huggydoll

Bonjour à tous.

J'ai beaucoup hésité avant de publier ici. 
  
Tout d'abord, sachez que je prends de gros risques en décidant de rendre public le témoignage qui va suivre. Non pas que je redoute les représailles contre ma propre personne, mais j'ai une famille. J'ai donc longuement pesé le pour et le contre. 
  
Ensuite, je suis conscient qu'il y a de fortes chances pour que vous ne me preniez pas au sérieux. Après tout, qu'est-ce qu'une "creepypasta" sinon 95 % de fiction et 5 % de réalité ? Beaucoup crieront au fake et je ne peux pas leur en vouloir. Quand on est confronté de loin à l'horreur, on cherche inconsciemment à se persuader qu'elle n'existe que dans l'esprit des autres. C'est plus réconfortant. 
  
Cela dit, j'ai fini par me convaincre que le choix de ce site était le plus pertinent. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'ailleurs, mes publications auraient été trop exposées aux regards malveillants. On me surveille. 
  
Ici en revanche, je pense être à l'abri car mes relations de travail ne fréquentent pas ce genre de sites et de toute façon, je pourrais toujours prétendre en cas de difficulté que mon témoignage est une creepypasta et que par conséquent, il est fictif. 
  
Maintenant, qu'est-ce qui me motive à prendre autant de risques ? A vrai dire, mon objectif est de dénoncer des activités criminelles qui sont l’œuvre d'un groupement organisé et hautement sophistiqué. 
  
A l'heure qu'il est, les auteurs de cette organisation sont toujours en liberté et continuent à se livrer à leur commerce contre nature. Et cette idée m'est insupportable. Du coup, et même si je sais que bon nombre d'entre vous me liront avec scepticisme, je m'adresse à la minorité que je ferai douter : toute aide sera la bienvenue. Si vous détenez ou pensez détenir des informations qui permettraient d'identifier les personnes du récit qui va suivre, je vous prie de bien vouloir me contacter en MP. Je veillerai également à lire tous vos commentaires et à y répondre si besoin.

Maintenant, permettez-moi de me présenter brièvement :
Jusqu'à une période très récente, j'étais commissaire de police dans un petit commissariat de province, dont je tairai le nom pour d'évidentes raisons de confidentialité. 
  
Je bossais à la Brigade de protection de la famille (plus communément appelée "brigade des mineurs"), mais j’ai longtemps été affecté à la Brigade criminelle (la fameuse "Crim"). J'étais alors un abonné aux découvertes macabres et autres dossiers qui vous empêchent de dormir la nuit.  Je ne pourrai évidemment pas dire qu'on s'y habitue mais bon. On apprend à vivre avec et à construire sa propre coquille professionnelle, celle qui vous empêche de trop vous impliquer émotionnellement dans vos enquêtes. Des cellules psychologiques sont mises en place et nous permettent de tout déballer. Ça fait du bien, mais sans plus. 
  
Bref, tout ça pour vous dire que l'horreur, on finit par vivre avec. 
  
Seulement voilà, sept années de bons et loyaux services à la Crim m'ont permis de catégoriser les dossiers morbides selon leur degré d'immoralité. Je précise qu'il s'agit d'un classement fictif issu de mon seul ressenti, et non d'une statistique officielle :

En bas de l'échelon, on trouve la criminalité ordinaire. Meurtre, empoisonnement, viol. C'est insupportable bien sûr, mais très courant et assez classique.
Au niveau intermédiaire, viennent les aggravations. les crimes précités sont alors commis sur des mineurs, des handicapés ou des personnes âgées, parfois dans des conditions sordides.
Enfin au niveau ultime, on assiste à des aberrations. Démembrements à la tronçonneuse, étranglements de la victime avec ses propres viscères, ou encore auto-cannibalisme. 
  
