Le paysage chez Antonioni
Aujourd'hui je vais vous parler du réalisateur Michelangelo Antonioni et de son rapport au paysage unique . Une grande partie de cette analyse provient de mon cours avec ma propre compréhension des choses
Avis = Je vais vous parler de deux films que j'ai apprécié, L'avventura et Profession: reporter. J'ai trouvé le scénario très bien bâtit qui laisse une part d'interprétation au spectateur. Un nouveau rapport à ce que l'on voit et ce que l'on regarde se fait vis-à-vis du paysage. L'explosion des regards donne l'impression que les personnages ne savent pas regarder, pleins d'erreurs grammaticales dans leur lecture. Antonioni déconstruit les codes, pour montrer un regard décentré . Il faut comprendre que les codes sont des conventions que Antonioni refuse d'utiliser pour postuler un paysage personnage . Le réalisateur établit une sorte de révolution copernicienne. Le seul moyen de voir le paysage autrement de manière décentré, est de perdre son identité et en gagné une autre comme le personnage principale de Profession Reporter.
Il faut cependant comprendre deux notions pour étudier la filmographie de Antonioni.
Le concept de géopoétique introduit par le critique Gaudin , dans son ouvrage Pour un cinéma géopoétique . Il explore la relation complexe entre le paysage, la nature et l'homme . Selon lui, cette relation n'est pas nécessairement conflictuelle, mais plutôt nuancée et riche en potentialités expressives. Il s'agit d'aller au-delà des solutions habituelles pour explorer de nouvelles façons de penser la nature et sa relation avec l'homme. Le cinéma permet de saisir la complexité des espaces terrestres et d'ancrer notre perception dans une réalité concrète, transcendant ainsi les représentations conventionnelles du paysage pour révéler la profondeur et la diversité de notre lien avec la nature.
Le paysage entretient un rapport contrarié à la nature car il constitue toujours une interprétation d'un fragment d'espace terrestre par un sujet qui projette sur lui un ensemble de valeurs ou de connotations d'un état d'âme. Le paysage est un instrument conceptuel qui montre les rapports entre l'homme et la nature, fragmentant l'espace et projetant des valeurs et des sentiments. Il résulte d'une culture hégémonique de nature domestiquée, et la contemplation ne remet pas en cause les habitats.
La notion de « voile paysager » postule une posture dominante de l'homme sur le paysage, en cachant la nature à partir de la culture. Le paysage est parfois codé par la narration, et on voit un faux paysage à travers un voile culturel fait de stéréotypes. Ce consensus paysager domine la culture, et la majorité des films suivent cette tendance, bien que certains luttent contre. Une nouvelle ouverture au sensible ouvre les possibles.
Seul un changement de sensibilité permettra de se départir de ce regard dominateur. Il faut rompre avec la dimension sentimo-lyrique et adopter un rapport sensible, non dominant, pour avoir une plus grande harmonie avec la nature. Le paysage doit être médiateur d'une nouvelle sensibilité à la nature, une altérité absolue à découvrir. Il faut invalider la fonction intellectuelle de l'œil et postuler un rapport sensitif à la nature, car la nature a un rythme propre qui rencontre instinctivement notre propre rythme. Cela ouvre la porte à un cinéma géopoétique, en retirant le voile.
Bernardi dans la continuation de la thèse avancé par Gaudin, le paysage permet de décentraliser le regard anthropocentrique, mais elles emploient des moyens différents. La géopoétique propose une approche où l'homme et la nature se regardent mutuellement, tandis que Bernardi prône un décentrement du regard. Chez Antonioni, par exemple, on se trouve souvent à la périphérie de l'histoire.
Bernardi fait une distinction entre "voir" et "regarder". "Voir" est utilitaire, tandis que "regarder" propose une autre vision. La plupart des films classiques se situent dans le "voir". Antonioni, en revanche, propose un regard anthropologique. Dans les films classiques, le personnage est au centre et tout le monde voit la même chose. Chez Antonioni, les personnages sont décentrés, ce qui interroge la notion de "voir" au cinéma. Dans les films classiques, le regard est dominant, alors que chez Antonioni, le personnage peut parfois se rendre compte qu'il est observé par d'autres personnages, et parfois, le cinéma d'Antonioni donne l'impression que nous regardons le personnage. On ne sait pas toujours qui regarde.
L'avventura
La Séquence de recherche
Le regard poétique sur le paysage peut exprimer une épreuve pour le spectateur, qui parfois ne semble pas comprendre la valeur esthétique que peut posséder un paysage. En effet, la narration supplante souvent le paysage au détriment de sa forme esthétique. Certains réalisateurs font cependant le choix de lier les deux pour donner au spectateur une expérience "géopoétique''. La géopoétique est une approche qui lie la poésie, la philosophie et la géographie, en cherchant à rendre compte de l'expérience sensible et esthétique des paysages selon Antoine Gaudin. La géopoétique de Gaudin s'intéresse à la manière dont les perceptions individuelles du monde sont évoquées de manière poétique.
L'idée soulignée est que le paysage peut être vécu comme une œuvre d'art, une construction de sens qui se déploie à travers la perception subjective du spectateur, qui devient actif dans le cadre de lever le « voile paysager » qui postule une posture dominante de l'homme sur le paysage, en cachant la nature à partir de la culture.
