Chapitre 20 : De profonds doutes
Le cours avait repris sans attendre, et je m'étais distraitement remis à faire mes exercices.
"Tu es même plus humain que d'autres, Noah. N'en doute jamais."
Cette phrase se répétait encore et encore dans mon esprit. Je n'étais pas sûr de l'avoir réellement comprise. "Plus humain que d'autres". Ce morceau de la phrase réveilla un souvenir dans mon esprit. Après la soirée, je m'étais mis à accuser tous les autres humains de faire preuve d'une inhumanité sans pareille. Ce que m'avait dit monsieur Nëja résonnait un peu comme un écho inversé en moi. C'était compliqué à expliquer.
Puis une nouvelle question, cependant trop personnelle pour être posée, me vint à l'esprit. Que signifiait être un humain, à mes yeux ?
Voyais-je cela comme un ensemble de caractéristiques ou bien comme un état d'esprit ?
En réalité, c'étaient bien deux notions bien différentes qui étaient englobées dans ce terme. Car si tout le monde était physiquement humain, mentalement, certains ne l'étaient pas. Je pensai brièvement à Ylan, à Logan et à toutes ces personnes qui leur ressemblaient. Eux étaient humains sans l'être. Ils n'étaient même pas digne de porter ce mot.
Et moi, qu'étais-je, au juste ?
Cette question me heurta de plein fouet. Depuis ma création, je répétais sans arrêt que je n'étais pas humain. Or, mentalement, je l'étais bien plus que certains, comme l'avait dit monsieur Nëja. Et physiquement, j'appartenais bel et bien à l'espèce humaine. Étais-je donc... humain, malgré le fait que j'ai été fabriqué artificiellement ?
Fortement perturbé, je me remis à faire des exercices de mathématiques sans grand entrain.
J'étais humain... ?
***
— Alors, ta journée ? me demanda Milo quand je montai dans sa voiture, presque gêné.
— Normale et lassante après ce matin, répondis-je simplement.
C'était quand même étrange. Il n'avait fallu qu'un événement à l'infirmerie pour que notre violente dispute de la veille soit oubliée, mise de côté. J'en profitai pour jeter un coup d'oeil à sa main. Elle était bien enveloppée de bandage. Cela me rassura quelque peu.
Comme à mon habitude, je faillis me demander qu'est-ce que j'en aurais eu à faire, de l'état de sa main, mais cette fois, je n'en eus pas la conviction.
Pourquoi donc ? Pourquoi m'était-il de plus en plus illogique de faire comme si Milo n'était qu'un individu parmi tant d'autres ?
Je soupirai brusquement. Je ne comprenais plus rien.
— Tout va bien ? s'inquiéta celui qui occupait intégralement mes pensées.
Je hochai la tête. Je n'avais pas envie de lui parler. Je ne comprenais pas assez la situation pour. C'était comme un exercice de mathématiques auquel il manquerait une valeur primordiale, le rendant impossible à résoudre.
Et bon sang, c'était effrayant.
Une fois qu'on fut rentrés, je montai aussitôt faire mes devoirs et m'avancer pour la semaine. Quand j'eus tout fait, je redescendis dans le salon de lecture, car je savais que Milo s'y trouvait constamment. J'allais y entrer quand la sonnerie de son téléphone retentit. Il décrocha.
— Quoi, encore ?
J'hésitai longuement. Mieux valait-il tenter d'écouter sa conversation ou faire demi-tour ?
— Comment ça, je dois venir ? J'espère que tu te fiches de moi ! Je ne vais pas faire le déplacement pour une simple erreur fiscale, Lys ! Je n'ai pas que ça à faire !
Si je me souvenais bien, Lys était sa sœur aînée. Elle ne m'aimait pas depuis que j'avais jeté un pichet d'eau à la figure d'Ylan.
— Et en quoi ça le concerne ? s'agaça mon acheteur.
Je me concentrai pour entendre ce que disait Lys... et ne fus pas déçu.
"Ton 97, là. Père veut que tu vérifies encore son contrat. Apparement, le problème dans son code s'est en parti résolu."
Je fronçai les sourcils. Pourquoi la sœur de Milo l'appelait-elle pour lui parler de moi ?
— Mais je me fiche des doutes de père, merde ! Je veux juste qu'on me laisse un peu tranquille.
De l'autre côté du fil, Lys semblait commencer à perdre patience.
"Si tu ne te ramènes pas dans l'heure qui vient, je te promets que je vais me connecter à son Écran de contrôle et abîmer son système plus que déjà fait, petit frère."
Quoi... ? Elle disait n'importe quoi ! Il n'y avait que John qui pouvait accéder à mon Écran.
— J'arrive, céda Milo. Mais dès que je te verrai, je te frapperai. Alors commence déjà à te cacher, pétasse.
