somniloquie
Partie 1
Pour autant que je me souvienne, j’ai toujours parlé dans mon sommeil. Quiconque ayant dormi sous le même toit que moi vous le dira. Mes parents, mes frères et sœurs, mes amis, et surtout mes ex. Ils sont aux premières loges. On en riait le matin, puisque la majeure partie de ce que je disais était incohérente, ou dénuée de sens. Je peux vous citer quelques perles : « Il y a trop d’hélicoptères dans la piscine ! » ou « mon ballon est sur le mauvais pied ! ». Ça n’a jamais dérangé personne autour de moi, mes amis et ma famille s’en amusent plus qu’autre chose.
Un jour au boulot, on s’est mis à parler du sommeil. Mes collègues ont raconté quelques-uns de leurs rêves les plus bizarres, et j’ai suivi avec mes anecdotes de somniloquie. Je leur ai déballé les trucs les plus dingues que j’ai pu dire en pionçant, et ça les a tous faits rire. Un de mes collègues, Bill, a vraiment eu un fou rire. Après s’être calmé, il m’a dit que je devrais m’enregistrer en dormant pour qu’ils puissent tous en profiter chaque matin. Franchement, l’idée m’a plu.
Le soir même, j’ai téléchargé une application de dictaphone sur mon portable, et je l’ai posé sur ma table de nuit avant de me coucher. Étant célibataire, et vivant seul, je n’avais plus aucun moyen de savoir ce que je disais en dormant, c’est pourquoi j’ai volontiers suivi le conseil de Bill. J’étais impatient d’entendre ce que ça allait donner. Et ça serait une manière amusante de commencer mes matinées, d’ordinaire plutôt ennuyeuses.
Pendant deux mois, j’ai enregistré pas mal de pépites. Par exemple, une nuit je ne m’arrêtais pas de crier comme si je cherchais à échapper à quelque chose, mais après quelques minutes j’ai dit « Mauvais frigo ! ». Je ne sais pas pourquoi, celle-là m’a fait beaucoup rire. Et elle a eu autant d’effets sur mes collègues.
Cependant, la semaine dernière, le dictaphone a enregistré quelque chose d’étrange. Alors que j’écoutais l’enregistrement à la recherche d’un truc drôle, j’ai entendu un bruit retentissant. Ça ressemblait à une porte violemment claquée. J'ai senti mon cœur manquer un battement en entendant ça. Je me demandais si quelqu’un était entré chez moi.
Ma maison est un petit chalet en périphérie de la ville. Je l’ai eue pour un bon prix en raison de son emplacement et de son âge. Du coup, certaines pièces sont vétustes. Seules deux portes étaient suffisamment solides pour être à l’origine de ce que j’avais entendu : celle du grenier et celle de la cave.
Les caves et les greniers m’ont toujours foutu les jetons. Déjà enfant je n’aimais pas m’en approcher, et c’est toujours le cas en tant qu’adulte. Ils me terrifient. Et ceux de ma maison plus que les autres. Le fait qu’ils soient vieux les rendait plus sinistres.
Mais malgré ma peur, je devais m’assurer que personne n’était dans la maison. Je suis sorti de mon lit, et suis allé directement à la cave, puisqu’elle était plus proche de ma chambre. J’en ai ouvert la porte à contrecœur et je suis descendu dans les profondeurs de ma maison. J’étais nerveux, mais il fallait que je me rassure.
La cave était vide.
Je me suis dépêché de remonter, et je me suis dirigé vers le grenier. Une fois devant la porte, je me suis figé. Autant, les caves ça me fout les chocottes, mais les greniers c’est encore pire. Peut-être parce qu’ils ont toujours été un mystère pour moi. Pour être complètement honnête, je n’ai été dans un grenier qu’une seule fois dans ma vie, et c’était pour aider mon père à descendre les décorations de Noël. Même à l’époque j’étais effrayé.
À cause de ma peur des greniers, j’y ai installé un pêne dormant en emménageant. Ça a l’air con, mais bon, ça m’aide à dormir. En examinant la porte, j’ai remarqué qu’il était toujours verrouillé. Un intrus aurait pu y aller et le refermer en ressortant, mais au moins je savais qu’il n’y avait personne à l’intérieur. Ça m’a servi d’excuse pour ne pas y aller. Je suis retourné en bas, et j’ai essayé de ne plus penser au bruit.
