― 𝟏𝟓 ―


Choi San n'avait pas revu ni reparlé à Wooyoung depuis quatre jours. Et il ne comptait pas refaire le moindre pas vers lui, le chef de gang avait trahi sa confiance et l'avait profondément blessé. Comment pourrait-il le pardonner ? Il aurait bien besoin de Wooh, là, maintenant, mais toujours aucune trace du chien.

Le garçon venait de terminer de planter ses pousses dans la serre et avait réhybridé plusieurs plants qui attendaient gentiment dans son incubateur. Alors il avait un peu de temps à tuer aujourd'hui. Il avait longuement réfléchi à l'offre du laboratoire de Chicago. Et plus il y pensait, plus ça lui semblait être une opportunité en or. D'une part, ça lui rapporterait de quoi consolider son affaire, puis d'autre part, ça lui apporterait de la visibilité et de la reconnaissance.

Alors dans l'après-midi, il décida de monter sur son vélo et de rouler jusqu'au fameux centre de recherche. Il ne lui fallut qu'un quart d'heure pour y arriver, il accrocha son vélo à une rambarde et entra dans le bâtiment. Évidemment, il n'était jamais venu ici et n'avait aucune idée d'où se rendre. Heureusement, il aperçut un comptoir d'accueil dans l'angle du hall. Comment s'appelait la dame qu'il avait eu au téléphone, déjà ? Abigail ? Adam ?

― Bonjour madame, je m'appelle Choi San. J'ai eu Abigail Adam au téléphone il y a quelques jours, elle m'a demandé de passer. Est-ce qu'il serait possible de lui parler ?

― Oh Abigail, oui elle devrait être au labo G3 aujourd'hui. Je vais vous indiquer le chemin.

Deuxième étage. Tourner à gauche. Continuer le long du couloir...

San suivait les indications de la standardiste et finit par arriver devant la porte du laboratoire G3.

C'est là.

Il poussa la porte et entra dans la pièce. Celle-ci était remplie de microscopes, éprouvettes, et autre matériel scientifique. San adorait ce genre d'endroit. Un homme s'avança vers lui en le remarquant.

― Bonjour, est-ce que je peux vous aider ?

― Bonjour, je cherche une certaine Abigail Adam.

― Oh, oui, Abigail c'est pour toi - lâcha l'homme en se retournant vers une femme occupée à rincer des tubes dans l'évier au fond de la pièce.

Celle-ci avança jusqu'à San et ce dernier put lire son nom sur le badge accroché à sa blouse. Elle avait l'air plutôt jeune, elle devait être vraiment douée pour avoir réussi à obtenir le rang de cheffe généticienne.

― Bonjour. Choi San, on s'est eus au téléphone il y a quelques jours - se présenta le brun.

― Oh, bonjour M. Choi ! Merci d'être venu, j'imagine que notre offre vous a séduit ?

― Je dois admettre qu'elle est très intéressante. Je voulais en discuter avec vous plus en détail avant de prendre une décision.

― Bien-sûr. Que diriez-vous de commencer par faire un petit tour du laboratoire ? Nous pourrions vous donner accès aux locaux quand nécessaire si vous acceptez le contrat.

― Oh woah, avec plaisir !

La jeune femme entama la visite des locaux destinés aux recherches génétiques tout en exposant à San le projet médical du laboratoire et discutant avec lui des termes du contrat. Ses arguments étaient très attirants et le jeune homme se voyait déjà utiliser tout ce matériel de pointe. Il pourrait développer ses croisements tellement plus efficacement que dans son laboratoire ridicule.

Abigail fit ensuite plus ample connaissance avec le garçon, lui demandant des informations sur son parcours professionnel ainsi que sur son projet de fleuriste.

― Oh, voilà M. Turner, le directeur du centre de recherche - annonça la généticienne en voyant ce dernier entrer dans la pièce.

Celui-ci s'approcha pour les saluer. L'homme était grand et bien en chair, large et robuste. Il portait des lunettes fines, avait le crâne rasé de près ainsi qu'une moustache blanchie par son âge. San jeta un œil à son badge.

Otis Turner, directeur général.

