Chapitre 1

Dégout

Le spleen est un état affectif qui désigne le dégout de toute chose, une mélancolie profonde sans cause apparente, pouvant passer par l'ennui et la tristesse vague jusqu'à atteindre une certaine aversion de la vie.

***

Prise de spasmes, je fus brutalement tirée du sommeil. L'estomac au bord des lèvres et les yeux à peine ouverts, je me précipitai du mieux que je pu vers la salle de bain. Quand soudain, trébuchant malencontreusement sur une immondice que j'avais moi-même laissé trainer la veille, je m'entendis marmonner quelques injures en me rattrapant de justesse à l'encadrement de la porte. Evitant de me retrouver nez à nez avec le parquet de ma chambre, j'atteignis enfin les sanitaires et me penchai par-dessus afin de rendre tout l'alcool que j'avais ingurgité.

Essayant de sauver les quelques mèches blondes qui s'étaient échappées de mon chignon du bout des doigts, je songeais, l'espace d'une seconde aux bouteilles vides qui gisaient encore aux pieds de mon canapé. Tandis que mon crâne, mon pauvre crâne douloureux était en proie à des martellements incessants. Je n'arrivais pas à réfléchir, j'avais le cerveau bien trop embrumé.

Je n'y étais pas allé de main morte cette fois-ci.

Délaissée dans un si grand lit, esseulée au milieu du capharnaüm que représentait mon appartement et abandonnée au sein du chaos qu'était devenue ma vie, je n'avais plus que mes yeux pour pleurer.

Estomac en vrac et ventre tordu, je régurgitais douloureusement mon âme. De mon idylle, partie en fumée, je n'avais plus qu'à vomir l'amour que j'ai pu un jour ressentir. Expulsée de mon propre paradis, j'étais livrée à moi-même, pitoyable et dépourvue de tout, je laissais jaillir la haine qui m'habitait désormais.

Affalée au dessus de la cuvette des toilettes, j'étais clairement écœurée par ce que je venais de remettre. J'avais le sentiment que mon existence toute entière était en train de s'effriter, comme ça, juste sous mes yeux. Pas jolie, jolie l'existence constatai-je en tirant la chasse d'eau avec une horrible grimace scotchée au visage. Puis dans un élan soudain j'essayais de réunir toutes mes forces afin de trainer mon corps quasiment inerte jusqu'à la baignoire.

Il fallait vraiment que je prenne une douche.

Pas de doutes, j'avais de nouveau la gueule de bois, mes membres faibles me répondaient à peine et mes articulations douloureuses ne me supportaient presque plus ... j'étais aussi lamentable qu'une poupée de chiffon. Mais finalement, contre toute attente je trouvai la force de tourner le robinet pour que la baignoire puisse se remplir.

Trop concentrée sur le rythme irrégulier de mon cœur déchiré, j'entendais à peine l'eau couler. Ne voilà-t-il pas que je surprenais encore cet inutile à tambouriner au fond de ma poitrine, même après tout ça.

J'eu un peu de mal à me défaire de mon pyjama que je laissais à même le sol avec négligence. Mais une fois nue, je décidais de me laisser aller à l'eau gelée qui brulait ma peau fragile et laiteuse.

J'étais sans doute dans un état second lorsque je me mis à fredonner Stay de Rihanna tout en arrêtant le jet d'eau.

C'était sa chanson songeai-je en perdant mon regard dans la montagne de mousse qui m'entourait.

Je voulais qu'il revienne, et que cette fois... il reste, comme dans la chanson espérai-je redessinant chaque courbe de ma silhouette du bout des doigts, comme il l'aurait fait.

Si seulement il avait été là.

Les larmes aux yeux je murmurais doucement les paroles de ma voix brisée en m'emparant laborieusement de ma fleur de bain.

Toute forme de douceur disparue. Je frottais avec rage chaque partie de mon corps.Je brulais de l'intérieur, et me faisais violence. Ma peau rougissait de douleur et moi, j'inspirai difficilement pour chercher l'air, c'était comme si respirer me demandait un effort surhumain.

