Eyeless Jack x Reader - Mange moi ( Partie 6 )

J'essaie de bouger, mais quelque chose retient mon corps.

J'ouvre les yeux et je suis accueillie par une obscurité inquiétante qui semble me fixer. Je tourne la tête sur le côté, mais je ne vois rien. Est-ce que Jack est parti ? Normalement, je pouvais entendre son souffle. S'il n'est pas là, qu'est-ce qui me retient ? Pourquoi à la place d'une couverture, je sens des... Sangles ? Qu'est-ce que c'est que ce délire ? Je ne suis pas dans la chambre de Jack ? Alors, où suis-je ? Qu'est-ce qui m'arrive ?

Je cesse de me débattre lorsque j'entends une porte s'ouvrir. La lumière jaillit brusquement, m'obligeant à fermer les yeux. J'aperçois des points blancs dans l'obscurité de mes paupières. Le seul son que j'entends est celui de pas lents, qui s'approchent de moi avec nonchalance. J'ouvre les yeux difficilement, clignant plusieurs fois des paupières pour m'habituer à la lumière. Le décor de cette grande pièce me laisse totalement perplexe. Les murs, autrefois blancs, sont jaunis par le temps. À ma gauche, des placards, des armoires et des commodes de couleur grise. À ma droite, une grande table sur laquelle reposent divers livres, récipients et... Des ustensiles de chirurgie.

Attends...

Des ustensiles de chirurgie ?

Un frisson glacé traverse tout mon être. Une vague de mauvais pressentiment me parcourt, comme si les instruments chirurgicaux s'enfonçaient déjà sous ma peau. J'ouvre la bouche pour crier, mais aucun son ne sort, ma voix bloquée par la peur. Les souvenirs me reviennent par vagues douloureuses. J'ai envie de vomir. Ma respiration s'arrête alors que les bribes de mémoire refont surface. Comment ai-je pu...

Jack, le cannibale sadique, m'a retenue captive pendant quatre mois. J'ai réussi à m'échapper, mais j'ai été reprise par des fous qui m'ont emmenée dans un endroit bien pire. Je regrette d'avoir fui. J'aurais préféré servir de repas à Jack plutôt que de subir ça. Cela fait quatre jours, je crois, que je suis ici, dans cet endroit infernal où cette ordure me drogue pour m'empêcher de crier pendant qu'il me charcute.

- Je vois que tu es réveillée. As-tu bien dormi ?

Sa voix me glace le sang. La lampe chirurgicale au-dessus de moi s'allume, me forçant à tourner la tête sur le côté pour ne pas être aveuglée. J'essaie de bouger, mais les sangles me maintiennent fermement.

- Fais attention, même si ton corps guérit, tu ressens toujours la douleur. Dit-il d'un ton faussement bienveillant.

Je grince des dents et le fixe avec tout le mépris que j'éprouve pour lui. Il était autrefois ma plus grande peur, mais après ce que j'ai vécu, il ne m'inspire plus que de la haine et du dégoût.

- Ne me fais pas rire. Si tu te préoccupais vraiment de moi, je ne serais pas ici, allongée comme ça, tonton.

- Oh, tu daignes enfin me répondre ? Tu pourrais en profiter pour me remercier, non ? Dit-il en levant la lampe pour ne plus m'aveugler.

Le ton mielleux de ses paroles n'atténue pas l'horreur de ma situation. Je sais que je suis à sa merci, et chaque mouvement que je fais ne fait qu'ajouter à ma détresse.

- Te remercier ? Je le regarde comme s'il était le plus grand taré sur Terre. C'est l'hôpital qui se fout de la charité ? Tu es complètement malade pour enlever une gosse, la disséquer, et espérer qu'elle te remercie pour ça !

- Je ne t'ai pas « enlevée », je t'ai sauvée.

- « Sauvée » ?

- Oui ! S'exclame-t-il en écartant les bras. Je t'ai sauvée de ton kidnappeur ! Je ne sais pas ce qu'il t'a fait, mais ne t'en fais pas, il ne te fera plus jamais de mal.

- Oui, c'est sûr, vu que tu prends sa place. Répliquai-je avec amertume.

Mon oncle soupire, puis s'assoit sur une chaise, affichant un air dépité, comme s'il était déçu. C'est presque risible. Cet homme est vraiment cinglé. Je suis sûre qu'il aurait sa place dans un asile pour fous dangereux.

