Je n'ai pas toujours pris soin de citer mes sources - ni même de les chercher, d'ailleurs. J'ai au contraire longtemps usé sans vergogne de tout ce que je pouvais trouver sur Internet, sans réellement me poser de questions.

Puis progressivement (je ne sais plus quand cela a commencé exactement), j'ai accumulé des petits inconforts et des interrogations quant à cette méthode. Finalement, c'est un post de Sophie Mayanne, sur Instagram, qui m'a permis d'avoir le déclic.

Sophie Mayanne est à l'origine d'un superbe projet, intitulé Behind the Scars ("derrière les cicatrices") dans lequel elle met du temps, de l'argent, et beaucoup d'énergie (physique, mais aussi voire surtout : émotionnelle). Et cette merveilleuse artiste, en 2018, s'est retrouvée au bord de la dépression à cause du "vol" constant de son travail (en cela qu'on parlait souvent de celui-ci sans la créditer ; y compris dans des articles ou à la télévision). Voici ce qu'elle a écrit :

[traduit de l'anglais par allonsbriserleciel]

" Certain.e.s d'entre vous savent déjà que j'ai essuyé de nombreux problèmes cette année vis-à-vis de l'absence de crédits. J'en parle plutôt ouvertement - mais j'ai reçu beaucoup de messages de jeunes/nouveaux.elles photographes qui ont peur de la réaction qu'iels risquent de provoquer s'iels demandent d'être crédité.e.s. Sache que tu ne devrais pas, à aucun moment, avoir à te sentir ainsi. Ton art, c'est ton gagne-pain - et tu as tous les droits de le protéger. Ces derniers mois, on m'a insultée, on m'a reproché mon manque de professionnalisme et j'ai été méprisée simplement pour avoir demandé des crédits.

Le problème, c'est que demander des crédits après coup ne change rien au fait qu'ils ont été initialement oubliés. Cela n'empêche pas d'autres personnes de reposter sans crédits. Une image sans crédits peut causer de GROS problèmes pour le/la photographe en question. J'ai dû harceler des émissions de télé, des marques, des magazines, des journaux, et bien plus ces derniers mois. J'ai eu droit à des retours mitigés. La plupart du temps, quelqu'un essaie de reporter la faute ailleurs. Je reçois rarement des excuses.

Mon art, c'est mon TRAVAIL. Les images que je crée sont mon GAGNE-PAIN. Tout ce que j'ai traversé a commencé à affecter ma santé mentale - à tel point que je me sentais incapable de me connecter à mon compte, puisqu'à chaque fois que je le faisais, c'était "qu'est-ce que je vais bien pouvoir trouver cette fois ?". Je comprends que je ne peux pas tout contrôler - mais je peux essayer d'enseigner aux gens POURQUOI c'est important. Les images que vous voyez sur Internet, 9 fois sur 10, sont protégées par la loi copyright. Vous pouvez utiliser des moteurs de recherche pour trouver la source d'une image que vous voulez poster. L'attitude de "c'est là, donc je vais juste le prendre" fait d'énormes dégâts et cela doit changer. L'attitude de "si je fais mal, j'arrangerai ça plus tard" - notez que c'est l'attitude que j'ai personnellement observé chez un tas de journalistes. Ça ne prend que quelques instants de vérifier. Si vous ne pouvez pas trouver la source - ne postez pas. Si vous voyez quelque chose sur la page de quelqu'un que vous aimeriez partager - envoyez-lui un rapide message pour demander si cela ne les dérange pas. Nous ne sommes pas inapprochables - et nous sommes bien plus sympathiques quand on nous traite avec respect ! "

J'espère que ces mots t'aideront à comprendre un peu mieux de quoi il en ressort réellement. Sache que chacune de tes actions a des conséquences, même si tu ne les vois pas directement, même si ça ne t'atteint pas directement. Et que, de ce fait, il faut agir aussi intentionnellement que possible.