Coupable d'avoir trop aimé, j'avais fini le cœur en miette la bouche pâteuse et l'estomac en feu.

Ce criminel avait éteind mon âme et dérobé mon organe vital.

Je n'étais plus que cadavre.

— House Helper ? Interpellai-je en me raclant la gorge comme pour éliminer le moindre ressentiment susceptible de faire trembler ma voix.

La réponse mécaniquement programmée ne se fit pas attendre.

— Bonjour Kamila, aujourd'hui nous sommes le jeudi 3 octobre il est quatre heures trente-huit du matin. Le levé du soleil est prévu pour cinq heures dix sept et il se couchera à vingt heures cinquante-cinq. Les maximales seront entre seize et dix degrés et l'indice de l'air est correct. La pensée du jour est d'Emile Deschanel selon lui, « On emporte en mourant que ce qu'on a donné ».

A vrai dire je n'étais aucunement intéressée par toutes les choses futiles que racontait mon auxiliaire de vie informatique, et puisque je n'avais pas prévu de sortir j'ai arrêté d'écouter alors qu'il était au beau milieu de son speech sur la météo du jour.

— Sois gentil, l'interrompis-je brusquement, lance notre chanson s'il te plait, m'entendis-je supplier de ma voix chétive.

Puisqu'en effet, ce morceau était bel et bien devenu notre chanson songeais-je.

Tout à coup je fus envahie par une vague de souvenir. Mais avant que cela ne dégénère, ma nostalgie fut heureusement interrompue par la voix machinale de mon auxiliaire de vie informatique qui me répondit de son ton éternellement monotone.

— Résultat, introuvable Kamila, il se pourrait que vous ayez supprimé cette chanson de votre playlist.

C'était vrai réalisais-je, la colère m'avait surement poussé à effacer tout ce qui aurait été susceptible de me faire penser à mon ex durant les trois dernières semaines qui avaient suivies notre rupture.

— Lance la playlist de Jayden alors ! M'énervais-je en levant les yeux au ciel, faisant l'impasse sur la politesse.

— Erreur, playlist introuvable. Je peux chercher sur le web.

— Tu sais quoi ? Laisse tomber ! M'écriai-je à moitié agacée.

— Bien mademoiselle, je ne suis là que pour vous rendre service. Répondit-il.

***

Une heure plus tard, j'avais revêtis un ancien sweat que Jayden avait oublié à la maison avant de me quitter. J'étais dans ma cuisine à avaler de l'aspirine histoire de diminuer les effets de mes abus d'alcool d'hier soir et je décidai d'en profiter pour gober mes antidépresseurs et mes anxiolytiques avec une bonne gorgée d'Hennessy.

Le réfrigérateur était vide et mon ventre criait famine alors... je fus contrainte de jeter mon dévolu sur une veille boite de biscuits sec en me saisissant de mon téléphone portable pour passer une commande en ligne. J'avais des dizaines d'appels en absence, ma messagerie vocale était pleine et je ne comptais plus mes conversations laissées en suspend. Seulement rien de tout ça ne m'interpellais puisque tout ce que j'espérais c'était un seul petit message de lui.

Une fois qu'il fut délecté de sa dernière boîte  de pâtée pour chat, Whisky vint me rejoindre sur le sofa en quête d'affection.  J'allumais la télé en lui faisant des petites caresses tandis qu'il ronronnait de plaisir.

J'étais vraiment attendrie par cette adorable  petite boule de poils mais ce ne fut que de courte durée.

Ding dong

La sonnerie retentit dans l'appartement et je savais que ce ne pouvait pas déjà être le livreur. Puisque j'avais le suivi de ma commande sous les yeux.

Le soucis... c'était que je ne voulais croiser personne. Alors qui se trouvait derrière cette maudite porte ?

🔑🔑🔑

Clé secrète : XQHUXSWXUHGLIILFLOH

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