J’ai continué d’enregistrer mes nuits dans l’espoir de trouver de nouvelles pépites. Et j’en ai eu, mais pas celles que j’attendais. La nuit suivant celle où j’ai enregistré le bruit, je n’ai dit qu’une seule chose : « Où es-tu ? ». Je n’y ai pas prêté attention, ce n’était pas la première fois que je disais ce genre de truc.
Je n’ai commencé à m’inquiéter qu’en écoutant l’enregistrement de la nuit suivante. Je m’entendais répéter inlassablement : « Où es-tu ? », mais cette fois c’était accompagné d’un étrange bruit parasite. Ainsi j’avais répété la même chose deux nuits d’affilées, et chopé un son bizarre ? Cet enregistrement m’a quand même un peu déstabilisé, mais je l’ai attribué à une coïncidence et à un bug de mon téléphone.
J’ai rapidement découvert qu’aucune de ces explications n’était valable.
Les nuits suivantes n’ont pas été différentes. À chaque fois, je m’entendais demander « Où es-tu ? », et puis j’avais cet espèce de bruit parasite. Je ne parvenais pas à l’expliquer, et ça me fatiguait. Je l’ai montré à mes collègues, mais ils ne m’ont pas été d’une grande aide. J’ai pensé à arrêter d’enregistrer, mais je sentais que ça serait pire de demeurer dans l’ignorance. Il fallait que je découvre le fin mot de l’histoire.
Et c’est là que les choses ont changé, la nuit dernière pour être exact. Alors que j’écoutais l’enregistrement, j’ai entendu deux choses bien distinctes. En tendant l’oreille, je pouvais discerner des bruits de pas, comme si quelqu’un marchait sur la pointe des pieds. C’était vraiment feutré, mais aucun doute possible. La seconde chose était moi-même, posant toujours la même question : « Où es-tu ? », sauf que cette fois j’ai eu une réponse. C’était un chuchotement, très bas, mais j'ai pu le comprendre.
« Je suis en haut ».
Partie 2
La nuit dernière, j’ai à nouveau utilisé le dictaphone de mon portable. J’ai également décidé d’installer deux caméras numériques, une dans ma chambre, et une en face de la porte du grenier. Après avoir effectué la mise au point sur chacune des deux, je me suis senti confiant. Je n’avais pas le temps pour ces conneries, aussi voulais-je juste en finir. Malheureusement pour moi, ce n’était pas aussi simple.
J’ai dormi toute la nuit, comme d’habitude, mais j’ai fait un rêve étrange. Je sais bien que ce n’est que mon imagination débordante, et que ça n’a rien à voir avec ce qui s’est passé, mais je me sens quand même obligé d’en parler.
Dans ce rêve, j’étais chez moi. J’étais assis sur mon canapé à regarder la télé, quand j’ai entendu un grattement qui semblait venir d’en haut. Naturellement, j’ai supposé que c’était des rongeurs, mais le bruit devenait de plus en plus fort. Ça s’est finalement changé en une série de coups. C’est à ce moment que je me suis levé pour voir ce qu’il en était.
Le temps que je me rende devant la porte du grenier, le bruit avait cessé. Je suis resté planté là un moment, attendant qu’il reprenne. Je n’ai rien entendu du tout pendant ce qui m’a semblé être plusieurs minutes. Puis, sans crier gare, un cliquètement brisa le silence. C’était le pêne qui s’était déverrouillé tout seul. Et c’est là que je me suis réveillé.
Comme je l’ai dit, ce n’était qu’un rêve bizarre, sans importance par rapport à ce qui se passe, mais je ressens quand même le besoin de le mentionner. Je n’ai pas eu d’autre rêve de ce type, et j’ai dormi le reste de la nuit jusqu’à ce que mon alarme sonne quelques heures plus tard.
Après m’être réveillé, j’ai immédiatement rassemblé les caméras et mon téléphone. J’avais hâte de voir s’il y avait des résultats. Et il y en avait, mais ils m’ont laissé avec encore plus de questions.
