Chapitre 2
J U S T I N E
Je suis dans mon atelier en train de peindre quand j'entends la sonnerie de mon téléphone. Je dépose mon pinceau tout en jetant un coup d'œil à ma toile. Je crois bien que je n'ai jamais mis autant de cœur dans mes œuvres. Je m'essuie les mains sur ma blouse et fais encore un pas en arrière. J'y suis presque. J'attrape un torchon propre, enroule un bout autour de mon doigt et décroche de cette façon.
— Enfin, j'arrive à t'avoir, s'écrie Éva.
Inquiète, je suis aussitôt sur le qui-vive.
— Qu'est-ce qui se passe ?
— Mon déménagement, Justine. Il se passe que je déménage aujourd'hui et tu n'es pas là.
Oh, merde ! Je jette un coup d'œil à l'horloge dans l'atelier. Je ne devais pas m'y rendre ce samedi, mais je n'ai pas su résister. Ce qui ne devait me prendre que deux heures maximum en a pris cinq.
— Je suis désolée, je me dépêche.
Je raccroche, retire ma blouse et me lave les mains autant que je peux. Je cours jusqu'à la porte. En passant, j'attrape mon bonnet, mon manteau, mon écharpe, mon sac et mes clés. Dès que j'ai fermé, je slalome entre les piétons en pestant. Pourquoi les gens décident-ils tous de flâner dans les rues parisiennes un samedi en plein hiver ? Il fait trop froid pour sortir ! J'arrive tout de même à ma voiture en un temps record.
Quand je me gare près de chez Éva, il est presque 15 h. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas. Je presse le pas, dépasse le camion de déménagement aux portes béantes et monte rapidement l'escalier jusqu'à son étage. Dans ma course, je percute un mur. Mes bras moulinent pour me rattraper à quelque chose, mais je me sens basculer en arrière. Je prie Sainte Barbra de sauver mon âme lorsque je mourrai et ferme bêtement les yeux. Ne sentant pas mes os se briser en mille morceaux, j'ose ouvrir une paupière puis l'autre. Oh, je suis serrée contre le corps d'un homme d'après les pectoraux que je sens contre ma joue. Je redresse le visage et tente de reculer quand je m'aperçois à qui ils appartiennent, mais il me presse contre lui.
— Bonjour, Justine, dit-il sans me lâcher.
— Elliott. Je pense que je ne risque plus de tomber maintenant.
Il me libère, trop lentement à mon goût. Je descends deux marches pour mettre plus de distance entre nous, je suis obligée de tendre le cou pour le regarder dans les yeux. Mauvaise idée. Comment peut-il être encore plus sexy chaque fois que je le croise ? N'existe-t-il pas une chose qui s'appelle le karma ? Ne devrait-il pas être fardé de boutons, avoir les cheveux gras et une bedaine naissante ? Il n'y a rien de tout ça quand je le regarde. Ses yeux verts, ceux qui m'ont si souvent hanté, sont aussi intenses que dans mes souvenirs. Ses lèvres appellent les baisers, son corps les caresses. Adieu cheveux glissants sur son front, il arbore une coupe presque militaire qui lui va bien. Foutu karma ! Je baisse le regard sur mes doigts tachés de peinture, je n'ose imaginer l'image que je lui renvoie.
— Comment vas-tu ?
— Bien, même si Éva va me tuer parce que je suis en retard.
— Ne t'inquiète pas, elle l'était aussi, rit-il.
Ça ne m'étonne pas, Éva est bien capable d'arriver à la bourre à son propre enterrement.
— Je ferais mieux de me dépêcher.
Il penche la tête sur le côté et ne se pousse pas pour me laisser passer.
— Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus.
Je serre les lèvres pour ne pas lui envoyer dans les dents ce qu'il m'a dit la dernière fois que l'on s'est trouvé seuls.
Un jour, il a ses mains partout sur mon corps, ses yeux luisent d'un désir intense ; nos corps ne pouvaient pas être plus proches l'un de l'autre tant on est collés sur la piste de danse puis il me rembarre. Le lendemain, il me dit à nouveau que c'est une mauvaise idée de se voir. J'aurais dû m'arrêter là. C'est ce que ferait toute personne avec un minimum d'amour-propre, n'est-ce pas ? Pourtant, un soir en désespoir de cause et peut-être aussi avec beaucoup d'alcool dans le sang, je lui ai clairement dit qu'on devrait coucher ensemble. Une seule fois. Sa réponse ? Il espérait que je trouverais quelqu'un qui me rendrait heureuse. Ce n'est pas ce que je souhaitais et ce n'est toujours pas le cas aujourd'hui. Je voulais juste un super moment à l'horizontale ! J'avais alors décidé d'être mature. Je n'allais pas lui dire comment je comptais trouver un mec qui me rendrait heureuse de mille façons différentes... au lit. Les relations sur le long terme ce n'est pas ma tasse de thé. Non, j'ai fait semblant de ne pas être touchée par son rejet puis j'ai préféré l'éviter autant que possible. J'y étais presque arrivé. Bien sûr, je savais qu'il serait présent, mais je ne m'attendais pas à sentir mon cœur ralentir puis se mettre à battre la chamade quand je le reverrai. Je déglutis et penche la tête en arrière et ancre mes yeux dans les siens.
