You're so very special
Un oiseau.
Un oiseau c'était ce qu'elle avait tatoué sur sa nuque. Je l'ai toujours trouvé triste, cet oiseau. Prenant son envol mais comme enchaîné au sol.
Il est tard, je suis fatigué, je ne sais plus trop ce que j'écris. Ce charabia sans queue ni tête que vous ne devez sûrement pas comprendre me permet de faire abstraction (un mot compliqué que Lou m'a appris) du noir qui envahit le monde, à l'extérieur. La lumière décline. Comme j'aurais voulu que ça aille plus vite. Que ce triste jour se termine plus rapidement.
J'ai eu de nombreuses fois l'occasion d'admirer son tatouage. Lou me tournait souvent le dos. Il faut dire qu'elle tournait le dos à beaucoup de choses. Elle n'aimait pas trop la vérité.
Elle n'aimait pas savoir qu'il y a la guerre dans le monde. Elle n'aimait pas savoir que des familles traversent la mer sur des canaux misérables. Elle n'aimait pas savoir qu'il y a des gens comme moi.
Vous savez, j'ai tout fait pour lui cacher qui j'étais vraiment, parce que je savais que la lumière de la vérité lui écorcherait les yeux. Je voulais qu'elle voie encore la beauté de ce monde. Je voulais qu'elle garde les yeux fermés, comme lorsqu'elle dormait paisiblement à mes côtés.
Mais Lou est têtu, elle les a ouvert quand même. C'est arrivé à cause des questions qu'elle me posait sans cesse. "Pourquoi ne va-t-on jamais chez toi ?" "Où habites-tu ?", "Pourquoi ne vas-tu plus en cours ? "Qui est ta famille ?"
Que pouvais-je lui répondre ? Que mon taudis était si misérable que je ne pouvais pas l'y emmener ? Que lorsqu'elle étudiait sagement le français, j'étais dehors, ne vendant pas des choses très légales, parce que j'avais besoin d'argent pour vivre ? Que j'attendais que ma famille ait assez d'argent pour me rejoindre en France, ce si beau pays ?
Il 'y avait pas réponses correctes pour ses questions. Mis à part, peut-être, celle-ci : je ne suis pas né du bon côté du monde avec la bonne couleur de peau.
J'ai préféré ne rien dire. Mon silence l'a blessé. J'ai même essayé de m'éloigner d'elle, parce que je savais que la tristesse est contagieuse et que je ne voulais pas que ma part d'ombre déteigne sur ses ailes blanches.
Il faut croire que je suis égoïste. Je me suis accroché bien fort à elle, j'ai serré son corps contre le mien le plus possible.
Son corps était un lieu saint, son regard une prière et ses ailes invisibles un fragment de ciel. Elle était ma rédemption, elle nettoyait mon âme. Dans mes bras, elle purifiait ma mémoire, effaçant toutes les horreurs que j'avais vues.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top