Chapitre XII♡

L'eau gelée qui m'enveloppe de sa froideur, ses mains tièdes qui agrippent les miennes et sa voix qui me crie :

— Ne remue pas tes jambes, je te dis ! Non, pas comme ça ! Écarte tes jambes et replis-les ! Dit-il alors que je suis sur le ventre à essayer de garder mon souffle la tête sous l'eau.

— C'est trop dur ? Je ronchonne après avoir sorti la tête hors de l'eau. La mer est trop lourde en plus...

— Muscle-toi les jambes alors, sinon tu ne réussiras jamais à nager. En plus le mouvement des jambes, c'est le plus simple à faire !
—Faux, c'est mieux de taper l'eau !
—Oui... Bon aller, recommence. Il ne va rien t'arriver, je te tiens.

Alors qu'il se place à côté de moi pour poser ses mains sur mon ventre pour me maintenir, une sonnerie nous interrompt.

— Ça doit être maman, je marmonne alors que je commence à nager vers le sable.

— Tu te débrouilles finalement ! S'exclame-t-il en me voyant nager.

Perturbée par sa remarque positive, je panique brusquement et remue des bras ainsi que mes jambes. La nage du petit chien, la seule que je sais faire.

— T'y étais..., se plaint-il désespéré.

— Tu viens au lieu de te lamenter sur ma nage de chien mouillé ? Je l'interpelle alors que je sors de l'eau.

— Ouais... j'arrive, crie-t-il en me rejoignant.

Je me sèche avec ma serviette puis prends mon téléphone pour rappeler ma mère :

— Allô, Maman ?

— Ma puce on va manger, venez à l'hôtel !

— OK, mais on n'est pas encore sec.

— Pas grave, on mangera sur la terrasse.

— D'acc, on arrive alors.

— À tout à l'heure !

Je raccroche puis range mon Samsung dans mon sac avant de me retourner vers Evan qui est en train de boire. Je ne peux pas m'empêcher d'observer cette goutte d'eau qui descend le long de son cou... C'est.... Punaise, Eileen calme tes hormones d'adolescente ! Je secoue la tête et me tape les joues pour me ressaisir mais mon geste attire l'œil de ce dernier.

— Ça va ?

— Ouais, ouais. Ça va, je réponds vite fait en louchant une demi-seconde sur son cou.

— Arrête de me regarder comme ça Chaton, dit-il subitement d'une voix calme.

— Quel regard ? Je bredouille.

— Celui que tu fais quand tu mates mon cou.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

Il s'approche de moi, me chuchote à l'oreille :

— Si tu continues comme ça, tu finiras comme ces filles. Folle amoureuse de moi...

— C'est peut-être toi qui l'es, je rétorque.

— Quoi ? Dit-il en s'éloignant de moi.

— Fou de moi ? Je le provoque en m'approchant de lui.

En voyant son regard surpris par mes paroles, il reste planté comme une statue avant de rire en penchant la tête alors je rigole avant de ranger toutes mes affaires. Une fois fait, je lui dis :

— Alors ? On y va ?

Après être arrivés à l'hôtel, on se dirige vers la chambre de ma mère et Stephen. Je sens un regard qui persiste sur moi en continu, ça me déstabilise, me perturbe. En retournant la tête, je croise le regard du brun, celui à qui appartient ce regard perturbateur qui ne me lâche pas. Je le défi du regard quand soudain il me dit :

— Comment ça ce fait que tu sois aussi ouverte, maintenant je veux dire.

Sa question me perturbe encore plus, je n'aurais pas dû provoquer sa question.

— Je n'en sais rien. Je suis peut-être à l'aise avec toi.

Il hoche de la tête en esquissant un petit sourire au coin des lèvres.

Devant la porte de chambre, on toque puis la porte s'ouvre aussitôt sur Austin qui nous regarde blaser.

— Ils sont arrivés ! Crie-t-il.

— Ravi de te voir aussi. Lâche froidement Evan.

Les deux se défient du regard, ils ne se quittent pas des yeux. Ça en devient presque déstabilisant, j'ai l'impression d'être une plante verte à côté d'eux. Je ne sers à rien. Ma mère les interrompt avec son sourire mielleux de bonheur car elle s'exclame face à Evan, heureuse de le voir. Puis elle vient vers moi et me fait un gros bisou baveux, je fais la grimace en lui disant d'arrêter tellement je suis mal à l'aise.

On s'installe à table, dehors, Stephen nous rejoins avec le plat. Aucun son ne sort. Il n'y a que le bruit des couverts qui frotte l'assiette, la discussion des adultes qui fait bruit de fond. Mais maman se dirige aussitôt vers Evan, pour lui demander :

— Alors Evan ? Les cours de natation se passe bien ?

