita à prendre place, puis, elle prit également soin de placer Lucas et Grâce.

Grâce a commencé le violon en quatrième mais elle a arrêté en seconde. Elle a repris en première, mais elle a de nouveau arrêté en fin terminale. Son professeur lui disait ouvertement qu'elle était nulle. Ce qui est totalement faux. Elle m'a fait essayer le violon, et je dois dire que c'est un instrument très complexe. Lorsqu'elle a arrêté, elle ne voulait plus entendre parler de violon, pensant sûrement qu'elle était une sous merde, mais depuis le milieu de cette précédente année scolaire, elle s'y ai remis.

Je pose mes doigts sur les touches blanches, observe les touches noires. C'est un piano droit, là encore, simple, mais efficace.

Perryne nous donne à chacun une première partition. « Mistral Gagnant » lis-je. Très bien pour commencer. Je regardai Lucas afin de savoir s'il était près, puis enfonçai les premières notes en même temps que celui-ci. Grâce fit sonner son violon peu de temps après apportant à la musique une note mélancolique plus profonde. Lorsque le morceau prit fin, Perryne se pressa de nous remplacer les partions. « Someone like you » ; allons-nous tomber en dépression ? Oui. Malgré tout, nous nous exécutèrent. Je fis quelques mauvaises notes, ce qui m'a pas mal énervée car j'ai gâché certaines parties du morceau. En l'occurrence, Lucas et Grâce s'en sont très bien sortis. Perryne nous change à nouveau les partitions. « Comptine d'un autre été ».

-Non. Articulais-je, le cœur s'accélérant.


Flashback

De Martin :

« Tu fais quoi ? »

De Faustine :

« Je joue, d'ailleurs je suis à cour d'idée de morceau. »

De Martin :

« Tu pourrais apprendre Comptine d'un autre été, c'est mon morceau préféré. »

De Faustine :

« Oui, bonne idée. »

Je me remis au travail : apprendre Comptine d'un autre été pour Martin.


Je tournai la tête et les observai tous. Ils me regardaient, incrédules.

-Je n'arrive pas à jouer ce morceau, expliquais-je, j'ai tenté plusieurs fois mais je suis toujours aussi nulle.

Mon excuse ne parue les satisfaire.

-Ce n'est pas grave tu peux quand même réessayer. Insista Perryne.

-J'ai dit non. M'énervai-je en me levant et sortant du patio.

Je cru entendre des « elle a un problème » et quelque rires nerveux, mais je n'y prêtai pas plus attention et m'enfermai dans ma chambre.


-Je peux te parler ? Me demande Martin.

-Oui.

Martin ferme la porte communicante entre deux salles de cours, après m'avoir laisser entrer. Je m'avance jusqu'au tableau, lui faisant toujours dos, par peur d'être confrontée au problème plus rapidement. Je redoute ses premiers mots.

-Alors ? Me demanda-t-il en s'asseyant sur une table à quelques mètres de moi.

C'est le moment...

-Quoi alors ? Répondis-je sans même me tourner.

-On fait quoi ?

-On en a déjà parlé hier Martin. Répondis-je, lacée.

-Ben je ne suis pas d'accord, je n'accepte pas.

-Il n'est pas question d'accepter ou non, on ne peut pas, c'est tout.

-Mais pourquoi tu dis ça ? Me demanda Martin dans un murmure en se levant pour se rapprocher de moi.

-Parce qu'on est trop différents. Affirmais-je la voie cassée, pendant que des larmes commencèrent à couler le long de mes joues, en silence.

Martin essaya de me faire face. Mais je me tournais automatiquement, ne voulant pas qu'il me voit.

-Tu pleure ? Me demanda-t-il.

-Non. Répondis-je en essayant d'essuyer mes larmes le plus discrètement que possible.

-En quoi sommes-nous différents ? Reprit-il la voie basse.

-En tout, m'énervai-je, on est différent en tout point ! Je pense qu'une relation doit être basée sur l'amour, toi tu t'en fou. J'accorde de l'importance à certain faits et gestes, toi tu t'en fou. Tu apprécies le fait de pouvoir aller voir ailleurs lorsque tu es impliqué dans une relation, et moi non. Tu ne t'imagine pas plus de quelque mois avec la même personne et pour moi s'est impensable. Alors tu cherches quoi ?

-Toi. Tu as des sentiments pour moi.

-Et bien justement, c'est à cause de tout ça qu'il vaut mieux les éviter.

-Mais pourquoi ? Si tu en as envie, pourquoi tu te bloques ? Pourquoi est-ce que tu mets ces putains de barrières ? S'impatienta-t-il.

-Parce que tu cherches juste une simple expérience de plus.

Je m'éloignai de lui et m'appuya sur une table un peu plus loin.

-Tu crois que je ne ressens rien pour toi ? Reprit-il.

Je levai mon regard en sa direction.

-Tu n'est pas la seule à avoir des sentiments.

Dit-il vrai ? Ou cherche-t-il juste à m'amadouer ?

-Peut-être mais c'est différent, tu ne voudras jamais les laisser augmenter, tu ne veux pas trop t'attacher sentimentalement parlant.

-Mais putain de merde, se prit-il la tête entre ses mains, c'est comme ça que tu me vois ?

Je baissais les yeux ? Pourquoi essayer de dissimuler la vérité ? Pourquoi essayer de cacher un mensonge par un autre mensonge ?