Dans le film L'Avventura D'Antonioni, le regard décentré et la géopoétique permettent d'obtenir un regard poétique sur le paysage. Antonioni évite souvent de donner au spectateur une perspective stable, ce qui incite à une perception fragmentée et ouverte du paysage. Le paysage est intimement lié aux états intérieurs des personnages, ce qui lui donne une valeur poétique lorsque Anna disparaît. La mer, les falaises, les plages et les rochers deviennent des espaces de projection pour les sentiments de solitude, d'angoisse et de confusion ressentis par les personnages. Le paysage est une métaphore de ces sentiments humains mais aussi la métaphore de la femme disparue. La mer, en particulier, est omniprésente et devient un symbole de vastitude, de distance, mais aussi d'une absence irrémédiable. Des plans longs laissent de l'espace à la contemplation.
Le paysage peut parfois devenir un personnage . Antonioni dans L'avventura , transforme le paysage en personnage à travers sa manière de filmer, notamment dans la séquence de disparition d'Anna. Les faux raccords regards, permettent un nouveau regard sur le paysage qui se désolidarise de certains personnages ( le plan de l'homme et la femme, semble de regarder la femme puis se détourne. ). Nous avons du mal à savoir qui regarde, ce qui est notamment rendu par les travellings par exemple lorsque le personnage regarde par dessus la falaise, la caméra continue et accomplit un travelling vers le haut. Les sons donnent une grande importance à la mer plutôt qu'aux personnages. De plus cette séquence est marqué par une caméra tremblotante, une sorte de convention subjective/ Un regard lorsqu'on se place à la place d'un personnage alors que là pas du tout. l'île est déserte. Cela pose la question = qui est entrain de les regarder arriver ? Cela postule un regard du paysage. Le paysage regarde, le paysage devient personnage . Le paysage semble avoir absorbé Anna, il est à l'origine de sa disparition. Il suppose l'importance de la mer dans la disparition de la femme.
Antonioni nous pousse à voir autrement, par une expérience sensorielle de la poésie. Ce regard poétique sur le paysage introduit une rupture avec la narration traditionnelle. Là où un autre film aurait mis l'accent sur l'intrigue , Antonioni invite à une contemplation qui perturbe le spectateur dû à l'ambivalence entre l'utilisation du paysage pour la narration mais aussi pour la poétique. De plus, si traditionnellement le regard est dominateur sur le paysage, le regard peut se désolidariser d'un regard dominateur, ce qui est le cas dans cette séquence. La manière de filmer postule un nouveau regard. Le paysage devient personnage. Il change et agit comme en témoigne l'importance des sons. Les plans permettent un décentrement des personnages au profit du paysage qui devient acteur. Le paysage qui était perçu comme beau, devient un personnage dangereux ..
Profession Reporter
Dans le film, le regard utilitaire renvoie à une perspective utilitaire et extérieure. La caméra semble adopter une position qui décentrerait le spectateur, presque comme un regard colonialiste, à la manière d'un observateur détaché et supérieur qui ne voit que la façade.
la scène où David Lock , après avoir trouvé un autre mort, prend son passeport et devient une autre personne.
Cette séquence symbolise une vision utilitaire de l'autre, réduite à un objet à exploiter.
David Lock, en fuyant sa propre vie et en prenant une nouvelle identité sous celle de Roberson, semble chercher à fuir une existence qu'il juge insatisfaisante. Ce changement d'identité est marqué par une façon de voir le monde différente, qui reflète non seulement un regard esthétique, celui de Roberson qui se laisse séduire par la beauté des paysages.
Mais aussi un regard éthique et politique se créer.
L'opposition entre les deux personnages réside dans leur rapport à l'esthétique : Roberson agit sur le monde, tandis que Lock semble se contenter de l'observer, enfermé dans une perception passive.
Un moment clé (à 1h11.10) souligne ce décalage, où David et une femme échangent sur ce qu'ils voient. La caméra crée une forme de frustration, en ne montrant pas ce que la femme voit, en instaurant un décrochage énonciatif, où le spectateur est laissé dans une forme d'incertitude et de frustration.
Cette absence de raccord de regard accentue l'idée que le film cherche à remettre en question la manière dont nous percevons et réagissons aux images, sans offrir de réponses immédiates. À la fin. La caméra décentre davantage le spectateur en l'invitant à se concentrer sur autre chose que l'action centrale.
Ce changement dans la perspective, symbolisé par une "ouverture", renvoie à un apprentissage qui se fait aussi bien pour le personnage que pour le spectateur, qui doit se réajuster à une vision plus fragmentée de la réalité.
Cette technique rappelle également le mythe de la caverne de Platon, où le spectateur est confronté à une perception déformée du monde, incitant à une réflexion plus profonde. Enfin, le film rappelle Blow-Up de Michelangelo Antonioni, où l'image et le son sont volontairement dissonants, créant un divorce énonciatif entre les deux, et forçant ainsi le spectateur à réfléchir sur l'illusion de la réalité que nous percevons à travers le cinéma.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top