1. Crazy Prophecy


 Depuis l'ultime combat contre Killer Queen, les choses avaient repris leur court normal. La petite ville de Morioh et tous ses habitants coulaient des jours paisibles, bercés par un quotidien rassurant, exempt de meurtres, de combats de stand ou de toute autre bizarrerie. Josuke, Koichi et Okuyasu avaient validé leur année de seconde et tout allait pour le mieux.

Le soleil brillait sur la mosaïque coloré que composait les habitations de la ville. C'était enfin l'été. Les touristes commençait à affluer et les rues se gonflaient d'une agitation nouvelle, toute estivale. Josuke flânait près du port, savourant la chaleur des vacances et la douceur de l'insouciance. Son regard d'azur, plus bleu que le ciel, se perdait dans l'horizon et tout en humant les embruns de l'océan, il s'imaginait déjà profiter à fonds du temps qu'il allait pouvoir passer avec Okuyasu.

« Traîner, jouer aux jeux vidéos, trouver des plans pour se faire du fric : à nous la belle vie ! »

Cette seule pensée suffisait à l'emplir de joie. Mais derrière ses préoccupations triviales et légères, se cachaient d'étranges réminiscences. Depuis la défaite de Kira, il repensait souvent à cet instant où Oku avait était frappé par le meurtrier. Ce souvenir, rattaché à la peur viscérale de le perdre à tout jamais, demeurait solidement ancré en lui.

Désormais, il ne mesurait sa chance de l'avoir auprès de lui qu'en comparaison de ce jour où il l'avait cru mort, traînant son corps inerte en pleins combat, espérant toujours, envers et contre tout, qu'il finirait par se réveiller d'un lourd sommeil. Et l'enfoiré s'était bel et bien réveiller, pour finalement débarquer et lui sauver la mise, frais comme un gardon ! Dès qu'il voyait son grand sourire benêt s'illuminer, dès que le grand loubard posait la main sur son épaule en se marrant, Josuke se rappelait que le pire était derrière eux. Mais à chaque fois, lui revenait l'indice de cet intolérable sentiment de perte qu'il avait ressenti en soulevant le corps sans vie de son meilleur ami. Cette rage dévastatrice, ce désespoir aussi noir qu'un gouffre sans fond, jamais il ne serait en mesure d'oublier, peu importe combien de temps il passait en compagnie d'Oku.

Un soupir s'échappa de ses lèvres pleines et charnues tandis qu'il faisait courir un caillou gris sous les semelles de ses mocassins italiens. La pierre roula et rejoignit l'océan, troublant l'onde de quelques éclaboussures.

Son quotidien était désormais aussi calme et plat que la mer qui encerclait le port de ses flots mornes et paisibles. Cela faisait trois mois qu'il ne s'était rien passé, et même si les combats lui manquaient, l'homme d'action qu'était Josuke se satisfaisait de cette période de tranquillité. Pour lui, rien n'était plus important que de savoir sa ville et ses proches hors de danger. Au moins rien ne viendrait menacer ce qu'il chérissait, et surtout pas son impulsif et maladroit meilleur ami revenu miraculeusement d'entre les morts.

Un cri rauque et faiblard l'arracha soudain à ses pensées.

A deux mètres de lui, une vieille femme gisait sur le sol, les affaires de sa lourde valise éparpillées autour d'elle. La pauvre bonne femme qui devait avoir dans les soixante-dix balais tremblait en grimaçant, le regard rivé sur sa cheville. De part son grand âge et sa maladresse, elle lui rappelait son père gâteux.

« Pourquoi les vieilles personnes ont toujours l'air aussi vulnérables, aussi démunies ? »

Pris de compassion, Josuke s'approcha de la vieille dame. Il s'accroupi nonchalamment et commença à rassembler ses affaires dans sa valise.

- Vous n'avez rien de cassé ? Lui demanda t-il d'un ton empli de politesse et de bonté.

- Oh mon petit, comme c'est aimable. Malheureusement je crois bien que si. Ma cheville me fait un mal de chien... Je ne sais pas comment je vais faire pour embarquer. Ma petite fille va accoucher et je dois absolument rentrer. C'est pas tous les jours qu'on devient arrière grand-mère. Oh quelle tuile, saloperies de lunettes. Depuis le temps que je me dis qu'il faut que j'aille les changer, mais vous savez comment sont les choses... Un jour on a trop mal au dos, le lendemain c'est les articulations qui...