― Voilà le jeune homme dont je vous ai parlé, Choi San.

― Oui, le botaniste ? Enchanté, Otis Turner - dit le directeur d'une voix grave en serrant la main du brun.

― Enchanté.

― M. Choi était en train de me dire qu'il avait développé son premier hybride à dix-neuf ans alors qu'il travaillait au laboratoire de Carson City.

― Ah vraiment ? C'est impressionnant - lâcha l'homme d'un air admiratif.

― Oui, j'ai travaillé pour eux durant quatre ans. J'ai beaucoup appris à leurs côtés.

― Et alors, que dites-vous de vous associer avec nous ?

― Je suis flatté par votre offre et c'est vrai qu'elle me fait très envie mais j'aimerais encore y réfléchir un peu avant de vous donner ma réponse.

― D'accord, nous pouvons vous accorder quelques jours de réflexions.

― Oh, et notez aussi que votre nom sera mentionné dans les rapports et qu'un article vous sera dédié en cas de réussite. Ils vous offriraient une visibilité professionnelle non négligeable - ajouta Abigail d'un air convaincant.

― Très bien, je vais prendre tout ça en compte. Merci beaucoup de m'avoir accueilli.

― En espérant vous revoir dans nos locaux - répondit M. Turner avec un sourire en serrant à nouveau la main de San, cette fois pour lui dire au revoir.

Le jeune homme rentra chez lui, heureux de son entretien avec Abigail Adam. Elle lui était apparue aimable et professionnelle, et il ne voyait pas de raison de refuser leur proposition.

San arriva dans son allée et rangea son vélo contre la façade de sa maison. Il leva la tête vers le ciel et remarqua que celui-ci s'était grisé. Il allait probablement se mettre à pleuvoir pour le reste de la soirée. C'est à cet instant qu'il entendit grogner le moteur du pick-up qui était en train de rouler jusque devant chez lui.

Wooyoung en descendit, un air craintif collé au visage. San le regardait s'avancer en fronçant les sourcils et en soupirant longuement.

Putain, quel emmerdeur.

Le chef de gang avait attendu quatre jours avant de revenir le voir, espérant probablement que San ait retrouvé son sang froid pour parler avec lui de manière plus raisonnable.

― Salut... - dit-il peu sûr de lui.

― Je t'ai dit que je ne voulais plus te voir - lâcha sèchement San en s'apprêtant à rentrer à l'intérieur.

― Attends, je sais que tu es en colère contre moi, et c'est totalement justifié. Mais j'espérais pouvoir m'expliquer à nouveau et... m'excuser.

S'excuser ? San n'était absolument pas prêt à le pardonner. Pourquoi le ferait-il, Wooyoung s'était joué de lui du début à la fin. Mais le garçon se stoppa tout de même et écouta ce que le chef de gang avait à lui dire.

― Voilà... Je te présente mes excuses. Je comprendrais que tu ne me pardonnes pas, mais j'aimerais pourtant vraiment que tu le fasses... Parce que j'ai aussi été honnête sur beaucoup de choses. Comme sur le fait que je tiens à toi. Que j'ai besoin de toi. Et que je te protégerai jusqu'à ma mort.

― Et comment je pourrais être sûr que tu ne me mens pas ? J'en ai déjà rencontré des gens comme toi, des manipulateurs qui n'attendaient de moi que mes idées scientifiques ou mon cul.

― Je... Je ne suis ni là pour tes idées scientifiques, ni pour ton cul... Je suis là pour toi, San. Pour tout ce que tu es. Tout ce que... - Wooyoung parut soudain troublé et se stoppa dans sa phrase. Ce que... Euh... San, tu...

L'homme aux cheveux noirs se rapprochait doucement du brun en reniflant devant lui puis il se mit à le sentir lui, se penchant en avant et traçant un chemin jusqu'à sa main droite.

― Qu'est-ce que tu fous ?? - lâcha San en retirant sa main et en essayant de se reculer, mal à l'aise et légèrement effrayé par le comportement du chef de gang.

― Tu as rencontré Aaron ?? - répondit Wooyoung en se redressant, fixant le jeune homme avec de grands yeux paniqués.

