Incipit O-Scalpel - Les Gardiens de Dralyr

Aujourd'hui, nous vous présentons notre analyse O-Scalpel de l'incipit des Gardiens de Dralyr, écrit par missmaudimaginary. Nous lui avons proposé une bêta-lecture gratuite sur son incipit et elle a accepté de nous faire confiance. Nous avons distingué pas mal d'écueils, mais aussi de belles réussites que nous tenons à saluer !

Si vous souhaitez bénéficier une intervention chirurgicale semblable, rejoignez-nous directement sur notre site web (cf. partie inscription).

L'incipit que nous avons bêta-lu : 

"Au commencement, il n'y avait rien, seulement le néant absolu. Puis ces ténèbres éternelles se sont embrasées, laissant jaillir une lumière éblouissante tel le souffle d'une puissance divine. Ainsi naquit Gaïanee, la Terre-Mère, porteuse de vie et de créativité.

De sa matrice céleste, Gaïanee engendra les montagnes majestueuses dont les sommets touchaient les étoiles. Elle fit surgir les vastes océans, où les flots dansaient en harmonie avec la pulsation de son cœur. Les forêts luxuriantes se déployèrent, élevant leurs voûtes verdoyantes vers les cieux infinis.

Gaïanee, dans sa bonté maternelle, offrit un foyer à d'innombrables créatures. Elle fit surgir les créatures terrestres, qu'elles soient imposantes ou délicates, sauvages ou domestiques. Les oiseaux aux chants mélodieux et les sirènes aux voix ensorcelantes rejoignirent la symphonie de la vie qu'elle avait initiée.

Cependant, un autre être émanait également de ce souffle divin : Niyx. Envieuse du succès de sa sœur, elle décida de façonner son propre espace où elle pouvait régner. Ainsi, le Jour et la Nuit furent séparés, chacun régnant sur une part du temps et del'espace.

Alors que Gaïanee continuait de tisser des créatures enchantées grâce à sa magie de la Nature, Niyx, se tapissait dans les profondeurs de sa grotte et s'alliait avec Lucifer pour concevoir des êtres à la fois sublimes et destructeurs : les dragons.

Ainsi, le monde de Gaïanee était tissé de merveilles et de beauté, tandis que les dragons de Niyx apportaient une part de mystère et de danger, nommant ainsi ces terres « Dralyr ». Les forces de la création et de la destruction s'entremêlaient dans ce nouvel univers, ébranlant l'équilibre fragile et façonnant le destin des êtres qui l'habitaient.

..."

Notre diagnostic global

Nous avons pris beaucoup de plaisir à découvrir l'incipit des Gardiens de Dralyr. Cela dit, nous avons relevé de nombreux points à discuter.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, quelques précisions : les observations que nous formulons ici sont similaires à celles que l'on pourrait recevoir de la part d'un éditeur. Leur pertinence dépendra de la valeur que vous leur accordez, et il est tout à fait légitime de ne pas y agréer. Nos retours s'appuient sur des bases objectives et théoriques que nous avons apprises – par nos lectures et expériences professionnelles dans le monde du livre. Nous reconnaissons toutefois que l'art reste un domaine fondamentalement subjectif et qu'il va toucher des sensibilités très personnelles. Chez O-Scalpel, nous adoptons une approche exigeante, voire élitiste, de l'écriture et du livre, que nous considérons à la fois comme un objet d'art et de divertissement. Cette valeur et vision n'est pas universelle, mais elle guide notre démarche, et nous tenons à être transparents et honnêtes dans nos retours.

Cela étant dit, cet incipit ne nous a pas entièrement convaincus et nous en sommes navrés.

Le caractère très classique de l'introduction en est l'une des principales raisons. La phrase d'ouverture, « Au commencement, il n'y avait rien », est trop directement inspirée de la Bible pour surprendre ou captiver. Si cette référence se veut un hommage, il faut noter que ce type de début a été largement utilisé dans la fantasy, au point de perdre sa fraîcheur. Les récits qui s'ouvrent sur une genèse ou une exposition universelle étaient très prisés dans les années 80-90, mais ils peinent aujourd'hui à susciter l'intérêt d'un éditeur ou d'un lecteur, particulièrement dans un contexte où l'attention doit être gagnée dès les premières lignes. 

Nous nous expliquons :

Nous comprenons l'attachement de l'autrice pour son univers : il reflète sa vision, son travail, ses inspirations Elle l'a travaillé et façonné à partir de pensées et d'expériences propres et il est le reflet d'une personnalité. Aux yeux d'un auteur, son monde a une valeur inestimable. C'est normal. Toutefois, pour un lecteur qui découvre ce monde pour la première fois, cet univers n'a aucune portée émotionnelle. Ce lien se tisse progressivement, grâce aux personnages, au style et à l'intrigue. Or, une introduction qui ressemble à un récit biblique déjà vu ailleurs ne donne pas au lecteur l'envie de poursuivre. 

Évidemment, certains férus du genre pourraient se laisser happer, mais nous sommes persuadés que ce début va rebuter un réservoir de lecteurs non négligeable qui ne prendra pas le temps de découvrir la plume, car ayant l'impression d'avoir déjà lu ce genre d'ouvrage. Et dans un monde ou de moins en moins de personnes lisent et où l'attention se gagne au compte-goutte et se perd par litre, on ne peut plus se permettre ce genre de début. Il est donc essentiel de proposer une ouverture plus engageante, qui pose une promesse intrigante et inédite : mais surtout, il faut faire croire au lecteur qu'il n'a jamais vu telle promesse auparavant. Plus que le sentiment réel, c'est l'impression qui prime.

