Chapitre 16 : Honnêteté frappante
Derrière la porte, je devinai que Milo hésitait entre m'écouter et n'en faire qu'à sa tête.
— Noah ?
— Quoi ?
— Je n'ai pas oublié ce que nous avions promis et je ne suis pas un profiteur. Comme tu m'as parlé de ton passé, je vais te parler du mien. Un peu.
Je relevai légèrement la tête en direction de la porte, surpris.
Si j'avais été à sa place, sincèrement, j'aurais fait en sorte de ne jamais lui rappeler cet engagement.
Pourquoi était-il aussi honnête envers moi, même s'il savait que j'étais le premier à tout lui cacher ?
— De quel moment de ma vie veux-tu que je te parle ?
Une part de mon esprit me souffla de le laisser choisir ; il ne m'avait rien imposé et je me devais de faire de même. Or, une autre part me dicta de décider ce que je voulais savoir, et ce fut elle que j'écoutai.
— De ton enfance, avec... Ylan, répondis-je après une longue hésitation. Je veux que tu me parles de la relation que tu avais avec le demi-frère de ta sœur.
— D'accord.
Un léger bruit étouffé derrière la porte m'apprit que Milo s'était assis contre celle-ci. J'allais l'inviter à entrer, avant d'y renoncer. Il aurait vu mon visage encore marqué par ma crise de panique précédente et ne me parlerait pas, étouffé par son habituelle inquiétude.
Ou peut-être que si, puisqu'il était d'une honnêteté incroyable.
— Ylan ne m'a jamais aimé. Je t'ai déjà expliqué à quel point l'histoire de notre famille était tordue, alors je ne la répéterai pas pour ne pas perdre de temps. Mais sache que cet idiot ne m'a jamais supporté, et le fait que je porte le même nom de famille que lui l'exaspérait.
« Pour ne pas perdre de temps » ? Il allait droit au but là où j'aurais essayé de gagner quelques dizaines de minutes.
Pourquoi était-il si direct ? Cela cachait forcément quelque chose.Personne n'aimait parler de son passé, surtout après avoir tenu le mystère sur celui-ci pendant aussi longtemps.
À cet instant, je me contentai de me rapprocher un peu pour mieux entendre sa voix étouffée.
— Nos familles respectives se sont unies quand nous étions à l'école primaire. Je n'étais pas dans la même que Lys, mais dans la même qu'Ylan.
Il s'accorda quelques secondes de silence. J'en profitai pour m'asseoir de mon côté de la porte, adossé contre cette dernière.
{NDA : J'adore également cette scène. Moi, fière de mes idées ? Noooon voyons XD}
— Il a commencé à s'en prendre verbalement à moi quelques semaines après son arrivée. Nous n'étions que des enfants, mais il avait déjà choisi les mots comme étant ses armes favorites. Il trouvait toujours les phrases que je ne voulais pas entendre, celles que je refusais d'admettre.
Sa voix avait légèrement tremblé, mais il toussota pour se reprendre. Cela me troubla de savoir qu'il se trouvait pour la première fois en position de faiblesse par rapport à moi sans pouvoir le voir pour autant.
— Quelques jours plus tard, quand il s'était forgé une ridicule petite bande d'amis, il a commencé à s'attaquer physiquement à moi. Je n'avais personne pour me défendre car étant petit, je n'allais jamais vers les gens pour tenter de me faire des amis. C'est d'ailleurs à cause de ça que j'ai commencé à pratiquer des arts martiaux. Tu sais, ceux dont je me suis servi contre toi avant que tu ne m'en colles une.
Je fronçai les sourcils alors qu'il riait légèrement. Déjà que m'imaginer Milo petit était presque impossible pour moi, l'imaginer faible, craintif et timide m'était impossible. J'aurais parié qu'il avait été ce genre de gamin casse-cou débordant continuellement d'énergie et capable de réciter des slogans de publicité et des noms de Pokémons plus vite que ses leçons.
— Il aimait bien me prendre à part dans la cour puis observer ses amis me frapper, toujours plus violemment, reprit-il soudainement. Il se joignait souvent à eux, mais il préférait largement rire en me voyant pleurer.
