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/!\ Peut contenir des sujets sensibles /!\

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La nuit était tombée, enveloppant la ville d'un silence pesant. Les rues désertes semblaient à l'abandon, et seules les rares lueurs des réverbères illuminaient faiblement les trottoirs humides. À l'intérieur de sa petite chambre, une jeune femme se tenait assise à son bureau, une feuille de papier vierge posée devant elle. Le bruit du stylo qu'elle faisait tourner entre ses doigts était le seul son qui brisait la quiétude nocturne.

Cela faisait des semaines qu'elle n'avait presque pas dormi. Chaque nuit se transformait en combat contre ses pensées, ses angoisses et ses peurs. Elle qui n'avait jamais aimé dormir, c'était aujourd'hui devenu le seul moment de répit, le seul moment où ses pensées ne venaient pas l'engloutir. Mais le sommeil était très difficile à trouver ces temps-ci, comme un trésor rare.

Depuis le divorce de ses parents, sa vie s'était effondrée. Elle avait tenté d'aller de l'avant, mais une succession d'événements qu'elle n'avait pas voulu s'étaient produis. Deuil d'un proche, solitude, santé se dégradant, dépression... Elle avait à peine surmonté son premier fardeau qu'on lui en ajoutait d'autres, de plus en plus pesants.

Elle se sentait seule. Désespérément seule. Ses amis s’étaient peu à peu éloignés, incapables de comprendre l’ampleur de sa douleur. Elle-même ne parvenait plus à exprimer ce qu’elle ressentait. Les mots n'étaient plus assez forts. Chaque tentative de dialogue se heurtait à une muraille de silence ou à des paroles de réconfort, qui sonnaient faux.

Alors, elle s'était tournée vers l'écriture. Chaque nuit, quand le monde entier semblait dormir, elle  écrivait. Des mots, des phrases, des morceaux de son âme brisée qu’elle déposait sur le papier, comme on déposait des fleurs sur la tombe d'un défunt.

Ce soir-là, la peine était plus forte que d’habitude. Les souvenirs de son ancienne vie, avant que tout ne s’effondre, se précipitaient dans son esprit. Elle repensa aux jours où ses sourires étaient encore sincères. Tout lui paraissait lointain. Le bonheur lui paraissant lointain et sa peine ne faisait que grandir au fil des jours, l'entraînant dans un gouffre dont elle n'était pas sûre de se relever.

Un sanglot lui échappa, brisant le silence. Les larmes roulèrent sur ses joues, silencieuses mais dévastatrices. Elle avait l'impression d'étouffer. Elle voulait que tout s'arrête, maintenant. Elle voulait que cette vie, dont elle n'avait jamais voulu, s'arrête, et qu'elle puisse enfin trouver la paix.

Elle se pencha sur son carnet, ses doigts tremblants peinant à tenir le stylo. Elle se sentait prisonnière de ce chagrin qui ne la quittait jamais, de cette douleur qui la dévorait de l'intérieur. Elle souriait le jour, mais seule la nuit était témoin de cette peine sourde qui la détruisait.

Les mots jaillirent alors, bruts, sans retenue. Elle écrivait pour survivre, pour ne pas sombrer complètement dans cet abîme de désespoir. Les phrases s'enchaînaient, tantôt pleines de rage, tantôt empreintes de tristesse. Elle déversait sur le papier tout ce qu’elle n’avait jamais pu dire à personne, tout ce qu’elle n’avait jamais osé admettre, même à elle-même.

Les larmes d'amertume coulaient sur son visage. Elle se sentait trahie par la vie, par cette existence qui lui avait tout pris, sans laisser de place pour l’espoir. La solitude lui pesait, et la tristesse la rongeait chaque jour un peu plus.

À mesure que les mots s’étalaient sur le papier, l'ambiance était de plus en plus lourde. L’écriture était comme une trêve, un unique moyen de crier sa souffrance au monde, même si ce monde ne l’entendrait jamais. Ce soir, sa peine était plus lourde, et rien ne semblait pouvoir la libérer de ce calvaire.

Elle savait que l'écriture n'apportait pas de réponses, pas plus que de réconfort. Mais c'était un moyen d'exprimer ce chaos intérieur qui la consumait. Ce n’était qu’un répit temporaire, une pause dans la tempête de son esprit, mais c’était tout ce qu’elle avait. Elle luttait désespérément pour ne pas se noyer, mais les vagues de plus en plus violentes la faisait sombrer sans que personne n'y prête attention

Bon, je devrais aller me coucher, murmura-t-elle, épuisée.

Les jours s'étiraient, se fondant en un brouillard épais où chaque instant devenait un calvaire. Elle vivait en apnée, suffoquant sous le poids invisible de sa mélancolie. Ses nuits étaient toujours les mêmes : peuplées de mots qui tentaient de capturer un chagrin trop vaste pour être contenu, et ses journées étaient devenues un désert aride, sans but ni réconfort.