— J'avais des choses à faire.
— Éva m'a parlé de ton départ pour le Portugal.
Je m'occuperai d'étrangler Éva plus tard. C'est un projet qui me tente de plus en plus, mais pour l'instant ce n'est qu'une idée.
— Éva parle trop.
— Que dirais-tu d'aller boire un verre après le déménagement ?
J'en dis que « moi puant le cochon venant de se rouler dans la boue, les cheveux ébouriffés, la sueur collée à la peau » je n'aurai qu'une envie : celle de rentrer chez moi, pas de me retrouver en tête-à-tête avec un homme qui m'a mis un râteau. Avant que j'aie pu ouvrir la bouche pour lui répondre ma meilleure amie débarque en courant dans l'escalier.
— Enfin vous voilà ! Je commençais à m'inquiéter.
Elle me fait un câlin et attrape ma main tout en discutant pour m'emmener jusqu'à son appartement.
— Tu verras, il n'y a presque plus rien à faire.
Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et me rends compte qu'Elliott ne me quitte pas du regard. Je pourrais balancer un peu plus mon bassin, mais ce n'est pas mon genre. Pas du tout.
Je sors Elliott de mon esprit. Plus vite, on finira ce déménagement, plus vite je pourrai mettre de la distance entre nous. Je me fige sur le seuil de l'appartement d'Éva.
— Tu te fous de moi ?
Incrédule, mes yeux parcourent le moindre mètre carré visible, et je n'y vois pratiquement aucun changement. Il y a bien quelques cartons prêts à être mis dans le camion, mais pour le reste, tout est exactement à la même place. Je me tourne vers Éva qui m'offre une mine contrite. Elle m'avait demandé de venir l'aider dans la semaine pour les faire avant de me dire qu'elle allait le faire toute seule. J'ai insisté, mais face à ses refus répétés, je lui ai fait confiance. Visiblement, je n'aurais pas dû le faire.
— Je suis en retard.
— Sans blague ! Est-ce qu'un jour, tu seras à l'heure ?
— À mon mariage ?
Je la foudroie du regard et soupire. Je dépose mon sac par terre et retire toutes les couches de vêtements possibles – doudoune, écharpe, bonnet, pull – et m'étire.
— Où est ton futur mari ?
— Il est encore en déplacement.
— La chance, grogné-je. Allez, au boulot !
***
Ce qui ne devait durer qu'une journée nous en a pris deux. J'ai dû supporter la proximité avec Elliott, en feignant ne pas avoir envie de prendre mes jambes à mon cou.
Épuisée, je m'affale dans le canapé, dernier vestige de la vie de célibataire d'Éva. Cette traîtresse m'a abandonnée avec Elliott pour soi-disant déballer le nécessaire pour sa première nuit dans sa nouvelle maison.
— Alors ce verre ? m'interroge Elliott en s'asseyant à côté de moi.
Son débardeur gris lui colle au torse et révèle un corps à damner, je ne parle même pas de ses mollets sur lesquels mon regard s'est arrêté plus d'une fois. Je suis devenue une fétichiste des mollets ! Dieu, venez-moi en aide !
— Dans tes rêves, lâché-je en fermant les yeux.
Après autant d'effort, mon tact s'est fait la malle depuis très longtemps.
— Pourquoi ?
J'ouvre les paupières et me demande si je dois l'étrangler maintenant.
— Merde, Elliott ! Réfléchis deux secondes à ce que tu me demandes. Pourquoi prendrais-je un verre avec un homme qui m'a dit qu'il ne voulait pas coucher avec moi ? Est-ce que tu penses à la gêne que je peux ressentir à être près de toi ?
Mon petit discours a au moins le mérite de lui clouer le bec. Je ferme les yeux et renverse la tête en arrière. Je veux rentrer chez moi, me doucher et enfiler des vêtements propres. Me pelotonner dans un plaid avec un chocolat chaud me semble une meilleure idée que de me retrouver seule avec Elliott dans un bar.
— Je suis désolé.
Je me lève d'un bond.
— Pas besoin d'excuse. Tu as tout à fait le droit de dire non, je te demande simplement de ne pas enfoncer le clou.
— Ce n'est pas ça, c'est...
— On ferait mieux d'y aller, le coupé-je.
Je jette un regard noir au canapé.