Ce dernier niveau regroupe les cas les plus atroces et heureusement les plus rares.
Toute ma carrière s'est ainsi construite autour de ces trois catégories de ressentis.
Pourtant, lorsque l'affaire "Huggydoll" est survenue, j'ai dû me rendre à l'évidence : il existait une catégorie supplémentaire, la plus élevée dans l'échelle de l'insupportable.

Je l'ai nommée l’innommable" (le jeu de mots est involontaire). Cette catégorie est si invraisemblable qu'elle ne contient que l'affaire précitée, celle dont je vais vous parler maintenant.

Il n'y a pas si longtemps, j'étais de permanence de nuit. Mon équipe et moi avons été contacté par le CIC (Centre d'Informations et de Commandements) , le fameux "17" , "police-secours". Ils avaient reçu un appel inquiétant d'une fillette en pleurs, qui expliquait que son papa l'avait puni avant de quitter la maison familiale en la laissant toute seule. Sa mère était décédée et elle vivait sous la garde exclusive du père. La petite affirmait que l’intéressé n'était pas revenu depuis plusieurs heures, et qu'il ne lui avait donné aucune information sur son éventuel retour. Il n'avait pas non plus pris la peine d'emmener son smartphone avec lui.

Craignant un abandon d'enfant, une équipe a été dépêchée sur place afin de vérifier le sérieux des déclarations de la fillette (les canulars sont très fréquents parmi les appels au 17). Au passage, elle disait s'appeler Sara. 
  
Une fois arrivés sur les lieux, les collègues ont frappé à la porte du domicile, à l'adresse indiquée lors de l'entretien téléphonique. La jeune Sara n'a pas tardé à ouvrir la porte, mais elle affichait, selon le 17, un air fragile et très craintif. Et surtout, elle présentait des ecchymoses au niveau du visage, sous les yeux. Suspectant la présence de blessures plus graves sur d’autres parties du corps de la victime, ceux du 17 ont fini par contacter mon équipe afin de passer le relais. Nous nous sommes empressés de nous rendre sur les lieux. 
  
Dès que mon regard s'est posé sur Sara, j'ai tout de suite eu des bouffées de rage. Voir cette gamine de huit ans, blondinette aux yeux bleus, marquée par des traces certaines de coups, apeurée et angoissée à l'idée de ne plus revoir son paternel qui la battait me révoltait. Si je retrouvais ce fumier, je n'aurais aucun mal à commettre ce que nos bons journalistes appellent communément une "bavure".

Toujours est-il que les traces de violence étaient là, et j'ai donc décidé d'agir en flagrance. Cela signifie que j'avais suffisamment d'indices apparents en ma possession pour perquisitionner le domicile du père de Sara, toujours absent. N'ayant pu joindre téléphoniquement ni le propriétaire des lieux ni son entourage, j'ai fait appel à deux voisins pour assister à la fouille de la maison, conformément à la loi.
  
Pendant que mon équipe débutait son inspection dans le hall d'entrée de la demeure, je me suis employé à rassurer la petite Sara sur nos intentions. Je lui ai déclaré que son papa allait revenir, que nous étions justement là pour le retrouver et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter.

Ce pauvre petit être grelottait de terreur à l'idée d'être corrigé par son géniteur, car elle avait appelé la police et "papa n'aime pas quand je parle avec les étrangers". Je lui ai répondu que c'était une bonne chose que de se méfier des étrangers, qu'on pouvait y remédier et faire connaissance. Je lui ai dit mon nom et lui ai montré une photo de mon fils de neuf ans, glissée dans mon portefeuille.
"Tu vois, je ne suis plus un inconnu maintenant. Tu sais comment je m'appelle, que je suis papa d'un enfant qui a presque ton âge et que je travaille dans la police pour protéger les personnes comme toi".
Je pense que ça l'a un peu rassurée. Elle m'a adressé un sourire timide et s'est essuyée les larmes qui coulaient sur ses joues.