À la moitié de l’enregistrement, sur mon téléphone comme sur la caméra de ma chambre, je m’entendais demander une fois de plus « Où es-tu ? ». Il n’y a pas eu de réponse, ni de bruit parasite, mais il y a eu un son, retentissant, le même que celui précédemment enregistré. C’était celui d’une porte claquée.
Dès que je l’ai entendu, j’ai attrapé la deuxième caméra pour voir ce qu’elle avait. La porte du grenier ne s’est jamais ouverte. On pouvait toutefois entendre le bruit en arrière-plan, très faible. Etant donné son volume sur chacun des enregistrements, il semblait possible qu’il s’agisse de la porte de la cave. Après n’avoir rien trouvé d’autre d’étrange, j’ai décidé d’aller vérifier une nouvelle fois la cave.
Avec un mélange de nervosité et d’adrénaline, j’ai couru jusqu’à la porte, et je l’ai presque défoncée en l’ouvrant. Je me suis précipité en bas des escaliers et j’ai allumé la lumière. Ça commençait à me gaver de penser que quelqu’un se fichait de moi. Cependant, lorsque la pièce s’est illuminée, elle n’avait rien d’autre à offrir que ce spectacle familier de cave vide, complètement vide. Pas d’intru, et pas de réponse.
Je me suis rendu au travail frustré, en essayant de ne pas penser à ce qui s’était passé. Plus facile à dire qu’à faire. Je n’ai cessé d’envisager différents scénarios toute la journée durant, sans qu’aucun ne soit cohérent. La seule explication qui me venait en tête était qu’il s’agissait d’un esprit, du grand n’importe quoi. Je ne voulais pas accorder de crédit à cette hypothèse, mais j’étais à court d’idées.
J’ai essayé d’en reparler à mes collègues, dans l’espoir qu’ils me rassureront. Mais ça a été le contraire. L’un d’entre eux m’a dit d’appeler les flics et de les laisser fouiller la maison à la recherche de traces d’effraction. Un autre m’a conseillé d’aller chez un ami. Bill m’a dit d’abandonner la maison et de m’enfuir dans les collines. Il blaguait bien sûr, mais ça ne m’a pas rassuré pour autant.
Les choses ont commencé à devenir bizarres lorsque je suis rentré chez moi.
A peine de retour, j’ai balancé ma veste sur le canapé et je me suis affalé dessus, pour décompresser. Immédiatement après m’être assis, j’ai entendu à nouveau le bruit. C’était clair comme de l’eau de roche. C’était le même son que celui de mes enregistrements, mais cette fois je l’entendais en vrai.
J’ai sauté du canapé, et mon regard s’est tout de suite dirigé vers la porte de la cave. On pouvait bien la voir depuis le canapé, elle n’avait cessé d’être dans mon champ de vision. Et même si je ne l’avais pas regardée directement, j’étais catégoriquement certain qu’elle n’avait pas bougé d’un pouce. Pourtant, c’est de là que venait le bruit. La curiosité l’emporta sur ma peur, et je décidai d’y retourner.
Je me suis approché prudemment et j’ai examiné la porte de la cave. Rien n’indiquait qu’elle avait été claquée. Le bois sur son pourtour était intact, et le sol en dessous n’avait pas une égratignure. J’étais désorienté. La seule chose à faire était de retourner à l’intérieur.
J’ai ouvert la porte et descendu les vieilles marches grinçantes pour ma troisième inspection de la cave. Arrivé en bas, j’ai allumé la lumière. Je m’attendais à la trouver vide une nouvelle fois. Et au premier coup d’œil, elle m’a semblé l’être. Cependant, en y regardant de plus près, j’ai remarqué qu’il y avait bien quelque chose de différent.
Au fond, au milieu du mur, il y avait une porte. Ça m’a fait frissonner. Ma cave n’avait pas de porte. J’en étais certain. Je le savais déjà avant d’acheter la maison, avec la visite. Et il n’y avait pas non plus de porte les deux dernières fois. Ça n’avait pas une once de sens.
