café et hôpital
– Sérieusement ? je demande en haussant un sourcil de surprise.
– Il a fait du mal à ma sœur ! grogne Phyll.
– Mais tu l'as...?
Je laisse ma phrase en suspens pour avaler une gorgée de mon café bouillant. Phyll m'a proposé d'aller boire un verre dans un bar en fin de soirée et j'ai accepté parce qu'il avait quelque chose «d'important» à me raconter. Et depuis une demie-heure il me conte ses péripéties de l'après-midi.
– Ouais ! Défoncé ! il explique en recrachant la fumée de sa clope en l'air. Il s'est même pas défendu, c'est insupportable. Il a niqué mes chaussures en plus. Tu l'aurais vu par terre ! Il pissait le sang, il dit en souriant malicieusement. Il a cru qu'il pouvait briser ma sœur et s'en tirer aussi facilement ? Non.
– Ça faisait longtemps qu'ils étaient ensemble ?
– J'en sais rien, un an peut-être. Il a fait pleurer ma sœur. C'est tout ce qu'il faut retenir.
Je hoche la tête en soufflant doucement. Phyll et moi sommes très différents mais je l'apprécie beaucoup. Il est bienveillant. Preuve en est avec sa sœur qu'il surprotège un peu trop. Lynn est une fille bien que très attirante, un peu trop libertine à mon goût. Elle est un peu comme son frère. Les règles n'ont pas vraiment une grande importance chez eux. C'est le comble quand on apprends que Phyll et moi sommes tout les deux en pleines études de droits.
– Et c'est qui ce gars au fait ?
– Hm, il réfléchit. Le gars qui nous a vendu des sachets en boîte. Un grand brun. Tu t'en souviens ou tu étais trop bourré pour ça ? il glousse.
J'écarquille des yeux en associant tout de suite ces informations à Iro. Je toussote légèrement et sort mon porte-feuille.
– Hm, Phyll ? Je vais devoir y aller, on se revoit bientôt hein ! dis-je enfilant mon blouson.
Je dépose un billet sur la table, laissant un large pourboire au serveur qui récupérera cela. Mon ami opine du chef et me salue de la main avant que je ne tourne les talons vers la sortie.
De ce que j'ai compris, Iro en aurait sacrément bavé. C'est étrange, une part de moi doute. Je ne le connais pas vraiment, mais je l'imaginais du genre, plus combatif. Et entendre Phyll me dire qu'il l'a «défoncé» ne me rassure pas. Mon ami est un bon sportif et il a le poing facile.
Je sors mes clefs de voiture et roule en direction de l'immeuble d'Iro. Je mets quelques minutes à me souvenir de l'étage du brun. Je frappe à sa porte en me mordillant légèrement la lèvre. Rien. Aucun son. Je fronce les sourcils et frappe à nouveau, puis j'essaye d'ouvrir la porte et je suis surpris en sentant la poignée s'abaisser sous ma main.
Mes yeux s'agrandissent à nouveau quand j'entre dans la pièce. Phyll ne m'a pas menti, il l'a défoncé. Si bien que je panique même en pensant qu'il l'ai tué. Le sang qui colore le parquet et les murs me terrifie. Mais je suis rapidement rassuré en voyant le brun allongé sur le canapé, de la drogue entre les lèvres. Je retire son bien et grimace en faisant le constat de ses blessures au visage.
Je passe ma main sur son front qui saigne encore un peu. Il est trempé, son t-shirt colle à sa peau et je fronce les sourcils encore une fois. Je bouge son épaule, essayant de le réveiller.
– Eh ! Iro ? Réveille-toi !
Il ne bronche pas et pendant un moment j'hésite. Et s'il était vraiment mort ? Je me penche pour poser mon oreille au niveau de son cœur et ferme les yeux pour me concentrer sur le moindre bruit qui pourrais provenir de lui. Puis il bouge et quelque chose me frappe la tête et me repousse me faisant tomber, les fesses sur le plancher. Je le regarde, hagard.
– P'tain. Qu'est-ce que tu fous là l'gamin ?
Je fronce du nez en l'entendant m'appeler ainsi et me relève en soupirant. Je le regarde grimacer et se redresser lentement. Un détail irrite mon regard, une bosse anormale a prit place près de son épaule. Au niveau de sa clavicule.