- Tu sais, avant ta naissance, j'étais vraiment déprimé. Étant médecin, je côtoie la mort chaque jour, avec la vie des gens entre mes mains. Mais quand j'ai perdu ma femme et ma fille dans un accident, j'ai sombré dans une dépression. Pourtant, je devais continuer à soigner. Toutes ces morts pesaient sur ma conscience, m'empêchant de dormir. Puis tu es née. La première fois que je t'ai tenue dans mes bras et que tu as serré mon petit doigt, j'ai su. J'ai su que tu allais changer ma misérable existence. Comment ? Je ne savais pas encore. Jusqu'à ce que tu tombes de cet arbre et que l'on découvre ta capacité extraordinaire à guérir ! Au début, je cherchais à comprendre ce phénomène, mais rien ne l'expliquait. Et puis, j'ai compris ! Dieu ! C'était Dieu en personne qui t'avait envoyée à moi ! Grâce à toi, je pouvais prélever des organes qui restaient intacts même en dehors de toi, et je pouvais les greffer à d'autres enfants ! J'avais enfin retrouvé le goût de la vie grâce à toi ! Tu étais ma sauveuse, mon ange ! Tu étais ce qui me rendait heureux !

Je déglutis difficilement en le voyant s'approcher dangereusement. Ma respiration devient erratique, comme si des barreaux de fer enserraient ma gorge. Je ressens un frisson glacé le long de ma colonne vertébrale, et la sueur froide perle sur mon front.

- Mais ! Au bout d'un moment, chaque fois que tu me voyais, tu faisais une crise d'angoisse et tu t'évanouissais. Tu ne sais pas combien cela m'attristait. Mais ce qui a vraiment déchiré mon cœur, c'est quand tes hypocrites de parents ont menacé de me dénoncer à la police si je t'approchais de nouveau. Puis, vous avez déménagé, changé de numéro, tout pour m'empêcher de te retrouver. Ils m'ont retiré ce qui me donnait envie de vivre. Mais tant que mon ange, celle que j'aime plus que tout au monde, était en sécurité, c'était le principal. Dit-il en me caressant la joue, ce qui me donne envie de vomir. J'attendais le jour où tu reviendrais à moi. C'était évident que ça arriverait, car nous sommes liés, toi et moi !

Il se lève, son regard débordant de folie.

- Et puis, il y a quatre mois, j'ai vu dans les médias une annonce de kidnapping, avec le témoignage de ta sœur. En voyant ça, une rage immense m'a envahi. Qui avait osé poser ses sales pattes sur toi ? Je devais te sauver, c'était mon devoir ! Et tes parents, tu sais ce qu'ils ont fait pour te retrouver ? Rien ! Ils ont mis toute leur confiance dans la police ! Tes parents ne te méritent pas ! Personne ne te mérite, sauf moi ! Moi seul ! Tu ne sais pas ce que j'ai dû faire pour te retrouver ! J'ai tout retourné ! Soulever chaque pierre ! Et j'ai même fini par être contacté par une agence secrète spécialisée dans la chasse de criminels au-delà de l'imagination. Et me voilà, ici avec toi, saine et sauve ! Le prix en valait la peine ! Oh, tu m'as tellement manqué ! S'exclame-t-il, prenant mon visage entre ses mains comme s'il était sur le point de me dévorer des yeux.

Je tourne la tête sur le côté, mes yeux fermés de dégoût. Enfin, il referme sa bouche immonde, cessant de me baver dessus. Pourtant, je sens encore sa bave glisser le long de mon visage, s'écoulant vers mon cou, mes cheveux, et la table sur laquelle je suis attachée. Son regard malsain reste fixé sur moi. Les larmes coulent librement sur mes joues, tandis que je tremble de terreur en pensant à ce que ce malade pourrait me faire.

- Oh non, ne pleure pas. Même si ça te rend encore plus belle, tu ne devrais pas pleurer. Dit-il en essuyant mes larmes. Tu devrais être contente ! Tu resteras avec moi pour le restant de ta vie !

Mon oncle—non, ce diable—est un véritable cinglé. Je tremble de tous mes membres malgré mes efforts pour le cacher. Il semble ne pas le remarquer ou s'en moquer. Il se dirige vers la table et attrape une scie d'amputation. Au bruit des sangles qui se tendent à cause de mes mouvements, il se tourne vers moi.

- Dégage ! Espèce de taré ! Si tu m'aimes comme tu le prétends, détache-moi !

