Chapitre 2

Colère

Le chagrin d'amour est une période plus ou moins longue de souffrance et de tristesse qui accompagne une rupture amoureuse ou qui est due à une absence de réciprocité des sentiments. Il naît d'une sensation d'abandon, de perte et de manque.

***

J'ai espéré un instant que mon visiteur renonce à l'idée de m'importuner, mais il ne semblait pas prêt de lâcher l'affaire. Alors puisqu'en appuyant incessamment sur la sonnette, il s'acharnait à me détruire les tympans,  je décidai de me hisser jusqu'à l'entrée comme une limace pour enfin l'apercevoir.

Et elle... puisque c'était une fille n'était pas très difficile à reconnaitre avec ses joues rondes et son chignon volumineux. J'essayais de me convaincre que je n'étais pas déçue de revoir ma copine Rachel.

Mais le fait est que depuis plusieurs jours, j'attendais le retour d'une toute autre personne.

La jolie métisse qui ne se savait pas trahie par le judas, ne se décourageait pas, elle avait ramené avec elle des chouquettes. Une idée astucieuse lorsque l'on connaissait parfaitement mon amour inconditionnel pour la viennoiserie.

Mais ce n'était pas assez pour que je cède. Il était pour moi inconcevable d'avoir à expliquer mon attitude de ces dernières semaines autour d'une tasse de café. Alors, je préférais de loin faire la morte. Agacée,  je reculais tout doucement pour aller m'enfermer dans ma chambre en attendant qu'elle s'en aille. Discrète et silencieuse,  je l'entendis me hurler dessus.

- Allez,  Kamila, je sais que t'es là ! Ouvre ! suppliait-elle de l'autre côté de la porte.

Alors là, ne compte pas là-dessus, chérie.

- Je te laisse trois secondes, ou je rentre de force.

Trois, deux, un...

J'avais à peine eu le temps de réfléchir à ce qu'elle venait de me dire qu'elle avait déjà fini son décompte et fait irruption chez moi, armée d'un double de mes clés.

- Mais je rêve ? m'écriai-je soudain ahurie.

Sans m'expliquer  pourquoi et comment elle s'était procuré cette copie, elle viola mon intimité en faisant irruption dans ma maison et, ne m'adressant aucun regard, elle se mit à râler comme à son habitude.

Eh bien... Fais comme chez toi ! m'énervais-je intérieurement en la dévisageant.

Puis, ni une ni deux je me dirigeai tête baissée vers le mini bar pour me servir une tequila. Je savais qu'il était inutile de lui en proposer, puisque vu l'heure elle risquerait sans doute de me faire une syncope, la pauvre.

Ça en fera plus pour moi ! relativisais-je. Ses cris perçants à base de « non mais j'hallucine » et de « j'espère que c'est une blague » ravivèrent ma migraine. Elle trouvait aberrant que je puisse rester confinée dans cet appartement qui «sentait le renfermé et la chaussette sale » selon ses dires.

Sirotant mon eau de courage, je la regardai  faire de grands gestes et la laissais me disputer en ouvrant les volets roulants et les fenêtres « histoire de laisser passer de l'air dans cette grotte » d'après elle.

La gorge brûlante, j'avais beau essayer de me concentrer sur ses mots, mon esprit restait focalisé sur la mine déconfite qu'elle faisait à chaque trouvaille sous le canapé.

C'était vraiment épique.

Le verre à la main, je sentis mon cœur glacial se réchauffer légèrement, j'aurais pu la mettre dehors, cependant, le fait est que je n'en avais pas vraiment envie. Certes elle piaillait énormément, mais il était évident qu'elle m'avait manqué cette folle.

Lorsqu'elle posa enfin ses yeux inquiets sur moi, j'eu l'impression de lire tout l'amour qu'elle me portait, mais au fond de ses iris j'arrivais tout de même à entrevoir l'ombre de la profonde déception que je lui inspirai.

C'était comme si je l'entendais confirmer que j'étais dans un sal état et qu'elle cherchait à me remonter le moral par tous les moyens. Tandis qu'elle approchait dangereusement vers moi, j'abandonnais ma boisson sur l'îlot central en croisant les bras sur ma poitrine, j'étais prête pour toute confrontation potentielle.

Et j'allais soutenir son regard coûte que coûte.