Je m’en suis approché, abasourdi. Je ne savais pas d’où elle venait, mais je savais qu’elle était à l’origine de ces bruits. Il n’y avait aucune autre explication. Alors que je m’approchais de cette absurdité, j’ai remarqué quelque chose qui m’a donné la chair de poule. J’ai reconnu le bois, le style, et le pêne.
C’était la porte du grenier.
Partie 3
Voir la porte du grenier dans ma cave m'a donné une sorte de vertige. Je ne voulais pas l'ouvrir, j'étais effrayé par ce qui pouvait se cacher derrière. Alors, j'ai remonté les escaliers en courant et je suis allé voir si la véritable porte du grenier était toujours à sa place. Ça m'a surpris, mais oui, elle y était. Je suis redescendu à la cave pour m'apercevoir que la porte que j'avais vue là-bas avait disparu. Avais-je pu imaginer sa présence ?
Pensant que je devenais complètement cinglé, je suis sorti de la cave pour m'asseoir sur le canapé un instant. Je me torturais l'esprit, à la recherche d'une explication rationnelle, mais il semble qu'il s'en soit lassé, car j'ai fini par m'endormir, et c'est là que j'ai fait un autre rêve étrange.
Il était semblable à celui que j'avais fait avant. J'étais assis sur la canapé, regardant la télé, quand j'ai entendu un grattement. La seule différence était qu'il venait cette fois de la cave, qui est plus proche que le grenier. Il s'est amplifié et transformé en battements dont je ne pouvais faire abstraction. Je me suis levé du canapé pour y mettre un terme.
Dans mon rêve, la cave était vide. Pas de porte mystérieuse en vue. Les coups et les grattements avaient cessé quand je suis entré. Je remontais alors les escaliers. Le bruit est revenu, mais venant du grenier. J'y ai couru aussi vite que j'ai pu, mais le bruit s'était déjà arrêté. J'ai attendu. Conformément à mon rêve précédent, le pêne a cliqueté, me signalant que la porte s'était déverrouillée. Contrairement à l'autre rêve, cependant, la porte était légèrement ouverte et une main était tendue. C'est à ce moment que je me suis réveillé.
J'avais mis le premier rêve sur le compte d'un esprit trop stressé, mais de là à le refaire ? Ce n'était pas commun, ou du moins pas pour moi. Entre la porte de la cave, et mes cauchemars bizarres, j'étais perdu. J'ai fini par appeler mon ami John.
John, c'est un excentrique. C'est le type de gars qui croit aux extra-terrestres, aux fantômes, aux théories du complot, à l'occultisme et toutes ces choses. Il ne se contente d'ailleurs pas d'y croire, il les étudie aussi. Il sait plus de choses sur Roswell que j'en sais sur moi-même. Étant un sceptique, j'ai toujours pensé que le nombre impressionnant d'informations qu'il possédait était à la limite de l'inutile. J'ai changé d'avis après avoir vu la porte du grenier apparaître dans ma cave. Si quelqu'un pouvait m'aider, ou au moins m'orienter dans la bonne direction, c'était bien lui.
On a parlé tous les deux pendant des heures. Il était fasciné par ce que je lui avais raconté et n'a pas tardé à échafauder plusieurs théories à partir des éléments que je lui avais révélés. Certaines incluaient un trou de ver, une passerelle vers une autre dimension, ou même un bug (une de ses théories préférées est que le monde dans lequel nous vivons n'est qu'une simulation). Il m'a dit qu'il ne pouvait être sûr de rien sans avoir vu le phénomène par lui-même. Malheureusement, il habitait trop loin pour venir me rendre visite comme ça.
Loin de me laisser les mains vides, John m'a donné quelques conseils pour la suite. Quand je lui ai dit pour la voix que j'avais enregistré et les rêves que je faisais, il s'est penché sur l'idée du fantôme. Il pensait qu'il y en avait peut-être un qui essayait de communiquer avec moi. Il m'a dit de mettre le dictaphone dans la cave et de poser quelques questions à l'esprit. Je pourrais écouter l'enregistrement après pour la voix. Il m'a aussi recommandé de faire la même chose dans le grenier.