- Ne me traite pas de taré, s'il te plaît. Je suis le seul qui t'a toujours aimé, et qui t'aime comme moi ! Tes parents s'en fichaient de toi, surtout mon frère. Toujours aussi stupide. Tu n'avais pas d'amis sur qui compter ! Ta sœur ? Laisse-moi rire ! Si elle t'aimait vraiment, elle aurait tout fait pour te sauver le soir de ton enlèvement. Moi, c'est ce que j'aurais fait, en tout cas ! Mais elle continuait sa petite vie sans se préoccuper de toi ! Tu veux savoir ce que tes parents font au lieu de te chercher ? Ils soutiennent ta sœur qui est en hôpital psychiatrique. Crois-tu qu'ils auraient fait la même chose pour toi ?

Je le fixe dans les yeux, la bouche ouverte pour affirmer que oui, mais ma voix se bloque. J'essaie de le dire, mais je ne peux pas. Je ne peux pas dire "oui", car ce serait un mensonge. Ils n'ont jamais eu pour moi l'attention qu'ils portent à Lou. Si elle avait été enlevée, ils auraient retourné ciel et terre pour la retrouver. Moi, je n'ai jamais eu cette importance. Toujours seule. Je ne manquerai à personne.

Personne ? Vraiment ?

Ma gorge se serre comme mon cœur. Je mords ma lèvre inférieure tandis que mes larmes recommencent à couler. Pourquoi est-ce que je pense à lui maintenant ? Il est sans doute la dernière personne à qui je manquerais. Si jamais je lui manquais, ce serait uniquement pour le goût de ma chair, rien de plus. Je n'étais que de la nourriture pour Jack. À aucun moment, il n'y avait d'attachement dans ses gestes.

Aucun ? Vraiment ? Alors pourquoi m'accordait-il ces attentions que personne d'autre ne m'avait jamais accordées ? Est-ce que c'était le fruit de mon imagination, le fruit de la folie que j'avais développée à ses côtés ? Contrairement à mon oncle, même si Jack me dévorait et qu'il était parfois violent, il me nourrissait correctement. Il me permettait d'aller aux toilettes ou de me laver en privé. Il m'apportait des objets pour stimuler mon esprit. Parfois, il parlait avec moi sans essayer de m'effrayer. Et il me permettait de sortir prendre l'air. Je sais que mon oncle, lui, ne ferait jamais tout ça pour moi. Si je n'étais que de la nourriture pour Jack, pourquoi s'embêterait-il à faire tout ça ? Est-ce que cela signifie...

Mais, si par une sorte de sorcellerie, il avait un jour ressenti quelque chose pour moi, ce ne serait plus le cas maintenant. Pas après ce que je lui ai fait. Pas après m'être enfuie. S'il me revoit, tout ce qu'il éprouvera, ce sera de la colère et du ressentiment. De toute façon, lui et moi, on ne se reverra jamais. Je resterai ici, avec mon oncle comme unique compagnie. Espérer secrètement que Jack viendrait me sauver serait absurde, un pur fantasme. Notre dernier moment ensemble, c'était lorsqu'il s'était un peu énervé contre moi parce que je n'avais pas répondu assez vite à ses questions. La dernière image que j'ai de lui, c'est son dos qui s'éloigne, qui m'abandonne...

Non, c'était moi qui m'étais enfuie. Moi qui l'avais abandonné. Je laisse échapper un souffle par le nez, un sourire amer sur les lèvres. Est-ce que ce démon m'a rendue folle au point que je voudrais revoir Jack et penser à lui en ce moment même ?

- Dis, tu ne veux pas m'aider ? Tu ne veux pas remplir ta fonction d'ange ? Si je prélève tes organes, je pourrai sauver tellement de vies. Dit-il, comme si c'était la chose la plus évidente au monde.

Je ne réponds pas. Je fixe le plafond, épuisée et vide. Si mon oncle me dissèque, combien de gens pourra-t-il sauver avec mes organes ? Certainement plus que ce que j'ai offert à Jack en lui disant de ne se nourrir que de moi. Et pourtant... Je ne veux pas. Avec Jack, je me disais que c'était acceptable, lui, il avait besoin de manger de la chair humaine pour survivre. Mais est-ce vraiment une excuse ? Je n'en sais rien, et je n'ai pas envie de savoir. Je veux juste mourir.

Ma naissance n'a probablement jamais été souhaitée, mon existence même est un accident. Je devrais juste me laisser faire, parce que, finalement, qui cela dérangerait-il vraiment ? Je suis une erreur, rien de plus. Ma vie n'aura servi à rien, autant la donner à quelqu'un qui pourra l'utiliser pour une bonne cause. Peut-être que c'est ce que je mérite, au fond.