Je lui ai alors demandé si elle savait pourquoi son père avait quitté la maison subitement.
Et c'est là qu'elle a commencé à me parler d'Huggydoll. 
  
Ce terme n'est pas sorti de sa bouche, je l'ai découvert peu après. Sara m'a raconté que son anniversaire approchait. La veille, elle avait vu son père descendre dans la cave avec un gros paquet dans les mains. Ça l'avait remplie de joie, elle savait que c'était son cadeau.

Bien sûr, elle savait aussi que papa n'accepterait jamais qu'elle ouvre sa surprise avant la date d'anniversaire. En plus, la cave lui était interdite, car elle contenait un certain nombre d'objets tranchants qui pourraient la blesser. De toute façon, s'était-elle dite jusqu'à présent, cela lui convenait parfaitement, puisqu'elle avait peur des caves, ces endroits sombres et qui sentaient mauvais.

Oui mais voilà. L'envie était trop forte et ce matin-là, elle avait fini par échapper à la vigilance du père, alors captivé par une retransmission d'un match de foot. Elle descendit donc les escaliers qui menaient à la fameuse cave.

L'obscurité lui faisait peur, mais elle pensait très fort à son cadeau et ça lui redonnait du courage. Elle courut jusqu'en bas des marches en un temps record et fut pleinement contentée : le gros paquet se tenait là, sur le sol, au milieu de la pièce. Il était gros, si gros ! C'était sûr, il pouvait contenir une énorme peluche ou une locomotive avec ses rails et sa gare de départ.

Bon, elle serait peut-être punie pour avoir déballé sa surprise en cachette, mais ça en valait la peine. Elle avait donc déchiré précipitamment le carton et s'était aperçue que l'objet à l'intérieur était emballé dans un plastique avec des bulles.

[Note : Je n'ai appris que bien plus tard, lors de la garde à vue du père (qu'on a fini par retrouver), que Sara s'était mise à hurler depuis la cave. Le père, au courant de ce que sa fille venait de faire, l'avait finalement remontée et "punie", et pour finir était parti en trombe de chez lui en n'emmenant que ses clés de voiture].

A ce stade du récit, j'ai demandé à Sara ce que contenait le paquet, mais elle se recroquevillait devant moi, on aurait dit qu'elle faisait une crise de tétanie. Elle a été incapable de m'en dire plus et j'ai ordonné à une collègue de venir la rassurer à ma place, afin que je puisse inspecter l'habitation. Sara, toujours muette, s'était mise à tendre son bras chétif et à désigner une porte qui faisait le coin, au fond du couloir d'entrée.

Elle serrait les dents et se raidissait.  J'étais habitué à ce genre de réaction et j'ai vite compris que quelque chose l'avait terrorisée dans cette cave. J'ai donc pris un collègue avec moi et ai ouvert la fameuse porte qui menait aux escaliers descendants. La pièce sentait bien évidemment l'humidité, l'éclairage au néon était tamisé et la lampe clignotait incessamment. La représentation classique d'une cave, en somme. Après avoir effectué quelques pas, j'ai effectivement découvert un paquet en carton au milieu de la pièce, déballé et assez grand pour contenir un grand vase. Détail particulier : chaque côté du carton était percé de plusieurs petits trous. 

Mais le paquet était vide.

Au fond du lieu, il y avait une petite table sur laquelle était posé un ordinateur portable, caché par la noirceur de l'endroit. Le PC était en veille et j'eus facilement accès à la session du père, un certain "Mich" (peut-être pour Michel ?). Ce dernier n'avait visiblement pas pris soin de verrouiller sa machine avec un mot de passe. Pratique pour nous, nous n'aurions peut-être pas besoin de réquisitionner un technicien informatique.

Une seule page était ouverte, en poche sur le bureau. Quand j'ai cliqué dessus, je me suis aperçu qu'il s'agissait de sa messagerie Outlook. Son dernier mail reçu d'un expéditeur inconnu indiquait en anglais que sa transaction avait été validée et qu'il recevrait sa commande "Huggydoll" prochainement.