– Il faut qu'on aille aux urgences ! Les médecins sont fermés à cette heure.
Je dis cela précipitamment en attrapant une veste qui traînait sur un tabouret et la lui tend. Je vais ensuite récupérer ses chaussures et les pose auprès du canapé où il est toujours assis.
– Waouh, tu vas te calmer tout de suite. On ira nulle part, il grogne.
– C'était pas une question tu met ta veste et tes chaussures, je dis fermement me surprenant moi-même.
Il finit par soupirer et fait ce que je lui demande à mon plus grand étonnement. Il grimace de temps en temps alors que nous sortons de son immeuble.
– Et on y va comment ? il soupire.
– J'ai ma voiture, souris-je en traversant la route pour rejoindre le trottoir d'en face.
– Mais t'as quel âge gamin ? Conduire c'est réservé aux adultes.
Je roule des yeux et ne réponds pas à sa question. J'ouvre ma voiture avec le bouton créé à cet effet sur la clef. Je monte côté conducteur, attendant qu'il prenne place sur le siège passager. Il sourit légèrement en entrant et touche le cuir des sièges.
– Belle bagnole, il dit.
– Ouais elle était à mes parents avant.
– Je m'en fous.
Je hoche la tête et roule en direction de l'hôpital. Il n'est qu'à une petite demie-heure de route de l'immeuble d'Iro. Celui-ci semble un peu absent durant le trajet, mais il parle quand même.
– Comment t'as su ? il demande en regardant par la fenêtre.
– Que tu étais blessé ? Hm, Phyll est le frère de Lynn... Alors, il m'a raconté.
Il opine et une fois à l'hôpital il soupire et grogne. Je le tire un peu de force jusqu'au comptoir pour expliquer à la secrétaire ce qui nous arrive. Elle donne un numéro à Iro et nous demande de patienter en salle d'attente.
Là, une dizaine de personnes attendent patiemment. Un gars, à une main enroulé dans un torchon imbibé de sang; et je n'ai pas envie de savoir pourquoi. Tandis qu'un gosse sur les genoux de sa mère hurle comme si on l'égorgeait. Iro et moi nous asseyons mais je vois bien qu'il n'est pas à l'aise.
– Pourquoi tu as quitté Lynn ? je demande soudain.
– Pourquoi tu es encore là ? Tu vas louper la bonne soupe de ta maman.
Je hausse un sourcil et le regarde avec une mine blasée.
– Je ne vie plus avec eux, j'ai vingt ans, je suis indépendant, je dis agacé d'être toujours pris pour un gosse.
J'ai eu la chance de naître dans une famille joyeuse, avec des parents aimants et heureux de nous avoir, moi et mes sœurs. Mais les gens ne voient que l'argent et les biens que nous avons; ceci m'agace de plus en plus. Iro ne répond pas et détaille chaque personne de la pièce d'un œil mauvais.
– Numéro 137.
Je tourne le regard vers le brun qui se lève et s'avance vers l'infirmière qui viens d'appeler son numéro. Je reste dans la salle d'attente, espérant que ses blessures ne soient pas trop grave. J'en voudrais à mon ami. Pourquoi, je n'en sais rien. Mais je lui en voudrais.
Iro me déstabilise beaucoup. Ses phrases acerbes sont inattendues et toutes plus irritantes les unes que les autres. Je comprends l'énervement de Phyll. Iro est plein de piquants, il est provoquant.
Néanmoins je me demande si il m'en veut de l'avoir traîné jusqu'ici. J'imagine que oui. Mais je serais rassuré. J'ai toujours eu cette inquiétude pour les gens; une sorte d'altruisme étrange. Je ne connais pas Iro, je ne sais pas pourquoi il fume autant, ni pourquoi il vit seul ou encore pourquoi il a quitté Lynn et s'est laissé amocher aussi facilement.
Aucune idée. Et en attendant j'observe les gens défiler un à un sous mes yeux et partir en salle d'urgence derrière des infirmières débordées. Une heure passe, puis deux, puis je m'inquiète de ce qui a bien pu lui arriver. Mon téléphone n'a presque plus de batterie et je souffle de soulagement en le voyant sortir au bout de deux heures et demie d'attente.
Je lui souris doucement.
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