L'un des principaux défis de cet incipit réside dans la tentation de trop en dire dès le début. Une exposition détaillée de l'univers peut étouffer l'imaginaire du lecteur. Au lieu de lui offrir toutes les clés immédiatement, il serait plus efficace de les distiller progressivement, de manière subtile, en lui permettant de découvrir l'univers à travers les yeux d'un personnage ou via une scène immersive. L'approche « show, don't tell » est ici essentielle.

En l'état, cet incipit souffre de plusieurs défauts : une trop grande généricité, une surcharge descriptive et un manque d'attachement émotionnel à l'univers. Le potentiel de ce monde est indéniable, mais il gagnerait à être introduit de manière plus originale et immersive. Une narration plus ancrée dans un point de vue engageant ou un événement clé pourrait capter davantage l'intérêt du lecteur.

Cela dit, tout ne doit pas être jeté pour autant !

Cet incipit témoigne d'une ambition créative forte et d'une envie sincère de bâtir un univers riche et évocateur. Il y a des descriptions imagées qui marquent, une volonté de poser un cadre épique et une sensibilité poétique qui transparaît. Nous sentons une véritable personnalité dans la plume, une patte qui, avec un peu plus de subtilité et de retenue, pourrait s'affirmer comme un atout majeur. L'idée d'un univers mythologique entre création et destruction est prometteuse, et nous sommes persuadés qu'en revisitant cet incipit, il y a le potentiel pour en faire un texte unique, mêlant tradition et modernité dans le genre de la fantasy.

Nous vous invitons tous à cultiver ce souffle créatif et à vous servir de notre retour pour explorer de nouvelles pistes. Avec un bon travail de révision, toutes les œuvres peuvent atteindre un très haut niveau de qualité et se démarquer dans un marché exigeant.


Notre chirurgie narrative

« Au commencement, il n'y avait rien, seulement le néant absolu » : La première phrase est  très archétypale, et a été reprise maintes fois dans la littérature, la mythologie et les récits bibliques. Elle manque d'originalité et n'apporte aucune touche distinctive à l'univers présenté.

--> La réflexion globale est la suivante : un amateur de fantasy connait déjà ce genre de début. Nous avons déjà lu beaucoup qui y ressemble, que ce soit sur Wattpad ou directement sur des livres papier.

--> Introduire un élément unique propre à l'univers de l'histoire pourrait permettre de distribuer de nouvelles cartes. 

==> De manière plus générale, commencer directement son roman en le centrant autour de personnages tangibles, puis distiller l'exposition de l'univers par la suite est l'un des meilleurs conseils que nous pouvons donner.

« Puis ces ténèbres éternelles se sont embrasées » : Comme le reste de la narration est conjugué aux temps du passé et que nous ne sommes apparemment pas sur un présent de vérité, nous questionnons l'usage ici du passé composé.

--> Le passé simple fonctionnerait peut-être mieux que le passé composé ici. 

« lumière éblouissante tel le souffle d'une puissance divine » : • La omparaison est un peu hasardeuse. Nous avons du mal à voir comme le souffle d'une puissance divine peut être une lumière éblouissante, ou s'en rapprocher.

« Gaïanee engendra les montagnes majestueuses dont les sommets touchaient les étoiles »: La remarque qui suit est un peu dure, nous nous en excusons, mais cette phrase est symptomatique d'un problème de style dans l'ensemble de cet incipit. 

--> Cette poésie des montagnes manque de cachet. La montagne, les océans, créatures, etc. sont des éléments naturels qui sont saturés de clichés poétiques (surtout en Fantasy) et cela rend vraiment le plume prévisible. Sans rajouter de qualités au style, elle le dessert. 

--> Retirer l'aspect artificiellement pompeux du texte et trouver des images plus douces, plus évocatrices, plus subtiles et moins générales est une piste que nous conseillons. La « montagne majestueuse », les « forêts luxuriantes » et cie. sont vraiment des clichés stylistiques qu'il ne faut pas reproduire en 2025: nous sommes persuadés que tu peux trouver quelque chose de moins commun pour permettre à ton récit de se démarquer dans la foule de texte. Tu montres de vraies qualités stylistiques à certains moments, il faut les nourrir ! 

« voûtes verdoyantes » : Très bonne allitération en 'V' qui évoque le vert, bravo !

« Elle fit surgir » : Répétition de la locution « elle fit surgir » avec la ligne 5, qui n'a rien d'une figure de style dans ce contexte.

« Créatures » : Répétition de « créature » avec la phrase précédente, qui pourrait facilement être évitée.

« qu'elles soient imposantes ou délicates, sauvages ou domestiques » : Il y a la possibilité de rendre cette subordonnée relative plus élégante.  Le parallélisme de structure est un peu pauvre, car également assez convenu.

« Régnant » :  Répétitions de « régnant »/« régner » à deux phrases d'intervalle.

« l'espace » : Répétition de « espace » avec la ligne précédente.

« continuait de tisser des créatures » : C'est une très belle image, bravo ! 

« était tissé  » : Répétition de tisser avec le dernier paragraphe

« s'entremêlaient » : Conjuguer le verbe au passé simple donnerait plus de punch à la phrase, ce temps étant un temps d'action.

Nous tenons à féliciter l'autrice pour la rédaction de cet Incipit qui possède beaucoup de qualités et nous vous disons à la semaine prochaine pour une nouvelle bêta-lecture !

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