Ni vu ni connu, pendant que la vioque lui racontait sa vie, Josuke en profita pour la soigner avec Crazy Diamond. Et une fois qu'il eut ranger tous ses effets personnelles, il lui tendit la main.

- Peut-être que ce n'est rien. Essayez de vous mettre debout pour voir.

Devant son beau visage particulièrement jeune et avenant, la vieille manqua de s'empourprer comme à l'heure d'une seconde jeunesse. La grande main qu'il lui tendait était chaude et douce, à l'instar de son sourire.

- Ouf. Merci mon ptit. En effet, je n'ai plus mal. La douleur a totalement disparue. Fit-elle en plissant les yeux de gratitude.

- Vous allez pouvoir retrouver votre petite fille dans les temps. Faites bien attention à vous obasan.

Il voulut prendre congé pour repartir mais la main de la vioque demeurait serrée autour de la sienne. La pauvre s'était soudain crispé, le regard perdu dans le vide. Et d'un coup ses cheveux s'étaient dressé sur sa tête et ses yeux s'étaient révulsés, ses orbites blanc semblant flotter dans un halo violet très caractéristique. Josuke reconnut immédiatement l'aura. A n'en pas douter c'était celle d'un stand !

- Vous avez un problème ? Demanda t-il soudain sur ses gardes, hésitant entre l'inquiétude et la méfiance.

Pour toute réponse, l'ancêtre se mit à trembler, comme parcouru de décharges électriques, avant de lui annoncer d'une voix profonde, vibrante :

- Higashikata Josuke ! Je vois que tu as le cœur pur et courageux. Toi seul pourra sauver Morioh du mal qui va s'abattre sur elle. Cependant, prend garde jeune protecteur, les dangers que tu affronteras seront sans précédents et si tu ne veux pas perdre celui que tu aimes, tu devras redoubler de vigilance et de stratégie ! Méfies toi de la femme en rouge, habillée de meurtres et de sang.

« NANI ?! Cette vieille ! Serait-il possible que son stand lui permette de voir l'avenir ?! »

Josuke n'avait pas perdu une miette de l'inquiétante prédiction et l'image d'Okuyasu s'était imposée à lui dès que la mami avait prononcé les mots : « si tu ne veux pas perdre celui que tu aimes ».

La mâchoire serrée, d'apparence patient mais pas moins préoccupé, il attendit que la vieille retrouve sa contenance avant de l'assaillir de questions :

- Obasan ! Raconte moi en détail ce que tu as vue ! Que va t-il se passer ? A quoi ressemblait cette femme en rouge ?!

- Je peux faire bien mieux que te raconter. Je peux te transmettre ma vision, te la montrer dans tous ses détails. Cependant je préfère te prévenir, je suis vieille et mon stand n'est plus ce qu'il était. À l'image de ma mémoire, mes visions s'envolent et tendent à devenir éphémères. Dès que tu auras vus mes prédictions, elles n'auront de cesse de s'estomper de ta mémoire. En revanche, par un phénomène de suggestion et d'induction que je ne m'explique pas, ton instinct et ton intuition garderont la trace de ce que tu auras vu et tu pourras peut être empêcher que ne se réalise ma sombre prophétie.

L'impétueux jeune homme serra les poings et d'une voix grave et déterminée, il répliqua sans ambages :

- Alors allez-y. Montrez moi.

L'ancêtre lui prit alors le visage entre ses mains frêles et posa son front fripé contre le siens. Elle activa son stand en murmurant « Futur Cloud » et prise dans l'écrin d'un nuage mauve, la vision voyagea de son esprit vers celui de Josuke.

Plusieurs flashs l'assaillir aussitôt à une vitesse fulgurante, sans liens apparents entre eux, comme des bribes de souvenirs coupés à la machette :

Une nuit lugubre. Une lune de sang éclairant la ville. Un chien hurlant à la mort sous la lumière vacillante d'un vieux réverbère. Un couple égorgé sur un banc, leurs ventres vidées de leurs intestins. Et au loin, une silhouette féminine, ceinte d'une robe pourpre, se parant d'une écharpe de boyaux et s'éloignant en laissant retentir derrière elle une traînée de rires enfantins à l'écho malsain.