― Aaron ? Non, je ne sais même pas qui c'est.

― Grand, chauve, une moustache grisonnante !

― Écoute Wooyoung, ma vie ne te concerne plus. Alors laisse-moi tranquille - lâcha San en marchant jusqu'au porche de sa maison, fatigué des petits numéros du chef de gang.

Ce dernier le suivit de près en le suppliant de l'écouter.

― Attends San, c'est le baron de la mafia !

― Puisque je te dis que je n'ai rencontré aucun Aaron ! Salut Wooyoung - s'impatienta le jeune homme en fermant brusquement la porte derrière lui.

✧          ✧          ✧

― Qu'est-ce que tu lui veux !? - rugit Wooyoung en entrant en trombes dans le bureau du baron.

Celui-ci releva la tête de ses documents d'un air étonné et dévisagea le chef de gang.

― Il faut que tu sois plus clair quand tu t'adresses à quelqu'un, Wooyoung.

― Choi San ! Si tu lui fais le moindre mal je te butte, c'est assez clair pour toi !?

Aaron se mit à rire, donnant à Wooyoung la folle envie de l'étriper.

― Pas besoin de t'emporter, j'ai simplement tenu à rencontrer la tapette qui te fait remuer la queue.

― Ne parle pas de lui comme ça !!

― Tu couches avec lui pour son cul ou parce qu'il a réussi à te faire croire à un avenir heureux ? Ce garçon te rend faible et vulnérable, c'est pathétique.

Wooyoung s'avança jusqu'au bureau auquel Aaron était assis et plaqua ses poings sur le bois dans un bruit sourd. Il dévisagea le vieil homme d'un air féroce, retroussant légèrement ses lèvres en sentant ses crocs sur le point de sortir.

― Tu nous as espionnés ? Pourquoi ?

― Tu n'as pas besoin de savoir ce que je fais ni pourquoi je le fais. Contente-toi de suivre les ordres.

― Je ne suivrai pas tes ordres si je ne les cautionne pas. Et encore moins si tu manigances quelque chose sur Choi San.

― Ouvre les yeux, Wooyoung. Tu es un chien sauvage mais tu es en train de te laisser domestiquer par ce garçon. Et tout ça pour quoi ? Pour quelques marques d'affection ?

― Ne te mêle pas de ça, tu ignores tout de ma relation avec lui.

Le chef de gang bouillonnait de l'intérieur. Comment Aaron osait-il juger sa vie, son humain, et ses sentiments ?

― Wooyoung, tu appartiens à la rue. Ta vie est parmi les gangsters. Tu ne pourras jamais comprendre ce qu'est l'amour. Alors tu ferais mieux de te concentrer sur ta mission au lieu de perdre ton temps avec ce pédé.

C'en était trop, le chef de gang enjamba le bureau et se jeta sur Aaron, l'attrapant par le col avec rage.

― Je vais te buter !!

Malheureusement, les gardes du corps intervinrent avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit et Wooyoung se retrouva dehors quelques minutes plus tard. Il était fou de rage. C'en était trop. Il ne pouvait plus supporter cet enfoiré. Aaron avait beau faire partie de la meute, il était allé trop loin.

Et il allait le regretter.

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― Je n'aurais pas dû l'énerver - marmonna Aaron à son conseiller en se servant un verre de whisky dans son bureau.

Il s'avança jusqu'à la fenêtre et fixa l'horizon, une main dans la poche et l'autre tenant son verre.

― Vous craignez qu'il se retourne contre vous ? - demanda l'homme en costume en restant debout à côté du bureau.

― Il le fera. J'ai toujours su qu'un jour arriverait où je serais forcé de m'occuper de son cas avant qu'il ne s'occupe du mien. Malheureusement pour lui, il a choisi le mauvais moment pour me menacer. Parce qu'à présent, il a un point faible.

― Choi San.

― Exactement. Ne perdons pas de temps, il est l'heure de passer à la manière forte. Préparez un fourgon et trois hommes pour demain.

― Très bien. Vous croyez que Jung Wooyoung va venir ?

― J'en suis certain.

Aaron soupira longuement et but une gorgée de son whisky.