La note était signée "RRC" sans autre précision. 

Pas terrible comme piste. 

Je voulais effectuer une recherche internet, mais le réseau manquait. Il a fallu que je remonte au rez-de-chaussée avec mon collègue pour vérifier si je pouvais obtenir quoi que ce soit d'intéressant à propos de "RRC". 
  
Avant d'entamer une quelconque recherche, mon collègue prénommé Franck m'a interpellé. 

Il a fait un rapprochement entre le mot "doll" (poupée, en anglais) et l'acronyme RRC. 
  
"Je pense savoir de quoi il s'agit, m'a-t-il dit, c'est clairement une cyberescroquerie bien tordue". 
  
Franck a une bonne expérience en matière de cybercriminalité et a passé un temps fou sur le web profond il y a quelques années. 

Quand je lui ai demandé ce qu'il voulait dire par là, il m'a expliqué qu'il était fort probable que l'expéditeur du mail, le fameux "RRC" soit un escroc qui s'inspirait d'une creepypasta pour plumer des acheteurs à la sexualité dérangée. 
  
Il a commencé à me raconter une histoire abominable, une sorte de légende urbaine selon laquelle un forum du web profond, surnommé RRC (pour "real rape community", ou "communauté du vrai viol...") regroupait des membres dérangés qui promouvaient les viols et tortures sur mineurs. 
  
Selon cette légende, l'un des membres de ce forum avait publié un post où il racontait être un chirurgien yougoslave qui était en mesure de fabriquer des sextoys humains avec de vrais enfants vivants. Selon ses dires, il kidnappait des orphelins, leur enlevait bras et jambes, arrachait leurs dents et leurs cordes vocales et les rendait aveugles pour, en bref, en faire de véritables petits esclaves sexuels. 
  
Évidemment, il s'agissait d'une "creepypasta", et donc très certainement d'une fiction. Franck n'a jamais pu trouver un tel forum sur le deepweb, malgré le fait qu’il existe une mention du RRC sur l'hidden wiki (le wikipédia du web profond). 
  
Franck en arrivait donc à la conclusion que l'expéditeur du mail était un escroc qui se servait de la creepypasta du chirurgien yougoslave pour arnaquer des malades mentaux comme Mich, le père de la petite Sara. 
  
S'il avait raison, l'affaire allait s'avérer plus grave qu'un simple abandon d'enfants. On serait sûrement amenés à contacter une cyberpatrouille. 
  
Je n'ai pas eu le temps d'approfondir mes réflexions ni d'entamer des recherches sur le père de Sara, car des hurlements ont soudain jailli de la cave. J'ai instantanément reconnu les voix des deux voisins que j'avais amenés ici comme témoins. 
  
Franck et moi, on s'est bien sûr précipités dans le sous-sol, l'arme de service au poing, prêts à se défendre contre toute menace. 
  
Quand je me suis retrouvé à nouveau dans la pièce humide, devant le paquet vide, je n'ai d'abord rien vu. Le faible éclairage n'aidait pas, et je n'arrivais à percevoir que les pas précipités des voisins, qui se sont empressés de quitter la cave en me bousculant violemment au passage. 
  
J'ai tout de suite demandé à Franck s'il comprenait ce qu'il se passait, et c'est à ce moment qu'il m'a désigné du doigt le fond la pièce, plongé dans les ténèbres. La terre avait été remuée depuis notre première visite, et quelque chose qui y était jusqu'à présent enfoui remontait à la surface. Je me suis agenouillé pour y regarder de plus près. Il s'agissait d'une... couche pour enfant usagée. 
  
 Je restais perplexe : c'était sans aucun doute dégoûtant, mais de là à pousser des cris et à fuir comme l'ont fait nos témoins... 
  