Bien que peu convaincu par ses méthodes, je lui ai promis que j'essayerais. Après tout, je ne pouvais pas juste m'asseoir en espérant que la situation se résolve d'elle-même. Je n'aimais pas l'idée de monter au grenier, mais il fallait bien que je tente quelque chose.
Dès que j'ai raccroché avec John, j'ai mis son plan en action. J'ai commencé par la cave.
Je suis descendu à la cave et j'ai lancé l'application pour enregistrer de mon téléphone. J'ai commencé à poser quelques questions, en faisant une pause entre chaque, pour que la chose puisse répondre. Je lui ai demandé des choses banales, comme son nom, son âge et ce qu'elle voulait. Après environ cinq minutes d'interrogatoire, j'ai stoppé l'enregistrement pour écouter.
J'ai dû m'écouter en train de poser ces questions un million de fois, espérant que je distinguerais quelque chose sur l'enregistrement. A mon grand désarroi, personne ne me répondait. L'aventure allait donc continuer dans le grenier.
J'ai monté à contrecœur les marches menant au grenier. Je suis resté un moment à fixer la porter, avant de prendre une grande inspiration et de déverrouiller ce foutu pêne.
Il n'y avait rien dans la pièce, à part les biens ayant appartenu aux anciens propriétaires.
Quand j'ai acheté la maison, elle avait besoin d'être un peu rénovée, pour tout vous dire. Les propriétaires avant moi n'avaient pas le câble, pas l’électricité et la plomberie était plus que douteuse. De plus, ils avaient laissé toutes leurs affaires ici. Je me suis débarrassé de la plupart, mais je n'ai pas touché à ce qui était dans le grenier. Je n'avais pas besoin de cet espace, et je ne voulais pas dépenser plus d'argent pour vider la maison.
J'ai un peu regardé ce qui se trouvait au grenier, curieux de voir ce que, techniquement, je possédais.
C'est ainsi que j'ai trouvé quelques trucs intéressants, comme une vieille carte postale de Paris, un étrange collier pour chien, et un livre sur la sorcellerie. Le malaise a surgit pendant que je parcourais ma nouvelle collection. Le plafond anguleux, les antiquités et la grande fenêtre avec vue sur ma cour donnaient un certain charme à la pièce, mais j'avais toujours cette répulsion pour les greniers.
J'ai appuyé sur le bouton pour enregistrer avant de poser mon téléphone au milieu du grenier. J'ai posé les mêmes questions que dans la cave, mais en laissant moins de temps entre chaque. Je voulais vraiment foutre le camp d'ici au plus vite. Avant d'arrêter l’enregistrement, j'ai pensé à quelque chose. Peut-être que l'esprit allait répondre si je lui posais la même question que dans mon sommeil.
Je me suis éclairci la gorge et j'ai demandé : « Où es-tu ? »
Après cette dernière question, j'ai appuyé sur le bouton stop pour écouter l'enregistrement. Il était presque comme celui de la cave : des questions sans réponses. Ce n'est qu'à la fin, après la dernière question, que j'ai entendu un murmure familier.
« Derrière toi. »
Partie 4
Après avoir entendu la voix, je me suis immédiatement retourné. Il n’y avait rien derrière moi, mais je me suis quand même dépêché de descendre. Cette voix étrange, en plus de renforcer ma phobie des greniers, m’a vraiment foutu les jetons. Je ne pouvais plus supporter de rester seul dans cette maison.
J’ai à nouveau appelé John, et l’ai supplié de venir m’aider. Je lui ai assuré de couvrir les frais du trajet. Il était d’abord réticent, sachant qu’il devrait passer la nuit chez moi, et prendre sa journée. Mais finalement sa curiosité l'a emporté, et après réflexion, il a accepté de venir.
Je l’ai attendu, patiemment, en essayant de ne pas paniquer. Chaque petit craquement de la maison m’alarmait, à tel point que j’ai fini par aller dans ma voiture.
Rassuré dans cette dernière, je ne pouvais m’empêcher d’examiner ma maison. J’ai commencé à me poser des questions, du genre : « Est-ce qu’elle est hantée ? », « Est-ce que les fantômes existent vraiment ? », et ma préférée : « C’est ça qu’est devenue ma vie ? ». Bien que les questions étaient rhétoriques, je connaissais les réponses. Alors que je fixais la maison avec désespoir, j’ai remarqué quelque chose du coin de l’œil.