— Ça avance lentement mais elle peut y arriver, lui répond-il avec le sourire tout en me prenant la main.

— Fantastique ! S'exclame-t-elle. Elle a arrêté subitement de nager comme si elle avait oublié comment faire, je te remercie d'être là.

— Je vous en prie, ça me fait plaisir de l'aider.

Austin se met d'un coup à glousser en pouffant de rire. Toute la table le regarde d'une drôle de façon sauf Evan qui le regarde avec une haine inimaginable. On dirait qu'il est prêt à remettre en cause le geste de mon si charmant beau-frère.

— Qu'est-ce qui te fait rire, Austin ? Bégaie ma mère mal à l'aise.

— Juste qu'elle ne sache pas nager me fait rire, éclate-t-il de rire, nan mais sérieux c'est pitoyable !

— Austin ! Crie Stephen, Ne te moque pas de ta sœur !

— C'est juste ma belle-sœur. Pas ma sœur, Répond-il en se levant de table pour partir aussitôt.

— Bon..., soupire ma mère gênée.

— Je vais allez lui parler, dit Stephen en embrassant le front de ma mère avant de partir.

Le silence est pesant, un sentiment de gêne s'est installé depuis qu'il a lâché sa réflexion haute et fort. Je sais que c'est honteux de ne plus savoir nager à mon âge mais qu'est-ce que j'y peux ? Il ne sait pas ce que j'ai vécu, personne le sait à part les coupables et les témoins. Sinon, personne ne sait d'où vient mon blocage. Je suis persuadé que si Austin le savait, il s'en serait royalement foutu. C'est un je m'en foutiste, un égoïste, un gamin qui a mon âge. Je ne suis pas sûre non plus que mes proches comprendraient... C'est tellement stupide. Stupide de ne plus savoir nager.
Le brun se met à tousser, me faisant réagir. Je retombe brutalement dans la réalité et croise son regard posé sur moi.

— Ça va ? Me chuchote-t-il.

— Ouais, ça va, je réponds.

— Vous êtes adorable, s'extasie ma mère avec un regard attendrissant. D'ailleurs, demain il y a une fête foraine et j'ai deux billets si vous voulez !

— Merci beaucoup, madame ! Dit Evan.

— Comment ça se fait que tu les as ?

— Je comptais y aller avec Stephen mais vous êtes si mignons, je préfère que vous y alliez !

— Merci maman !

— De rien, bon allez au lit ! Demain une fête foraine vous attend ! Se réjouit-elle.

On quitte la chambre après avoir dit au revoir à ma mère avec un énième merci pour les billets.

Ça fait longtemps que je ne suis pas allez à la fête foraine, la dernière fois qui j'y suis allée ça ne sentait pas la barbapapa et ce n'était pas aussi rose que cette sucrerie. Mais en pensant à demain, je ne ressens pas d'angoisse. Je devrais en ressentir mais rien. Sa présence m'aide-t-elle à m'élever ? Je me sens peut-être rassurée quand il est là, avec moi, auprès de moi, son regard sur moi, sa main sur moi, ce surnom qu'il me donne est comme une protection. Des ailes d'ange qui me protègent contre les balles des moments passés qui sont encore une partie obscure de ma mémoire...
Je saute sur le lit rebondissant à mon contact. Je ne sais pas pourquoi, mais je souris.

— Eileen ! Crie Evan derrière la porte après avoir toqué.

— Oui ? Bonne nuit !
—T'as toqué juste pour me dire ça ? Je demande, étonnée.

— Bah oui, on n'est plus trop rien entre nous. Plus des inconnus quoi... Bref je vais me coucher ! Bredouille-t-il.

Musique à fond dans la chambre, je choisis la tenue idéale pour la fête foraine. Je crois que je suis trop à fond alors que ce n'est même pas un rencard. Depuis quand je m'intéresse à mon apparence ? Je farfouille dans le placard à la recherche de LA tenue ! Mais il n'y a rien ou c'est moi ?

— T'es prête ? Hurle Evan derrière la porte.

— Non, je suis encore en pyj !

— Ça fait déjà quinze minutes que t'y est !

— Désolée, je me dépêche !!!

Une fois prête, après cinq minutes d'attente en plus pour mon fake boyfriend, je sors enfin de ma chambre pour son plus grand plaisir. Je le retrouve avachi sur le canapé, la tête en arrière tel un paresseux.

— T'en a mis du temps, se plaint-il.

— Désolée, on y va ? Je lance prête à partir.

— Enfin..., s'exclame-t-il.

On arrive à l'entrée de la fête foraine, des lumières de partout, du monde de partout et la musique à fond. Ça fait comme une boîte de nuit mais en extérieur et avec des attractions ! Je me retourne toute excitée vers

Evan et lui dit :

— On fait la chenille ?