J'allais demander poliment aux voisins de redescendre pour poursuivre la visite des lieux, quand la terre s'est soudainement mise à vibrer près de la couche usagée. Du peu que j'en discernais au premier abord, on aurait pu penser à un petit chien enterré sous la terre et qui cherchait à en sortir. 

Mais non. 
  
On était face au contenu du paquet. Face à ce que Sara avait découvert en ouvrant ce qu'elle croyait être son cadeau. 
  
Face à Huggydoll. 
  

Je vais essayer tant bien que mal de vous décrire la scène qui s'en est suivie, mais c'est très dur pour moi de revivre mentalement cet instant. Je le fais uniquement pour retrouver les monstres qui ont fait ça, et les mettre hors d'état de nuire...
  
Cette chose meurtrie qui sortait du sol de la cave sous nos yeux exorbités avait été ensevelie à la va-vite par Mich, avant son départ précipité. Quand il avait réalisé que Sara était tombée sur son paquet, il avait essayé d'enterrer la chose qui s'y trouvait.
  
Je ne devrais pas la désigner comme une "chose", car il s'agissait bien d'un être humain. Mais c'est comme ça que je l'ai qualifiée intérieurement, la première fois que je l'ai vu. Une chose surgissant du sol et rampant comme un serpent en grésillant. Huggydoll. 
  
En fait, on avait devant nous un buste humain vivant, simplement relié à une tête défigurée. Ni bras, ni jambe, mais des moignons mouillés de pus en guise de membres. 
  
Le corps agité était brulé à 60 % de sa surface, et des lambeaux de chair pendaient encore par ci par là. Du vagin lacéré pendait un cordon ombilical couvert de poussière, rattaché aux restes d'un fœtus de cinq mois en état de décomposition. 
  
Mais je crois que le pire, c'était la tête de la malheureuse victime. 
  
Elle n'avait plus ni cheveux ni oreilles ni nez. La peau du visage avait été intégralement retirée et les muscles rougeoyant étaient clairement apparents. La victime avait eu les yeux arrachés, et on avait placé dans ses orbites creuses des yeux de verre grossièrement peints. Comme ceux d'une poupée au regard exorbité. 
  
Quant à ses dents, elle n'en avait plus, mais ses mâchoires inférieures et supérieures étaient reliées par plusieurs fines tiges de métal qui se dressaient à la verticale. Pensez aux fanons d'une baleine et vous aurez une idée du résultat. 

Le corps dans son ensemble réussissait à se déplacer lentement à la surface de la cave, la victime parvenant à avancer en prenant appui sur son menton. Par des mouvements de têtes répétitifs, elle arrivait tant bien que mal à transporter son tronc, duquel pendait le fœtus. 
  
J'étais peut-être flic, mais rien ne m'avait formé à cet épouvantable spectacle. J'ai été incapable de bouger ou de réagir. Incapable de penser. 
  
Je ne pouvais qu'assister, impuissant, aux tentatives de la poupée humaine de gravir la première marche de l'escalier de la cave avec son menton. Elle grésillait de douleur, mais ne parvenait jamais à monter plus d'une marche. Dans une dernière lamentation lugubre, le petit buste s'est finalement laissé retomber au sol.  La chose venait de mourir.
  
Franck a été le premier à retrouver la maîtrise de ses mouvements et a immédiatement décidé d'appeler les secours. 
  
Après avoir consigné l'ensemble de mes observations en procès-verbal, je fus mis d'office en arrêt maladie, avec l'obligation de consulter régulièrement un psychiatre. Mais cela n'a rien changé. 
  
 Toute les nuits, je me réveille en sueurs avec l'image parasite de ce tronc meurtri, rampant à l'aide de son menton. 
  
Au début, le souvenir de la victime m'effrayait. Son aspect d'épouvante faisait naître de la peur en moi. Mais avec le temps, la peur a laissé place au déchirement et à la peine. 
  