PDV Jack

Quand je me réveille, la première chose que je fais, c'est me tourner sur le côté pour attraper ma brebis dans mes bras et respirer son odeur. Comme tous les matins depuis quatre mois. Mais aujourd'hui, ma main rencontre le matelas froid. Le lit est vide. Elle n'est plus là. Elle est partie. Elle a profité de ce moment pour s'enfuir, je ne sais pas où. J'ai cherché partout, dans les moindres recoins de la forêt, mais elle reste introuvable. Les médias ne mentionnent rien au sujet d'une jeune fille disparue depuis quatre mois et soudainement retrouvée en bonne santé. Cela ferait les gros titres, c'est certain. Alors, s'ils n'en parlent pas, c'est qu'ils ne l'ont pas retrouvée. Peut-être s'est-elle réfugiée chez quelqu'un ? Même si c'était le cas, cela fait maintenant quatre jours qu'elle a échappé à ma surveillance. Si quelqu'un l'avait retrouvée, il aurait certainement appelé la police, déclenché une enquête... Rien de tout cela n'est arrivé. C'est comme si elle s'était volatilisée.

Je pensais au début que tout ceci n'était qu'un mauvais rêve, mais ses affaires traînent encore dans la chambre, et son parfum flotte encore dans l'air. Je n'aurais jamais cru qu'elle aurait le courage de s'enfuir. Les humains font souvent des choses stupides et désespérées quand ils se sentent menacés.

J'ai cherché sans relâche, mais en vain. Ma colère s'est finalement apaisée, et je me dis que je peux simplement revenir à mes anciennes habitudes. Cela m'allait très bien. Je repousse la couverture et me redresse. Je m'étire en grognant, puis me lève pour me rendre à la salle de bain. Je me déshabille et allume la douche. L'eau coule sur mon corps, chaude ou froide, je ne sais pas, mais je reste là, immobile, perdu dans mes pensées.

Je secoue la tête pour me réveiller un peu et me baisse pour ramasser le savon. C'est alors que je remarque le tube de gel douche que (t/p) utilisait, à la vanille. Même sans parfum, son odeur naturelle était agréable, mais cette fragrance lui allait particulièrement bien. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits, prends mon propre savon, et continue ma douche. Une fois terminé, j'éteins l'eau et sors, attrapant une serviette pour m'essuyer. Je la repose sur le porte-serviettes, mais je réalise qu'il est inutile de la garder. Je devrais la jeter plus tard.

Après m'être habillé, je mets mon masque comme d'habitude. Lorsque je sors de la salle de bain, je m'arrête sur le pas de la porte et je fixe le lit sans m'en rendre compte. Mon regard se pose sur la manille reliée à l'un des pieds du lit par une chaîne. Est-ce que c'est parce que je l'attachais qu'elle a décidé de partir ? Ridicule. À quoi je pense, franchement ? Tu ne voulais pas non plus lui laver les pieds pendant que tu y étais ?

À nouveau, je secoue la tête, comme pour chasser ces pensées insensées, et je sors de la chambre. Il faut que je me reprenne. Cela ne sert à rien de regretter ce qui est déjà fait. Il y a d'autres choses à penser, d'autres tâches à accomplir. Mais la question reste dans un coin de mon esprit. Si elle est partie, est-ce que je pourrais la retrouver ? Et surtout, est-ce que j'en ai vraiment envie ?

Détournant le regard, je quitte ma chambre. Le couloir dans lequel j'avance est froid et silencieux, comme un tunnel sombre et étouffant. Aucun courant d'air ne circule, et chaque pas que je fais résonne avec un écho lugubre. Je passe devant de nombreuses portes, celles des autres habitants du Manoir. Soudain, un bruit sourd se fait entendre, suivi par un hurlement de désespoir. Je ne vois pas la personne qui crie, mais les rires qui résonnent par-dessus ses cris indiquent que Laughing est en train de jouer.

Je descends les escaliers et me dirige vers une pièce en particulier. J'ouvre la porte et me retrouve dans le grand salon du Manoir. L'odeur de moisi et de graisse imprègne l'air, mais je suis habitué à cette puanteur. La pièce possède une télévision dernier cri, que Ben utilise comme portail vers d'autres dimensions. Le gigantesque canapé décrépi accueille plusieurs membres de notre étrange communauté, leur attention rivée sur l'écran. Je m'approche du sofa et m'assois, nonchalamment, cherchant un moment de répit pour rassembler mes pensées.