— Dis-moi, comment est-on censé bouger ce truc ?
Il se lève à son tour. Ses yeux passent du canapé à mon corps, s'arrêtant bien plus sur ce dernier que nécessaire. Ses sourcils se froncent sous la concentration puis il se mord la lèvre inférieure. Mon cœur s'emballe quand je m'imagine faire la même chose. Mes mains parcourent son corps avant d'attraper ses cheveux et de le plaquer contre le mur pour l'embrasser jusqu'à manquer d'air. Il est vraiment temps que ce déménagement se termine et que j'arrête de rêver. Je me racle la gorge ostensiblement et il se ressaisit.
— Tu te sens de prendre l'autre côté ?
— Bien sûr.
Un jour, ma fierté me tuera.
J'avale une grande goulée d'air quand Elliott se place à l'opposé et après son décompte on soulève le meuble. Nous avons à peine dépassé le seuil que mes pauvres muscles crient déjà à l'aide.
— Pause, soufflé-je comme un bœuf.
Dès que les pieds touchent le sol, je m'appuie contre le mur et ferme les yeux. Je vais y arriver. Je ne laisserai pas ce foutu canapé m'humilier. Plus vite j'y arrive, plus vite je pourrai rentrer chez moi panser mes plaies. Plaies qui n'ont rien à voir avec le fait d'être près d'Elliott, plutôt avec le fait qu'il soit témoin de ma faiblesse musculaire, bien sûr. Mon front se plisse quand j'entends un reniflement. J'ouvre les yeux et aperçois Elliott plier en deux sur le dossier du canapé, la tête basse et les épaules secouées de tremblements.
— Elliott, tu vas bien ?
Je me rapproche légèrement, prête à lui venir en aide s'il se sent mal. Il lâche un grognement que je n'arrive pas à interpréter.
— Elliott ?
Il se redresse, mais se détourne trop rapidement pour que je puisse voir son visage. Je m'avance encore et m'aperçois que ses joues sont baignées de larmes. Il me faut du temps pour comprendre pourquoi.
— Enfoiré, sifflé-je en le frappant sur le torse, tu te moques de moi !
Là, il ne se retient plus et s'écroule sur le canapé en riant tellement fort que j'ai peur que les voisins portent plainte pour tapage nocturne.
— Je suis désolé, dit-il entre deux hoquets.
J'ai envie de lui sauter dessus et de l'étouffer avec un des coussins de ce foutu canapé. Je croise les bras contre ma poitrine et m'empêche de partir d'ici sans un regard en arrière.
— Tu as fini ?
— Tu aurais dû voir ta tête.
Je grimace. J'imagine très bien mon expression pendant l'effort. Les dents serrées, le front plissé, la souffrance clairement visible dans le regard. Pour résumer, une tête de constipé. Mon charme est parti se réfugier dans un coin de cet appartement sûrement accompagné de ma dignité. Je foudroie Elliott des yeux, il lève les mains en signe de reddition. Une fois calmé, il se redresse et s'avance soudainement vers moi. Je recule et bute contre le mur. Ses doigts repoussent les mèches qui collent à mon front.
— Tu étais adorable.
Mes paupières s'étrécissent. Je ne suis pas adorable ! Je suis sexy, intelligente, drôle... Pas adorable ! Mon cœur s'emballe quand il réduit encore la distance entre nous. Mon souffle se bloque.
— Ah, les enfants ! Je me disais bien que je vous avais entendus ! s'écrie Paula en se mettant juste à côté de nous.
Je repousse Elliott et fais face à ma meilleure amie du jour. J'ai envie de la prendre dans mes bras pour m'avoir empêchée de faire une connerie.
— Bonsoir Paula, m'exclamé-je.
Je lui fais un signe de la main, hors de question de partager ma sueur avec quelqu'un d'autre.
Même pas une ex-star de Formule 1 ?
Surtout pas !
— Comment vas-tu, ma petite ?
— Comme vous pouvez le remarquer, Elliott et moi essayons de descendre le canapé.
Elle se tourne vers Elliott et le détaille longuement, je me retiens de la réprimander. Qu'il se dandine sous le regard salace de Paula !
— Elliott, tu n'es pas revenu voir ma collection, je suis déçue.
Je tousse pour cacher mon gloussement. Puisque je sais ce qu'entend Paula par collection, ça ne m'étonne pas qu'Elliott soit aussi rouge. Avant qu'il ait pu lui répondre, elle reprend la parole :
— Greg est à la maison, je peux lui demander de l'aide si vous voulez.
Mon regard se pose sur le meuble maudit puis sur Elliott.
— Si ça ne le dérange pas, ça sera avec plaisir.
— Il adore donner un coup de main.