-On ne peut pas savoir ce qu'il arrivera dans le futur Faustine. Peut-être que mes sentiments augmenteront, et peut-être que non. Peut-être qu'on se quittera au bout d'une semaine, et peut-être qu'on tiendra des mois. Après, bien sûr que ça se finira un jour où l'autre. M'expliqua-t-il en me rejoignant.

-C'est bien ça le problème, tu poses des mots sur le futur et tu dis ne pas en poser. Pour toi, la plus longue relation serait de tenir des mois, mais tu ne comprends pas qu'en fait, ça ce n'est pas quelque chose que j'aimerai entendre. Si je viens à me mettre avec quelqu'un, je n'ai pas forcément envie de compter les jours de notre relation, j'ai envie de me projeter. Si j'aime cette personne, j'aimerai passer ma vie avec elle.

-Pardon, c'était une façon de parler.

-Non, non car c'est ton genre Martin, tu pioche une fille principalement parmi tes amies, vous passez du « bon temps » ensemble pendant quelques jours, puis vous vous quitter, en plus de ça vous rester amis, et vous reprenez votre précédente vie, comme si rien ne c'était passé. Désolée mais c'est inenvisageable pour moi ce genre de relation.

Je me levai à nouveau afin de mettre de la distance entre nous en m'asseyant sur une table, deux mètres plus loin, proche des fenêtres.

-Pourquoi tu t'éloignes ? Le remarqua-t-il.

Parce que j'ai peur de ce qu'il pourrait arriver si je restais à côté de toi, j'ai peur de ce que tu pourrais faire.

-Je ne m'éloigne pas.

Martin me rejoint. « Te voilà maintenant dans une impasse ma vieille » pensais-je en tournant la tête en direction de l'extérieur afin de ne pas être confrontée à son regard.

-On trouvera une solution. Une solution qui nous ira à tous les deux, et je vais faire des efforts.

-Lorsqu'on aime on ne fait pas d'effort, on le fait avec le cœur. Répliquai-je.

-Arrête de jouer sur les mots Faustine.

Il y eu un blanc.

-On ne peut pas se priver. On ne peut pas rester « amis » et ignorer tout ça, car crois moi, après tu auras des regrets. On doit tenter et voir où ça nous mène, c'est le principe même d'une relation. En tout cas, si toi tu peux te priver, moi je ne peux pas.

Je réfléchis. On va trouver une solution. On va trouver une solution pour que tout se passe bien. Vais-je le regretter ? Peut-être. Ce n'est pas comme si j'ai eu l'occasion d'avoir beaucoup de relations dans ma vie. Peut-être qu'effectivement je suis trop compliquée... Mais on va trouver une solution.

-Alors ? Me demanda-t-il doucement.

-Oui, mais faut trouver une solution.


Mes yeux s'ouvrent sans y voir grand-chose. Mon mal-être grandit. Il faut que je sorte prendre l'air. J'enfile un pull, attrape une bouteille l'alcool restante, et sors de cette maison.

Mes pieds nus s'enfoncent dans le sable froid de la nuit. C'est étrange comme, en quelques heures, la température peut changer. Je m'assoie à quelques mètres des vagues, qui viennent s'écraser lentement et calmement sur la côte. J'ouvre la bouteille et commence à en boire le contenu.

J'adorais lire avant. J'adorais changer de monde, m'évader de la réalité, faire fonctionner mon imagination. Disons que m'a vie n'a jamais était très intense, plutôt même banale : un père et une mère séparés, de bonnes notes à l'école, des amis, une famille aimante. Une vie banale. La lecture me permettait donc de m'imaginer cette vie trépidante que je désirais tant. Être plus belle, troquer mes yeux marrons pour des yeux bleus ou verts ; troquer mes cheveux bruns pour des cheveux clairs ; troquer ce corps sans formes réelles pour un corps de fitgirl.

Trois, quatre, cinq gorgées.

Lorsque cette relation a commencé, j'ai arrêté de lire. Ma vie était bien trop intense pour pouvoir m'accorder cette évasion. Je me sentais considérée, alors pourquoi aller chercher cette considération dans les bouquins ?

Six, sept, huit gorgées.

J'ai toujours préféré les romances. Mais elles n'étaient jamais « parfaites », et puis, c'était généralement toujours cette même histoire où une fille toute simple tombe subitement amoureuse du « badboy » de son lycée, le « badboy » prend cette fille en considération et devinez la suite, ce n'est pas compliqué. Des romances impossibles. A aucuns moment ce type de garçon s'intéresserait à une fille timide restant dans son coin. Aucun putain de moment. Soyez réaliste.

Neuf, dix gorgées.

C'est d'ailleurs dans ces mêmes histoires que la fille à subit une agression et se réveille en pleine nuit en hurlant ou chialant suite aux mêmes cauchemars récurrents. Je n'y avais jamais cru. Disons que lorsque ça m'est tombé dessus, j'ai effectivement commencé à me poser des questions. « Je n'aurais jamais cru que c'était possible » m'étais-je dis à moi-même. J'avais même eu une petite pensée pour la théorie de l'inconscient de Freud, que l'on avait appris en terminale.

Onze, douze, treize.

D'ailleurs, c'est à ce moment qu'est censé débarquer le « badboy » pour rassurer la gentille petite fille qui a cauchemardé. Nada, que dalle, de la bonne grosse merde pondue sur un plateau d'or. Même si tu viens à avoir un copain, jamais il ne se réveillera en sentant que... Oh... Sa copine à fait un cauchemar. Mais bordel soyez réaliste. Qu'on soit bien clair, ce n'est pas un petit chialement qui va réveiller une personne endormie.

Quatorze, quinze, seize.


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