Personne ne me prête attention, et moi non plus, je me concentre sur ce qui se passe à la télévision. Ben diffuse des vidéos embarrassantes ou compromettantes de personnalités politiques. Normalement, cela m'aurait fait rire, mais aujourd'hui, rien n'y fait. Je me cale plus profondément dans le canapé, croisant les bras sur le dossier, essayant de me vider l'esprit. Mais tout cela, bien sûr, est trop beau pour durer.

- Alors, Jack ? Pas trop déprimé que ta petite brebis se soit tirée ? Demande Jeff derrière moi, avec une pointe d'amusement qui m'irrite profondément.

- Jeff, va voir ailleurs si j'y suis. Dis-je en grognant.

- Pas avant que tu répondes à la question que tout le monde se pose. Réplique-t-il avec cette voix provocatrice qui me met les nerfs en pelote. Ta petite brebis, elle est morte ou elle s'est échappée ?

Je ne dis rien, essayant de contrôler la rage qui monte en moi.

- ... Je n'y crois pas... Elle s'est échappée ! S'exclame Jeff avec moquerie. Elle a réussi à s'enfuir, hein ? Tu n'as pas honte, Jack ? Une gamine de ce genre qui te file entre les doigts. Si ça avait été moi, jamais elle n'aurait réussi.

Il éclate de rire, se tenant les côtes, et tous les regards se tournent vers nous. Je vois du jugement dans les yeux des autres, mais cela ne m'atteint pas. Ce qui m'irrite, c'est l'insolence de Jeff.

- Non, avec moi, jamais elle n'aurait eu les privilèges que tu lui donnais. Sérieux, Jack, tu t'es ramolli à ses côtés. Tu la laissais sortir prendre l'air sans même t'amuser avec elle ? Tu étais pathétique, mec. N'est-ce pas une bonne chose qu'elle ne soit plus là ?

Ses mots sont comme des coups de poignard. La colère gronde en moi, mais je garde le silence. Jeff continue de rire, inconscient du volcan qui menace d'exploser.

Cependant, je repense à ce qu'il vient de dire. Une bonne chose ? Peut-être que cet imbécile narcissique a raison. Peut-être que c'est mieux ainsi. Avec le recul, je me dis que j'ai été trop doux avec elle. Avec une simple humaine, du bétail. Qu'est-ce qui m'a pris de réagir comme ça ?

- Ou peut-être... Qu'elle n'a pas fugué, mais qu'on l'a enlevée.

Je me tourne vers lui, malgré son sourire moqueur qui m'exaspère.

- Peut-être qu'une autre creepypasta l'a kidnappée pour s'amuser avec elle, et peut-être que cette creepypasta, c'est moi. Tu y as pensé ? Ou tu es juste content d'être devenu un gros mollasson parce que ta précieuse brebis t'a manqué, hein, JACK ? Crie-t-il en riant comme un dément.

Ses paroles résonnent dans ma tête, accompagnées de son rire odieux. Puis, tous les autres sons s'estompent. Le salon disparaît de mon champ de vision. Je ne vois que (t/p), allongée sur une table, prête à être torturée. Les cris de désespoir que j'ai entendus plus tôt dans le couloir se superposent à cette image, augmentant ma fureur. Je serre les poings, sentant la rage monter en moi comme une tempête imminente. J'imagine ce satané clown, hilare, aux côtés de Jeff, en train de martyriser (t/p). Ma brebis, à moi, rien qu'à moi.

Le sourire provocateur de Jeff est la goutte qui fait déborder le vase. Je me lève d'un bond et me jette sur lui, déchirant le canapé en passant. Jeff m'esquive, riant de plus belle, mais je me retourne aussitôt et agrippe sa gorge, le projetant violemment au sol. Le bruit de sa tête frappant la dalle résonne dans tout le salon. Mes griffes s'enfoncent dans sa peau, mon étreinte se resserre. Il sourit encore, mais son sourire s'efface à mesure que je serre.

- Eh ben, tu t'énerves juste pour ça ? T'es devenu le petit toutou de ta brebis ?!

Je lève sa tête pour la frapper de nouveau contre le sol. L'odeur métallique du sang emplit l'air. Le regard de Jeff change, mais je m'en fiche. Je continue à l'étrangler, ignorant ses tentatives de se libérer.

- N'y crois pas trop, sale démon ! Dit-il, la voix étouffée.

Même s'il est une creepypasta, il reste un humain pathétique.

D'un geste rapide, il sort un couteau de sa mini sacoche attachée à son jean et me le plante dans la hanche. Il sourit, puis retire la lame pour la planter à d'autres endroits de mon corps. Mais cela ne fait qu'alimenter ma rage, et je resserre davantage ma prise, grognant comme une bête sauvage.