Elle redescend pour le rejoindre. Je m'appuie contre le mur, mais d'un coup des images de ce qui aurait pu se passer avec Elliott traversent mon esprit. Je secoue la tête, il n'aurait rien fait. Ses lèvres ne se seraient pas posées sur les miennes, je n'aurais pas pu les goûter une nouvelle fois. OK. Il est temps que je m'éloigne. Heureusement pour moi, Greg arrive à ce moment-là. Je le détaille et il se peut que je sois obligée d'essuyer la salive qui dégouline le long de mon menton. Large d'épaules, visage angélique, sourire éblouissant. Il est très sexy. Dommage qu'il soit en couple, ça ne veut pas dire que j'aurai eu une chance avant, mais comme je le dis toujours qui ne tente rien n'a rien.
— Bonsoir Greg, c'est très gentil de nous aider.
— Pas de souci.
Je retiens un soupir en voyant son sourire s'agrandir. La vie est vraiment injuste. Je sens les yeux d'Elliott sur moi, mais je reste concentré sur Greg et Paula qui discutent. Quand Greg se tourne vers l'homme que je fuis, je me mets en retrait à côté de Paula et les admire soulever le canapé. Les muscles de leur bras et de leurs cuisses se crispent, les mâchoires se serrent, les pectoraux ressortent. Mon regard doit parler pour moi. Je suis tellement superficielle et je l'assume totalement. Je ferme rapidement l'appartement d'Éva à clé avant d'oublier et les observe descendre.
— Quel magnifique spectacle, me murmure Paula.
Je me contente de hocher la tête. Elle m'a ôté les mots de la bouche. On les suit de près jusqu'au camion.
— Merci mec, dit Elliott en serrant la main de Greg.
— Ça va aller pour décharger ?
Le regard d'Elliott se porte sur moi, ses lèvres se pincent pour retenir un éclat de rire. C'est un miracle si je ne lui fais pas un geste obscène.
— On se débrouillera.
Je me tourne vers Paula et la remercie également.
— Je viendrai bientôt vous voir, lui annoncé-je.
Ce n'est pas parce qu'Éva n'habite plus ici que je ne lui rendrai plus visite. Je me suis vraiment attachée à elle et puis mon atelier n'est pas si loin.
— Tu as intérêt ! File et promets-moi d'élargir tes horizons, ajoute-t-elle en dévisageant avec insistance Elliott qui s'installe derrière le volant.
— Je pense que je vais regarder dans une autre direction.
Son expression devient pensive. Voilà un air qui n'annonce rien de bon chez elle.
— Regarde vers le bas. Au niveau de la taille si tu vois ce que je veux dire.
— Paula ! s'exclame Greg qui vient de nous rejoindre.
Elle hausse ses frêles épaules et j'éclate de rire.
— Je vais y penser, lui glissé-je à l'oreille.
— Fais mieux que ça. Touche !
Je m'écarte en secouant la tête, un énorme sourire sur le visage. Je leur fais un signe de la main et monte aux côtés d'Elliott. J'étends mes jambes et baille à m'en décrocher la mâchoire.
— Éva devrait nous payer pour son déménagement, grogné-je.
— Je suis d'accord. D'ailleurs, elle va le faire sous forme de grandes pizzas.
— Ça me va.
J'envoie un message à Éva pour la prévenir qu'on part de chez elle.
[Vous êtes toujours en vie ? Moi qui pensais que vous vous entretueriez]
[Traîtresse ! Tu me paieras un brownie en supplément pour la peine]
[J'ai mieux que ça !]
Je reçois une photo de verrines de profiteroles accompagnées de crème, d'un coulis de chocolat et de chantilly par-dessus le tout.
[J'en prendrai deux ! Je le mérite puisque tu m'as obligée à supporter ton frère pendant deux jours]
J'en salive d'avance et mon ventre gargouille bruyamment. Je fusille du regard Elliott quand il se met à rire.
[Tes yeux avaient l'air d'apprécier la vue, mais soit, marché conclu !]
Je n'appréciais rien du tout. Je me contentais d'imaginer de quelle façon je pouvais le tuer pendant ce déménagement pour que ça ait l'air d'un accident. Rien à voir avec des images de lui en sueur pour une toute autre raison que ce déménagement.
— Vivement qu'on arrive et que je me débarrasse de toi, soufflé-je en m'enfonçant dans le siège alors qu'il rit toujours.
— Oh, tu es loin d'être débarrassé de moi, Justine.
Mes sourcils se froncent. J'ouvre la bouche pour lui demander ce qu'il entend par là, mais je préfère ne pas lui donner de munitions.
Quand il se gare devant chez Éva, sa phrase tourne en boucle dans mon esprit. Je questionnerai sa sœur pour savoir si elle a une idée. En attendant, je vais faire comme s'il n'avait rien dit. L'autruche, je sais très bien la faire. J'ouvre la portière et m'échappe.
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