Le carnet, autrefois son refuge, commençait à lui sembler vide, incapable d'apaiser l'angoisse qui grandissait en elle. Les mots qui avaient autrefois coulé avec une urgence désespérée se faisaient maintenant plus rares, plus hésitants, comme si chaque nouvelle phrase était un effort pénible, une bataille perdue d’avance. L'écriture, qui lui avait permis de tenir jusque-là, se changeait peu à peu en un fardeau supplémentaire, un rappel cruel de son impuissance face à la douleur.

L'école, autrefois un lieu de réconfort, était devenue insupportable. Les couloirs semblaient se refermer sur elle, les rires et les conversations des autres étudiants résonnaient dans ses oreilles comme des cloches distantes, incompréhensibles. Ses amis l'avaient abandonnée. Elle se surprenait souvent à fixer le vide, les yeux perdus dans le néant, incapable de se concentrer sur les cours ou sur les visages qui l’entouraient.

Un jour, alors qu’elle rentrait chez elle sous un ciel gris menaçant de pluie, elle s’arrêta devant un pont qui surplombait une rivière sombre. Le courant était fort, agité par les récentes averses. Elle se pencha sur la balustrade, le regard fixé sur l’eau qui tourbillonnait en contrebas. Elle se demanda un instant ce que cela ferait de se laisser tomber, de disparaître dans cette rivière qui emporterait tout, sa douleur, sa solitude, son existence même.

L’idée la frappa avec une telle force qu’elle recula brusquement, effrayée par ses propres pensées. Mais l’image restait là, gravée dans son esprit comme une échappatoire séduisante. Elle se redressa, tremblante, le cœur battant à tout rompre. Une fois rentrée chez elle, elle s'enferma dans sa chambre, refusant de sortir, de parler, de faire quoi que ce soit d'autre que de s'enrouler dans ses couvertures, cherchant désespérément à échapper à la tempête qui faisait rage en elle.

Les jours suivants, elle évita soigneusement le pont, mais l’idée ne la quittait pas. Elle la poursuivait dans ses rêves, s’insinuait dans ses pensées les plus sombres, la tentant avec la promesse d’un soulagement final. La nuit, elle écrivait encore, mais les mots étaient devenus plus sombres, plus désespérés. Elle écrivait des adieux, des lettres qu’elle ne comptait jamais envoyer, des messages destinés à personne.

Elle se sentait piégée, comme une proie dans les griffes d’un prédateur invisible. Elle savait qu’elle ne pouvait pas continuer ainsi, et chaque jour qui passait semblait la rapprocher un peu plus de l'abîme. L'écriture, autrefois son refuge, devenait une prison de papier, les mots qu'elle couchait sur le papier étaient des chaînes qui l’enserraient davantage.

Et puis, une nuit, après avoir versé une dernière larme sur son carnet, elle s'effondra. Le stylo glissa de ses doigts, et elle s'endormit, vaincue par l’épuisement et le désespoir. Le sommeil la prit comme une miséricorde, une évasion temporaire de la douleur omniprésente. Cette nuit-là, elle rêva du pont, de l’eau sombre qui l’appelait, et pour la première fois, elle se sentit en paix dans ce rêve. Comme si, au bout du compte, elle avait trouvé la seule issue possible à ce chagrin insurmontable.

Quand elle se réveilla, le matin était déjà bien avancé. Elle resta allongée, les yeux fixés sur le plafond, la décision qu’elle avait refusé de prendre jusqu’à présent flottant devant elle comme une évidence. Elle savait ce qu’elle devait faire, mais l’idée lui glaçait le sang. Elle ne pouvait plus le supporter.

Elle se leva lentement, chaque mouvement lui coûtant un effort immense. Elle s'approcha de son bureau, ouvrit son carnet une dernière fois, et écrivit ces mots : « Je suis désolée. »

Elle sortit de la chambre, le cœur lourd, mais étrangement calme. Son père n'était pas là, comme d'habitude. La pluie avait commencé à tomber dehors, comme un rideau de larmes célestes qui accompagnait sa marche lente vers le pont.

Le monde autour d’elle semblait flou, comme dans un rêve. Les couleurs étaient ternes, les sons étouffés. Elle avançait, portée par une résolution douce-amère, consciente que ce moment pourrait être le dernier, mais prête à l'accepter.

Arrivée au pont, elle s'arrêta, le regard fixé sur la rivière en contrebas. Le courant était toujours aussi fort, mais cette fois, elle n’hésita pas. Elle se pencha sur la balustrade, son cœur battant au rythme de la pluie qui frappait la pierre. Elle ferma les yeux, et dans cet instant de silence, elle se laissa aller, prête à plonger dans les profondeurs de l’oubli.

Cette nuit là, une nouvelle étoile rejoignit le ciel. Elle ne pouvait plus supporter de vivre pour les autres avec cette douleur insurmontable. Elle avait fermé les yeux pour la dernière fois, le sourire aux lèvres pour la première fois depuis longtemps.

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J'espère que ça vous a plu, à bientôt !

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