Jeff cesse de sourire et plante son couteau profondément, mais je continue de l'ignorer, alimenté par une colère viscérale.

- Lâche-moi, oui ! Gémit-il, sa vue se brouillant. Son torse se soulève de manière irrégulière, signe qu'il va perdre conscience dans une minute ou deux.

Alors que personne n'intervient, préférant regarder la scène comme un spectacle, une main se pose sur mon épaule. Un frisson désagréable traverse ma colonne vertébrale. Je relâche immédiatement Jeff, qui halète de grandes bouffées d'air, toussant et se tenant la gorge. Je n'ose pas me retourner, effrayé par l'identité de la personne qui vient de m'arrêter. Mon instinct me crie de ne pas le faire, mais j'ai une petite idée de qui ça pourrait être.

Celui qui m'a arrêté se met à ricaner, son corps secoué par des tics incontrôlables. Des craquements d'os résonnent dans la pièce, comme si le son venait de nos propres articulations. Il lâche mon épaule et dit, bégayant à cause de son syndrome :

- J-je peux s-savoir ce qui se p-passe ?

Je me relève de Jeff et tourne la tête pour voir celui qui vient de parler. C'est Ticci Toby, le proxy le plus instable de tous. Une boule se forme dans ma gorge tandis que son corps continue de craquer. Ses lunettes teintées m'empêchent de voir ses yeux, mais je sais qu'ils sont remplis de folie et de curiosité. Jeff, toujours au sol, tousse et se tient la gorge, qui continue de saigner.

Je déglutis et réponds :

- Jeff m'a énervé, alors je l'ai étranglé.

Toby se téléporte soudainement juste devant moi, me faisant sursauter. Il ne fait que me fixer.

- C-ce n'est pourtant p-pas la première fois q-qu'il te ch-cherche. Alors p-pourquoi t-telle réaction ?

Je voudrais lui répondre, mais les mots restent bloqués dans ma gorge.

- E-enfin, on verra ça p-plus tard. I-il faut d'abord q-que v-vous ailliez vous f-faire s-soigner. Sinon, v-vous allez t-trépasser, dit-il avec un sourire menaçant.

Quand Toby prend ce ton amusé, c'est mauvais signe. Un Toby sadique est pire que n'importe lequel d'entre nous, même Laughing Jack. Toby s'approche de Jeff et pose une main sur son épaule avant de disparaître avec lui, sans doute vers l'infirmerie tenue par Nurse Ann. Les autres ne disent rien, mais je sens leurs regards sur moi. Je place une main sur l'une des blessures que Jeff m'a infligées, remarquant que je saigne plus que je ne le devrais.

Je quitte le salon, décidant de retourner dans ma chambre pour me recoudre et me mettre des bandages.

J'entre lentement dans ma chambre, titubant légèrement en direction de la salle de bain. Je manque de trébucher plusieurs fois avant d'atteindre la porte et de l'ouvrir. À cause des blessures de Jeff, je commence à perdre trop de sang pour rester éveillé. J'avance vers le lavabo et appuie mes mains sur le rebord de l'évier pour me maintenir debout. Je reste comme ça quelques secondes, grimaçant à cause de la douleur.

« Peut-être qu'une autre creepypasta l'a kidnappée pour s'amuser avec elle, et peut-être que cette creepypasta, c'est moi. Tu y as pensé ? »

Bien sûr que j'ai pensé à cette possibilité, mais je sais que c'est impossible. Personne n'oserait défier les ordres de Slenderman de cette manière. Prendre (t/p) serait un acte de rébellion pur et simple, et seuls les fous ou les suicidaires se risqueraient à cela. Je le sais pertinemment, mais je me suis laissé emporter. À cause des mots de Jeff, à cause des cris de désespoir de la victime de Laughing Jack. À cause de (t/p).

Je retire mon masque et mon sweat, désormais en lambeaux, pour les poser sur la chaise dans la salle de bain. L'eau coule du robinet, éclaboussant légèrement mon visage. Je me regarde dans le miroir, constatant que je n'ai pas bonne mine. J'ouvre le placard sous l'évier, en sors un torchon propre et l'humidifie pour essuyer le sang qui macule mon torse, mon ventre, mes épaules et mes hanches. J'ai de la chance que Jeff ne m'ait pas poignardé dans le dos, sinon les choses auraient été bien plus compliquées.