— Quoi ? Sérieux ? Soupire-t-il. C'est l'attraction la plus ennuyante avec les manèges pour bébés !

— Et alors ? C'est à mon niveau je te signale !

— T'as jamais essayé des manèges à sensation forte ? S'étonne-t-il.

— Non, ça me fait flipper.

— Aujourd'hui, c'est ton jour de chance ! S'exclame-t-il avec un regard sadique.

Je le regarde apeurée, je dois m'attendre à déguster des manèges atroces qui retournent le ciboulot. Il veut que je perde la boule encore plus que mon cœur ou quoi ? C'est bien la chenille, c'est bien mieux, c'est calme, c'est bien...
Après avoir fait la chenille que j'ai adoré malgré mon vertige, il prend ma main et m'emporte aussitôt avec lui direction un manège à sensations fortes. Il me dit sur le chemin pour me rassurer :

— T'inquiètes, c'est easy celui-là !

Ou pas. Sans blague, je ne vais pas survivre ! C'est carrément l'attraction qui te fait vomir ! Devant le manège, je regarde les personnes souffrir dans l'attraction à hurler comme des belettes. Ils tournent en rond à grande vitesse.

— Et c'est reparti dans le sens inverse ! S'exclame le forain.

Je crois que je vais vomir. Ça ?! Ça c'est easy ? Non, non, non. C'est un suicide vu comment ça tourne ! Ils ne perdent pas la boule en faisant ça vu la vitesse ? J'aurais déjà perdu tous mes neurones ! D'ailleurs, il y a des chances pour que je les perde... Je regarde Evan un instant, il est concentré sur l'attraction. Je devrais en profiter pour m'éclipser. Je recule de quelques pas avant de me retourner discrètement quand soudain une main m'arrête. Je me retourne. Mince, c'est Evan, il m'a grillée. Je souris comme une enfant qui a fait une bêtise face à lui, il me regarde en mode Lucifer puis d'un coup je vois les personnes descendre de la tornade infernale. Je n'ai pas le temps de plus regarder que ça, qu'Evan m'emmène déjà avec lui. Je me retrouve à côté de lui, dans le manège, la barre abaissée à nos jambes pour notre soi-disant sécurité.
Je le regarde, tremblante, puis lui dit :

— Tu veux ma mort ?

— Moi ? S'étonne-t-il ironiquement, pas du tout.

— Mon oeu-

Même pas le temps de finir ma phrase que le manège de l'enfer démarre prenant une grosse accélération.

— C'était incroyable ! S'exclame-t-il alors qu'on sort du manège.

— Ouais super ! J'ironise, la voix éraillée, les jambes tremblantes et sur le point de lâcher une avalanche de vomi.

— Tu veux t'asseoir ? S'inquiète-t-il. T'es toute blanche.

— Bien sûr que je le su-

Je m'arrête net en m'accrochant soudainement à son t-shirt, sentant le vomi répugnant à deux doigts de sortir.

— J'ai envie de vomir, J'admets rapidement.

— Quelqu'un n'aurait pas un sac ? Crie-t-il en demandant aux gens.

— J'en ai un ! S'exclame quelqu'un en arrivant, tenez ! Dit la dame.

— Merci beaucoup, la remercie-t-il, tie-

Je ne lui laisse pas le temps de parler que je lui arrache le sac des mains pour cracher tous ce que j'avais mangé ce matin... C'est-à-dire mon délicieux pain grillé avec du beurre et mon chocolat...
Je n'ai pas besoin de regarder à côté de moi pour sentir qu'on me regarde.

— Regarde maman, commente une fillette en me pointant du doigt, elle vomit.

— Ça fait partie de la vie, dit sa mère d'un ton dégoûté.

— Allez viens, je t'emmène, Intervient Evan en soupirant, on va aller s'asseoir.

Il me prend par la taille tandis que je garde le sac non pour vomir mais pour cacher ma bouche dégoûtante.

Une fois sur le banc, le plus éloigné de la population, je me mets en boule. Je ne trouve rien d'autre à faire pour cacher cette humiliation.

— Ça va ? Me demande-t-il en me caressant le dos.

— C'est gênant..., je murmure.

— Mais nan...

— Arrête de mentir.

— OK, tu veux que je sois honnête ?
J'hoche la tête.

— Alors oui, c'est dégoûtant et gênant.

— Finalement, j'aurais préféré que tu te taises.

Il se lève soudainement et s'en va. J'ai dit quelque chose de mal ? Il est parti ? Il m'a laissée tomber ? Des gens me regardent avec pitié. J'ai l'air pitoyable à être larguée comme ça, comme une chaussette... Je place ma tête dans mes bras, me concentrant uniquement sur le son du vent, le bruit des feuilles, des oiseaux et des gens qui marchent.

