Chapitre 7 - 心愿

    La première pleine lune de l'an saupoudrait sa mélancolie d'or sur l'océan solitaire. Sur le fil calme de l'eau, deux têtes émergèrent, liées l'une à l'autre par un baiser.

    Wei Ying gorgea ses poumons d'air frais comme un prisonnier évadé. Il sourit en retrouvant la voûte céleste et sa splendeur constellée, l'immensité de l'horizon infini. Une allégresse qui attrista Wangji. Son amour peinerait à les rejoindre.

— Lan Zhan, pourrons-nous revenir...

— Wei Ying. Tu ne pourras plus jamais retourner sur terre.

    Le sourire du jeune homme s'estompa.

— Mais toi...

— Moi, j'ai été béni des dieux. Ce don de pouvoir me transformer à ma guise m'a été offert. Tu...

    Il marqua une pause douloureuse.

— Tu n'es pas prêt.

— Comment peux-tu dire une telle chose après le temps que j'ai passé avec toi dans ton monde ?

— Tu as besoin de la surface. Le contact avec les terrestres te manquera.

— Les terrestres ? Pour que je me souvienne de mon ex-mari ?! Ne te moque pas de moi.

    Wei Ying lui déroba un baiser, les mains logées dans sa nuque.

— Tu es le seul être dont j'ai besoin, Lan Zhan. Ma place est à tes côtés. Ma liberté est à tes côtés.

    Le cœur de Wangji se réchauffa.

— Alors, tu sais ce qu'il te reste à faire. Il sera bientôt minuit.

    Le regard de Wei Ying s'étira au large, vers les rayons sélènes de leur promesse d'union.

— Je le sais...

    Son rythme cardiaque s'accéléra. Il ne connaissait nul acte plus éprouvant que celui qu'il s'apprêtait à s'infliger. La confiance en son amour avait beau être aveugle, il avait peur.

    L'air. L'air précieux...

    En le voyant tressaillir à chaque profonde inspiration, Wangji se sentit coupable. Il le pressa contre lui. Son jeune compagnon possédait le courage de peu d'hommes dans leur Histoire, il espérait de tout cœur que les choses se dérouleraient au mieux. Il n'eût pu endurer un second deuil. Il ne devait pas le perdre. Pas lui.

    Leur étreinte se resserra.

— Lan Zhan... j'ai peur.

— Je sais, bǎo bèi, moi aussi. Mais j'ai foi en toi. Foi en...

— En quoi ? répéta Wei Ying, les yeux miroitants d'étoiles.

    Wangji prit son visage entre ses mains et susurra à fleur de ses lèvres :

— Reviens-moi et tu sauras.

    Dans son regard flavescent, le serment de leur idylle offrit à Wei Ying la force dont il avait besoin. Il déposa un dernier et chaste baiser sur sa bouche salée, puis s'écarta de son torse sécurisant pour s'enfoncer dans l'eau, l'effroi noué au ventre. Lorsqu'il se sentit couler par manque d'expérience, son cœur cogna à tout rompre dans sa poitrine. Les larmes lui montèrent aux yeux, à l'instar de Wangji, en lutte contre lui-même pour ne pas réagir.

    À l'instant où sa mâchoire embrassa le fil de l'eau, Lan Zhan dû se faire violence pour ne pas se jeter vers lui ; il préférait encore le savoir en vie pour cinquante courtes années que de lui ôter à la fleur de l'âge, au nom de l'espoir. Il se mordit la lippe, torturé.

    Son dernier souffle arrivé, Wei Ying livra les sentiments qu'il n'eût su emporter dans la mort.

— Je t'aime...

    Son visage se fit engloutir, une larme se noya avec lui sur sa joue. Wangji le regarda disparaître dans la noirceur océane, les yeux écarquillés et lèvres bordées de sanglots. "Je t'aime". Son cœur se brisa.

    Il serra les dents, horrifié par la confiance que son monde pouvait placer en une superstition millénaire, sans jamais lui-même en avoir observé les miracles. Pourtant, il restait immobile, paralysé par ses propres espérances. Il était peut-être en train de condamner son unique amour. Les sanglots perlèrent.