Je n'osais même pas m'imaginer ce qu'avait enduré cet être défiguré, amputé et torturé, transporté dans un carton avec des trous pour qu'elle respire et une couche pour qu'elle se soulage. Elle avait dû accoucher pendant le transport en container, et n'avait d'autre choix que de rester liée jusqu'à sa mort à sa progéniture moisie. 
  
Malgré toute sa souffrance, elle avait essayé jusqu'au bout d'avancer, de fuir, de monter ces marches. Du mieux qu'elle pouvait, elle luttait. Et moi je regardais bêtement, incapable d'agir. 
  
Cette idée m'est insupportable. J'ai très vite fait une dépression et les traitements sont devenus inutiles. 
  
Je ne cesse de pleurer. Je m'en veux. 
  
J'ai appris que des tests biologiques avaient été effectués sur la victime. Elle avait onze ans quant elle a rendu l'âme dans cette cave, sous mes yeux. A ce jour, on n'en sait pas plus sur son identité. 
  
Le père de Sara, Michel Dors, a été retrouvé à la frontière suisse. Il a consenti à s'expliquer sur les circonstances de son départ de chez lui, mais n'en a pas dit plus. Il s'est réfugié derrière son droit au silence jusqu'au bout. 
  
Pire encore, le procureur a décidé de classer cette affaire sans suite. De toute ma carrière je n'avais jamais vu ça. On avait le corps d'une jeune fille de onze ans, qui avait été torturée et vendue au suspect. C'était plus que suffisant pour ouvrir une instruction, mais le procureur n'a rien voulu entendre. Ceux de mes collègues qui ont poussé une gueulante ont été sévèrement rappelés à l'ordre. 
  
L'affaire n'a jamais été ébruitée. Pas de fuite dans les médias, pas de communiqué de presse du parquet. Le silence absolu. 
  
 Ma hiérarchie m'a fait promettre de passer à autre chose, mais j'ai préféré démissionner de la police. 
  
J'ai le sentiment d'être sur écoutes. On me surveille. 
  
 Jamais je ne pourrai m'enlever ces images de la tête. Le calvaire de cette enfant... Qui a été réduite à l'état d'objet, et surnommée "Huggydoll"... 
  
Le père de Sara a été simplement reconnu coupable de violences sur mineurs et n'a écopé que de sursis, assorti d'une interdiction de prendre contact avec sa fille. Il a quand même été déchu de son autorité parentale. 
  
Sara, quant à elle, a été placée dans une famille d’accueil qui apparemment la traite correctement.
  
Je n'en sais pas plus. 
  
Si, une dernière chose, et pas des moindres. Après ma démission, Franck a continué à me tenir informé des  avancées de l'affaire "Huggydoll", avant qu'elle ne soit classée sans suite. Et la dernière découverte qui avait été faite m'a achevé : 
  
Voici un nouvel échange de mails retrouvé sur l'ordinateur de Mich, et adressé à "RRC" un an avant l'envoi de la "commande" (le message a été traduit) : 
  

  
 "De : Mich **********@******.com
  
 A : Unknown 
  
Sujet: Sans
  
 Message : Comme convenu, j'ai déposé le colis auprès de votre contact. J'espère que vous le recevrez prochainement. 
  
Pour répondre à votre précédente question, je vous confirme que je n'ai plus aucune attache avec ledit colis. Les quelques mois passés en sa compagnie ont finis par me lasser. C'est donc sans aucun regret que je consens à m'en séparer, afin que vous me l'optimisiez. Je suis conscient des risques de fabrication et suis prêt à passer outre. 
  
De toute façon, je n'avais obtenu cette marchandise sur le marché noir que pour mieux vous la confier. Personne n'est au courant. Ma femme est morte et ma fille Sara ne sait rien. 
  
J'ai hâte de jouer avec la poupée améliorée que vous vous apprêtez à confectionner à partir de ce que je vous ai envoyé. 
  
Mes sens en palpitent d'avance. 

Dans l'attente de votre retour, 

Bien cordialement. 
  
Mich".   

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top