Je ne l'avais jamais entendu aussi énervé. Comprenant qu'il allait sortir, je me dépêchai de retourner dans le grand escalier et de faire comme si je venais seulement de commencer à le descendre.
— Ah, Noah, m'interpella-t-il moins d'une seconde plus tard. Je dois m'absenter une heure ou deux.
— Pourquoi donc ?
— Un ami veut que je le rejoigne, dit-il simplement en se dirigeant vers la porte. Ne m'attends pas pour dîner !
Il sortit sans plus attendre.
Il y avait définitivement quelque chose qui clochait. Milo avait pris au sérieux la menace de sa sœur sans hésiter une seule seconde. Il n'aurait pas dû.
J'hésitai longuement. La décision que j'allais prendre risquait fortement de faire basculer le quotidien que je partageais avec Milo. Mais finalement, je me décidai.
Je ne pouvais pas faire de recherches sur la famille Wildstone.
Je ne pouvais pas en faire, sauf si je trouvais mon Écran de contrôle et désactivais ce bloquage.
— Désolé, Milo, soufflai-je en me dirigeant vers sa chambre.
J'y entrai sans plus attendre. Je regardai brièvement autour de moi. Où l'avait-il mis ? Je savais que c'était dans cette pièce, maintenant, restait à savoir où.
Essayant vainement de réprimer l'élan de culpabilité qui m'étreignit le cœur, je me mis à chercher un peu partout. Il n'était ni dans sa table de chevet, ni dans son sac de cours, ni dans les boîtes de rangements sous son lit. Je me tournai enfin vers son armoire, et l'ouvris.
J'écartai quelques-unes de ses tenues, cherchant d'abord à travers les cintres sans rien trouver de ce côté là. Néanmoins, l'une d'elle attira mon attention. Elle était enveloppée dans une housse de protection que j'ouvris rapidement. À l'intérieur se trouvait ce qui me sembla être une tenue réglementaire de scientifiques. Sur la blouse, aussi blanche que le reste, se trouvaient son nom ainsi qu'un symbole qui m'était vaguement familier : une sorte de lune croisée avec un soleil.
Se trouvaient également dans la housse des gants en tissu blanc, portant le même symbole que la blouse.
Comprenant que je ne découvrirai rien de plus de ce côté là, je refermai la housse et la remis à sa place, puis je pris la chaise de bureau de Milo et montai dessus pour avoir accès à l'étagère la plus haute de son armoire. Mon Écran de contrôle avait été posé dessus.
Je l'attrapai et remis la chaise à sa place avant de m'asseoir sur le lit de mon acheteur.
Je touchai l'Écran pour le sortir de son mode de veille, puisqu'il ne pouvait pas être éteint. Aussitôt, je fus redirigé vers l'écran d'accueil. Le fond d'écran était simplement d'une couleur bleue marine rayée de noire.
Les applications y avaient été regroupées par dossiers. Il y avait, par exemple, "informations personnelles de l'HC", "réglages", "John Johnson" et plein d'autre encore.
Je cliquai sur le dossier "réglages", puis sur l'application "interdictions". L'écran devint un bref instant gris puis me dirigea sur celle-ci.
Elle se présentait sous la forme d'une longue liste de mots clés, et à côté de chacun se trouvait la mention "interdit / autorisé". En haut à droite de l'écran se trouvait un icône de recherche, et je cliquai dessus.
Il ne me fallut que quelques secondes pour désactiver absolument tout ce que Milo m'avait interdit – aussi dit le fait de me blesser, de blesser un membre de sa famille et de faire des recherches sur cette dernière.
Je sauvergardai tous ces nouveaux choix, puis remis l'Écran à sa place.
Avec appréhension, je sortis de la chambre de Milo. Je me sentais comme un petit enfant ayant fait une bêtise et attendant avec crainte le retour de ses parents.
Je descendis les escaliers, le cœur battant à mille à l'heure, puis me dirigeai vers l'ordinateur qui se trouvait dans le grand salon. C'était la première fois que je désobéissais à un tel point à Milo, et je n'aimais pas ça.
Mais s'il m'avait dit la vérité dès le début, je n'aurais pas eu besoin d'en arriver là.
Une fois assis devant le PC, qui, heureusement pour moi, ne nécessitait aucun code et l'allumai.
J'hésitai longuement avant de taper "Wildstone" dans la barre de recherche.
Un léger rire m'échappa quand, automatiquement, on me suggéra de recommencer ma recherche avec les termes "pierre sauvage".
Retrouvant presque aussitôt mon sérieux – et mon angoisse naissante –, je tapai cette fois "Famille Wildstone".
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Et oui, ce chapitre se finit comme ça, je suis cruelle :)
Mais je suis quand même très fière car personne, et je dis bien personne, n'a encore trouvé le secret de Milo... vous le découvrirez donc dans le prochain chapitre !
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