― J'aurais dû être plus strict avec lui. Il était un atout de taille pour nos affaires. Malheureusement, il s'est laissé pousser des ailes et a oublié qu'il ne restait qu'un... clebs.

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Wooyoung passa une nuit agitée. Il avait déclaré la guerre à Aaron, San le détestait toujours, et ce dernier était probablement en danger. Le chef de gang se retournait dans son lit, réfléchissant à ce qu'Aaron pouvait bien être en train de manigancer. Il passerait voir San demain matin, à la première heure. Il devait absolument avoir une conversation avec lui et s'assurer qu'il ne risque rien.

Le chef de gang finit par trouver le sommeil et se réveilla à 8h30 le lendemain. Il sauta de son lit, enfila un jean, un t-shirt et une veste, puis il fila en direction de la maison de San.

Arrivé là-bas, il se précipita jusqu'au porche et frappa quelques coups puissants contre la porte.

Allez, ouvre...

Il frappa à nouveau mais personne ne vint lui ouvrir. Aucun bruit à l'intérieur de la maison. Wooyoung jeta un œil sur le côté et aperçut le vélo de San posté au même endroit que d'habitude. Peut-être était-il parti se promener ? C'était ce qu'il espérait. Pourvu qu'il ne se soit pas fait enlever par la mafia... Le cœur de Wooyoung s'affola doucement tandis que son esprit se mettait à imaginer le pire concernant le brun.

Il décida de faire le tour de la maison et finit par remarquer des empruntes de pas dans la boue. Il se baissa pour les renifler et son cœur fit un bond alors qu'il reconnut l'odeur des hommes de Aaron.

Il remonta dans sa voiture et retourna à toute vitesse à son QG.

― Jackson, je veux tout le monde ici dans deux minutes. Préparez-vous et armez-vous - débita-t-il en traversant la salle commune d'une traite.

― Qu'est-ce qu'il se passe ?? - demanda le concerné en se levant rapidement du canapé, comprenant l'urgence dans le comportement de son chef.

― Je vais vous expliquer, mais grouillez-vous - répondit Wooyoung en empruntant le couloir d'un pas pressé.

Il entra dans sa chambre et enfila un fin gilet pare-balles par dessus son débardeur puis un t-shirt. Il cacha un revolver à l'arrière de son pantalon et en coinça un deuxième dans sa ceinture puis il retourna dans la salle commune. Les membres de son gang étaient en train de s'y amasser.

Il s'assit sur l'accoudoir du canapé les bras croisés en attendant que tout le monde soit là. Quand son gang fut au complet, chacun restant planté là devant lui en le fixant silencieusement, Wooyoung se redressa et prit la parole.

― Bien. Choi San a été enlevé... Par Aaron. Pour ceux qui ne le savent pas, San est... C'est l'homme auquel je me suis lié.

Des murmures étonnés se firent entendre dans la foule. Le gang comptait dix-sept membres, et seuls Jackson, Will et Felix étaient au courant de l'importance qu'avait San pour Wooyoung.

― Aaron et moi avons eu un différend, hier. Nous sommes maintenant en guerre avec lui. Il sait que je ne laisserai jamais San entre ses mains et c'est probablement la raison pour laquelle il l'a enlevé. Et il a raison, jamais je n'abandonnerai San entre ses sales mains.

― Donc tu veux qu'on aille là-bas en sachant qu'il s'agit d'un piège pour t'attraper ? - demanda Ruben.

― Ouais. Je vais d'abord entrer avec Jackson et Will de manière pacifiste, on cachera nos armes. Le reste, vous attendrez postés dehors. Je vais tenter de discuter avec lui et voir ce qu'il attend de moi. S'il ne veut pas discuter, on passera à la manière forte. Vous interviendrez que si vous entendez des coups de feux ou que je vous envoie un message.

― Tu vas essayer de tuer Aaron ? - lança Felix.

Il y eut un léger silence.

― S'il menace la vie d'un de mes amis, alors oui. Je serai forcé de le tuer.

𝐂𝐎𝐍𝐂𝐋𝐔𝐒𝐈𝐎𝐍 𝐃𝐔 𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟓 :
Aaron est chauve.

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