— Et tes parents n'en savaient rien ? ne pus-je m'empêcher de questionner.
Il eut un petit rire sarcastique avant de répondre.
— Une fois, je me suis risqué à le dénoncer. Ce dernier, comme le petit chouchou qu'il a toujours été, a crié et pleuré que c'était moi qui l'avais frappé le premier et qu'il avait dû se défendre. Et d'après toi, entre un petit garçon en larmes et un silencieux, lequel a-t-on cru ?
— C'est injuste. Ta famille est débile.
— Si tu savais à quel point c'est minime par rapport à ce qu'ils peuvent faire...
Il laissa planer un long silence.
— La seule solution que j'ai trouvé pour m'éloigner de lui, ça a été de foirer volontairement tout une année scolaire - le CM2 - pour qu'il entre au collège avant moi. Puis à la fin de cette année, j'ai fait ce que mon père a pris pour un caprice pour ne pas aller dans le collège de Zéphyr-sur-mer mais dans un autre, et j'y ai eu le droit. J'ai donc un an de retard sur le programme scolaire normal, mais je ne regrette r... rien.
Surpris qu'il ait buté sur son dernier mot, j'écoutai plus attentivement ce qui se passait de son côté de la porte. Et je compris une chose.
Milo pleurait.
Je me relevai d'un bond, désemparé. J'avais l'habitude de pleurer et de voir les autres s'occuper de moi, mais à vrai dire, je n'avais jamais vu quelqu'un pleurer depuis ma création.
Je ne savais donc absolument pas quoi faire.
Je jouai nerveusement avec mes doigts. Milo pleurait et je n'aimais pas ça du tout, je ne m'en rendais compte que maintenant. J'avais pris l'habitude de le voir souriant et dynamique, or, c'était actuellement tout le contraire.
Extrêmement nerveux, j'ouvris la porte. Milo se releva aussitôt, passant une main sur ses joues pour effacer ses larmes.
— Désolé, je n'aurais pas dû me mettre à pleurer comme ça, fit-il, un peu gêné, les yeux rougis.
Je ne sus pas quoi faire, à part lui jeter un bref regard avant de reporter mon attention sur le sol si intéressant.
Et puis merde, me dis-je alors.
Je m'avançai d'un pas et pris Milo dans mes bras.
— Je n'aime pas quand tu pleures, fis-je.
Après un léger sursaut, il me rendit mon étreinte, posant sa tête sur mon épaule, encore légèrement tremblant après sa crise de larmes.
C'était la deuxième personne à qui je faisais un câlin depuis ma création. Mes pensées s'échappèrent brièvement vers elle... mais je les chassai aussitôt. Je culpabiliserai plus tard.
— Merci, dit-il finalement en reculant.
Son regard était fuyant. Avais-je fait quelque chose de mal ?
— Je n'aurais jamais pensé te faire un câlin un jour, et encore moins qu'un jour tu m'en fasses un, rit-il en me regardant enfin dans les yeux.
Il avait un très joli rire.
Dieux, pourquoi avais-je pensé ça ?!
— C'est décidément une drôle de journée !
J'approuvai d'un hochement de tête.
— J'ai une dernière question, dis-je finalement, le regard rivé vers le sol.
— Je t'écoute.
— Je veux juste... je veux juste savoir pourquoi Ylan se trouvait si près des locaux de John Johnson. Il n'y a presque rien autour. Il n'avait aucune raison d'être là-bas pour un autre que lui, et je ne comprends pas pourquoi.
Je n'avais, jusqu'à maintenant, même pas réfléchi à cet aspect de la situation. Mais maintenant que j'y pensais, c'était plus que louche.
Je relevai la tête vers Milo. Il avait écarquillé les yeux et semblait paniqué. Il réfréna un mouvement de recul, et se contenta de croiser les bras pour se ressaisir.
— Je... ne sais pas. Je n'en ai aucune idée. Désolé.
— Tu mens.
— Désolé.
Et il tourna les talons.
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