C’était une silhouette, debout à la fenêtre du grenier.
Bon sang. Qu’est-ce que c’est que ce bordel. Qu’est-ce que je fais ?
C’est tout ce qui m'a traversé l’esprit après avoir vu la sombre silhouette. Après un petit temps, cette dernière s’est éloignée de la fenêtre, hors de ma vue. Une fois partie, j'ai pris le temps de réfléchir pendant quelques minutes.
Puis dans un élan de courage, j’ai choisi de retourner dans la maison, et au grenier. Dingue, je sais, mais c’est ma maison, et il fallait que je montre à cette chose que je n’avais pas envie de rentrer dans son jeu, même si j’étais terrorisé. D’ailleurs, John m’aurait tué si je n’avais pas suivi ce foutu truc.
Confiant mais toujours tremblant, je me suis rendu au grenier. J’ai ouvert la porte avec force, sans hésiter, et j’ai pénétré à l’intérieur d’un pas ferme, comme si je possédais l’endroit. Après tout, c’était le cas. Il n’y avait pas trace d’une silhouette fantomatique, mais j’ai remarqué une subtile odeur de cire de bougie. Pas bien sûr de la bonne marche à suivre, j’ai commencé à parler d’une voix forte et ferme.
« Ce n’est pas votre maison. Je suis fatigué de vos jeux à la con, esprit. Je vous demande de partir sur-le-champ ! »
Je savais que ça n’allait pas marcher, mais c’était presque cathartique. Ça me faisait vraiment du bien de riposter. J’ai fait le tour du grenier, satisfait, en pensant que j’avais vaincu ma peur. Ma gloire fut de courte durée.
Peu après mon petit discours, une rafale de vent a traversé le grenier et m'a frappé comme un bus. Ça m’a presque renversé. Je savais que c’était l’œuvre du fantôme. J’ai essayé de tenir bon, mais j’étais franchement effrayé à ce moment.
J’ai observé impuissant tout le bazar du grenier s’envoler pour former une sorte de tornade de souvenirs. J’allais partir, quand j’ai remarqué quelque chose qui n’avait pas bougé d’un pouce. C’était le livre de sorcellerie que j’avais déjà vu avant. Au moment où je l’ai remarqué, le vent s’est inexplicablement arrêté, et tout est retombé d’un coup au sol. Je me suis avancé jusqu’au livre, curieux de savoir pourquoi il n’avait pas bougé. Alors que je m’en approchais, il s’est ouvert de lui-même. C’était surprenant, mais pourtant je n’y ai senti aucune malveillance. Je commençais à me dire que le fantôme voulait vraiment communiquer avec moi.
La page sur laquelle le livre s'était ouvert était un sort. C’était entièrement rédigé en latin, mais de ce que je pouvais en comprendre, ça avait un rapport avec de la culture de plantes. Désorienté, j’ai demandé de l’aide au fantôme.
« Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? »
Après avoir posé la question, la porte du grenier s'est refermée violemment. J’en ai conclu qu’il voulait que je récite le sort dans le grenier. J’étais toujours désorienté, mais j’étais calme… Je sentais que j’aidais l’esprit d’une certaine manière.
Avant que je ne puisse lire le livre, mon téléphone a sonné. C’était un texto de John :
« Vraiment, vraiment désolé. Je peux pas venir. Mon patron ne me donne pas ma journée demain, et je ne suis pas certain que ma voiture puisse tenir un aller-retour. J’ai besoin de nouveaux pneus, et je ne pourrai pas les acheter avant vendredi. Rappelle-moi à ce moment-là et je verrai ce que je peux faire. Bonne chance. »
Merde.
Même si je ne paniquais plus, c’était toujours rassurant de savoir que quelqu’un arrivait chez moi, juste au cas où les choses tourneraient au vinaigre. Ça ne me plaisait pas, mais j’étais seul. Je l’ai accepté, et me suis à nouveau concentré sur le livre. Il était temps de lancer le sort.