Une fois le sang nettoyé, je rince le torchon dans l'évier, observant le mélange de sang et d'eau s'écouler dans le drain. J'attends quelques instants avant de fermer le robinet et de me baisser pour récupérer ma trousse de premiers secours. Si j'étais humain, je serais mort sur le coup. J'ouvre la boîte, prends du fil et une aiguille, puis me regarde attentivement dans le miroir pour recoudre mes blessures. Je grimace de douleur à chaque piqûre, mais je fais abstraction de la souffrance pour bien faire le travail.

Ayant terminé, je nettoie délicatement mes cicatrices temporaires avec des compresses et du désinfectant, puis les cache sous plusieurs couches de bandages. Je soupire en observant le résultat. Ça tire un peu, provoquant des picotements désagréables. Je prends un autre sweat à capuche dans la salle de bain et l'enfile, serrant les dents sous une légère douleur. Je sais que d'ici quelques jours, la douleur et les cicatrices auront disparu comme par magie.

Mais une autre sensation me saisit : la faim. Je n'ai pas mangé depuis la disparition de (t/p). Normalement, je n'ai pas besoin de me nourrir tous les jours, mais visiblement mon estomac réclame son dû. Peut-être que chasser me permettra de me changer les idées ? C'est dans cette optique que je prends mon masque et le remets en place. Je tire ma capuche plus haut pour cacher le reste de mes cheveux bruns et sors de la salle de bain.

Me dirigeant vers la petite commode à côté de mon lit, je prends mes gants en cuir et les enfile. Je ferme plusieurs fois le poing pour m'assurer qu'ils sont bien ajustés. À ce stade, la seule partie de ma peau visible est celle de mon cou, dissimulée dans l'ombre de ma capuche, mais personne ne la remarquera. Les victimes sont trop distraites par mon masque bleu marine, la seule touche de couleur dans ma tenue entièrement noire. Je jette un coup d'œil dehors et constate que le soleil va bientôt céder sa place à la lune. Parfait.

Je m'approche de mon bureau, prends la feuille de mes prochaines victimes, et remarque qu'il m'en reste une. Il va falloir que je demande à Masky de revoir l'organisation de mon emploi du temps maintenant que (t/p) n'est plus là. J'aurai besoin de plus de victimes pour ne pas affamer mon estomac. Ça risque de l'agacer, mais il doit être au courant de ma situation, comme les autres.

Mémorisant l'adresse, je repose la feuille sur mon bureau, prends mon sac à dos où attendent sagement des bocaux vides à remplir, et quitte ma chambre. Mais dès que j'ouvre la porte, quelque chose attire mon attention. Je la referme et fais semblant de ne rien voir, me dirigeant vers la salle à manger réservée aux proxys pour trouver Ticci Toby. Il me téléportera à l'adresse de ma prochaine victime. Les proxys comme moi, incapables de se téléporter, dépendent de Toby pour nous transporter, avec la contrainte qu'il ne le fera que dans une heure.

- Tu viens de me blesser, tu le sais, mon petit Eyeless~. Entendis-je derrière moi.

Je soupire discrètement.

- Qu'est-ce que tu veux, Laughing ?

- Rien ne t'en fait pas. Je voulais juste te dire que tu nous as tous épatés ! J'aurais bien voulu être là pour voir blanche neige se faire maîtriser par toi. Dit-il en rigolant avec sadisme. Tu étais un peu descendu dans notre estime, après la fuite de ta petite brebis, mais après ton sketch, tu nous as épaté ! The little Killer est loin d'être facile à maîtriser malgré sa nature, donc, je te tire mon chapeau ! Même si je n'en ai pas. Dit-il en rigolant, ce qui effrayerait sans doute les individus autres que les creepypastas.

Je ne réponds pas, n'en voyant pas d'intérêt, et part sous le rire du clown rejoindre Toby.

***

La frustration m'envahit alors que je me promène dans la forêt pour essayer de me calmer. J'avais réussi à contenir ma colère devant Toby, mais dès que nous sommes rentrés au Manoir, j'ai décidé de prendre l'air parmi les arbres environnants. Je jette mon sac au sol et frappe le tronc d'un arbre avec mon poing, mes épaules se soulevant sous l'effet de la rage contenue. C'était la fureur pure qui me traversait, fureur face à ce qui venait de se passer, face à mon incapacité à comprendre mes réactions, face à moi-même.

Je n'étais pas en colère à cause d'un échec ou quelque chose du genre. Non, j'avais réussi ce que j'avais entrepris malgré mes blessures. Le problème était ailleurs. Lors de ma dernière rencontre avec une victime solitaire, au moment où j'allais dévorer ses organes, je n'ai pas pu le faire. Au moment où j'ai avalé son rein, quelque chose s'est arrêté en moi. Mon torse s'est contracté brutalement, ma respiration est devenue lourde et laborieuse. Des vertiges m'ont assailli, et j'ai commencé à transpirer abondamment. J'ai senti une nausée monter, et j'ai tout vomi.