Puis, cédant à l'horreur, d'érotiques images, accompagnées de l'affolement de ses sens :

Okuyasu totalement nu, émergeant d'un nuage de vapeur. Son corps contre le siens, pris en tenaille entre lui et la vitre d'une porte de douche. Ses lèvres gémissant adorablement sous les siennes. Ses fesses musclées se trémoussant contre son sexe au bords de l'implosion. L'intense plaisir de le pénétrer, de le faire sien.

Ce flash qui n'avait duré qu'une seconde avait bouleversé la conscience de Josuke. Il aurait voulu que cet instant se fige dans l'éternité, avide d'encore ressentir les sensations délicieuses et inédites misent en exergue par la vision. Malheureusement, la prédiction avait suivi son cours, revêtant un tour bien plus funeste :

Okuyasu errant dans la nuit. Ses yeux devenus rouges, comme possédés. Un zoom sur sa nuque perforée de deux profondes morsures. Okuyasu dans son salon, affublé de crocs monstrueux, menaçant de mordre sa mère. Puis le drame... Okuyasu entre ses bras, un pieu enfoncé dans le cœur, reprenant lentement forme humaine. La vie d'Okuyasu glissant entre ses doigts impuissants. Ses propres bras serrés fermement autour de lui, sa propre voix se brisant en une litanie de pardons. Ses larmes tombant sur les joues blafardes de son amant. Les yeux d'Oku, vides et éteints, aveugles pour l'éternité. L'envie de mourir. De le rejoindre...

C'est à ce moment là que l'ancêtre relâcha le visage en sueur d'un Josuke mortifié.

- Ouf ! Je t'avoue que je suis bien contente d'être débarrassée de cette horrible vision. Dans quelques minutes, nous l'aurons oublié tous les deux. Si j'étais toi je me hâterai d'aller la noter quelque part avant que tu n'aies tout oublié. Même si ton instinct et ton intuition se souviendront, en avoir une trace pourrait t'être très utile.

Encore sous l'effet de l'adrénaline et du désespoir, Josuke se mit à courir comme un dératé jusqu'à la supérette la plus proche. Fendant la foule comme une lame de fond, il sentait les souvenirs s'ébranler, les petit détails disparaître de plus en plus à chaque foulée, à chaque seconde. Une fois passé les portes du magasin, il sauta par dessus le tourniquet en ferraille de l'entrée et se rua dans le rayon papeterie. Sous les yeux médusés des autres clients, il arracha sauvagement l'emballage d'un paquet de stylo, choppa un carnet et griffonna dessus comme si sa vie en dépendait.

Au moment où la pointe du stylo quitta la feuille de papier, il n'avait plus aucune idée de ce qui l'avait poussé à se précipiter dans la supérette. Profondément confus, il pouvait sentir les regards méfiants et accusateurs de la clientèle. Une femme avait même poussé son enfant à avancer en murmurant que par précaution, il valait mieux s'éloigner de « ce voyous de seconde zone ».

- Gomennasai ! lança Josuke en s'inclinant profondément devant l'ensemble des clients qui ne tardèrent pas à retourner remplir leurs cadis.

Une fois seul, il se retourna, observa autour de lui pour repérer un éventuel manieur. Il ne vit rien ni personne. Pourtant ses sens aiguisés lui hurlaient de rester sur ses gardes, comme à l'approche d'un danger imminent. C'est alors qu'il observa le calepin écrasé dans sa paume avec un foutue mauvais pressentiment.

« Mais qu'est-ce que je fous avec ça dans les mains ? Pour que je me précipite comme ça, ce devait forcément être important. »

Et quand il vit la première page, il eut la confirmation en reconnaissant sa propre écriture :

Femme en rouge. Okuyasu. Vampire. Danger.

Sans l'ombre d'un doute, il avait lui même griffonné à la hâte ces quelques informations. Et même si pour l'instant elles ne semblaient avoir aucun sens, il sentait au fonds de lui qu'il devait y prendre garde et qu'un malheur prochain allait s'abattre sur lui et sur la ville. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top