Le lendemain, juste après le dîner, Juliette a décidé de faire ses devoirs de mathématiques. Les crayons jaune, orange, rouge et rose sont alignés sur la table à côté d'elle. Tout à coup, son frère entre dans la pièce en grand fracas et appuie sur un spray pour libérer un nuage de lavande :

    « Pouah ça sent trop mauvais ! Et en plus tu m'as déconcentrée, j'étais en train de faire des additions !

    — Comment ça, « ça sent mauvais » ? Tu n'aimes pas la lavande ? demande Raphaël.

    — Non, ça me donne mal à la tête. Comme les mathématiques d'ailleurs.

    — C'est dommage...

    — Pourquoi ?

    — Parce que c'est à ça que ressemble le violet : à la lavande et aux énigmes. Et moi, j'aime beaucoup le violet : c'est mystérieux et sophistiqué, c'est élégant.

    — Oui, mais pour moi c'est trop compliqué, et je n'aime pas les choses compliquées. Je préfère le jaune ! C'est plus rigolo.

    — Pourtant tu es curieuse Juliette !

    — Pourquoi tu dis ça ?

    — Parce que tu demandes toujours « pourquoi », répond Raphaël en riant. Le « pourquoi » c'est un mot violet.

    — Les mots aussi ont des couleurs ?

    — Parfois. Par exemple, « colère », c'est rouge. 

    — Et « philosophe » ? »

    Raphaël fronce les sourcils, étonné du choix de sa sœur :

    « « Philosophe » c'est violet. Mais pourquoi ce mot ?

    — Parce que papa dit toujours que tu es trop philosophe et qu'il ne comprend rien à ce que tu dis. Tu es trop « violet » pour lui. Les gens aussi ont des couleurs.

— Ça veut dire que tu ne m'aimes pas ? dit Raphaël, chagriné.

— Pourquoi tu dis ça ? s'étonne sa sœur.

— Parce que tu as dit que tu n'aimes pas le violet. »

Juliette pose son crayon et réfléchit un peu avant de répondre :

« Non mais tu n'es pas que violet Raphaël. Les gens en fait, ce sont des coloriages : ils sont faits de plein de couleurs différentes. »

Surpris par la remarque de sa petite sœur, Raphaël ne trouve qu'une chose à lui répondre :

« Toi aussi tu es un peu violette Juliette, que tu le veuilles ou non ! »