    Wei Ying coulait lentement vers le néant, la respiration en apnée. Quand bien même il eût voulu remonter à la surface, il ne savait toujours pas bien nager ; il était voué à se noyer.

    Ses yeux s'échauffèrent de larmes. Contre sa volonté de garder son calme, son rythme cardiaque continua à s'emballer, opposé à ce choix contre-nature. Arrivé à bout de ses faibles ressources en oxygène, il prononça son vœu, le plus insensé.

    Ses mots sourds, offerts à la mort, laissèrent l'air s'échapper en un chemin de bulles fatidique. L'eau pénétra dans sa gorge et infiltra ses poumons, sensation de froide brûlure entrecoupée de spasmes incontrôlables. Un sentiment atroce qui ne dura pas, mais fut terrible dans son épouvante. La lune livra son ultime et tragique clarté sur son dernier souffle.

    Adieu, mon amour.

    Une ondée frappa le temps. Un instant, le monde vibra. Wangji sentit son battement. Le cœur de la Terre chantait sa silencieuse harmonie au crépuscule d'une vie.

    Son âme se déchira, ses paupières se refermèrent sur ses larmes. Plusieurs minutes s'étaient écoulées sans qu'aucun miracle ne se fût produit. À quoi bon attendre plus longtemps ? Il devait plonger et affronter la douloureuse réalité.

    Un moment, il songea à reprendre son corps faible de terrestre pour s'infliger le même funeste destin que son tendre humain venait de connaître par sa faute. Il leva les yeux vers le berceau d'étoiles et confia son chagrin à la lune, genèse maudite de passions éperdues.

    La Terre elle-même ne possédait assez d'océans pour pleurer son amour.

    Une brève secousse fila sur l'horizon, éclat imperceptible à l'orée d'argent. La mer frémit. Des ondes naquirent des profondeurs, puissantes. L'ondée fulgura sous ses membres jusqu'à percer les flots d'une émergence grandiose. C'est là qu'il apparut, entre les lames des vagues qu'il venait de fendre.

    Par sa beauté fantastique, son aimé révélait son existence aux cieux. Le bas de son corps, drapé d'écailles pourpres, miroitait à la grâce des astres d'un champ de diamants merveilleux. La parure grenat enrobait ses courbes jusqu'aux hanches, couronnant sa taille par la délicatesse de son esquisse. Sa large et majestueuse queue de poisson battait ses volutes dans l'air, projetant une voie lactée de gouttes étincelantes. Wangji en eut le souffle coupé. Sous son plus sublime apparat, leur vœu scintillait de mille feux.

    La lune avait prêté serment.

    Lorsque son amour chuta de tout son poids, la giclée qu'il reçut en plein visage fut la gifle dont il avait besoin. Il s'immergea aussitôt à sa suite, trop inquiet de n'avoir que rêvé. Dans l'obscurité, il vit fondre sur lui sa créature. La sienne.

    Wei Ying le percuta de plein fouet, joueur, et les fit remonter à la surface dans son élan. Ils replongèrent ensemble dans l'eau et virevoltèrent de longs instants dans le gracieux ballet de leurs deux corps épousés.

    Désireux de savourer le moment, les deux hommes mirent lentement fin à leur valse pour échanger à l'air libre un regard intense, d'une profondeur propre à...

— Notre amour.

— ... Que dis-tu ?

— J'ai foi en notre amour.

    Le visage de Wei Ying s'illumina d'un sourire plus resplendissant que le jour. Leurs fronts s'apposèrent l'un à l'autre. Au cœur d'un murmure, Wangji scella le rêve d'un tout premier « Je t'aime ». Leurs lèvres s'unirent sur leur dessin sacré, la mer embrassée alors que leurs deux corps coulaient ensemble vers leur liberté. Un monde où Réel et Merveilleux s'étaient destinés.



Cette histoire vous a-t-elle plu ? Je me suis beaucoup amusée à vous présenter ce monde et ces corps uniques ! ✨️

Merci pour vos votes et votre fidélité💜

(N'hésitez pas à vous abonner, je publie de nouvelles choses régulièrement 😉)








Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top