J'avais rejeté tout ce que j'avais consommé. Même en essayant de manger tous les autres organes, le résultat était le même. Je me retrouvais à chaque fois avec des nausées et des vertiges insoutenables. Mon estomac refusait de digérer ce qui était pourtant censé être ma source de nourriture. Pourquoi ? Pourquoi mon corps réagissait comme s'il avait ingéré de la nourriture humaine ?

J'ai alors regardé dans mon sac où se trouvait un bocal contenant un organe de (t/p), que j'avais gardé comme une sorte de « casse-croûte » d'urgence. Je l'ai pris, tremblant de colère et de frustration. J'ai retiré le couvercle et avalé le contenu. Et rien. Pas de nausée, pas de vertige, pas de vomi. Mon corps acceptait cet organe sans problème, et le pire, c'est qu'il en voulait davantage. Il voulait des organes spécifiques, ceux de (t/p). Plus aucun autre ne suffirait.

La frustration augmentait en moi, brûlant comme un feu. Pourquoi mon corps agissait-il ainsi ? Pourquoi ne voulait-il que ce qu'il ne pouvait pas avoir ?

Je hurle et frappe de nouveau l'arbre, qui cède sous le choc et tombe en arrière avec un bruit sourd. En levant les yeux, je réalise que je suis arrivé là où j'emmenais toujours (t/p). Mon instinct m'a conduit ici sans que je ne m'en rende compte. J'avance dans la clairière et m'arrête en voyant un objet familier. Un livre. Celui qu'elle lisait ce jour-là, maintenant en mauvais état. Je m'approche, m'agenouille et le prends dans mes mains tremblantes. Je l'avais oublié, trop préoccupé par la recherche de (t/p).

Mon souffle se coupe, mes dents se serrent, et ma gorge se noue. Pourquoi suis-je ainsi ? Pourquoi suis-je submergé par cette émotion en tenant ce livre ? Pourquoi est-ce que je voudrais que ce soit (t/p) que je tienne dans mes bras au lieu de ce vieux livre ?

Pour la dévorer ? Pour apaiser ma faim ? Oui, mon corps désirait dévorer sa chair, mais étrangement, je ressentais autre chose. Les rares fois où je l'avais prise dans mes bras, sans la mordre, cela me faisait toujours ressentir quelque chose d'étrange. Une partie de moi voulait simplement la dévorer, tandis que l'autre partie voulait juste la tenir sans lui faire de mal... De... Je ne me souviens même pas. Probablement quelque chose d'humain. Cette simple pensée suffisait à m'apporter de l'orgueil, à me faire ricaner. J'étais désormais un démon à cause de ces vermines, alors pourquoi ces pensées ?

Je secoue la tête pour remettre de l'ordre dans mes idées. Même en son absence, (t/p) semblait toujours avoir un impact sur moi. Me provoquer des émotions que je croyais oubliées. Outre sa particularité, qu'est-ce qui la rendait si différente de mes autres victimes ? Je m'étais apparemment attaché à elle. Était-ce de l'amitié ? Non, elle était différente de mes amis. Mais en quoi ? Pourquoi la voyais-je autrement ?

Je voulais comprendre. Outre le fait que mon corps semblait ne vouloir que sa chair, je voulais savoir ce qui la rendait spéciale à mes yeux. Pour cela, il fallait que je la retrouve. Où qu'elle soit, je devais la ramener auprès de moi.

À cette pensée, une douleur fulgurante traverse ma tête, me clouant presque au sol. C'était comme si (t/p) elle-même provoquait ce mal-être soudain. Je repose le livre sur le sol et me relève péniblement. Je regarde droit devant moi, et je vois la seule personne, ou plutôt le seul être au monde, capable de me dire qui l'avait prise, dans quel but, et surtout, où je pouvais la retrouver.

Et je suis prêt à tout.  

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J'espère que vous avez apprécié ce chapitre, et que la psychologie des personnages vous a semblé cohérente. ^^

C'est vrai que Jeff peut sembler vraiment odieux dans ce Eyeless Jack x Reader, mais bon, c'est normal, ce n'est pas un Jeff the Killer x Reader, donc c'est un peu pardonnable, non ? ;-;

Encore désolée pour toutes les fautes que vous avez pu trouver, malgré la correction que je viens de faire. ^^'

Merci pour votre compréhension !

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