— Hey, chaton ?

— T'es pas parti ? Je l'interroge surprise après m'être redressée.

— J'étais parti acheter une barbapapa.

Mon cœur se serre. Ça peut paraître égoïste mais j'ai envie d'une barbapapa, il en a acheté une mais pas pour moi aussi. Je suis trop égoïste je crois...

— Tiens, Lâche-t-il le bras tendu vers moi avec la sucrerie.

— Quoi ?

— C'est pour toi, je t'en ai acheté une, Dit-il, Manger une sucrerie c'est comme manger un médoc, ça guéri les blessures du cœur. Surtout la barbapapa.

— Je pensais que tu l'avais acheté pour toi. J'avoue gênée.
— J'en n'avais pas trop envie, je me sens bien là.
—Merci, Je dis en prenant la barbapapa avant qu'il ne s'assoie sur le banc.
—Attends avant de la manger, se précipite-t-il en fouillant dans ses poches.
— Pourquoi ?

Il sort un mouchoir de ses poches et s'approche soudainement de mon visage avant de me prendre par la joue délicatement pour m'essuyer la bouche... Oh non ! Je rougis aussitôt, c'est trop humiliant ! Il s'écarte de moi avant de jeter le mouchoir à la poubelle.

— Voilà, c'est bon ! S'exclame-t-il. Ça va ?

— C'est trop gênant !

— Mais non, ça va c'est juste du vomi.

— T'as dit tout à l'heure que c'était dégoûtant et tu m'essuies la bouche ?!

— T'aurais préféré rester comme ça ? Se retient-il de rire.

— Non..., je bredouille après avoir réfléchi.

— Bah voilà, merci qui ?

— Merci...Poussin ! J'éclate de rire.

— Non mais... Aucun respect toi.

— Oh... Tu boudes ? Dis-je en tapotant sa joue avec mon doigt.

— Tu l'auras voulu, lâche-t-il avant de mordre un bout de ma barbapapa.
— Hey tu me l'avais donnée ! Je riposte en tapant son épaule tandis qu'il rigole la bouche pleine.
— Fallait pas me chercher Chaton, Dit-il après avoir approché son visage du mien.
— Vient pas aussi près...
— Tu rougis, sourit-il.
— Moi ? Pas du tout ! Je bredouille.
—Menteuse..., Dit-il à voix basse.
— On va à la plage ? Demande-t-il après s'être redressé d'un coup.
— Maintenant ? Il commence à faire nuit !
—T'inquiètes, un bain de minuit ne tue pas, plaisante-t-il.

Il prend ma main et se met à courir vers la sortie du parc. On arrive à la plage. Je m'arrête, lâchant sa main, pour observer ce magnifique couché de soleil m'éblouir de sa splendeur. Parmi toutes les choses qui existent, le ciel reste la seule chose aussi magnifique et plus beau qu'un tableau.
Soudain mes yeux divaguent vers le dos parfaitement sculpté qui se trouve à quelques mètres de moi. C'est lui, qui se met à se déshabiller ! Heureusement il n'est pas proche de moi, je serais déjà tombée dans les vapes.... Mais qu'est-ce que je raconte-moi ? Je ne vais pas bien ?
Un rire m'interrompt dans ma crise de jeune adulte innocente.

— Pourquoi tu te tapes les joues ? Demande-t-il avec son sourire au coin des lèvres, La vue te plaît ?

Je me mets aussitôt à rougir. Tandis que lui lâche un petit rire avant de courir pour rejoindre la mer tranquille.
Après avoir remuer la tête une dizaine de fois pour me sortir ces images incr... obscène qui me font tourner la tête. Je cours le rejoindre en arrivant brusquement derrière lui pour l'éclabousser.
On s'assied essoufflés sur la plage, en rigolant comme des patates après notre bataille d'eau. Je n'ai pas eu peur. Je suis restée dans l'eau, sans penser à la peur qui me dominait il y a quelque jour. C'était comme si je m'étais retrouvée, comme si je n'avais jamais perdu cette faculté de nager.

— Hey..., m'interpelle-t-il après avoir repris son souffle, comment ça se fait que tu ne savais pas nager ?

— Que je ne savais plus, je le corrige.

— Que tu ne savais plus alors.

— Ce serait trop long à expliquer, il faudrait que je te raconte tout depuis le début...

— Raconte-moi.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas...J'en ai envie je crois.

Son regard me perce les rétines, me provoquant mille papillons dans le creux de mon ventre, jusqu'à en affoler mon cœur qui est prêt à sortir de ma poitrine.
Raconter ma vie, la naissance de certain traumatisme. Raconter mon histoire... Tout cela devrait me terrifier me faire fuir, me rendre muette.
Et pourtant, je ne ressens rien de tout cela.

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