- Je te supplie, de me jurer que tu n'as pas recommencé. déclara-t-elle en retroussant les manches du pull de mon ex.

Il ne portait même plus son odeur, c'était pitoyable.

J'avais recommencé. Je le savais, elle s'en doutait sûrement, alors pourquoi me demander de dire une chose pareille ? m'énervais-je silencieusement tout en restant de marbre, la laissant effleurer mes poignets trop fins.

Elle fixait avec dégout les quelques lignes maladroites qui n'avaient toujours pas cicatrisé.

Je n'en étais pas à ma première tentative, et Rachel avait toujours eu ce regard empli d'horreur en voyant mes égratignures. Sur le moment, elle n'eut aucune réaction... je n'en attendais pas moins d'elle à vrai dire. Et même si j'en avais grand besoin, je refusais de lui réclamer qu'elle me serre dans ses bras. Il n'y avait pas de ça entre nous, jamais.

Rachel avait toujours détesté les démonstrations de ce genre.

- Tu as réellement besoin d'aide, Kamila,  affirma la jeune femme avec sérieux en resserrant sa poigne.

À ces mots, je la repoussai brutalement parce que je refusais d'entendre une chose pareille. Jamais je ne retournerai vers l'hôpital psychiatrique. C'était ce qui avait détruit chaque pétale de vie qui avait eu l'audace de fleurir au fond de moi.

Elle ne pouvait pas me comprendre.

Le simple fait de songer à l'idée de pousser à nouveau les portes d'un hôpital fit grimper mon anxiété en flèche. D'horribles épisodes surgirent dans ma mémoire meurtrie et je fus prise d'un long et douloureux frisson. Il me glissait lentement sur la colonne vertébrale et descendit violemment jusqu'à mes orteils. Ce souvenir m'habitait, il devenait réel, il me consumait.

Elle ne savait strictement rien de mon mal être intérieur, de ce petit monstre qui dévorait mon âme.

Car à l'époque, je n'avais pas d'amis et les moqueries me transperçaient comme des balles. Adolescente chétive en construction, j'étais seule sur le champ de bataille et je m'écroulais littéralement.

Naïve, stupide et fragile, je gardais la tête basse, en proie aux insultes et défigurée par mes larmes, j'étais brisée. Parce qu'un garçon pour qui j'avais commis l'erreur d'éprouver des sentiments s'était appliqué à me réduire en miettes.

Je me revoyais courir vers les toilettes en laissant dans mon sillage l'odeur étouffante du désespoir.

À ce que je sache, la seule chose qu'on pouvait me reprocher était de lui avoir accordé ma confiance. Oui, c'était de loin mon seul crime. J'étais humiliée et tiraillée de toutes parts, trompée par l'amour et détruite par la haine, parce que j'avais accepté de lui partager des clichés de moi en tenue d'Eve. Il y avait un nom à cela : le harcèlement scolaire, mais ce que j'avais vécu s'apparentait plutôt à l'enfer

Savez-vous à quel point les enfants peuvent être des individus horribles et méprisables ? Moi je l'ai su, je l'ai vécu et j'y ai survécu. Mais pas sans séquelles. Rendez-vous compte, ils ont détruit ma vie, piétiné mon cœur et froissé mon âme.

Je m'étais affligée une douleur pour en chasser une autre, c'est ainsi qu'une lame glacée avait caressé laborieusement le poignet de la jeune fille en larmes. Et pour la première fois, la vie de cette moi d'il y avait quelques années avait  dansé sur le fil sinueux et fragile de la mort... cachée dans les toilettes échappant à des millions d'yeux qui la jugeaient.

Inspire, Expire.

Soudain, elle prit un ton rassurant en me tirant de ma rêverie. Ma bulle de souvenir éclata et je pus sortir de ma transe.

- Tu n'as pas prononcé un seul mot depuis que je suis arrivée ici. Et je ne t'ai jamais vue aussi muette. Je crois sincèrement qu'il faut qu'on parle. Tanta-t-elle avec un sourire.

Je n'avais rien à répondre. Même si je voulais, j'avais la gorge nouée.

-Alors tu vas aller t'habiller de ce pas, ordonna Rachel. ET on quitte cet appart rempli de souvenirs, puis on passe au café et tu viens chez moi.

🔑🔑🔑

Clé secrète :
MDBGHQHVWXQSHUVRQQDJHLQTXLHWDQW

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