J’ai raclé ma gorge, et commencé à réciter ce qui était marqué dans le livre. J’avais fait du latin à la fac, et même si je ne me souvenais pas de tout, j’en savais assez pour le prononcer correctement. Enfin je trébuchais quand même sur certains mots parfois, ce qui m’a obligé à recommencer quelques fois. Je voulais le faire bien, surtout si c’était vraiment ce que voulait le fantôme.
Après l’avoir récité parfaitement, la porte du grenier s’est ouverte. Je suis sorti en tenant le livre, me demandant si c’était fini. Arrivé au bas des marches, il est devenu rapidement clair que ça ne l’était pas. La porte de la cave était grande ouverte.
J’étais en territoire inconnu, suivant les directives d’un fantôme, et espérant que je les suivais bien. Voir la porte de la cave ouverte m'a convaincu que je devais également y réciter le sort. Je n’étais pas encore certain de la raison, mais je sentais que c’était la volonté de l’esprit. Par conséquent, je me suis exécuté.
Je suis descendu à la cave avec le livre et j’ai allumé les lumières. Un rapide coup d’œil révéla que j’y étais seul, et qu’il n’y y avait aucune porte. Je me suis raclé la gorge à nouveau, et j’ai commencé à réciter le sort, mots pour mots. Honnêtement, j’étais excité. Réciter ce sort me donnait l’impression que je faisais quelque chose pour mon problème de fantôme, et que ça pourrait réellement l’apaiser. Cette fois, je l’ai bien dit du premier coup.
Alors que je finissais le sort, la maison s'est mise à trembler. Quand je dis la maison, je veux dire toute la maison, la cave et tout le reste. Je n’avais jamais vécu de séisme avant, mais ça semblait être la seule explication logique à ce qui se passait. Ce n’est qu’en balayant la pièce du regard au milieu de ce bordel que j’ai compris : c’était le sort.
Là, sur le mur du fond, tremblant avec le reste de la maison, il y avait la porte du grenier. Je me demandais si c’était le sort qui l’avait invoquée, tout en faisant trembler la maison. La secousse a fini par s’arrêter, et je me suis retrouvé seul avec la porte, ce qui confirmait mon hypothèse. J’ai attendu une minute ou deux, pensant que la porte s’ouvrirait d’elle-même, mais ce ne fut pas le cas. Il semblait que je devais l’ouvrir moi-même. Ça ne m’enchantait pas, mais j’étais allé trop loin pour reculer.
J’ai pris mon courage à deux mains, et me suis avancé vers la porte. Je l’ai ouverte, sans peur, comme je l’avais fait en haut. Derrière se trouvait une surprise.
C’était le grenier. Le grenier, d’en haut. Tout était identique, sauf qu’il y avait un homme qui se tenait à la fenêtre. En m’entendant ouvrir la porte, il s'est retourné. Ses yeux se sont écarquillés en me voyant. Il a couru si vite dans ma direction que j’ai à peine eu le temps de reculer d’un pas.
L’homme s'est précipité dans la cave à travers la porte. Il s'est retourné et l'a refermée immédiatement, en prenant soin de verrouiller le pêne. Il s'est tourné vers moi, m'a pris par les épaules, et m'a regardé droit dans les yeux. J’étais perplexe et j’avais peur pour ma vie. Puis il a parlé.
« Merci, merci, merci, merci. Merci infiniment ! »
Après m’avoir exprimé sa gratitude, l’homme m'a lâché et s'est précipité en haut, mais non sans se retourner une dernière fois pour me donner un conseil.
« Quoi que tu fasses, ne va pas là-dedans ! »
Il m’a indiqué la porte du grenier, avant de sortir de la cave. J’ai couru après lui, pour lui poser quelques questions, mais quand je suis remonté, il n’était plus là. Ma porte d’entrée était ouverte, et je pouvais le voir courir sur la route mal entretenue qui menait à la ville.
Et c’était tout. J’ai dormi la nuit dernière sans bruits ni problèmes paranormaux. J’ai même mis en place les caméras et le dictaphone pour être sûr. Ils n’ont absolument rien donné. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je suis sûr d’une chose. L’homme qui est sorti de derrière la porte du grenier n’était pas un fantôme.
C’était une personne vivante, en chair et en os.
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